Partie 34

Arrivé à la maison, comme par un réflexe je vérifie la boîte au lettre avant de monter, même s'il y a forte chance que Fatima a déjà relevé le courrier.

À ma grande surprise, je découvre une enveloppe non timbrée avec mon et mon adresse imprimée et collée dessus. Très surprise, je m'empresse de la saisir et de monter dans mon appartement. Fatima était en train de préparer le thé dans la cuisine. Quand à Yanis plongée dans la lecture, il ne m'a pas entendu rentré.

Je me débarrasse de mon trench mouillé que je suspend dans mon dressing, et je file dans ma chambre pour découvrir le contenu de cette missive mystérieuse. Entre la peur et l'angoisse se mélange une lueur d'espoir. Qui sait, je vais enfin avoir une nouvelle de Süleyman, est ce possible ? Pourvu que cela ne soit pas l'annonce d'un malheur que je redoute tant depuis qu'il a disparu.

Une fois dans ma chambre, je prends place sur devant mon meuble à écrire un secrétaire Louis XVI qui fait également bureau plat. Je l'affectionne particulièrement, c'est sur meuble  ma mère écrivait et réceptionnait religieusement les très rares courriers que mon père lui envoyer lorsqu'il était en mission. L'avantage de ce meuble au multiple visage permet de conserver les documents sous clé. Son abattant peut recevoir un décor de marqueterie ou de placage qui permet de le rendre unique. Il ouvre en général par deux vantaux en partie basse. Ce bureau Louis XVI  par son élégance donne envie naturellement d'écrire et de prendre sa plus belle plume. Il reste l'apanage des ébénistes parisiens qui ont fait le bonheur de la bourgeoisie lettrée dont les secrets de correspondance devaient être gardés sous clef.  Je saisi l'ouvre-lettre et découpe par le haut l'enveloppe.

La lettre elle même n'est pas manuscrite, c'est une impression d'un courier électronique.
Je lis le contenu qui commence par :

Instruction numéro dix :

Un messager passera demain à quinze heure pour récupérer votre réponse. Attention que personne ne vous voit, nul besoin de vous rappeler si vous ébruitez cette situation, pensez à votre avenir et pensez à votre fille...

- Quelle est la situation psychologique de Sarah ?

- Comment vie t-elle l'absence de Süleyman ?

- Quelle est sa relation avec Yanis ?

- Est ce qu'elle a repris le travail ?

Vos réponses doivent être précises, votre prochaine instruction numéro onze arrivera le trente du mois, même heure. Soyez au rendez-vous !

Signé : le Bienfaiteur

Je n'en reviens pas de cette lecture qui révèle que depuis le début de l'enlèvement, Fatima est au courant non seulement mais qu'elle subit un chantage ignoble.

A peine j'ai eu le temps de lire le courrier, que j'entends de l'agitation dans le salon. Je range aussitôt le courrier dans le secrétaire que je ferme à clef avant de sortir.

Une fois dans le salon, je vois Fatima en panique, comme si elle avait perdu ou si elle attendait quelque chose ou quelqu'un.

J'avais bien remarqué depuis son retour du Maroc, Fatima n'est plus la même, parmi les premiers signes que j'avais perçu, c'est la perte d'estime de soi, elle donne toujours une impression d'être disqualifier complètement effacée. Elle est beaucoup plus nerveuse, avec des maux de tête toujours plus importants, elle a développé des troubles psychosomatiques, elle montre des signes de dépression que je mettais sur le dos de sa situation au Maroc du bouleversement avec sa fille qu'elle tente retrouver malgré des années de séparation...

Depuis son retour, alors qu'elle devait être joyeuse d'avoir pu faire venir sa fille, elle a perdu sa vitalité, se désintéresse de tout, sursaute au moindre bruit. Maintenant je comprends mieux, la pauvre vie ce chantage depuis le début.

Je fais comme si de rien était, et lui demande :
-« tout va bien Fatima, je te sens nerveuse aujourd'hui ? »
-« ce n'est rien madame, c'est juste que je devais recevoir un message et que je n'ai rien reçu »
-« quel genre de message Fatima ? De qui ? Par téléphone »
-« non madame, ce n'est pas grave c'est juste personnel, ne fait pas attention à moi, je vous ai fait votre thé, il sur la table, j'allais vous appeler à l'instant. »
-« vous me cacher quelque chose Fatima ? Cela ne vous ressemble pas ?

Les yeux pleins de larmes Fatima se retourne comme pour ne pas être dévisagé et repose près de la porte la clef de la boîte au lettre discrètement. Ce qui ne m'a pas échappé maintenant que j'ai le début de l'histoire qu'elle subit grâce à cette lettre que j'ai intercepté involontairement.

Je lui dit ;
-« écoutez aller vous reposer, je m'occupe de Yanis »
-« vous êtes sur madame ? Si vous souhaitez je peux le prendre avec moi cette nuit ? »
-« non ne vous inquiétez pas, allez-y je m'en charge, j'ai besoin de lui parler »
-« très bien madame, je vous souhaite une très bonne nuit, bonne nuit à toi aussi Yanis »
-« bonne nuit Fatima »

Une fois seul, avec Yanis, je lui pose la question directement :

-« dit moi Yanis est ce que tu as remarqué quelque chose d'étrange ces derniers temps chez Fatima ? »

-« Je ne sais pas, je la vois très souvent pleurer, elle me dit que mon père lui manque beaucoup, qu'elle s'excuse très souvent de rien pouvoir faire pour m'aider ... »

-« dit moi Yanis, est que tu l'as vu récemment ranger des courriers ? Dans une boite où dans un placard ? ... »

-« non pas vraiment, mais j'ai juste remarqué qu'elle s'enferme souvent dans la bibliothèque »

-« merci Yanis tu es très observateur petit coquin »

-« que ce passe-t-il ? Est ce que tu as du nouveau pour mon père ? »

-« pas encore, mais je te promets que cela va bientôt changer, garde espoir comme ton père te l'a toujours appris, ne l'oublie pas dans tes prières. »

Mon sourire me trahit, Yanis n'est pas dupe, il a compris que j'étais dans un état plus enthousiaste.

-« très bien, je vais me coucher, à demain inchallah. »

-« tu es adorable et très courageux dans cette situation très difficile, je comprends pourquoi ton père est si fière de toi »

Sourire au lèvre, je le laisse filer dans sa chambre. Je sais maintenant que Süleyman est en vie, et que le reste de mes questions de trouve dans la bibliothèque. Je me dis que j'ai toute la nuit pour trouver la cachette des instructions que reçoit Fatima.

Je finis par m'enfermer dans la bibliothèque, et je commence à regarder tous les recoins, à détecter le moindre livre qui serait pas aligné... mon coeur bat tellement vite à l'idée de découvrir une piste sur le lieu de la détention de Süleyman, que je respire avec difficulté comme si je venais de faire un cent mètre.

Après une heure de recherche en vain, épuisé, je me laisse tomber dans le canapé d'angle la tête renversée, les yeux au ciel, lorsque soudain  une idée me vient à l'esprit...

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