Partie 33
Après avoir fait le tour des hôpitaux et des centres d'accueil pour les sans papiers, Yanis finit par me réclamer de rentrer après cette journée épuisante et difficile. Aujourd'hui encore une journée interminable sans aucune nouvelle de Süleyman.
Arrivé à la maison, je demande à Fatima de prendre soin de Yanis. Elle qui vient de rentrer il y a peu du Maroc avec sa fille semble tout aussi boulversé par la disparition soudaine de Süleyman au point d'avoir oublié sa propre douleur et ses preuves en ayant réussi enfin à faire venir en france sa fille que son ex mari lui interdisait de la voir...
Yanis confié à Fatima, la porte refermée, je ne sais où aller, j'ai marché des heures durant pour me retrouver seule, sur le banc, sous la pluie, dans le parc des Tuileries perdus dans mes pensées au milieu de ce jardin presque désert.
Pas un jour ne passe sans que je m'imagine revoir Süleyman. Pas une nuit ne s'éclipse sans que les yeux rivés sur les étoiles je ne fasse un vœux dans l'espoir qu'il surgisse au beau milieu de la nuit.
Perdu en moi même, le regard hagard je ne ressens plus rien, comme si le monde m'était indifférent. Que puis je offrir au désert si ce n'est le vent de mon amour pour la poussière de mes souvenirs en lambeaux depuis la disparition où plutôt de l'enlèvement de l'être que mon âme aime si tendrement. Lui qui avait le don du plaisir de donner sans rien attendre de la rose au parfum du désert.
Je finis par m'abriter sous une marquise pour sortir de ma poche le recueil de Süleyman qui depuis ne me quitte plus. Tel un rituel je lis et relis ses mots, sa prose et ses vers comme pour sentir à travers ses phrases son âme. Chacune de ses compositions sont des trésors à mon coeur. Je me rends compte aujourd'hui de ses vrais sentiments à mon égard. Dans ce journal intime que j'ai retrouvé dans sa chambre je découvre l'homme passionné d'une sensibilité attachante. Ses mots ont cette audace de l'amour que sa pudeur n'osait pas exprimer à mon égard. Je lis et relis ses passages : Sablier du destin
« Je suis venu à toi, tu es venu à moi, en moi tu te miras, et tu te sentis toi-même en m'effleurant à nu de ton âme.
Ô ma muse, ma rose, je sais que tu brûles de me voir, moi la larme de nuit solitaire éperdue dans ce ciel au milliard de grains d'étoiles scintillantes dans ce désert. Sinon vain serait ce cortège d'espoir de soleils et d'étoiles qui brillent dans nos cœurs épris de la passion de l'amour.
Ô ailes déliées de mon mystère, le songe de mes rêves se rompit dans la nostalgie des effluves sur les pas d'un chemin à deux cœurs, vers un ailleurs lointain, ton ardent message lancé dans le coeur de mes émotions loin d'ici, quelque part, ailleurs sur le rivage entre ciel et mer la où le désert se fait prince du silence.
L'étalon noir qui en mon sein hennit dans la solitude de la nuit, c'est en réalité ma folie mon désir qui trépigne de sa fougue sauvage. Je suis ce pur-sang qui racle la terre impatient de bondir à l'assaut de l'inaccessible que tu es devenue depuis que mon coeur t'a pris pour l'unique rose.
Ô beauté suprême, les azimuts de mon esprit sont tous ouverts à ton amour. Sais-tu que depuis toi je suis sans sanctuaire, sans paradis sur terre, sans fin ultime si ce n'est d'être seul avec ma douleur. Je suis l'errant au coeur blessé à l'âme écorchée foulant à chaque pas un lieu sacré que nos promesses non dites avaient établi mais qui s'éloignent au gré du sablier d'un destin qui nous échappe. »
Comme si le ciel manquait de larme en cette journée si pluvieuse mes yeux faisaient don des larmes que mon coeur mon âme ne pouvaient plus contenir. Comment ne pas aimer un homme pareil ? Comment oublier un être aussi raffiné et sensible ? Son absence est une torture sans nom... je finis par m'arrêter sur son poème intitulé : Aujourd'hui
« Aujourd'hui,
J'ai rêvé de ton parfum,
J'ai rêvé de ta douceur,
Sans toi depuis mon puits,
Les yeux loin du cœur,
Mon âme est défunt.
Aujourd'hui,
J'ai senti ta présence,
J'ai désiré ton essence,
Sans toi je ne suis depuis,
Qu'un être sans ombre,
Fuyant la lumière.
Aujourd'hui,
Sans toi, je ne suis plus,
Sans toi, je me fuis,
Malgré l'enclume,
Malgré que je fus,
Mon esprit a la plume.
Aujourd'hui,
Je n'ai plus de mot,
Sur le rivage de mes maux.
Le céleste de mes vers luit
Tel un souvenir en moi,
Telle une once de toi. »
Je finis par refermer le recueil refusant de lire la suite pour laisser la part du plaisir de le sentir et le découvrir un peu plus demain et après demain... comme un livre que l'on aime tant où l'on est pas pressé d'arriver à la fin.
Après avoir lu son poème au moins dix fois, je reprends ma route pour rentrer chez-moi en me disant presque à haute voix « si seulement je pouvais te dire combien je t'aime Süleyman et combien tu me manques ... »
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