【CHAPITRE 4】
Le silence de la nuit était trompeur, perturbé seulement par les craquements lointains des monstres de fer, ces véhicules qui passaient parfois sur les routes pavées. Le vent soufflait, emportant avec lui l'odeur de la ville, de la poussière et des détritus. Epine se redressa lentement de sa cachette, une ruelle sombre entre deux murs fissurés, les sens en alerte. Cela faisait maintenant deux jours entiers qu'il n'avait pas mangé, et la faim lui dévorait les entrailles.
Chaque bruit le faisait sursauter, chaque mouvement un potentiel prédateur. Il se souvenait des paroles de Fléau, qui avait envoyé un chaton comme lui dans ce territoire pour le punir, le tester. Mais la douleur de la faim et de la solitude rendait tout cela plus difficile. Fléau devait sûrement l'oublier déjà, après tout, il n'était qu'un chat parmi tant d'autres.
Ses yeux scrutaient les ruelles, à la recherche d'un moindre signe de nourriture. Le vent lui apporta une odeur alléchante, celle d'un rat. Il se figea, tendant les muscles sous sa peau. Il y avait une vieille pile de poubelles abandonnées un peu plus loin, un endroit propice aux petits animaux. Epine s'y dirigea, tout son corps prêt à bondir.
Il s'approcha prudemment du tas d'ordures. Un cliquetis de métal, un bruit de mouvement. Là, entre deux boîtes de conserve, il aperçut une petite silhouette grise : un rat, penché sur un morceau de pain.
Epine retint son souffle, se coucha au sol, les pattes tendues. La proie ne le remarquait pas encore. Lentement, il avança, chaque muscle tendu, son ventre se resserrant sous l'effort. Soudain, d'un coup sec, il bondit. Les griffes d'Epine rencontrèrent la chair du rat avec un cri perçant, qui se transforma rapidement en silence.
Il avait encore attrapé une proie, sa deuxième depuis son exil, et il se jeta dessus avec voracité. Le rat se débattit, mais il ne tarda pas à rendre l'âme. Epine le dévora presque entièrement, sans se soucier du goût ou de la texture. Tout ce qui comptait, c'était calmer cette douleur de la faim qui l'enflammait. Mais alors qu'il léchait ses babines, il sentit une odeur familière qui le fit se tendre immédiatement. L'odeur de la terre humide, du fauve et du danger.
— "Je savais que je te trouverais, petit lâche," grogna une voix rauque dans l'ombre.
Epine se figea. Ronce, le guerrier fauve à l'œil balafré, était là. Ses yeux brillaient dans l'obscurité, remplis de mépris et de haine. Epine sentit un frisson courir le long de sa colonne vertébrale. Il n'avait pas vu ni entendu le chat approcher. C'était un guerrier redouté de tous, et Epine savait qu'il ne pourrait pas lui échapper.
— "Regarde-toi," continua Ronce, ses mots tranchants comme des lames. "Tu oses poser tes pattes sur ce territoire, en mendiant de la nourriture parmi les déchets. T'es qu'un trou à puces, rien d'autre."
Epine, le regard brillant de défi, ne répondit rien. Il savait qu'aucune parole ne changerait la situation. Mais il n'allait pas se laisser faire. Pas après tout ce qu'il avait enduré.
Ronce s'avança, un rictus déformant son visage. "Prends tes griffes, chaton. Montre-moi que tu es capable de faire autre chose que de fuir." Il donna un coup de patte, frappant Epine à la tête. Le petit chat roula sur le sol, ses sens étourdis par le choc. Mais il se redressa rapidement, le souffle court, les griffes sorties.
Le combat ne tarda pas à commencer. Ronce était un guerrier expérimenté, tandis qu'Epine n'était qu'un jeune chat encore fragile. Il tenta de riposter, mais chaque coup qu'il portait était paré avec une facilité déconcertante. Il se sentait comme une proie dans les griffes de son prédateur.
Ronce l'envoya au sol avec une violence inouïe, son corps percutant le béton. L'air lui manquait, et le goût du sang envahit sa bouche. Il essaya de se relever, mais une autre griffe lui éraflait le flanc, y laissant une longue trace sanglante.
— "T'es vraiment qu'un faible," cracha Ronce, avant de se pencher près de lui. "Tu vivras encore une nuit, juste pour que Fléau voie à quel point tu es pathétique."
Ronce s'éloigna alors sans un regard en arrière, sa silhouette se fondant dans l'obscurité. Epine, allongé sur le sol, haletait. La douleur était intense, mais plus encore était la humiliation de s'être fait battre si facilement.
Il resta là, un moment, les yeux fermés, son esprit tournant en boucle. La faim, la douleur, la honte. Pourtant, quelque chose en lui se refusait à se laisser abattre. Il avait survécu à la rencontre avec Ronce, et ça signifiait quelque chose.
Peu à peu, il se redressa. Il savait qu'il n'était pas encore prêt à affronter Fléau, mais chaque nuit passée ici, dans ce territoire implacable, le rapprochait un peu plus de cet objectif. Il n'était pas là pour mourir. Il était là pour prouver sa valeur.
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