Partie 29


L'angoisse de Süleyman ... 

Je regarde Sarah se diriger vers la porte, j'ai comme un mauvais pré-sentiment, une douleur s'empare de ma poitrine, la dernière fois que j'ai ressenti cela, c'était avant de prendre la mer avec Sorayah et Yanis ...

J'observe avec inquiétude Sarah, qui sur la pointe des pieds regarde par le judas de la porte, elle finit par se retourner vers moi avec un sourire qui en dit long sur son soulagement :

-" Ne craignez rien Süleyman, c'est Fatima et Yanis "

Je reprends mon souffle, même si l'inquiétude persiste à l'idée que cette Jacqueline puis à tout moment faire une délation et nous causer des problèmes ...

A peine la porte ouverte, Yanis plein de joie, se précipite dans mes bras :

-" Papa, tu ne devineras pas ce que Fatima m'a acheté ? Elle est trop gentille. "

Devant tant d'excitation et de bonheur, comme à son habitude Yanis à ce pouvoir de dissiper mes angoisses.

- "Dis-moi mon prince, qu'est-ce qu'elle t'a offert la gentil Fatima ?"

- " Regarde, c'est une boussole et elle indique même la direction de la Kaaba ! Grâce à cela je n'aurais plus à te demander la direction la Mecque pour la prière"

Voir mon fils aussi enthousiaste avec cette boussole, me procure une satisfaction immense, je ressens comme une fierté, le temps passant il grandit malgré nos errements depuis que nous avons quitté Hérat en Afghanistan. Avec cette joie qu'il exprime, je mesure combien il est conscient de l'importance de la prière par-delà je mesure surtout son amour pour Allah, j'ai le sentiment d'un devoir accompli. La seule chose que je souhaitais transmettre par-dessus tout à mon fils c'est l'Amour d'Allah car je sais avec cette amour il sera dans le juste milieu de toute chose en toute circonstance ...

Le regard sur Yanis, je constate combien Sarah s'empresse d'avertir Fatima que Jacqueline est venue à la porte et qu'elle sait qu'un étranger vit ici ... Sarah et Fatima revienne vers moi :

Sarah d'un regard bienveillant s'adresse à Yanis :

-" Tu veux bien, allez dans la chambre avec Fatima, elle a plein de nouveaux livres à te monter?"

Yanis me regard, je sens qu'il aurait aimé rester un plus longtemps avec moi, mais j'ai compris que Sarah et Fatima viennent d'échangé sur un sujet délicat nous concernant ... je fais un clin d'œil à Yanis, qui me saute au cou avant de partir avec Fatima il me dit :

-" Papa j'aimerai bien aller au parc avec toi pour jouer au football"

-" Promis mon cœur, la prochaine fois c'est moi qui t'emmène dehors ..."

- " Süleyman, il est préférable de changer d'adresse, je n'ai absolument pas confiance en cette femme, je propose que Fatima, Yanis et vous-même partiez dès maintenant pour Marseille. J'ai une petite maison là-bas, Fatima s'occupera de vous le temps qu'elle parte pour le Maroc rejoindre sa fille et son ex-mari ..., je vous rejoins d'ici deux jours ... il est important de partir, vous risquez de vous faire prendre ici ..."

Devant cette proposition plein de bon sens et de prévenance, mon regard s'assombrit, décidément, jamais nous ne connaitrons le repos et la sécurité ... tels des fugitifs hors la loi, nous devons partir toujours et encore, fuir le droit d'exister, de vivre dans la sérénité ... avant même de trop réfléchir, je réponds :

-" Oui vous avez raison Sarah, mais il est préférable de faire cela en deux temps, Que Fatima et Yanis partent maintenant, moi je descendrai plus tard avec vous ... même si je dois me faire prendre, je ne veux plus que Yanis subisse la souffrance de la rue, le froid, les dangers, l'insécurité et la faim... je rêve d'un monde plus sûr pour lui ... je vous fait confiance, je sais que vous l'aimez comme votre propre fils alors envoyez les, moi je reste avec vous le temps nécessaire. "

" Oui vous avez raison, c'est plus intelligent et moins risqué... très bien, ainsi soit-il "

Aussitôt Sarah appelle Fatima :

- " Fatima ! c'est bon faite la valise de Yanis, vous partez pour Marseille "

Quelques instants plus tard Fatima arrive est demande à Sarah :

- " Très bien Madame, je fais le nécessaire, mais j'ai mon vole dans trois jours pour Marrakech depuis Paris ... "

- " Ne vous inquiétez pas Fatima, promis nous serons là-bas avec Süleyman d'ici moins de deux jours, j'ai quelques formalités à régler, et au pire, je vous prendrais un vol depuis Lyon ou Marseille"

- " Très bien Madame je fais au plus vite"

Je regarde Sarah, entre inquiétude et gratitude, mon expression démontre un certain désarroi. J'ai besoin d'aller retrouver Yanis le temps que Fatima prépare les affaires ... Sarah se dirige vers la fenêtre pour vérifier qu'il n'y a pas de voiture de police ...

Arrivé dans la chambre, Yanis est au milieu des livres. Quoi de plus beau que l'insouciance d'un enfant, quoi de plus agréable que de sentir l'être aimé en sécurité ... je l'interrompe dans sa lecture :

- "Yanis, alors mon petit cœur, qu'est-ce que tu lis ?"

-" Papa ! Te voilà enfin! "

- "Oui je suis là ..., alors dit moi qu'est-ce que lis de beau ?"

- " Regarde, c'est l'histoire de Nasreddine et son âne il est trop bien, je viens juste de le terminer "

- " C'est super! Peux-tu me la raconter ?"

- " C'est l'histoire de Nasreddine qui un matin s'en va au marché, il s'installe sur un tapis, et vante la qualité de ses produits. Mais, pendant ce temps, son âne lui est dérobé.

Pour démasquer le coupable, Nasreddine invente une histoire à faire frémir la foule rassemblée..."

-" Et dit donc ! Il a l'air bien ton histoire ... alors va-t-il démasqué le coupable ? "

- " Ah non désolé, si tu veux connaitre la fin de l'histoire, il faut que tu lises, c'est ce que tu me dis à chaque fois que je veux connaitre la fin des livres que tu me racontes "

- " Oh mais c'est que le petit prince apprend vite, très bien, je le lirai car tu as réussi à éveiller ma curiosité et mon intérêt, je veux savoir qui est le coupable ..., bravo ! "

- " Tu verras Papa, je suis sûr, tu vas aimer ! "

- "J'en doute pas mon bébé !"

- " Euh, je ne suis plus un bébé Papa! Je te l'ai déjà dit "

- " Ah oui c'est vrai tu es un grand bébé ! ... je voulais te dire, tu vas partir voyager avec Fatima vers le sud de la France! Tu vas prendre le train super rapide pour aller à Marseille ... tu es content ? "

- " Oui! Super ! Mais tu viens avec nous ? Je ne veux pas partir sans toi ! "

- " Viens là que je t'embrasse mon cœur, bien sûr que je viens, mais seulement d'ici deux jours "

- " Ah super, je suis trop content alors, tu me promets Papa, tu viens dans deux jours !?"

- " Inchallah mon cœur, t'inquiète pas, je serais toujours là pour toi, jamais je ne t'abandonnerais, c'est une promesse que j'ai fait à Allah et aussi à Maman, tu te souviens ?! Tu sais que je t'aime, tu le sais ?? "

Yanis rassuré, m'offre en réponse une étreinte qui éveille en moins une chaleur, une boule de bonheur, il me rappelle combien je l'aime d'un amour fusionnel...

- "Allez, file mon grand, va te préparer, Fatima va t'aider "

-" Très bien Papa, j'y vais"

Je retrouve Sarah dans le salon, elle ne cesse de faire des allers-retours vers la fenêtre avec le téléphone à la main. Je tente de la rassurer :

-" Ne vous inquiétez pas Sarah, j'ai peut être fait bonne impression à Jacqueline, et rien n'est sûr qu'elle va prévenir les autorités, on se fait des films peut-être ? ... "

- " J'aimerais tellement vous croire, mais ce genre de personne tire leur bonheur dans le malheur des autres ..."

- " Je viens d'avoir, mon responsable au Printemps, il a accepté que je prenne quelques jours, je lui ai dit que j'avais besoin de descendre dans le sud, mais je dois passer au bureau avant de partir ..."

-" Je suis désolé Sarah de vous causer autant de traquas, vraiment désolé"

Sarah me regarde d'un air très explicite qui en dit long sur sa réprobation :

- " Süleyman, vous n'avez pas à être désolé, vous ne vous rendez pas compte, vous redonnez du sens à ma vie, à mes combats et mes convictions ... alors s'il vous plait, je ne veux plus jamais entendre que vous êtes désolé ! "

Quelques minutes plus tard, Fatima et Yanis se présentent au salon avec leurs paquetages et leurs sacs à dos ...

-" Voilà Papa, je suis prêt ! "

-" Très bien Fatima, descendez, j'ai appelé un taxi, il vous attend pour vous emmener à la Gare de Lyon"

Je ne peux pas le laisser partir sans le prendre dans mes bras :

- " Viens la mon petit prince, je compte sur toi pour être bien sage, tu fais bien tout ce te dit Fatima, attention pas de bêtise! "

- " T'inquiète pas Papa ! N'oublie pas toi aussi, tu m'as promis! tu viens dans deux jours !"

Sarah nous presse aussitôt :

- " Allez Fatima, le taxi vous attend "

Elle ne peut s'empêcher de prendre Yanis dans ces bras :

-" Viens là toi, alors tu es content ? Fait moi un gros câlin, n'oublie pas! Demande à Fatima de t'emmener à la plage à Marseille "

-" Oui je suis trop content, je vais pouvoir ramasser des coquillages !"

Après quelques étreintes précipitées, Fatima et Yanis finissent par descendre et rejoindre le taxi...

Je reste là, derrière la fenêtre pour regarder leur départ, de peur Sarah a refusé que je les accompagne jusqu'à la voiture. Je fais un dernier signe de la main pour lui souhaiter un bon voyage ... Sarah échange quelques mots avec le chauffeur et lui tend un billet avant de les laisser partir ...

Pour la première fois, depuis la mort de Sorayah, je laisse partir Yanis seul, il y a comme un vide qui s'installe en moi, l'angoisse du lendemain, la fébrilité de ma condition ... tout me rappelle combien je suis vulnérable et à la merci d'un chacun ... sans me rendre compte, mes yeux mouillés trahissent ma tristesse lorsque Sarah rentre dans le salon. Elle tente par tous les moyens de me rassurer:

- " Ne vous inquiétez pas Süleyman, on va les rejoindre très rapidement, je vais vous installer à Marseille, vous serez en lieu sûr là-bas ... "

- " Je sais Sarah, je n'ai jamais douté de votre bienveillance"

-" Allez-vous reposer un peu Süleyman, je vais me rendre à l'hôpital, pour voir si par hasard, je peux avoir des informations sur mon père dans le service cancérologie de l'île de France , je sais qu'ils ne donneront pas d'information par téléphone, je vais me présenter avec ma pièce d'identité pour leur prouver que je suis sa fille ... peut-être qu'avec un peu de chance j'obtiendrais des informations sur son adresse et son lieu de vie..."

- " Vous êtes encore trop fragile Sarah, laisse-moi vous aider, je viens avec vous"

- "Non ! hors de question c'est trop risqué, vous restez là, et surtout ne sortez pas pour l'instant ... "

-" Très bien, mais faite à attention à vous, vous risquez tomber et de faire un malaise dans les transports"

- " Ne vous en faites pas pour moi, tenez mon numéro, je vous le note sur ce papier, gardez le bien avec vous, s'il arrive quoi que ce soit, vous m'appelez aussi tôt... "

- " Très bien, je ne bouge de toute façon, je vous attends, ne vous inquiétez pas "

Avant de partir, Sarah se rapproche de moi, son désir de m'embrasser se fait sentir avant de partir, mais elle préfère me caresser l'épaule de sa main bienveillante... est-ce la situation qui veut cela ? où un changement d'attitude pour mieux respecter mes principes ?

Je l'accompagne vers la porte, après quelques échanges et un sourire elle me dit :

-" Ne préparez pas à manger, je vais prendre des plats à emporter on mangera japonais ce soir... j'ai besoin de vous parler, j'ai tellement de chose à vous dire ... "

- " Très bien Sarah, je vous attends ... "

Une fois la porte fermée, je termine de l'accompagner par la fenêtre jusqu'à la perdre de vue dans les rues de Paris.

Je suis là, dans cette appartement aussi majestueux que vide, je ne peux m'empêcher de faire les cent pas dans le salon, de miroir en miroir, mon reflet m'interpelle, me questionne, m'accule, me sollicite pour un interrogatoire de conscience :
" mais où en es-tu de ta vie ?
Bientôt la trentaine, et tu es là!
Comme simple invité sur la sellette ! Mais où vas-tu ?
Quoi ?
Ce luxe et ce confort te conviennent et te suffisent ?
Tout ce sacrifice pour se faire entretenir ?
Regarde toi, as-tu oublié qui tu es ? D'où tu viens ? "

Autant de questions qui se convulsent en mon fort intérieur que je suis pris par le vertige ...

Dans ce vide, si bien agencé et meublé, je retrouve ma maitresse, la voilà, elle lève son voile, depuis, je la connais, si bien, par cœur même, elle ne m'abandonne jamais, toujours à proximité! Oui cette maitresse aussi sublime par sa fidélité que féconde par sa présence ... elle se nomme Solitude.

Je ne peux m'empêcher de dialoguer avec elle, je m'installe près de la fenêtre, saisi une plume et commence à noircir une blancheur immaculé qui inspire autant qu'elle repousse celui qui ose la défier par des mots qui risquent d'être indigne de sa belle robe aux limites sans équivoque ...

Comme à chaque, fois les premiers mots me conduisent vers la foi, que me reste-t-il ? Si ce n'est un grain de foi ? Alors je compose en prose pour donner forme à cette éclosion de doute que le destin n'en finit plus de mettre en collision :

Ma vie est un chemin,
Fait de rêve et d'amour,
Ma réalité est une vague,
Fait d'écume et de fracas,

J'ai égrené mes actes,
Fait de regrets refoulés,
J'ai tamisé mes actions,
Séparé l'ivraie à l'alizé,

À la lueur de l'horizon,
Échoué sur le rivage,
Sur le fil de la raison,
L'espoir sans mirage,

Au cœur de l'abysse,
Emporté par la lyse,
L'esprit en émoi,
Pleure un grain de foi ...

A c'est quelques strophes, je sens mon cœur partir au gré du vent pour embrasser ma maitresse qui lorsqu'elle s'éternise, finit toujours par me rappeler ce chemin par lequel je retrouve une dignité de cœur donnant à l'esprit la raison du sens :

Telle une bouteille à la mer,
Tu as dérivé au gré du vent, âme,
Te voilà livré au fracas des lames,
Que de choix au goût si amer,

Tu as vécu telle une image,
Ouvrant à chacun ton cœur,
Faisant de ta vie une rumeur,
Tel un captif au désir sauvage,

A l'ombre, des cœurs discrets,
Vivant sur les rives des abîmes,
Au jardin préservant les intimes,
Pour des souvenirs de secrets,

Loin de moi ces chemins, innombrables,
Où l'éphémère n'est que remord,
Extirpant de l'âme la vie à la mort,
Pour un destin impitoyable,

Au détour de mes soupirs,
De mes tours en estime,
De mes amis si intimes,
De mes pans de souvenirs,

Perdu ...
Tu es la, maîtresse d'infortune...
Si bienveillante pleine lune,
Attendu ...

Ô Allah de ce souffle,
Fais qu'il te soit voué,
Ô Allah de ce temps,
Fais qu'il te soit consacré,

Sans Toi nul sens.

Envahi par le silence de mes mots, je suis soudain surpris par la sonnerie de la porte ... que faire ? Est-ce Sarah ? Est-elle déjà de retour ?

L'angoisse et la peur me gagne, je pose délicatement ma plume sur ces feuilles qui viennent de cueillir les fruits de mes émotions ...

J'avance, doucement pour ne pas faire entendre le bruit de mes pas ... arrivé vers la porte, je regarde par le judas ... à mon grand étonnement et soulagement, deux hommes habillés de blousse de travaille avec l'insigne Véolia apposé sur leur vêtement. Ils se tiennent là, avec une caisse à outils bleu et une tablette tactile ... ce qui me rassure. Je décide de leur ouvrir et voir la raison de leur venu...

J'ouvre la porte en prenant un air rassuré et souriant, je leur dit :

- " Bonjour messieurs, que puis-je pour vous ? "

- " Bonjour monsieur, nous sommes des sous-traitants de Véolia , nous avons besoin de faire un relevé des compteurs d'eau ... permettez-vous que l'on puisse jeter un coup d'œil sur votre compteur ?"

- " C'est avec plaisir, mais Madame Sarah n'est pas là"

- " Ce n'est pas grave nous en avons pour 5 minutes, vous pourrez signer la feuille d'émargement à sa place, comment vous appelez vous ? "

- " Moi c'est Süleyman, si cela ne vous dérange pas que je signe , entrez donc "

Les deux hommes se regardent, je trouve leur attitude étrange avant que l'un deux me dit :

-" Très bien Monsieur Süleyman , on vous suit"

Une fois les deux techniciens à l'intérieur, je referme la porte, j'ai à peine le temps de me retourner que je reçois, en pleine face, un jet de spray qui me tétanise et me rend complément aveugle ... je sens aussitôt, les deux hommes s'efforcer à me neutraliser ... je ne peux résister plus longtemps je ressens des fourmis gagnez mes jambes et remonter le long de mon corps, une fois à terre ... un sommeil profond s'empare de moi, je perds connaissance ...

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