Chapitre 21 - Partie I


Roxane


Ne fais confiance qu'à Z, elle sait ce qu'elle fait.

Suis notre plan, quoi qu'il arrive.

Soit forte et courageuse, comme tu l'as toujours été.

Et si tu as peur, souviens-toi.

Je ne serai jamais loin de toi.

Jamais.

*

Trois pâtés de maisons.

L'air glacial de la nuit s'immisce en moi et me brûle la gorge. La peur me tord le ventre, au point qu'une violente nausée soulève dangereusement mon estomac depuis plusieurs minutes. Mes pas suivent mécaniquement ceux de Zara à travers les rues d'Upper East Side. Ces rues que je ne connais que trop bien.

Deux pâtés de maisons.

Mon coeur pulse à une vitesse folle et une cascade de frissons déferle sur mon corps entier. Mes démons continuent de murmurer aux portes de mon esprit. Ce mélange de mots incompréhensibles est à deux doigts de faire exploser mon crâne, déjà sous pression.

Un pâté de maisons.

Ma guide s'arrête à l'angle que forment une ruelle et Madison Avenue, puis m'entraîne avec elle derrière une benne à ordure. Dans l'obscurité sinistre qui contraste avec les éternelles lumières de l'avenue, elle se retourne vers moi et me dévisage avec inquiétude.

— Ça va ?

Mon estomac ne me laisse pas le temps de formuler une réponse. Il se tord et se contracte violemment sous un énième assaut d'angoisse. Je me tourne in extremis vers la benne à ordure, dans laquelle je rejette toute la terreur qui ronge mes entrailles. Zara hésite quelques secondes, puis finit par s'approcher de moi et poser une main sur mon dos.

— Ça va aller. C'est souvent comme ça, les premières fois...

Je ferme les yeux, occultant du même coup le carnage qui s'offre à présent à mes yeux, et continue de déverser le maigre contenu de mes tripes au milieu des ordures pestilentielles de la ville.

Quelques secondes plus tard, je m'appuie sur mes bras flageolants et me redresse avec lenteur. Zara attrape mes épaules puis me recule jusqu'au mur de briques contre lequel elle m'adosse.

— Ça va mieux ?

J'acquiesce d'un rapide signe de tête tout en réceptionnant le mouchoir blanc qu'elle agite avec désinvolture sous mon nez.

— On va attendre un peu par ici, le temps que tu te remettes.

Elle rejette son épaisse queue de cheval blonde en arrière et tire fébrilement sur sa veste en cuir. La crainte qu'elle dissimule avec difficultés dans son regard n'arrange en rien mon état de nerfs. Je m'aide alors du mur et me redresse en rétorquant, d'une faible voix :

— C'est bon, je... Ça va. On peut y aller.

— Prends encore quelques minutes. On est en avance de toute façon.

Elle m'incite à reprendre place, sans jamais croiser mon regard. Sa bienveillance, bien que forcée, me touche en plein cœur. Je pose les yeux sur elle et murmure alors, d'une voix à peine audible :

— Je suis désolée, Zara.

Cette dernière se tourne face à moi et expulse une épaisse fumée de condensation par la bouche, un sourcil arqué.

— Désolée pour quoi ?

— Shane.

À l'évocation de ce nom, Z se crispe et piétine devant moi, les yeux rivés vers l'avenue.

— Je n'ai vraiment aucune envie d'aborder ce sujet-là avec toi.

— Je sais, mais je voulais quand même te le dire. Je suis désolée si je t'ai fait du mal ou s'il t'en a fait à cause de moi. Tu ne mérites pas ça, et je...

Zara pousse un profond soupir d'exaspération et plonge les mains dans les poches de sa veste.

— Écoute, Roxane. Je lui ai promis de veiller sur toi, pas d'être ton amie. Je ne veux pas de tes excuses ou de tes explications. Ce qui est fait est fait et tu pourras me dire tout ce que tu voudras, ça ne changera rien. Tout ce qui m'importe maintenant, c'est qu'il s'en sorte, sain et sauf. Le reste, je m'en fous.

Je baisse la tête pour mieux encaisser la chute du couperet de l'indifférence algide à laquelle mes actes m'ont condamnée. Après quelques secondes, je décide de rompre le silence de glace qui s'est installé entre nous et reprends à mi-voix :

— Au moins, toi et moi avons le même but...

Les yeux rivés sur le sol, Zara pousse un petit caillou du bout de sa chaussure. La peur qui imprègne les traits tirés de son visage trahit sans mal ses sentiments et m'incite à ne pas m'étendre sur le sujet.

Quelques minutes plus tard, nous reprenons notre route en direction des profondeurs de la ruelle obscure. Mon cœur cogne douloureusement dans ma poitrine et mon dos est couvert de sueur qui imprègne mon pull d'une moiteur insupportable. Tout à coup, Zara s'arrête puis se retourne vers moi, ses grands yeux scintillants au cœur de la nuit. Elle prend ensuite une grande inspiration et me lance, d'une voix fébrile :

— Prête ?

— Oui, je suis prête.

Je tends le bras à ma guide qui s'en empare alors avec fermeté. Après un ultime regard échangé, nous nous engouffrons ensemble dans un petit passage dissimulé sur la droite, totalement masqué par l'opacité des ténèbres. Je titube et feins de suivre Zara contre mon gré. Cette dernière resserre un peu plus son emprise sur moi et me bouscule en avant pour parfaire l'illusion. Mais lorsque je relève la tête sur l'Audi noire de Robin qui nous fait face, une vague de terreur me submerge et fige littéralement mes jambes. Je reste droite, immobile, tétanisée par le souvenir de la dernière nuit où je suis montée dans cette voiture. Devant mon malaise soudain, Zara se crispe et entraîne un peu plus mon bras avec elle en me soufflant un « avance, Roxane » empreint d'une nervosité palpable.

Le plan, Roxane. Il faut suivre le plan.

Les secondes semblent durer une éternité et le sang qui fuse dans mes tempes me donne la migraine. Je déglutis avec difficulté tandis que mon cerveau retrouve peu à peu le contrôle de mes jambes et se laisse de nouveau entraîner jusqu'à l'arrière du véhicule, derrière le conducteur. Zara m'installe brutalement sur la banquette, puis referme la portière avant de contourner une nouvelle fois la voiture pour prendre place sur le siège passager.

Le silence pesant qui règne dans l'habitacle ne fait que s'ajouter à la boule de nerf qui obstrue déjà ma gorge. J'ose un bref regard autour de moi ; Desmond est à mes côtés, il m'adresse son petit sourire habituel, empli de compassion, puis pose amicalement sa main sur la mienne. Je me crispe à ce contact, mais tente de ne rien laisser paraître. À l'avant, Zara est maintenant plongée dans le sac de sport noir à ses pieds, d'où elle extirpe des gants et deux cagoules. Je prends une profonde inspiration avant de diriger mon regard vers le rétroviseur central, là où deux iris couleur acier me scrutent avec une lueur de satisfaction morbide qui me remplit d'effroi.

— Bonsoir, Roxane. Ravi de te revoir dans une tenue plus... convenable.

J'expire lentement, la main gauche délicatement posée sur l'accoudoir, concentrée sur les battements furibonds dans ma poitrine. Robin abaisse son regard sur son arme à feu, dont il vérifie patiemment le chargement, tout en s'adressant à moi, sur un ton anormalement doux :

— Zara t'a expliqué la situation ? Je sais que c'est un peu dur à accepter, mais tu peux comprendre ça mieux que personne, Roxane. Il me faut cette toile. Il en va de la survie de mon organisation.

Je reste muette, terrée au fond de mon siège, attendant douloureusement la suite de son monologue

— En fin de compte, je suis comme un père de famille. Je dois veiller à ma propre sécurité pour préserver aussi celle de mes hommes. Aujourd'hui, il n'y a que ce tableau qui peut m'aider à faire en sorte que le FBI ferme encore un peu les yeux sur un petit différent entre moi et un ancien collègue.

Il relève ses iris vers le rétroviseur et m'observe, un éclat de malice brillant au cœur de ses pupilles :

— Après tour, je ne fais rien de plus que ce que ton père pourrait faire, Poupée. Je parle de payer des médias pour éviter, par exemple, de laisser paraître au grand jour que sa petite princesse bien élevée a déserté les galas de charité de Manhattan. Tout ça pour passer du bon temps avec le bras droit d'un chef de gang. Quelle sale pub pour son empire...

Ma main enserre la poignée de l'accoudoir de la voiture. Desmond me jette un bref regard de biais, sans dire un mot et le large sourire de Robin apparaît alors dans le rétroviseur. Il tourne ensuite la tête vers Z et lui lance, sur un ton enjoué :

— Est-ce que tout est prêt, Z ?

Surprise, cette dernière s'extirpe tant bien que mal des méandres de ses pensées tourmentées pour répondre, d'une voix grave :

— Euh, oui. J'ai tout. Juste une chose, il semblerait que son père soit là ce soir.

Robin me jette un rapide coup d'œil à travers le petit miroir central, en caressant la crosse de son pistolet, avant de rétorquer, d'une voix à peine audible :

— C'est embêtant, en effet.

Mon cœur est à deux doigts d'exploser. Je ferme les paupières une seconde, me remémorant inlassablement les dernières paroles de Shane.

Ne fais confiance qu'à Z. Elle sait ce qu'elle fait. Suis notre plan, quoiqu'il arrive.

— Mon amour, cet immeuble, c'est une véritable forteresse. Nos indics sont formels, le moindre coup de travers et c'est toute la police de la ville qui rapplique. J'ai ce qu'il faut pour faire en sorte qu'il ne se réveille pas, au moins pendant qu'on s'occupera de récupérer ce que tu veux. Mais promets-moi de ne pas provoquer d'effusion de sang, ce soir.

Elle glisse sa main sur l'arme à feu et adresse un sourire implorant à Robin. Ce dernier reste un instant muet avant de pousser un long soupire et de ranger le pistolet dans la poche intérieure de sa veste. Zara s'approche alors rapidement de lui pour déposer un langoureux baiser sur ses lèvres en guise d'approbation. Je détourne les yeux en même temps que Desmond et retiens un profond soupir de soulagement. Pour l'instant, tout se passe comme prévu. Tout se passe comme prévu.

Une fois détachée de Robin, Zara replonge dans le contenu du sac noir et en extirpe ses gants et ceux de Desmond qu'elle lui tend. Robin passe une main dans ses cheveux et pose une nouvelle fois le regard sur moi.

— Roxane, je ne suis pas un idiot. Je sais très bien que même si ton père est bien endormi chez toi ce soir, il est très probable que votre alarme soit quand même active à cette heure-ci. Tu sais ce que tu as à faire si tu veux que tout se passe pour le mieux. Aide-moi à prendre ce dont j'ai besoin et je te donnerai ce que toi tu veux. Bien que je n'ai aucune envie de réveiller Rafe pour la deuxième fois en moins de trois semaines, je te conseille de ne pas essayer de faire quelque chose qui pourrait me rendre, comment dire... nerveux. Crois-moi, ça vaudra mieux pour tout le monde. À la fois pour toi, pour ton père et pour ton petit amoureux.

Il lance un regard entendu à Zara qui affiche alors un sourire contrit avant de murmurer :

— Je suis prête, mon cœur.

Je reste muette, incapable de répondre à la tirade de Robin. La peur de faire le moindre faux pas m'interdit de prononcer le moindre mot. Il jette alors un coup d'œil à Desmond qui acquiesce à son tour avant de m'adresser un petit sourire d'encouragement que je tente de lui rendre avec difficultés.

— Ce soir, c'est le grand soir, mes amis ! L'apogée de ma carrière. Je veux du grandiose, de la perfection. Vous êtes les meilleurs pour ça et je sais que vous ne me décevrez pas.

Ma tempe tremble sous l'effet de la pression, je déglutis pour ravaler mes larmes d'angoisse et tente de faire le vide en moi en fermant les paupières.

Soit forte et courageuse, comme tu l'as toujours été. Et si tu as peur, souviens-toi. Je ne serai jamais loin de toi. Jamais.

— Oh, ça non. Vous ne me décevrez pas. Je le sens...

*

Dixième étage.

Mon cœur se serre au fur et à mesure que nous gravissons les escaliers de secours de mon immeuble. La ligne de sueur sur mon front ne fait que s'accentuer à chaque seconde qui passe. Zara tient fermement mon bras et m'astreint à grimper promptement les marches à la suite de nos deux complices.

Vingtième étage.

Je m'arrête, à bout de souffle. Les battements dans ma poitrine résonnent dans ma tempe, je suis en nage et ma mâchoire tremble. Robin et Desmond ont quelques paliers d'avance. Je m'effondre, le corps vibrant de toute part. Zara, toujours à mes côtés, se poste alors devant moi et place ses deux mains de part et d'autre de mon visage avant de murmurer :

— C'est pas le moment de lâcher, Roxane. Viens, allez. Ce sera bientôt fini, tu le sais. Tu n'es pas toute seule, rappelle-toi.

D'un geste de la tête, elle désigne le bas des marches et m'adresse un léger sourire crispé, mais réconfortant. Je tente de reprendre le contrôle de mon souffle tandis que Zara me remet sur pieds et passe mon bras autour de ses épaules. Soudain, une ombre furtive attire mon attention dans son dos. Je me braque et tressaille. Mes yeux cherchent désespérément à retrouver ce qu'ils ont vu, en vain. Il n'y avait rien.

Rien de réel.

Trente-cinquième étage.

Zara vacille, je m'accroche à la rampe et nous rattrape de justesse avant la chute. Le souffle court, elle lève la tête vers le haut des escaliers interminables qui nous font face. Elle rehausse alors mon bras tremblant de fatigue et de peur autour de son cou et agrippe ma main avec vigueur. La détermination dans son regard n'a d'égal que le courage qui habite son cœur. Elle pose ensuite un pied sur la prochaine marche et m'incite à en faire de même, puisant toute l'énergie qu'il lui reste dans les profondeurs de son amour bafoué.

Quarante-deuxième étage.

À bout de force, nous gagnons enfin le palier du dernier niveau. Robin est au sol, les mains plongées dans le sac noir, duquel il extirpe ses propres gants en cuir. De son côté, Desmond est déjà à son poste, derrière la porte. Il surveille attentivement les moindres signes d'allées et venues dans le couloir de l'étage, à la manière d'un chien de garde.

Zara m'assoit à grand-peine sur les marches de l'escalier et retire son bras de mon cou, exténuée. Moi, je ne parviens pas à reprendre mon souffle. Tiraillée entre les symptômes de l'effort physique et les bribes de visions qui embrouillent à nouveau mon esprit, je me perds de nouveau au milieu des spectres de l'irréel. Mon cœur martèle dans ma poitrine et l'afflux d'oxygène à mon cerveau me donne le tournis. Une série de picotement s'empare de moi, m'obligeant à appuyer ma main contre le mur pour ne pas perdre pied. Mais malheureusement pour moi, Robin ne compte pas m'accorder une seule seconde de répit. Il se redresse, puis s'avance à ma rencontre en toute hâte avant de murmurer à mon oreille :

— Est-ce qu'il y a une caméra dans le couloir ?

— Non... Aucune.

Robin me fixe de ses grands yeux gris, cherchant à déceler le mensonge au fond des miens. En vain ; je ne mens pas. Il affiche un petit sourire de contentement et se retourne ensuite vers Zara à qui il ordonne à voix basse :

— Donne-moi les clés.

Elle acquiesce d'un signe de la tête puis s'empresse de fouiller les poches de sa veste. Le sang fuse dans mes tempes et ma respiration est incapable de reprendre un rythme normal. Mes yeux suivent avec attention la passation du trousseau d'une main à l'autre et je ne comprends pas. Non, je ne comprends pas comment ma clé a pu se retrouver en possession de Zara. Je ferme longuement mes paupières, persuadée de subir les assauts d'une nouvelle hallucination. Devant mon désarroi apparent, Z s'approche de moi, en même temps que Robin et Desmond s'affairent au sol, autour du sac noir. Je balbutie alors, d'une voix entrecoupée par ma respiration saccadée :

— Comment tu as eu ma clé ?

Confuse, la jeune femme ne relève pas les yeux vers moi. Elle prend une profonde inspiration et finit par m'avouer, après quelques secondes de silence troublant :

— C'est un double. J'ai pris l'empreinte de la vraie le jour où Shane t'a présenté Robin. Tu m'avais donné ton sac et j'en ai profité pour prendre ta... Désolée.

Le dernier mot qu'elle murmure se noie dans mon océan de détresse. Cette révélation réveille mes démons de plus belle et une violente montée d'angoisse me soulève de nouveau l'estomac.

Ça ne faisait pas partie du plan. Ce n'est pas réel. Rien n'est réel. Qu'est-ce que je fais ici?

Soudain, mon regard croise la silhouette cadavérique de Jordan, appuyée contre la rambarde, et la terreur m'assaille alors de toute part. Mon souffle s'accentue un peu plus, devenant plus bruyant de seconde en seconde, sans que je puisse l'en empêcher. Je perds le contrôle. Face à mon manque de discrétion, Robin se relève et se précipite vers moi en jurant. Zara tente de s'interposer, mais il la décale contre le mur qu'elle heurte violemment avant de s'effondrer sur le sol. Desmond s'approche d'elle pour la remettre sur pied. Il me jette ensuite un rapide coup d'œil empli d'inquiétude au moment où Robin se poste devant moi et, de sa main gantée, empoigne ma mâchoire avec rage.

— Tu vas la fermer, oui ?

La haine qu'il déverse en moi à travers son regard brouille ma propre vision. Mes poumons s'emballent dangereusement au gré des pulsations frénétiques dans ma poitrine. Mes doigts se crispent sur le poignet du chef qui perd alors patience. De son autre main, il fouille l'intérieur de sa veste pour en extirper son arme à feu, dont le canon glacial vient ensuite se planter sous mon menton. À ce contact, une cascade de sueurs froides me remonte l'échine, me propulsant dans les abysses d'une inéluctable crise de panique.

Ses lèvres prononcent des mots que je ne discerne plus. Prisonnière d'un brouhaha infini, je m'enfonce dans les sables mouvants de ma propre folie. Zara se précipite sur Robin et pose ses deux mains sur son visage dans une vaine tentative de regagner toute son attention. Les secondes ralentissent inexorablement, comme cristallisées par mes visions perfides et tronquées. Figée hors du temps, j'observe le chef repousser avec fureur sa compagne, qui vacille une nouvelle fois et se rattrape in extremis à la rampe des escaliers. Le canon du pistolet appuie sur ma peau et je ferme alors les yeux, résolue à faire face à la suite de cette réalité biaisée dans laquelle je n'ai pas ma place.

Parce qu'après tout, rien n'est vrai. Rien n'est réel. Rien du tout.

— Lâche-la, Robin. Je m'en occupe...

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