Partie 27

Sur son visage je peux lire la désolation et les regrets par le malaise que son père vient de créer. Je ne peux retenir d'avantage mes sentiments... Au point où j'en suis, l'heure est venue de parler à cœur ouvert:  

-  " Écoutez Sarah , je pense que je suis de trop dans cette maison, il est temps pour Yanis et moi de partir, je vous remercierais jamais assez pour tout ce que vous avez fait pour nous."

Sarah me lance un regard où l'étonnement se mélange avec une forme d'autorité expressive.

- " Il est pas question! je vous interdis d'avoir de telles pensées...  je vais vous expliquer ma relation avec mon père, peut être vous comprendrez un peu mieux pourquoi je ne voulais pas le voir hier soir . "

- " Peu importe Sarah, ce n'est pas grave, moi je ne suis que de passage, le plus important est que vous avez renoué les liens avec votre Père..."

- "Non Süleyman, mon père nous a abandonné ma mère et moi lorsque j'étais jeune. Il travaillait pour les renseignements secrets français avant de rejoindre les forces spéciales lors de la première guerre  du Golfe." Ma Mère et moi avons tout fait pour le dissuader mais en réalité la seule chose qui a toujours compté pour lui c'est sa personne et sa carrière... A son retour, grâce à son carnet d'adresse et à ses contacts, il a fini par faire fortune...

L'ivresse de la richesse a vraiment créé une fracture entre nous et avec le temps sa folie l'a définitivement éloigné de nous...

Les premiers mois, quand il est rentré, il faisait des cauchemars, la mort de ses compagnons d'armes l'a traumatisé au point qu'il soufrait de fatigue chronique. Il est n'arrivé plus à avoir un sommeil réparateur. Il souffrait de perte de contrôle musculaire, de très forts maux de tête, d'étourdissement. Le plus difficile est la perte d'équilibre, des problèmes de mémoire, des douleurs musculaires et articulaires, des troubles intestinales graves, des problèmes de peau ... sans compter l'horreur de la guerre qui l'a hanté pendant des années ... c'est grâce à l'art finalement qu'il a fini par trouver un certain équilibre ..."

- " Je peux comprendre Sarah, mais j'ai le sentiment, qu'il ne me porte pas dans son cœur, et pour être franc, j'ai l'impression qu'il a peur que notre relation soit trop sérieuse à son goût..."

- " Oui vous avez raison, il vient de me l'avouer, il refuse toute idée d'union entre nous"

- " Très bien Sarah, cela a le mérite d'être clair, preuve qu'il est temps pour moi de partir "

- " Jamais !! je suis majeur, il n'a jamais été là pour moi, ce n'est pas aujourd'hui qu'il va me dicter mes choix dans ma vie sentimentale"

- " Sarah, c'est votre père, malgré son passé, je pense, qu'il cherche juste à vous protéger ... et de toute façon, je n'irai pas à l'encontre de sa volonté, je n'ai rien à vous offrir, je ne suis qu'un indésirable réfugié et immigré sans papier ..."

- " Si vous partez, vous risquez de me perdre à jamais, je ne survivrai pas à votre absence, vous devez comprendre mes sentiments même si ce n'est peut être pas réciproque, plus que jamais, je tiens à vous et à Yanis..."

A ces paroles, mon cœur tremble de douleur, comment faire, que dire devant autant d'amour et de sentiment profond, je n'ai d'autre choix que de lui dire la vérité :

- " Sarah, il est temps que je vous révèle mes sentiments. Dès le premier regard, le premier contact, j'ai su au fond de moi que votre personnalité allez prendre une place importante dans ma vie. Au-delà de votre charme irrésistible, vous incarnez ce que beaucoup d'homme recherche, la générosité, la passion et la sensualité... Vous êtes d'une beauté intérieur remarquable et je n'ai pas assez de mot pour vous dire combien je vous ..."

Je n'ai pu finir ma phrase que la porte de la bibliothèque s'ouvre, Fatima en panique apporte  avec elle une lettre... l'agacement peut se lire sur le visage de Sarah, je sens sa frustration de ne pouvoir entendre la suite de ma phrase ...

-" Fatima est ce que c'est si urgent ?! ce n'est pas le moment s'il vous plait"  

-" Madame, je m'excuse, c'est pour vous, je viens de le découvrir sur la table de chevet, dans la chambre où votre père a dormi, vous devriez la lire c'est important, il vient de quitter la maison sans dire un mot ..."

Entre la peur et l'angoisse l'expression de Sarah se tétanise à l'idée du contenu du courrier.

-"Merci Fatima, vous pouvez nous laisser, prenez Yanis avec vous pour allez faire un petit tour ..."

Le regard de Sarah se fixe sur moi, je sens sa crainte de parcourir ces lignes de son père.

-" Donnez Sarah, je vais vous la lire si vous le souhaitez"

Effondrée à l'idée d'un nouvel abandon ou des mots pouvant la blesser. Sarah me tend la lettre avant de s'assoir sur une chaise, le regard perdu dans ses craintes ... Je remarque ses yeux inondés par les larmes de détresse, je m'applique à lire la lettre :

- " Ma chère Sarah, ma petite fille, ma princesse,

Je sais que je n'ai jamais été digne de ta mère et encore moins de toi, je n'ai pas su être à vos cotés dans les plus dures moments que vous avez traversé. De mon cœur tu n'as jamais ressenti la chaleur de l'amour, de mon cœur tu n'as jamais bénéficié de la tendresse de ton père... Avec le recule, je sais combien je suis passé à coté des êtres qui me sont chers. Je me suis perdu dans mes choix égoïstes, j'ai privilégié ma carrière au détriment des trésors que la vie m'a offerte.

Si je pouvais, je sacrifierais tout pour racheter un peu de passé afin d'écrire une histoire au présent de l'amour. J'ai parcouru le monde, découvert des lieux qui m'ont marqué. Des lieux où la parole donnée au silence offre à l'âme une raison d'être au cœur de la vie ...

La trajectoire de ma vie est une succession d'échec à la hauteur de mes erreurs et de mon individualisme. Nul ne peut comprendre le fardeau que je porte...

Tu es devenue une femme, une formidable femme, généreuse et pleine de vie. Je t'admire malgré mon air impassible. Je sais que mes mots à table ont blessé. Je te demande pardon à toi et à Süleyman, mon intention n'était pas mauvaise, j'ai juste voulu exprimer mes craintes. Malheureusement ma maladresse est toujours à l'honneur dans les moments les plus critiques. J'ai compris que je n'ai plus ma place auprès de toi.

Les émotions de la vie sont des détails que le présent transforme en bonheur pour demain ...

J'ai mesuré tes sentiments pour Süleyman, quoi que je dise je suis mal placé pour te conseiller dans tes choix. J'espère qu'une chose, c'est que tu puisses rencontrer un homme qui aura toutes les qualités que je n'ai jamais eu avec ta mère et toi...

Je me retire de ta vie, je n'ai plus l'intention de te déranger. Si j'ai fait un si long chemin c'est pour admirer une dernière fois ton visage et ressentir à travers ta présence le souvenir de ta mère.

Je n'ai pas su te le dire, mais sache que la maladie va bientôt avoir raison de moi, je souffre d'une tumeur au cœur qui me condamne. Mes jours sont comptés, je n'ai pas su te dire combien je t'aime, je n'ai pas su te soutenir dans les moments difficiles que tu as traversé... pardonne moi pour cette absence, pardonne moi pour cette lâcheté et surtout pardonne moi pour mon insolence à la vie...

Prends soin de toi, écoute et suis ce que ton cœur te recommande pour ne rien regretter de ta vie... Sentir le parfum des souvenirs c'est humer au présent un passé qui manque au cœur et à l'esprit, tu es cette effluve  qui hante et hantera à jamais ma vie ...

Je t'aime ma fille, cela est étrange pour moi de prononcer le mot "Aimer". Parler de l'amour que j'éprouve pour toi, allume les braises en ce cœur malade qui est le mien. J'ai ressenti les frissons de la vie lorsque les larmes de regret ont caressé mon visage si froid et habitué à l'indifférence. La guerre a détruit le peu d'humanité que mon âme avait, je suis devenu au fil du temps l'ombre de moi-même...

Je te dédie ces quelques lignes de l'errance  que je vis, tu ne le sais pas, mais la perte de mon père très jeune à fait de moi ce que je suis devenu ...  :

Emporté par la brise de l'automne,
Mon esprit voyage telle une feuille morte,
Pour se poser sur un livre abandonné,
Où l'histoire finit dans l'errance...

Que dois-je attendre de la vie ?
Elle m'a livré au supplice du désespoir.
Chaque lueur, un leurre !
Chaque carrefour, une solitude !

Une envie d'ailleurs finit toujours ici sans arme,
Dans ce cœur qui ne sait prendre goût à la vie,
Dans ce regard qui ne peut admirer le charme,
Ici, le cœur, de ma douleur contenant ses raisons.

Ne me demandez pas de sourire !
Alors que la vie ne m'a jamais amuser.
Ne me demandez pas d'aimer !
Alors que je n'ai pas eu le droit à l'amour.

Je n'ai jamais connu ce foyer familial,
Rempli d'amour et de sourire.
J'ai vécu parmi les ombres,
Je m'éclipse de la vue d'un chacun.

De la vie je n'attends rien,
Et elle veut-elle de moi ?
De la vie je ne veux rien,
Elle m'abandonne à chaque fois !

Où es-tu quand mon cœur te réclame !
Où es-tu chaque fois que je te clame!
N'ai-je pas le droit à une histoire ?
Papa ! J'ai tant rêvé de toi en larmes.

L'amour est ce patient qui jusqu'au dernier souffle attend l'espoir à la fenêtre du destin ...

A ma fille Sarah, en espérant son pardon. "

Captivé par les mots de la lettre, je relève la tête, Sarah est en larme, le regard tourné vers la fenêtre comme pour cacher ses larmes de ma vue.

Je ressens sa douleur, les mots de son père l'ont bouleversé... je ne sais que dire, le silence devient une compassion dans les bras de l'amertume.... je me rapproche d'elle pour lui offrir une étreinte ....

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