II. Alive ?
PDV Danielle
Flashback
Le village avait brulé. Des criminels, je pense. Ça n'a plus aucune importance, de toute manière. Certains soldats tentent de les rattraper mais pour ma part, je me concentre plus à réparer les dégâts, transmettre des messages, répartir quelques ordres... Je n'ai que sept ans, mais tout le monde a l'air de penser que je me débrouille bien. Les villageois m'observent à la dérobée, cela me met mal à l'aise. Je sais qu'en tant que princesse, j'aurais souvent droit à ce genre de regards, mais je n'y suis pas encore habituée.
J'évite le regard des gens, je ne parle pas. Je me contente de faire ce que je dois faire sans plus, sans rien montrer, sans rien ajouter.
Et c'est là, parmi les blessés par l'incendie de la place du village, que je le vois pour la première fois. Il a mon âge. Sa peau basanée est brulée à quelques endroits. Il n'est pas très grand de taille, mais il n'a pas l'air faible. Loin de là. Debout malgré ses blessures, ses cheveux noirs sombres sont redressés sur sa tête et ses yeux bridés me fixent sans ciller avec reproche.
--oOo--
Cela fait à peine une heure que nous avons débarqué, et j'ai l'impression que ça fait des siècles. Toute l'équipe s'active : les services sociaux sont en train de faire le tour, tout en enregistrant minutieusement ce dont il y a besoin. Ils interrogent quelques gens tandis que les médecins sont déjà sur la place de l'hôpital, et portent secours à tout ce qu'ils peuvent. Quelques soldats se chargent de rassembler les cadavres et de les déposer minutieusement à l'écart, des draps les couvrant. Mais la plus part des militaires se concentrent plus à rechercher d'autres survivants parmi les ruines et traquer quelques fondus qui restent. J'ai envoyé Saphir avec eux pour les aider.
Pendant ce temps, je m'entretiens avec le maire. Il a l'air nerveux, je suppose qu'on ne les a pas prévenus que leur princesse allait se ramener. En même temps, tout s'est décidé précipitamment. Artemis nous suit et y mets son grain de sel de temps à autres.
- Des mesures seront prises pour renforcer les défenses, assurai-je au maire. L'impératrice et moi-même en avons déjà parlé. Les scribes se chargeront de vous transmettre le plus rapidement possible tout ce dont il y a besoin.
- C'est un honneur que vous nous faites, votre Altesse. Je dois dire que je ne m'y attendais pas. Nos champs sont brulés, tous nos réserves sont détruites...
- Il faudrait peut-être rajouter des enclos électrifiés autour des plantations, propose Artemis. De cette manière, même si des fondus arrivent, ils ne pourront pas passer.
- Bonne idée, approuvai-je. Parle-en aux services sociaux s'il te plait.
Au même moment, un médecin arrive à notre rencontre et m'appelle.
- Oui ? fis-je en me retournant. Ah, vous êtes là. Alors, quels bilans ?
- Poséidon soit loué, princesse ! Les dommages humains ne sont pas très graves. Cet endroit a surtout souffert au niveau matériel, selon mon avis. Certains souffrent de lacérations, de brulures sévères, voire de commotions cérébrales, mais rien de sérieux.
- Risque de propagation de la Braise ?
Il hésite légèrement avant de répondre :
- Je ne pense pas. Chez les militaires peut-être, ce sont surtout eux qui sont entrés aux contacts avec les fondus. La population s'est vite refugiée dans les bâtiments.
- Mais les soldats portent des combinaisons isolantes, rappellent Artemis en fronçant les sourcils. Et vous oubliez les barrières organiques.
- Exactement. C'est pour ça que j'ai dit que c'était peu probable.
- Peu probable que des humains aient contracté le virus, répliquai-je. Mais vous oubliez que les fondus ont foulé cette terre. Le virus se propage très rapidement. Je veux qu'on procède à une décontamination avant de planter quoi que ce soit.
- Ce sera fait, votre Altesse.
Voyant qu'il ne part pas, je l'invite à poursuivre.
- Les blessés de l'hôpital vous demandent, princesse.
Eh merde. Arrivée devant l'entrée de l'hospice, je soupire et tergiverse. C'est quelque chose que je n'ai jamais compris chez moi. Quand je dois parler politique et négocier avec des gens importants que je n'ai jamais vus de ma vie, c'est nickel. Visage froid, bataille d'arguments, sarcasme au niveau 2000 : un jeu d'enfant. Quand il est question de me retrouver face à des personnes civiles, de les rassurer et de former des liens avec eux, je perds mes moyens. Ce n'est pas que je les méprise, au contraire... Mais avec eux, mon masque ne peut pas s'empêcher de tomber et face à leurs émotions si ouvertement partagées, je ne sais plus quoi dire. Je perds de mon assurance. En fait, je suis si sensible à ce qu'ils ressentent que ça m'en empêche de parler. Et comme je ne tiens pas à passer pour une demeurée, j'ai tendance à les éviter.
Du moins, j'avais tendance.
--oOo--
Je m'éloigne en direction de la forêt pour être seule un moment, quand j'entends les pas de quelqu'un qui me suit. Je me retourne : c'est le garçon de tout à l'heure. Il me dévisage avec colère, les poings serrés.
- Pourquoi tu ne les aides pas ? Pourquoi tu les méprises de cette manière ?
- De quoi tu parles ? Qu'est-ce que tu crois que je fais depuis que je suis arrivée ?! me vexai-je immédiatement.
- Oh oui, railla-t-il. Pour distribuer des ordres et jouer à la princesse, tu es parfaite, princesse ! Mais quand il s'agit de s'occuper de ton peuple... Tu sais combien étaient soulagés et heureux de te voir là ? Tu sais combien voudraient que tu ne leur accorde ne serait-ce qu'un peu d'attention et aillent leur parler ?
Je baisse les yeux, honteuse.
- Je... j'ai... Je ne peux pas, soufflai-je.
Le garçon me fixe toujours avec sévérité, mais il semble s'être légèrement adouci. Il me laisse continuer.
- Je n'ai pas l'habitude de montrer mes émotions, expliquai-je. Ou de parler à des gens qui les dévoilent. Au palais, ma mère est souvent brusque avec moi, les conseillers sont froids et polis...
- On est pas dans ton palais, me coupe-t-il. On est dans un village qui a été attaqué. Des gens ont perdu leurs maisons, leurs nourriture, des êtres chers. Ici, les gens ont des sentiments qu'ils ne cachent pas. Ils rient quand ils sont heureux, ils pleurent quand ils sont malheureux. Ils se réconfortent les uns les autres. Et ils aimeraient que tu fasses de même avec eux. Rassure-les. Aide-les. Sois la princesse qu'il leur faut.
Comme je ne réponds rien, il s'approche de plus en plus de moi, me faisant un peu rougir.
- Ou alors... Tu es timide ?
- Pas vraiment. C'est juste que...
- Tu n'as pas l'habitude. Ouais, j'ai compris. Je peux t'apprendre, si tu veux.
Je relève la tête vers lui, surprise. Il me sourit et me tends la main.
- Allez viens, princesse.
--oOo--
C'est lui qui m'a appris comment je devais me comporter avec mon peuple. Il m'a appris qu'être princesse était bien que gouverner. C'était aider.
Il me manque tellement. J'évite de penser à lui parce qu'à chaque fois, toutes nos aventures me remontent en tête. Avec un soupir, je refoule les larmes qui me montent aux yeux à sa pensée. Ce n'est pas le moment de pleurer. J'inspire profondément et entre.
Même si les blessures ne sont pas très graves, les gens sont quand même en état de choc. Ils sont tous rassemblés là, entassés dans une seule pièce. Un brouhaha intense flotte dans les lieux, il n'y a que d'étroits chemins qui me laissent passer. Les gens ne se rendent pas compte tout de suite de mon arrivée, tant je suis silencieuse. J'en profite pour les observer. Les plus vieux sont adossés aux murs, pendant que leurs enfants leur rapportent de l'eau. Certains pensent les brulures, d'autres discutent ou se serrent contre eux. Je vois même quelques bambins jouer avec des poupées de chiffons.
Au fur et à mesure que j'avance dans la pièce, ils voient que je suis là. Peu à peu, les conversations se taisent, les enfants arrêtent de jouer, tous se tournent vers moi. Le silence devient grave. Je m'arrête et les parcoure tous du regard, jusqu'à ce qu'une voix chevrotante ne retentisse :
- Altesse ?
Je me retourne. C'est une vieille femme qui a parlé. Peau noire, cheveux pareils à des fils d'argents, elle n'a que la peau sur les os. Elle tente de se lever pour s'incliner mais je me précipite vers elle et la retient.
- Non, s'il vous plait.
Je la rassois doucement et lui sourit. Je la laisse poser sa main rugueuse sur ma joue, avant de me tourner vers d'autres, que je sers et embrasse même quelques fois.
- Tout va bien, déclarai-je. Nous allons nous occuper de vous, ne vous en faites pas.
J'ai droit à des sourires de reconnaissances, des mines éclairées qui me redonnent espoir. Tout n'est peut-être pas perdu en fin de compte. Je joue un peu avec les enfants, ensuite, j'invite toute l'équipe et le maire à se joindre à nous pour déjeuner ensemble. Il faut bien qu'on s'unisse.
--oOo--
- Tu as été géniale, me sourit-il.
C'a été éprouvant, mais pas autant que je le pensais. Passé le premier moment d'hébétement, je me suis rendue compte que je n'avais pas besoin de parler. Le silence transmettait mieux les émotions.
- Merci. Sans toi, je n'aurais jamais su ce que c'est
Il passe négligemment la main sur sa nuque.
- C'est rien. Content d'avoir pu rendre service.
Nous avons passé des heures à discuter. Nous nous entendons bien. Très bien, même. Malheureusement, il est bientôt l'heure pour moi de repartir. Je soupire de déception, quand soudain, une idée m'arrive en tête.
- Et si tu venais avec moi ?
- Avec toi ? Tu veux dire... dans ton palais ?
- Oui ! Je n'ai pas d'amis là-bas, enfin à part la princesse Natsuko, mais elle vit au Japon. S'il te plait...
- Mais... qu'est-ce que tu veux que je fasse là-bas ? Je te préviens, je ne mettrais jamais les pieds dans un cours de protocole, même si ma vie en dépend !
- Je te comprends, grimaçai-je, c'est l'enfer, ces trucs. Mais tu sais, il y a pleins de pièces et de passages secrets à explorer.
Ses yeux brillent d'excitation.
- Ah oui ? Ce serait géant ! Mais... je ne peux pas quitter le village.
- Tu as encore de la famille, ici ?
--oOo--
Nous sommes au coucher du soleil. Le départ est prévu pour le lendemain, tôt dans la matinée. En attendant, après m'être entretenue avec les scribes, je passe à la garde. Ils ont tenté de m'en empêcher mais c'est peine perdue : j'explore la forêt avec eux, qu'ils le veuillent ou non. Nous marchons silencieusement, attentifs à ne pas se faire repérer. Saphir est avec moi. Il était parti chasser et est revenu. Il a beau avoir été apprivoisé, il ne perd pas son naturel sauvage. Artemis est non loin elle aussi. Je m'adresse à l'un des soldats.
- Avez-vous trouvé quelque chose ?
- Nous avons abattu un fondu, nous voulons nous assurer qu'il n'en reste pas d'autres. Et nous sécurisons aussi le périmètre, au cas où.
- Belle initiative, approuvai-je.
- Altesse, la nuit est proche. Il faudrait se dépêcher.
Je m'arrête et considère un moment le ciel, puis la forêt.
- Continuons encore quelques minutes. Si c'est toujours RAS, nous retournerons à la frontière.
Nous reprenons la marche. Soudain, Saphir s'arrête brusquement et dresse les oreilles.
- Qu'y a-t-il ? m'alarmai-je.
Le loup continue de se tendre, cambré. Il se met à pousser quelques grognements. J'interpelle Artemis.
- Je crois que Saphir a repéré quelque chose.
- Quoi ? demande-t-elle tout en sortant son pistolet.
- J'ai l'air de parler le loup ?
Ce dernier s'avance soudain à pas feutrés. J'encoche une flèche par prudence et le suit, précédée par toute la garde. Il nous guide à une clairière, où se trouve une sorte de tube en métal. Le bout est bleu lumineux et clignote. Artemis s'avance et le prend dans sa main.
- Qu'est-ce que c'est ? voulus-savoir.
- Un générateur à ultrasons, m'explique-t-elle. On s'en sert pour délivrer des sifflements à une fréquence que seuls les animaux à ouïe fine, comme les loups, peuvent percevoir. Normalement, on règle la fréquence pour qu'elle leur soit douloureuse et les éloignent.
- Saphir n'a pas l'air de souffrir, m'intriguai-je en désignant mon compagnon, qui s'énervait de plus en plus.
- Parce que ça sert aussi à les attirer ! s'exclame soudain un garde. Princesse, c'est un piège !
Aussitôt, une pluie de balles fuse sur nous. Artemis bondit sur moi et nous plaque au sol, alors que tout le monde se couche. Les balles n'arrêtent pas.
- On est à découvert ! crie un soldat. On ne peut pas tirer !
L'un d'eux tente tout de même sa chance. Il se reçoit une balle en plein cœur. D'autres soldats se font toucher. Artemis réagit au quart de tour :
- Danielle, il ne faut pas rester là !
Elle me relève vélocement et me pousse violemment plus en profondeur dans la forêt, alors qu'elle-même se cache derrière un arbre. Les soldats encore vivants tentent de ramper à l'abri, afin de pouvoir tirer eux aussi. Saphir vient me rejoindre. J'essaye de courir vers Artemis, mais la rousse me hurle de m'en aller.
Elle rêve. Je fais semblant d'obéir en prenant la direction de la ville, mais dès que je suis assez loin pour qu'elle ne me voit plus, je bifurque vers le côté et plonge dans des buissons. Saphir comprend que la situation est critique. Je lui parle :
- Ok Saphir, manifestement, on en veut à ma peau. C'est pas la première fois. J'ai besoin que tu restes silencieux, ok ? Ce sont des balles, ne tente pas de me protéger.
Il grogne. J'ose prendre ça pour un oui. Mon arc toujours à la main, je me mets doucement à genoux et relève juste assez les yeux au dessus des plantes. Et c'est là que je le vois. Posté entre quelques buissons et rochers, un tireur solitaire attend. Il est sans doute à ma recherche. Je me tourne vers Saphir et chuchote :
- Mon grand, j'ai besoin que tu fasses une diversion. Mais tu dois être prudent un max !
Pour toute réponse, il dresse les oreilles. Le loup enjambe silencieusement les brindilles et feuilles étalées pendant que je me relève doucement et me cache derrière un arbre et vise l'homme. Quand il est assez près du tireur, il hurle. Ce dernier, aussitôt accaparé par lui, le vise. Sans attendre, je tire une flèche qui l'atteint dans le cou. Il s'effondre. Waouh, j'ai rarement tiré d'aussi loin ! Voilà ce qui arrive, quand on s'en prend à moi.
Saphir et moi grimpons une pente et courrons côte à côte. Ceux qui ont attenté à nos vies sont effectivement là, postés en hauteur. Deux d'entre eux ont été atteint par nos soldats. Artemis a également réussi à monter jusqu'à eux. L'un d'eux dirige son pistolet vers elle, mais elle le fait valser du pied avant de refermer les jambes sur son cou et de lui briser la nuque d'une torsion. Un autre en profite pour la viser, mais il n'a pas le temps de tirer que ma flèche l'a atteint en plein dos. Saphir en profite pour se jeter sur un autre et refermer sa mâchoire sur son cou. Aïe.
Les balles continuent de fuser, moins nombreuses qu'avant. J'en évite de justesse une avant de rouler et de frapper un des hommes avec mon arc. ça l'a suffisamment étourdi pour qu'Artemis en profite pour le tuer, tout en offrant un magnifique coup de pied retourné à un autre. Elle me crie :
- Je ne t'avais pas demandée de t'abriter ?
- Tu as réellement cru que je ferais ?
Elle peste. Je me retourne et constate que tous les soldats de notre unité sont morts. Stupéfaite, mon inattention est fatale. La dernière chose que je sens est une piqure dans mon cou et un liquide qui se déverse dans mes veines. Le monde tangue autour de moi et je m'effondre.
--oOo--
- Tu as encore de la famille, ici ?
- Non. Ils sont tous morts.
Voyant mon air triste et que j'ouvre la bouche, il me sourit et me coupe :
- Ne t'excuse pas princesse, ce n'est pas ça qui va les ramener. J'habitais aux États-Unis avant, avec mon père, ma mère et mon frère. Quand ils ont attrapé la Braise, mon père n'a pas eu d'autres choix que de les tuer. Il ne voulait pas qu'ils deviennent des monstres. Il m'a emmené ici, en Atlantide. Il est mort, mais d'un cancer. Depuis, je vis tout seul dans ce village.
- Je suis vraiment navrée. Tu as des amis, ici ?
- Pas vraiment. Je suis peut-être un peu trop actif, on me trouve fatiguant, à la longue. Je te préviens, je ne suis pas un cadeau.
Je souris et secoue la tête.
- Pour moi, si.
Il relève les yeux vers moi, surpris. Je lui souris encore plus, et il me rend la pareille, un éclat de joie brillant dans ses yeux.
- Dans ce cas, rien ne me retient ici.
--oOo--
Je me réveille avec un mal de crâne affreux. Le monde tangue autour de moi, j'ai un gout amer dans la bouche. M'appuyant sur les coudes, j'avale de grandes bouffées d'air. Petit à petit, je prends conscience de l'environnement autour de moi. Une chambre, petit, où ne se trouve que le strict nécessaire : un lit et une salle de bains. Et une horloge, aussi. Les murs sont blancs sals et tout a un aspect métallique, froid et austère. Pas l'endroit le plus chaleureux que j'ai connu.
Au bord du lit se trouve une pile de vêtements, sur laquelle repose un mot. Je l'attrape et le parcoure du regard.
Son Altesse est priée de bien vouloir se préparer et être prête à rencontrer la chancelière à 13 h tapantes. WICKED.
WICKED ?! Je n'en crois pas mes yeux. Ça ne peut pas être WICKED ! Et pourtant... Si. C'est WICKED. WICKED vient de me kidnapper. Je dois répéter plusieurs fois cette phrase dans ma tête pour en saisir le sens. WICKED... WICKED m'a kidnappée. WICKED a kidnappée la princesse héritière du trône d'Atlantide.
Cette situation est tellement impossible qu'un rire nerveux remonte en moi. Je ris de plus en plus. Ce n'est pas un fou rire, mais pas un petit rire non plus. Sérieusement ? Est-ce qu'ils se rendent compte que leurs actes équivalent à une déclaration de guerre ? Ou alors la Braise leur a complètement retourné le cerveau ?
Je jette à un coup d'œil à l'heure au mur. Il va falloir que je me dépêche. Je vais dans la salle de bains et me douche rapidement, avant de troquer ma robe atlante contre les vêtements plus modernes qu'ils m'ont apporté. Un jean, un fin pull blanc et un long chemisier bleu pâle par-dessus. Je chausse mes baskets au moment précis où quelqu'un toque à la porte.
- Entrez.
M'attendant à faire face à un soldat, je suis surprise quand je vois à la place une jeune femme, vingt ans surement, en uniforme de femme de chambre.
- La Chancelière Paige vous attend.
Je la suis sans rechigner à travers les couloirs de WICKED. Tout ici est blanc, simple, métallique, austère. Charmant. Tout en marchant, je tords discrètement mes doigts à les en briser. Je suis inquiète pour Artemis et Saphir. Où sont-ils ? Les ont-ils emmenés ? Et les soldats morts dans la clairière. Sans oublier le reste de l'équipe, le maire. A-t-on déjà informé ma mère de ma disparition ?
- Depuis combien de temps suis-je évanouie ?
- A peine une nuit et cette matinée, votre Altesse.
Me voilà d'autant plus rassurée. Je ne poursuis pas mes questions, je me doute qu'une employée ne doit pas beaucoup en savoir. Mais je peux vous jurer que dès que je me retrouverais face à cette fichue chancelière, je lui ferai savoir le fond de ma pensée. Justement, nous arrivons devant une porte. L'employée me laisse entrer dans un bureau tout aussi glacial que le reste de cette base, mais élaboré. Un pan entier du mur et couvert de nombreux tableaux tactiles, son bureau est couvert de dossiers et ses moyens de communication sont à la pointe de la technologie.
Elle est là, assise. Son chignon blond strict et son éternel tailleur blanc. Elle ne prend même pas la peine de se lever à mon arrivée (quelle politesse, même l'impératrice se lève à mon entrée !), et me désigne une chaise de l'autre côté de son bureau. Je suis au moins contente qu'un meuble nous sépare. Je m'assis, tendue, sous le claquement de la porte. Elle laisse passer un silence avant de dire :
- Bonjour, Danielle.
Et elle ne m'appelle même pas par mon titre ! Pourtant, lors des rassemblements de la CNS, quand on se croise, elle ne manque jamais de le faire. Avec une voix venimeuse, je crache :
- J'espère que vous vous rendez compte de la conséquence de vos actions. Enlever la princesse héritière d'Atlantide, est-ce que vous voulez la guerre ?!
- Votre peuple ne peut prendre le risque d'entrer en guerre. Vos ressources sont trop faibles, pour cela.
- Vous croyez ? raillai-je, même si elle n'a pas tort en fait.
Pas question de l'admettre.
- Vous semblez oublier que depuis l'Antiquité, mon peuple possède la technologie la plus avancée. De plus, comment croyez vous que vos actions seront accueillies par la CNS ?
- Qu'est-ce qui vous fait dire que la CNS est au courant ?
- Un enlèvement de la princesse ne passera pas inaperçu. Une enquête sera menée et j'estime nos services secrets suffisamment compétents pour remonter votre piste.
- Eh bien, j'estime nos propres agents suffisamment expérimentés pour la brouiller.
- Vos agents ont tué plusieurs de mes soldats, crachai-je.
- Oh, je vous en prie princesse. Ce n'est pas la première fois que vous perdez des gens.
Retenant une exclamation de rage, je me lève brusquement et commence à faire les cent pas, réfléchissant en même temps.
- Comment saviez vous que je me trouvais à la frontière est ? Ce n'était pas prévu, et l'affaire est loin d'avoir fait la une des informations... Vous avez une taupe parmi nous, soufflai-je en écarquillant les yeux sous la révélation.
Ava sourit en coin, me narguant des yeux.
- Votre mère et vous-mêmes devriez mieux apprendre à qui donner votre confiance.
- Où sont Artemis et Saphir ? Qu'avez-vous fait d'eux ?
- Votre garde du corps et votre animal de compagnie.
- Ce n'est pas un...
- Ils vont bien. Tout du moins, ils iront bien tant que vous ne faites rien de stupide.
Du chantage. Cette peste est en train de me faire du chantage. Je vais la tuer. Enfin, je la tuerai après avoir libéré mes amis. En attendant, je me rassis lentement sur la chaise. Il faut que je garde mon calme. Ce n'est pas la première fois que je dois faire face à des adultes... comment dirai-je ? Ah oui : cons. Reprenant mon masque de politicienne, je croise les jambes et joint mes mains.
- Très bien, concédai-je. Si vous voulez jouer à ça, on va jouer à ça. Que voulez vous ?
Ava sourit d'un air de plus en plus intéressé. Elle croise les bras.
- Dites-moi. Que pouvez-vous me dire au sujet d'un jeune homme du nom de... Minho Park ?
La couleur quitte mon visage en moins de temps qu'il ne faut pour le dire.
--oOo--
- C'est génial que les usines hydrauliques recommencent à fonctionner ! s'exclame le jeune asiatique, enthousiaste.
Nous sommes dans ma chambre. Nous avons grandi depuis notre dernière rencontre. Nous avons treize ans. Je suis en train de lire le rapport que m'a fait mon oncle. Relevant la tête vers mon meilleur ami qui est assis au sol, en train de jouer avec Saphir, je souris.
- Oui, c'est une grande chance pour nous. On peut remercier Daemos et les ingénieurs ! Sans eux, ce n'aurait pas été possible.
- Et je crois savoir que vous avez commencé des soutiens financiers avec le Japon.
- Eh oui ! Natsuko est enchantée ! Elle est très prise par ses études. Elle veut à tout prix pouvoir participer à la politique de son pays. Elle vise une place de sénatrice.
- Elle a de l'ambition, siffla-t-il, admiratif.
Je me lève de mon bureau et rejoint mes deux amis par terre. Tout en jouant, Minho et moi continuons à discuter.
- Cette histoire de soutien financier va me retenir un temps au palais, dis-je. Je serais très occupée, tu vas t'ennuyer. Tu peux partir pour les usines avec le premier convoi, Saphir et moi te rejoindrons.
- J'ai le droit ?
- Tu l'auras une fois que j'en aurais donné l'ordre, souris-je de manière satisfaite.
Il éclate de rire.
- Attention à ne pas faire dans l'abus de pouvoir, princesse !
Je le rejoins dans son rire. Après s'êtres bien amusés, il me considère d'un œil un peu plus sérieux.
- Tu vas me manquer.
- On ne va se quitter que pendant quelques jours ! m'écriai-je en riant.
Mais après un silence songeur, j'avoue :
- Tu vas me manquer aussi.
Minho me regarde en souriant. Il semble hésiter. Il se décide enfin et se penche pour m'embrasser sur la joue. Ce contact me fait sourire.
--oOo--
- COMMENT ÇA, UN « ACCIDENT » SUR LA ROUTE ?!
Ma voix résonne dans l'immense salle d'audience. Tout le palais m'a sans doute entendue, et je m'en fiche. Les yeux rivés vers ma mère, mon cœur menace de sortir de ma poitrine. Elle m'adresse un regard désolé et je secoue vivement la tête, ne voulant pas y croire.
- Un acte criminel, m'explique-t-elle. Les responsables étaient mal informés, ils pensaient que toi et moi nous trouvions dans ce convoi. Ils l'ont fait exploser.
Ma respiration se précipite. Au bord des larmes, je supplie :
- J-Je t'en prie, d-dis moi que...
Elenor secoue doucement la tête.
- Il n'y a aucun survivant, Danielle.
Je hurle.
--oOo--
- Comment ça, « il n'est pas mort » ?! m'exclamai-je. Vous mentez, bien sur qu'il l'est !
- Avez-vous retrouvé son corps ? demande-t-elle en haussant un sourcil.
- BIEN SUR QUE NON, PUISQU'ILS AVAIENT TOUS ÉTÉ CARBONISE ET REDUITS EN CENDRES A CAUSE DE CETTE FOUTUE EXPLOSION !
Elle plisse les yeux.
- Inutile d'hurler, mes oreilles fonctionnent. Quoiqu'il en soit, Minho Park est vivant. Nous nous sommes arrangés afin de ne pas laisser soupçonner qu'il était visé.
La révélation me heurte comme un mur en pleine face.
- C'était vous ?!
- Bien sur, idiote !
- Mais pourquoi vouloir le tuer ?
- Avez-vous écouté ce que je vous ai dit, seulement ? Nous ne voulions pas le tuer ! Une disparition aurait semblé trop suspecte, alors nous avons planifié cette explosion. Encore une fois, nous connaissons l'heure précise du passage du convoi grâce à notre « taupe ». Juste avant que tout ne fasse « boum », nous avons évacué Mr Park.
- Mais pourquoi ? Quel intérêt avait-il pour vous ?
- Je suppose que vous savez que son père a fui l'Amérique pour l'Atlantide, après la mort de sa femme et son autre fils.
- Oui, il me l'a dit, confirmai-je, méfiante.
- Eh bien, il ne souhaitait pas juste prendre un nouveau départ, m'informe-t-elle. Il fuyait WICKED. Il avait des dettes envers nous, il nous devait ses fils. La mort du premier nous avait déjà fait perdre pas mal d'argent. De plus, nous avions déjà fait passer de premiers tests à Minho, qu'il a brillamment réussi. Nous ne pouvions nous permettre de perdre un nouvel élément.
Cette fois, c'en est trop. Soufflée, je bondis à nouveau de ma chaise.
- Chancelière, je pense que vous devriez vérifier si la Braise ne vous a pas réduit les neurones en bouilli, parce que là vous allez trop loin. Vous rendez vous seulement compte des actions que vous avez commises ? Espionnage d'un pays membre de la CNS, enlèvement d'un citoyen atlante ET de la princesse héritière, sans compter meurtre d'AUTRES citoyens et de militaires ! Si vous vouliez déposer une déclaration de guerre, un bout de papier aurait suffi, je vous ferai remarquer que nous savons lire !
- Et moi, je vous conseillerai de me parler sur un autre ton ! renchérit-elle froidement en se levant à son tour. Vous êtes peut-être une princesse destinée à devenir impératrice, mais vous n'êtes aussi qu'une enfant insolente en présence d'une adulte. De plus, je vous ferai remarquer que je tiens la vie de miss de Meridian et de votre satané loup entre mes mains. Un mot de ma part, et c'est leurs têtes qu'on vous enverra pour décorer la porte de votre chambre.
La réplique cinglante que je m'apprêtais à lancer reste coincée dans ma gorge. Cette salope connait mon point faible. Elle sait que je tiens énormément à Artemis et Saphir. Referment amèrement la bouche, je la fusille du regard. Elle interprète cela comme un progrès.
- Bien. Et maintenant, votre Altesse Impériale... Voudriez revoir votre ami d'enfance ?
--oOo--
Personne : Chanson du jour : The Other Side, de Ruelle ! Elle transmet à merveille ce que Danielle a ressenti après la fausse mort de Minho.
ps : je t'ai bien eu, hein, @mazefiction ?
Prochain chapitre : le Bloc !
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