V. Fautes et regrets
PDV Minho (eh ouiiiiii, changement !)
Aucun changement. (Non, j'ai pas fait exprès, je le jure !) Enfin, techniquement, si, mais ce sont toujours les mêmes. Toujours les mêmes modifications qui se répètent, inlassablement, tel un cycle infernal. J'ai beau regarder de tous côtés, observer avec le plus grand soin, je ne note aucune particularité ni nouveauté qui viendrait à perturber la formidable routine du Labyrinthe.
Matinée riche en découvertes, en somme.
Mais bon. Il faut bien continuer. Le job de coureur n'est pas à prendre à la légère. Il faut rester attentif aux bruits autour de nous, parfois on trouve des Griffeurs en plein jour, de plus en plus souvent ces dernier temps. Et puis qui sait ? Un jour, peut-être, on verra quelque chose de nouveau qui nous permettra de trouver la sort... Minute. Quoi ? Thomas influence sur moi, c'est pas vrai ! Reprends-toi Minho, soustrais-toi au pouvoir hypnotique de ce suicidaire hyperactif et insupportablement optimiste.
Ledit suicidaire hyperactif et insupportablement optimiste court à côté de moi, notant tout autant que moi l'incroyable évolution des murs du Labyrinthe, mais ne s'en décourageant pas pour autant. Après plusieurs heures, c'est la pause casse-croute. Tout en mangeant silencieusement mon sandwich, je réfléchis. Je ne dirai pas que je suis devin, mais j'ai l'habitude de faire confiance à mon intuition, qui souvent, se révèle juste. Et je ne sais pas pourquoi mais ce matin, je me sentais vraiment mal. Vous connaissez cette impression que la journée va être merdique, et pas qu'un peu ? Bah, c'est ce que j'ai. Et faut dire aussi que cette Danielle m'intrigue. Tous les bleus, à leur arrivée, paniquent. Même Teresa, quoique son sens de la terreur soit un chouïa danger public : personne ne nous avait encore bombardés de cailloux avant elle.
J'ai un peu observé la bleue, hier. Elle semblait curieuse mais pas apeurée. Plutôt... angoissée. Et elle avait l'air de prendre soigneusement en considération chaque information qu'elle recevait, comme si elle était un ordinateur les analysant. On n'aurait pas eu un robot au Bloc, ce mois-ci ? Quoique, plutôt mignonne pour un robot... Et même ce matin, elle était profondément plongée dans ses pensées, mais pas en mode « Oh mon dieu, je suis dans un labyrinthe entourée par une cinquantaine de mecs amnésiques, je risque de mourir ! » ; comme c'est souvent le cas. Plutôt en mode « Il faut que je trouve un plan pour régler cette histoire, sans qu'il ne soit merdique. De préférence. ». Je fronce alors les sourcils en ressassant mes pensées. Bizarre... Comment j'arrive à savoir cela ? Je ne la connais pas cette fille, je ne peux pas prétendre deviner ses pensées. Je ne suis pas télépathe, aux dernières nouvelles ! Pourtant... Je ne sais pas. J'ai comme le sentiment de pouvoir la lire très facilement. Alors que depuis son arrivée, elle affiche en permanence le poker face. En gros : visage concentré mais un peu près impassible, alors que ses yeux expriment une profonde réflexion.
Louche, cette histoire.
Je suis tiré de mes pensées par l'hyperactif de service :
- Minho.
- Hum ?
- Regarde le ciel.
Levant le nez en haut, je fronce les sourcils en constant que le ciel aborde une étrange couleur à mi chemin entre le marron sale et le gris déprimant. De lourds nuages masquent le soleil.
- Bizarre. Je ne me souviens pas que le temps ait un jour été aussi nuageux.
- Tu crois qu'il se passe quelque chose ?
- Que veux-tu qu'il se passe ? répliquai-je, alors que j'étais moi-même curieux et légèrement inquiet.
A chaque fois qu'il s'est passé quelque chose de nouveau au Bloc, une merde est arrivée. On a trouvé un Griffeur mort ? En fait, il jouait la comédie et Alby s'est fait piqué. Une fille arrive ? Elle nous bombarde de cailloux et la Boîte ne redescend plus pendant un mois. Mais tout n'est pas toujours obligé d'aller mal, hein ? Ce ne sont que des nuages, après tout.
Nous continuons à courir dans le Labyrinthe, à faire notre travail. La journée s'avance, je sais qu'il est l'après-midi. Pourtant, les nuages dans le ciel ne s'estompent pas, bien au contraire. Nous avons presque fini nos sections à inspecter. Alors que nous nous rapprochons de plus en plus du Bloc, Thomas s'arrête soudain. Je me retourne vers lui.
- Qu'est-ce qu'il y a ?
- Tu n'entends pas ?
Fronçant les sourcils, je tends l'oreille. C'est vrai que maintenant qu'il le dit, un bruit nous parvient de là. On dirait un sifflement.
- Ça vient du Bloc, s'écrie Thomas en fonçant vers ce dernier.
- Attends ! lui criai-je.
Il ne m'écoute pas et tout en pestant, je le suis. Plus nous nous rapprochons du Bloc, et plus le bruit s'intensifie. Ce sont des sifflements aigus ou de gros souffles qui nous arrivent de manière étouffés. De plus en plus intrigués, j'accélère. Thomas et moi nous engageons dans le couloir qui mène au Bloc... et nous nous figeons de surprise.
Dans le couloir, un groupe de blocards est rassemblé. Tous les bâtisseurs sont là, avec notre bon vieux Gally. Il y a aussi miss Danger Public, à savoir Teresa, Newt et la nouvelle. Ils tournent la tête vers nous, à notre arrivée, alors que nous les contemplons d'un air perplexe. Soudain, Danielle se lève et fonce sur moi. Je n'ai pas trop le temps d'assimiler la situation qu'elle pose ses mains à plat sur moi et me pousse. Pas suffisamment fort pour me faire tomber ou même me faire mal, mais je recule quand même en titubant de quelques pas. Elle pointe un doigt accusateur sur Thomas et moi.
- Vous ! Vous vous foutez de ma gueule ? « Le job de coureur est le plus dangereux, il n'y a que l'élite du Bloc qui peut en faire parti, c'est un travail que personne ne veut, tu risques ta vie, patati, patata... » ! Je me demande lequel de nous trois est épuisé et amoché, hein ?!
Je remarque alors l'état dans lequel elle est. Ses cheveux châtains foncés sont complètement emmêlés et plusieurs brins d'herbe et fines branches de bois y sont coincés. Ses vêtements sont couverts de terre, alors qu'elle est poussiéreuse. Un regard par-dessus son épaule m'informe que le reste du groupe est dans le même état qu'elle.
Teresa se lève aussi et vient vers Thomas, le regard ironique.
- J'avoue qu'elle n'a pas tort. Le Bloc est l'endroit le plus sécurisé hein ? La donne vient de changer, on dirait.
- Qu'est-ce qui s'est passé ? s'inquiète le brun en posant ses mains sur les coudes de Teresa, l'air très inquiet pour elle, pratiquement blême.
Je roule des yeux. Et il ose nier qu'il ressent quoi que ce soit pour cette fille ?
- Figurez vous les mecs, nous lance sarcastiquement Danielle, que pendant que vous faisiez votre jogging quotidien, le temps a décidé de s'éclater avec nous.
- On a eu une tempête, explique l'autre fille. Une sacrée grosse tempête. Je plains la forêt.
- Et les constructions, rajoute Gally en grimaçant. Les moins solides se sont toutes effondrées, et d'autres ont subi quelques dégâts. On va mettre des siècles à réparer tout ça.
- Il faudrait déjà que la tempête se calme, remarque Newt.
Je me penche pour mieux voir. En effet, de là, je peux bien voir des nuages de terre et de poussières se soulever, alors que plusieurs débris roulent. Quelques souffles s'échappent même et pénètre dans le couloir, agitant nos vêtements et cheveux. Mais ceux-là sont très légers, coupés par les énormes murs. Alors, une tempête s'est vraiment abattue sur le Bloc ? C'étaient à cause de ça, les nuages ? Et merde. Je savais qu'il allait se passer quelque chose.
- Ça risque de prendre quelques heures.
Le groupe se tourne vers celle qui vient de parler, qui elle aussi observe la tempête de l'ouverture, pensive.
- Comment tu le sais ? fait Gally.
- Une tempête met toujours au moins quelques heures à se calmer, réplique-t-elle en haussant les épaules. Parfois, ça peut même durer des jours.
Sous les regards surpris ou inquisiteurs des blocards, elle semble soudain se rendre compte de quelque chose avant de se justifier :
- C'est quelque chose dont je me rappelle. Après tout, on se souvient tous de comment marcher, parler et compter, non ? Alors, je pense que certaines données scientifiques n'ont pas quitté nos cerveaux.
Elle a raison. C'était assez déroutant d'ailleurs : comment on pouvait se rappeler de comment construire une cabane, soigner des plaies, cartographier un labyrinthe ou abattre des animaux, mais pas notre date de naissance ou notre nom de famille. Newt hoche songeusement la tête, surement en train de penser la même chose. Alors, les paroles de Danielle semblent enfin monter à son cerveau puisqu'il se redresse d'un coup, alerté.
- Quoi ? Tu veux dire que ça peut durer plusieurs jours ?!
- « Plusieurs », non, rarement. Mais quelques jours, oui. J'espère que ça ne sera pas le cas, soupire-t-elle.
- Moi non plus, lance un bâtisseur. Faut que j'aille aux toilettes.
Gally roule des yeux.
- On se passera de ce genre de détails, mec.
- Mais comment c'est possible ! s'écrie soudain Thomas.
- Je ne sais pas Tommy, soupire Newt. Ça ne nous est jamais arrivé, je suis tout autant dérouté que toi. Il faut croire que d'une manière ou d'une autre, ces maudits Créateurs ont une influence sur notre météo.
- Mais c'est pas de ça que je parle ! s'impatiente-t-il. Une tempête ne peut tout simplement pas se former ici, ce n'est pas possible !
- Pourquoi ça ? s'intrigue Teresa.
Mon ami reste silencieux un moment, les sourcils froncés, avant de relever la tête et s'expliquer, la mine toujours aussi confuse.
- Le Bloc est large, c'est vrai. Mais il est entouré de grands murs qui s'élèvent à des centaines de mètres et l'isolent. Or, les tempêtes sont causées par les progressions de vents et les cyclones. Il n'y a pas assez d'espace pour qu'une puisse s'abattre ici, les murs auraient dû la bloquer ! Sans compter qu'on n'a pratiquement rien senti dans le Labyrinthe, alors ça n'a pas de sens !
Tout le monde est silencieux. Ce n'est quand même pas bête ce qu'il dit. Je ne suis pas le seul à penser ça, apparemment. Danielle le dévisage longuement, avant de s'exclamer :
- Bon sang, mais quelle idiote ! J'aurais dû y penser ! Tu as tout à fait raison Thomas, la configuration du Bloc n'aurait pas dû permettre à une tempête d'une telle violence de s'abattre, et ce pendant plusieurs heures ! Mais puisqu'on en est à parler logique, explique-moi donc ça à ton tour : comment des murs d'une hauteur de centaines de mètres et de plusieurs centaines de kilogrammes, voire des tonnes, pourraient se déplacer chaque jour d'une telle aisance sans s'effondrer ?
Long silence.
- J'y ai réfléchi pendant pas mal de temps moi aussi, avoue Thomas. Malheureusement, je n'ai pas trouvé de réponses.
- Il y a autre chose qui je ne comprends pas, déclare Danielle à voix haute, plus comme si elle parlait pour elle-même que pour nous. Cette amnésie qui v– nous touche, comment ça marche exactement ? C'est clairement quelque chose qui entrave notre mémoire à long terme, puisque qu'on ne peut pas faire appel à nos souvenirs privés. Mais dans ce cas là, comment pouvons-nous nous souvenir de toutes les connaissances qu'on a : la langue, l'environnement, la construction par exemple. Et nos prénoms ! Qu'est-ce qui fait qu'on puisse se souvenir de ces choses là précisément, et pas d'autres ? De quelle manière les Créateurs ont bidouillé nos cerveaux, exactement ?
Autre silence. Il faut dire que Danielle n'a pas tort, et toutes ses questions ont du sens. Je suis impressionné, je dois dire que je n'y ai jamais pensé. J'étais plus préoccupé par le fait de survivre que de comprendre exactement le pourquoi du comment de ma situation.
- Dany, fait Chuck d'une voix lente. Tu me fais flipper, là.
- Il n'a pas tort, remarquai-je de mon habituel ton sarcastique qui a le don d'énerver (j'en suis très fier). On parlera science et théories plus tard, pour l'instant il faut...
- ... attendre, me coupe Danielle en se tournant vers moi. On ne peut rien faire d'autre de toute manière. Il faut attendre que la tempête passe, ou se calme un peu du moins.
Je l'affronte du regard un moment. Elle a les yeux gris-bleus, et en ce moment, ils sont durs comme la pierre et ne faiblissent pas. Au contraire même : ils me mettent au défi de remettre en cause ses paroles, d'oser la contredire. C'aurait été avec n'importe qui, je l'aurais fait sans hésiter, rien que pour m'amuser. Mais sans savoir pourquoi, ce que je vois chez elle me fige. Ce regard précis, ça m'est tellement... familier. Cette manière qu'elle a de transpercer de ses yeux, ça me donne un fort sentiment de déjà-vu. C'est dingue...
- Pour l'instant, reprend-t-elle, tu devrais aller t'assurer de la sécurité de tes coureurs. Je ne crois pas qu'ils oseront entrer dans le Bloc avec la tempête, mais tu devrais peut-être au moins aller t'en assurer. C'est ta responsabilité, non ?
Encore une fois, cette manière dure et autoritaire qu'elle a de parler, ce ton de leader qu'elle utilise, c'est familier aussi. C'est complètement fou ! Je veux dire, des impressions de déjà-vu ou vécu, j'en ai de temps en temps, mais cette fois, c'est bien plus fort. Fort et flagrant, ça heurte comme de se prendre un mur en pleine face. Et je parle d'expérience... merde. Oubliez ce que je viens de dire.
- Je leur fais confiance, répliquai-je néanmoins tout en ne baissant pas les yeux devant elle (non mais, je ne vais quand même céder si facilement, oh !). Comme tu l'as dit, ils ne sont pas bêtes.
Danielle continue de m'observer aussi pendant un moment, avant de hausser les épaules et se détourner sèchement. Je dois dire que je suis un peu surpris. Pourquoi est-elle aussi froide ?
Je finis par reléguer ceci dans un coin de mon cerveau et me tourner vers les autres, plus particulièrement mon ami Newt.
- Aucun de vous n'a été blessé ?
- Non, ça va.
- Mais qu'est-ce que vous faites dans le Labyrinthe, de toute manière ?
Newt alors me raconte tout ce qui s'est passé et ce qu'ils ont enduré, jusqu'à la décision de Danielle de les amener ici. De plus en plus impressionné, je me tourne vers cette fille.
- Pas bête, remarquai-je.
Elle me jette un regard en coin qu'elle veut indifférent, mais je crois qu'elle se retient de sourire. Thomas lui sourit lui aussi.
- C'est vrai, t'as bien fait. Mais je suis assez surpris que tu ais réussi à le convaincre ! plaisante-t-il en pointant Gally, qui grogne.
- On n'avait pas trop le choix, ça gagnait en intensité, se justifie-t-il. C'était ça ou se faire trainer par terre jusqu'à se rompre le cou. J'aurais préféré ne pas transgresser les règles.
- Pourquoi es-tu autant attaché aux règles ? s'enquit Danielle en penchant curieusement la tête.
Cette brunette n'arrête pas de me surprendre ! Elle a le don de poser les meilleures questions, mais auxquelles personne ne pense jamais, bizarrement. Gally relève la tête vers elle et lui lance son regard sombre, dans le genre serial killer. Mais elle ne se déroute pas et continue de le fixer calmement, si tant bien qu'il finit par soupirer et s'expliquer :
- Elles garantissent notre survie et le bon fonctionnement de notre communauté. C'est grâce aux règles si on réussit tous à vivre sans s'entretuer.
Un silence froid s'est une fois de plus jeté sur le groupe. Toutes les têtes sont tournées vers le maton des bâtisseurs. Ce dernier regard Danielle, qui a l'air de réfléchir. Elle finit par hocher la tête.
- Oui, je vois ce que tu veux dire. Mais en cas d'urgence, il faut aussi savoir en faire fi pour prendre les bonnes décisions et sauver des vies. Comme dans ce cas là.
- Hum. Mais si tout le monde n'en faisait qu'à sa tête dès qu'il estime que la situation l'exige, ce serait le chaos.
- Tu n'as pas tort. Cependant, je peux t'affirmer que même avec des règles bien établies, le chaos peut quand même s'abattre.
Autre silence, cette fois pensif. Newt finit par soupirer ironiquement :
- C'est l'heure des discussions philosophiques ?
Danielle se tourne vers lui et sourit :
- Vu qu'on en a encore pour un bon moment, il faut bien s'occuper.
Plusieurs blocards pouffent de rire ou ricanent, même Gally esquisse un sourire amusé. Soudain, le maton se redresse brusquement, le visage rivé vers le ciel.
- Minho, le soleil se couche dans combien de temps ?
Tout le monde se retourne vers lui. Surpris, je lui réponds :
- Peut-être une heure ou deux. Pourquoi ?
- Ne me dites pas qu'on va devoir passer la nuit ici !
Oh merde. Danielle se relève soudain, alertée, tandis que les autres échangent des regards horrifiés ou inquiets. Alors que la panique commence à se répandre, elle lève les mains et déclare d'une voix ferme :
- WOW ! Calmez vous, ce n'est pas le moment de paniquer !
- Mais tu as toi-même dit que la tempête pouvait durer des jours ! s'exclame Chuck.
- Je sais. Si, alors que les portes commencent à se fermer, la tempête ne s'est toujours pas calmée, tant pis, on rentre au Bloc et on se protège avec nos planches de bois, fit-elle en les désignant, éparpillées sur le sol. Je préfère encore affronter une tempête qu'un labyrinthe démoniaque et des Griffeurs.
- Sur ce coup là, je suis de ton avis, appuie Thomas. Vous en faites pas, je suis sur que ça va s'arranger.
- Merci, soupire Teresa, qui a la voix tremblante et angoissée. Là, j'aurais vraiment besoin de paroles positives.
Il hoche la tête tout en passant un bras autour de ses épaules et en la serrant contre elle.
--oOo--
Heureusement, la tempête s'est bel et bien apaisée, et ce, avant que les portes ne se ferment. Soulagés, nous entrons dans le Bloc. Enfin... ce qu'on appelait le Bloc. Parce que très franchement, j'ai du mal à le reconnaitre.
Plusieurs petites surfaces d'herbes ont été arrachées. Du bois est éparpillé par tout, certains arbres se sont brutalement pliés, jusqu'à tomber carrément. Les jardins sont pratiquement foutus, les plantes gisent, les serres sont détruites et les piliers cassés. C'est un désastre pour les sarcleurs. Beaucoup des petites cabanes qui nous servaient à entreposer toutes sortes d'affaires et d'outils parvenus par la Boîte sont détruites, pas assez résistantes. D'autres ont subi quelques damages et plusieurs objets se trouvent par terre : des pelles, marteaux etc. qui ont été laissés là.
Les blocards sortent de leurs abris. Je vois du coin de l'heure les coureurs émerger des couloirs du Labyrinthe tandis que d'autres sortent de la Ferme, l'infirmerie ou l'enclos des animaux. Nous marchons lentement, regardant la catastrophe qui s'est abattue sur nous. Dans ma tête, mes pensées bouillonnent. Bien que ce soit le boulot d'Alby, je ne peux m'empêcher de réfléchir à comment il va falloir arranger tout ça, et les conséquences futures sur le Bloc. Alors que mes pensées fulminent entre différents plans se créant instantanément dans mon esprit, un coup d'œil à mon côté m'indique que Danielle est en train de faire la même chose. Contrairement aux autres, son regard n'est pas accablé ou stupéfait, mais ferme et calculateur. Elle se tourne de tous côtés, ses doigts bougent et ses lèvres esquissent des paroles muettes, signes qu'elle réfléchit profondément. Après quelques hésitations, je me décide à m'approcher d'elle.
- Qu'est-ce que tu crois qu'il va falloir faire pour arranger tout ça ? lui demandai-je brusquement.
Oui, je le reconnais, la subtilité n'est pas mon fort. Elle sursaute et m'adresse un regard surpris. Elle doit sans doute être déroutée que j'ai pu deviner aussi facilement ce qui lui passait par la tête. Ce qui m'étonne moi-même pour être honnête. Depuis quand je peux lire aussi facilement les gens ?
Elle semble tout d'abord vouloir se dérober. Mais finalement, elle finit par répliquer avec hésitation tout d'abord, puis de plus en plus assurée :
- Hum... Il est clair que tout le monde va devoir se mobiliser. Les champs sont complètement détruits, les sarcleurs vont être débordés... D'autres blocards devraient leur porter main forte. J'espère pour vous que vous avez des réserves de nourriture parce qu'on va être assez limités durant les prochains jours. Mais tout d'abord, il faudrait dégager tous les débris, troncs, piliers et autres qui jonchent le sol. Une fois cela fait, on y verra déjà plus clair.
J'hoche la tête. Pas mal du tout. On dirait presque que ce n'est pas la première fois qu'elle fait ça.
- Esprit méthodique, observai-je. Comment tu penses organiser tout ça ?
- ... Mon avis ne compte pas. C'est à Alby et aux autres matons de décider.
- J'en suis un, rappelle-toi. Peut-être que les conseils d'un esprit féminin seraient les bienvenus dans cette catastrophe ?
Elle m'observe suspicieusement.
- Qu'est-ce que tu essayes de faire, au juste ? lance-t-elle soudain, abandonnant la subtilité elle aussi.
J'hausse nonchalamment les épaules.
- Je ne sais pas, répliquai-je honnêtement en la regardant droit dans les yeux.
Après un moment d'une étrange tension, elle finit par sourire doucement et un peu tristement.
--oOo--
PDV Omniscient
La pièce dans laquelle elle se trouvait était petite. Faite de murs de pierre brute et sombre. Pratiquement aucune lumière, aucune fenêtre. Humide. Étouffante.
Des chaines accrochées au plafond la faisaient pendre par ses poignets. Les maillons lui rentraient dans la peau, ils étaient ensanglantés et enflammés, les articulations la brulaient. Ses bras commençaient à tirer dangereusement. Si elle restait comme cela, une de ses épaules allait se déboiter dans l'heure à suivre.
Son habituelle combinaison moulante et protectrice était en lambeaux, laissant apparaitre plusieurs parties de sa peau. De profondes plaies profondément éraflées. Elle sentait le sang mêlé à du pus couler partout sur son corps, la fatigue et la douleur lui tenailler les muscles. Elle n'avait pas d'os brisés mais certains de ses membres, comme ses bras, étaient tordus dans des angles douloureux et absolument pas recommandés. Elle avait l'impression que sa tête pesait une tonne et que son cou était cisaillé. Elle était en feu, avait l'impression qu'une épée était au travers de sa gorge. Elle toussa sèchement, douloureusement. Du sang poisseux coula sur son menton, un affreux gout métallique se répandit dans sa bouche, ajoutant le vertige à tous ses autres soucis.
Mais ce n'était pas la première fois qu'Artemis était torturée. Elle savait faire avec.
Le soldat ramena sèchement sa tête en arrière, faisant craquer l'articulation de son cou endolori. Rassemblant ses forces restantes, elle tenta de se soulever le plus longtemps possible, ne laissant pas tout son poids pendre afin de retarder au maximum le moment où son épaule se déboiterait. Non pas qu'elle avait peur de la douleur, elle avait déjà vécu pire. Mais avec une épaule déboitée, elle serait encore plus en désavantage. Artémis ne perdait pas espoir de trouver un moment de s'échapper, mais mieux valait être encore en état de le faire si jamais une occasion se présentait.
Soudain, la porte s'ouvrit, et elle se laissa retomber lourdement. En général, les tortionnaires n'aimaient pas voir leurs victimes tenter d'arranger un tant soit peu leur situation. Mais au lieu du docteur à la tête de psychopathe qu'elle s'attendait à voir, ce fut un tout autre salopard qui lui fit face. Elle le reconnut immédiatement.
- Tiens tiens, articula-t-elle avec difficulté. Je ne m'attendais pas à ce que tu passes me voir. Ça fait plaisir.
- On se doit bien ça, entre vieux amis.
- Oh arrête Janson, tu vas me faire pleurer. Sympa ton nouveau look, en fait. C'est pour t'assortir à moi ?
La dernière fois qu'elle l'avait vu, il avait l'habitude de s'habiller en costume blanc. Cette fois, Janson revêtait un col roulé gris et par-dessus une veste de cuir noir. Le directeur adjoint de WICKED haussa un sourcil moqueur envers la rousse.
- Tu n'as pas perdu de ton sarcasme à ce que je vois, Artemis. Même dans les situations où il vaudrait mieux pour toi que tu tiennes ta langue. Serait-ce à force de côtoyer la princesse Danielle ?
Artemis ne sourit pas, mais une vague d'amusement la traversa. Danielle était en effet connue des grands de ce monde pour être insupportablement sarcastique.
- Cette petite en a à revendre. Quoi que vous lui ayez fait, n'espérez pas la voir plier.
- Oh, mais elle s'est déjà pliée à notre demande.
La protectrice de l'héritière fronça les sourcils alors que son cœur tambourinait de plus en plus fort.
- Que lui avez-vous fait ?
- La princesse T'el Asario a beau avoir un caractère ferme et têtu, elle a cependant le défaut le plus cliché et moins original qui soit, ironisa Janson. Elle tient trop à ceux qu'elle aime.
Artemis n'était pendue et attachée par des chaines, elle aurait volontiers brisé la nuque de celui en face d'elle.
- Espèce de pourriture ! Elle a la responsabilité de tout un peuple sur ses épaules ! Évidemment qu'elle serait prête à tout pour le préserver !
- Eh oui, le devoir de la royauté... soupira-t-il dramatiquement. Mais ne la croit pas si pleine de bons sentiments. Sa décision était assez égoïste.
Elle ne le sentait pas. Pas du tout. Janson, sans cesser de la toiser moqueusement, confirma son angoisse :
- Elle est allée dans le Labyrinthe.
C'était comme si elle se prenait la gifle la plus violente du siècle. Pas ça... tout sauf ça... Artemis préférait encore qu'on la torture. Si Danielle était dans le labyrinthe, cela voulait dire que tout ce qu'elle avait fait avec Robin, tout ce pour quoi elle avait œuvré afin de réparer ses erreurs... tout cela avait été vain.
- Ne t'en fais pas, cependant. Nous ne lui avons pas retiré sa mémoire.
Elle releva les yeux vers lui, surprise et perplexe. Comment cela ? Malgré le fait qu'elle ne comprenait pas, la rousse se sentait déjà un peu plus soulagée. Mettant en pratique son entrainement, elle masqua admirablement toute la peur et l'inquiétude pour ne laisser transparaitre que l'indifférence dans sa voix.
- Je pensais que les variables exigeaient une perte complète des souvenirs.
- Nous testons une nouvelle variable.
- Pourquoi elle ? L'utiliser pour vos expériences revient littéralement à déclencher une guerre, ce n'est pas ce que vous voulez. Pas en ce moment.
Janson sourit.
- Tu crois sincèrement que je vais discuter des plans de WICKED avec toi ? Après ton retournement de veste ?
Artemis le fusilla du regard mais ne répondit pas.
- C'était inattendu je dois dire. Surtout venant de ta part. Tu nous as bien eus, bravo. Il faut croire que je t'ai un peu trop bien entrainée. Mais au final, cela n'aura servi à rien, et tu vas regretter de nous avoir tourné le dos.
- Vous pouvez me torturer autant que vous voulez, ça ne servira à rien.
Le soldat hocha lentement la tête tout en émettant un léger son appréciateur.
- Je t'ai vraiment bien entrainée. C'est dommage, Artemis, vraiment dommage.
Elle avait tellement envie de lui coller son point dans son visage de fouine !
- Je ne sais comment j'ai un jour pu t'aimer, cracha-t-elle.
Un silence grave gouverna la pièce durant ce qui lui sembla une éternité. Le directeur adjoint la contempla sombrement, avant de se détourner froidement.
- Le docteur chargé de s'occuper de toi devrait bientôt revenir. Économise tes forces.
Juste avant qu'il ne quitte la pièce, la voix de la rousse retentit :
- Janson.
Il se stoppa mais ne se retourna pas, restant dos à elle. Artemis comprit cependant qu'il l'écoutait.
- Pourquoi dis-tu que la décision de Danielle était égoïste ?
Après un moment d'hésitation, il se retourna à moitié vers elle.
- Malgré ce qu'elle affirme, elle se ment à elle-même. Elle ne nous a pas obéit et est allée dans ce labyrinthe pour préserver son peuple. Certes, c'est une raison, mais ce n'est pas cela qui l'a motivée. Elle voulait le revoir.
- Le revoir ?
- Minho.
Cette fois, ce ne fut pas une gifle qu'elle eut l'impression de recevoir mais un poignard dans le cœur. Sans pitié, Janson referma la porte, la laissant à ses tourments.
C'était de sa faute. Tout était de sa faute. Sa vie n'avait été qu'une suite d'erreurs, qu'elle avait tant bien que mal essayé de réparer. Mais elle avait naïve, elle avait agi trop tard. Même avec l'aide de Robin, elle avait échoué. Artemis se détestait. Tout ce qui arrivait était entièrement de sa faute.
Quand Danielle l'apprendrait, sa fureur et sa rancune seraient telles qu'elle aurait envie de la tuer. Et Artemis la laisserait faire.
--oOo--
Personne : DUN DUN DUN !!! Je suis réellement désolée du temps que ce chapitre a mis à apparaitre ! J'ai comme eu une panne d'inspiration pour ce chapitre, et j'étais débordée à cause des PUTAINS DE BORDEL DE MERDE DE FOUTUS examens qu'on a, mais TADAAAA !!! Me voilà enfin !
Jules : Personne.
Personne : Ouais ?
Jules : ça veut dire quoi, cette deuxième partie avec Artemis ?
Personne : hein ? Ah ouais ! Au début, le chapitre devait se passer essentiellement au Bloc, mais j'avais pas trop d'idées et puis, je me suis dit qu'Artemis devait vous manquer ! Alors j'ai pondu ça !
Jules : Je vois. Sans te donner la peine de me prévenir.
Personne : Je te signale que c'est moi l'auteur, toi, t'es juste le fantôme collaborateur qui me tape sur les nerfs et prend la défense des lecteurs.
Jules : Il faut bien qu'il y ait quelqu'un pour le faire étant donné ton niveau de bâtardise. C'est quoi cette histoire de "retournement de veste" et "d'aimer Janson" ???!!
Personne : eh bien voyons justement ce qu'en pensent les lecteurs ! Je suis sure qu'ils ne manqueront pas de laisser leurs théories dans les commentaires ! En attendant, voici la chanson thème du jour : Bleeding out, de Imagine Dragons ! Elle correspond bien à ce qu'Artemis pense et ressent ! Sur ce, à la prochaine !
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top