14. S'entrainer à être à la Hauteur


Alors que je passais la porte de la maison, je tombais directement sur ma Grand-mère qui m'attendait en brandissant fièrement une nouvelle tournée de cookies. En voyant ma mine déconfite, son sourire disparut et elle soupira profondément. Ouais, je sais. Moi aussi j'en avais marre de rentrer le cœur gros, sachant que le lendemain apporterait d'autres problèmes plus douloureux encore... Je forçais un sourire rassurant, qui ne duperait même pas un aveugle. Mais aujourd'hui je n'étais vraiment pas d'humeur à faire semblant. Ma Grand-mère posa son plateau et me caressa la joue en déclarant :

- Au moins, je suis contente que tu y sois allé. Tu as pus t'entrainer un peu ?

Je haussais les épaules. Je m'en voulais de n'avoir pas saisis la chance que nous offrait les Villageois en nous laissant le temps pour nous entrainer. Une fois à l'Extérieur, l'entrainement serait plus dur, je le savais. Je décidais alors de m'entrainer seule le reste de l'après-midi. Heureusement la maison, qui avait toujours appartenue à des Chasseurs, comportait un sous-sol aménagé en salle d'entrainement. J'engloutis un cookie avant d'y descendre rapidement, munie par l'énergie. Energie qui provenait directement de mon stresse, de ma peur d'échouer une fois Dehors. La pièce était très grande, même si le plafond n'était pas très haut, et bien insonorisée. La lumière diffuse venait des petites fenêtres qui rasaient la pelouse du jardin, mais surtout des néons au plafond. La salle était divisée en deux. Le sol de la première partie était tapissé de moquette pour amortir les chutes, avec était un ring où je pouvais m'entrainer au corps à corps, ou alors me défouler sur le sac de frappe. La seconde était une piste de tir, à l'arc ou aux armes à feu. Je décidais de commencer par là et m'approchait d'un placard dont je sortis une mallette argentée, contenant diverses armes qui appartenaient à ma famille depuis longtemps. Je l'ouvris et un sourire nostalgique s'installa sur mes lèvres. Je me souvenais très bien que mes parents passaient beaucoup de temps ici, à s'entrainer ou à s'occuper de leurs armes, celles que j'avais désormais en ma possession.

Je me saisis d'un révolver que mon père adorait autrefois. Je le soupesais, il n'était pas lourd mais surtout très pratique à transporter. Mon père aimait les armes à feu, pas moi. Elles me stressaient, mais je savais qu'elles seraient plus utiles dans le Grand Nord que mon arc. Je me dirigeais vers la piste de tir et me plaçais face à la cible représentant la forme d'un homme. Seuls ses yeux rouges lui donnaient vie. Je serrais mon poings sur la crosse du révolver, me remémorant les conseils que m'avait donné mon père. Car, alors que les filles de mon âge jouaient encore à la poupée, moi, j'apprenais à me servir des armes de mes parents. Si je me prenais à aimer utiliser ce révolver, c'était parce qu'il me permettait de montrer à quel point je savais être précise et rapide, parfois. J'agissais toujours plus vite que je ne comprenais les choses... La voix rauque de mon père résonna dans ma tête, accompagnée d'un sentiment de sécurité et de bien-être :

- Avant tout, respires profondément. Tu ne dois pas avoir peur de ton arme, elle fait partie de toi comme un bras ou une main. C'est un prolongement de ton corps, alors rappelles-toi que c'est toi et uniquement toi qui la contrôle. Tu décides. Alors tu n'as qu'à viser et à tirer. Ta balle ira là où tu le souhaites. Respires. Et tire.

Mon doigt appuya de lui-même sur la gâchette et le silencieux remplit son rôle à merveille car je n'entendis que le bruit de la balle traversant l'épaule de l'homme en carton. D'autres suivirent, touchant la pauvre cible au ventre, au cœur et à la tête. Exactement comme moi lorsque je pensais à l'Avenir, ou encore à Ambre et Rick. Ah, Rick... Comme j'aimerais qu'il soit à la place de mon adversaire inanimé à ce moment précis... Ma colère refit brusquement surface et je serrais les dents en observant l'homme tangué sous la violence de mes balles. Je vidais mon chargeur en quelques minutes avant de m'arrêter, tremblante de rage. Décidant que l'homme de carton avait assez souffert pour aujourd'hui, et que ça ne me défoulait pas du tout, je rangeais mon révolver et rejoignais le sac de frappe.

Rien de mieux que frapper quelque chose pour éviter de frapper quelqu'un ! Ma mère me le répétait souvent car elle le faisait énormément elle-même. Comme moi, elle détestait montrer aux autres qu'elle était blessée ou en colère. Alors, elle venait ici. Et elle frapper ce sac. Comme j'étais en train de le faire. J'enchainais les coups de poings, de genoux, de pieds... Mon corps était tendu comme un arc, mes muscles tiraient, mais je continuais. Mon tee-shirt fut rapidement trempé de transpiration et je devais constamment essuyer mon front dégoulinant. Lorsque je fis une pause, j'avais mal partout, mais c'était une douleur nécessaire. Satisfaite, j'avalais une bouteille d'eau et me laissais tomber en tailleur sur la moquette.

En laissant mon regard dérivé dans la salle, je sentis mon cœur se serrer. Mes parents me manquaient toujours autant, malgré les années et toutes mes tentatives pour mettre le passé derrière moi. Même si je savais qu'une nouvelle vie commencerait lorsque j'aurais franchis les Clôtures du Village, l'idée de laisser derrière moi tous ce qui rappelait à eux me rendait malade... Je respirais un grand coup en me répétant que je portais en moi assez de souvenirs pour ne jamais les oublier. Sans les souvenirs et toutes ces petites choses qui me rappellent à quel point je les aimais, je ne pourrais pas continuer à avancer sans craquer. Mes yeux me piquèrent et je gémis intérieurement. J'aurais tellement aimé qu'ils soient là aujourd'hui ! Pour m'épauler, me soutenir. Pour me dire à qu'ils m'aiment et qu'ils sont fiers de ce que j'ai accomplis jusqu'ici. Que je suis forte et que je vais survivre à ça, que la vie est dure mais que tu peux te permettre de souffrir un peu de temps en temps, puisque tu aurais ensuite l'éternité pour souffler. Qu'ils me disent qu'ils ont confiance en moi. Mais surtout, qu'ils me disent qu'ils ne m'en veulent pas lorsque parfois j'échoues ou que je baisse les bras... Je laissais couler mes larmes et laissais les sanglots m'arracher des gémissements. J'entendis à peine ma Grand-mère me rejoindre et me serrer dans ses bras.

Oui, parfois, très souvent même, je craquais. Je pleurais comme une enfant, je pouvais me comporter comme si mes larmes pouvaient effacer toute la douleur. Mais je savais au fond de moi que ça ne durerait pas. C'est pourquoi, après chaque crises de larmes, je sais que je vais me relever et continuer à me battre pour prouver au Monde que je suis forte. Que je suis la fille de mes parents et que je porte en moi leur sang qui me rend si fière.

Je vais réussir l'Examen. Je vais quitter ce Village, et ses habitants. Je vais devenir Chasseresse. Je vais me rendre dans le Grand Nord où je trouverais Titan. Et je vais venger mes parents.

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