Partie 23

Fatima ouvre la porte à la deuxième sonnerie ...

Du salon j'entends une femme à la voix assez forte, après la bise de bienvenue, une  étreinte chaleureuse prouve qu'elles se connaissent bien et que cela fait moment qu'elles ne se sont pas revues... Fatima la fait rentrer. Et me la présente :

- " Monsieur, je vous présente Saana qui est une copine et une amie très proche."

- " Bonjour, Monsieur"

Je me lève, et lui tend la main :

- " Enchanté Madame, moi c'est Süleyman "

Je suis allait trop vite, elle me sourit et me dit :

- " Mademoiselle, s'il vous plaît ..."

Elle se retourne vers Fatima avec un air souhaitant la faire culpabiliser et lui dit :

- " Mais tu ne m'as jamais fait mention que vous hébergez une telle personne ? "

Saana me fixe,  son étonnement et sa curiosité en dit long sur son désir de me connaitre dans les moindres détails. Elle enchaine les questions, j'ai le sentiment d'être dans un commissariat où l'interrogatoire ne fini plus :

- " Süleyman vous avez dit ? vous êtes de quelle origine ? turque, iranienne , pakistanaise  ? Vous habitez où ? vous travaillez où ? vous êtes marié ? vous avez des enfants ? Ah oui désolé, je parle beaucoup, mais vous êtes ..."

Avant qu'elle ne finisse sa énième questions ,Fatima l'interrompt :

- "Saana, voyons ! c'est un interrogatoire que tu lui fais passer! Je peux te parler dans la cuisine, suis moi s'il te plaît"

- " Mais, attend Fatima, je veux juste faire sa connaissance..."

- " Saana s'il te plait, ce n'est pas le moment suis moi!"

Fatima la prend par le bras en accolade, et la guide vers la cuisine de l'autre coté. Je n'ai pu en placer une si ce n'est qu'un sourire pendant que Fatima l'emmène, elle ne me décroche pas du regard ..."

La porte de la cuisine étant restée entre ouverte, j'entends comme des murmures qui permet d'imaginer l'intensité du sujet en question. Soudain, je reconnais la voix de Fatima qui s'esclaffe avec des mots que je peux reconnaitre facilement

- " Non! non!  non!  c'est pas possible, ils avaient dit que c'est pas grave !!!" 

Dix minutes plus tard, Fatima et Saana reviennent au Salon.

Le regard de Saana a changé, Je ne sais pas de quoi il était question, mais elle me regarde avec un air étonné, comme si elle avait envie de me communiquer une forme de pitié à mon égard.

" Monsieur Süleyman, exusez moi je dois partir, à une prochaine fois peut être, je suis désolée mais j'ai une urgence."

" Très bien, rien de grave je l'espère ... "

- " Non ne vous inquiétez pas, au plaisir! Au revoir"

- " Au revoir Mademoiselle Saana !"

J'ai remarqué une enveloppe entre les mains de Saana, elle ne l'avait pas à son arrivée, j'en déduis que c'est Fatima qui a du lui la remettre. 

Fatima la raccompagne jusqu'à la porte, lui fait la bise et lui dit:

- " Je compte sur toi, merci infiniment Saana, je ne sais pas ce que je ferais sans toi "

Fatima revient de la porte, je vois qu'elle essaie d'essuyer ses larmes naissantes.

Les yeux rougies, la respiration étouffée par un désire de retrouver un air normal, son état montre tous les signes d'une âme affectée. Son corps est sur le point de lâcher des sanglots, elle me demande :

- " Monsieur avez vous une envie particulaire, je vais préparer le repas de midi?"

- " Je vous remercie Fatima, faite au plus simple, mais j'ai l'impression que quelque chose ne va pas ? je me trompe ? "

- " Ce n'est pas grave Monsieur, c'est personnel "

- " Vous êtes sur de pas vouloir m'en parler , il n'est jamais bon de garder pour soi une douleur qui vous ronge de l'intérieur... "

A ces mots, Fatima craque et s'effondre en sanglot. Je me lève du canapé et la fait assoir sur une des chaises de la table, en lui donnant un mouchoir et un verre d'eau. Je m'assoie en face d'elle. Son état me touche tellement, que je ne peux me contenir et lui priver un brin de chaleur pouvant la consoler. Je pose ma main droite sur la sienne accoudée sur la table.

- " Calmez vous Fatima, laissez couler les larmes, il n'y a pas de honte. Cela ne sert à rien de résister aux vagues de la douleur du cœur ..."

Je lui essuie quelques larmes. Mise en confiance et rassurée par la chaleur humaine que je lui offre, Fatima se reprend, et accepte de me révéler la raison de sa tristesse. Avec des moments entrecoupés de sanglot... elle me dit :

- " J'ai appris que mon ex mari Samir, est tombé très malade, ils viennent de lui détecter un cancer du foie. Pourtant rien ne laissé penser à une telle maladie. Les premiers symptômes du cancer du foie sont très discrets et passent même inaperçus nous avons tous cru que ses douleur venaient de ses problèmes de reins.

Ces derniers temps, j'ai eu écho qu'il souffrait des douleurs répétées dans la partie droite supérieure de l'abdomen avec un rayonnement vers l'arrière de l'épaule droite...Sous la cage thoracique son foie a trop grossi, ce qui a engendré une épreuve physique et psychologique de plus en plus difficile à supporter. L'hépatomégalie a été détecté il a ya peu... 

Il parait que ce n'est qu'une question de semaine. Même si, j'ai tous les raison du monde d'avoir une occasion de me réjouir, car il m'a fait vivre l'enfer et ma privé de ma fille, je ne peux souhaiter une telle fin... même à lui.

Je suis triste, j'ai le cœur déchiré  à l'idée de savoir que ma fille Inaya va être orpheline de père, quand bien même il fût mauvais avec moi. L' idée de savoir qu'Inaya va devoir traverser une telle épreuve sans moi me fend le cœur... "

Devant ses larmes et sa tristesse, mon cœur est pris d'une tristesse terrible. Que puis je faire pour l'aidez , comment ? Je n'ai rien, si ce n'est que mes mots et ma compassion :

- "Inchallah, il va s'en remettre il faut garder espoir Fatima, c'est le destin de tout être, nous devons tous un jour ou l'autre passer par là, ouvrir la porte de l'au-delà . La mort n'oublie personne chacun à son rendez vous ce n'est qu'une question de temps. Ils ont de bon médecin au Maroc, je suis sur qu'ils vont faire de leur mieux pour le remettre sur pied..."

Fatima, lève les yeux inondés de larmes et me dit :

-" Je viens de donner toute mes économies à Saana afin qu'elle les fasses parvenir à la famille de mon ex, car ils sont très pauvre au Maroc, les soins sont extrêmement coûteux. Même si je sais que cela ne suffira pas, je ne peux rester sans rien faire..."

Son geste, malgré son vécu, m'étonne et me fait prendre conscience de sa foi, de son cœur généreux et de sa grandeur d'âme.

- " Qu'Allah accepte votre geste Fatima, vraiment je vous admire! Sincèrement, votre geste est magnifique. J'aurai tant voulu pouvoir vous aider... mais je n'ai rien..."

Encore une fois face à la détresse d'une vie, je suis réduit au silence. Je n'ai que mes mots et mes invocations, mes prières. Je ne peux l'aider comme je le souhaiterai...

Dépité de ne pouvoir venir en aide, mon regard par désespoir  tombe sur ma main caressant sa main. Là je constate qu'il ne me reste que mon alliance en argent comme bien valorisable. que Soraya m'avait offerte pour notre mariage. Je lève les yeux en me forçant de ne pas pleurer. Dans ces moments difficiles je me dois de me monter fort pour lui donner du courage. Je lui dis :

-" Je vais prier et faire des dowa, il ne faut pas désespérer mais vous devez garder à l'esprit qu'Allah nous appartenons et c'est à Allah que nous allons retourner."

-" Je prie moi aussi pour qu'Allah lui pardonne ses erreurs et qu'il puisse se rétablir pour être près de ma fille... que va devenir Inaya ? je donnerais ma vie pour elle, mais je suis impuissante, je n'ai même pas les moyens de prendre un avocat...  "

Face à la situation, j'ai sentiment qu'Allah  me met à l'épreuve. Les paroles et les rappels que j'ai pu retenir de Fahmi mon ami. Ces dires raisonnent plus que jamais dans ma tête, il me rappelait les paroles du Prophète Muhammed (saw) :  "Parmi les sept personnes qu'Allah abritera sous son ombre le jour où il n' y aura aucune autre ombre que la sienne :

« Un homme faisant l'aumône discrètement sans que sa main gauche ne sache ce qu'à donné sa main droite » ".

ou encore ce verset 92 de la sourate 3 du Coran  où il est dit: " l'être humain n'atteindra la vraie piété qu'en pratiquant l'aumône.. Allah exalté soit-il, dit :

« Vous n'atteindriez la (vraie) piété que si vous faites largesses de ce que vous chérissez. Tout ce dont vous faites largesses, Allah le sait certainement bien »."

Voyant que Fatima se remettre de ses émotions et qu'elle va un peu mieux, je prétexte le souhait de prendre l'air pour sortir dehors.

" Je vais faire un tour Fatima, prenez soin de Yanis, j'arrive d'ici une ou deux heures. Si Sarah rentre avant moi, dites lui de ne pas s'inquiéter je ne suis pas loin..."

-" Très bien, Monsieur prenez mon numéro de téléphone ou celui de la maison, on sait jamais s'il vous arrive quelque chose, n'hésitez pas à nous joindre "

- " Très bien Fatima, dite à Yanis que j'arrive tout de suite... merci pour votre bienveillance. A tout à l'heure"

Une fois dehors, je marche seul, tout se bouscule dans ma tête, mon cœur ne sait plus où donner de la tête. Entre les souvenirs de Soraya toujours vivaces, la passion amoureuse de Sarah et les espoirs douloureux de Fatima, je suis perdu... j'avance sans savoir où je vais. Je traverse des rues et des boulevards sans vraiment me rendre compte. Le brouillard de mon esprit s'accapare de ma lucidité... Après une heure de marche, je me pose sur un banc.

Le regard accompagnant le défiler des péniches mon esprit ne trouve la force d'atterrir face à tant de dilemme, jusqu'à ce que les petits bateaux de croisière remplis de touristes me troublent avec leurs flashs des appareilles photos. Je me dis les pauvres ces gens passent plus de temps à photographier et canarder tout ce qu'ils voient plutôt que d'admirer et savourer la poésie des lieux pour essayer d'en saisir les émotions et pouvoir revenir à l'essence même de la vie...

Je sors mon carnet de note, et j'essaie de composer et de mettre en vers mes émotions qui me travaille. En feuilletant mon carnet je tombe sur un des poèmes que j'avais écrit pour Soraya:

https://youtu.be/BFr9FdDo0nM

"Ma bien-aimée :

Assis devant ma bien-aimée,
Je sens mon cœur s'animer,
Je sens mon esprit s'émerveiller,
Devant autant de beauté sublimée.

Dans son regard, la fidélité sans faille,
Dans sa prestance, une classe de taille,
Merveille à l'état pure, ma princesse,
Égérie de mon cœur, pleine de délicatesses.

Loin de toi, mon cœur s'abandonne,
La solitude me prend pour une danse,
Suspendu à mes passions sans pourtour,
J'ai peur du vertige de l'amour.

Je chante la souffrance de l'amant,
Dans ce voyage de la vie, plein d'ivresses,
Mon cœur épris d'amour et de liesse,
A perdu sa raison sans paravent.

Par-delà mes rêves, je m'envole,
Pour une virée si intense,
Oubliant ma peine si immense,
Je danse sur scène ma vie.

Que faire de ce charme ?
Qui inspire et dicte ma plume,
Au fil de mes écrits,
Célébrant la muse sublime.

De ce présent indigne,
Ma perle au mille et une merveilles,
Je ne connais valeur pareille,
Raison gardée, au-delà de mon cœur.

Ya Allah!
Brise ce miroir qui me dépeint,
Illumine l'obscurité de mon cœur,
Que je puise par ton Amour,
Être digne de l'amour confié. "

En relisant ces passages, je n'ai pu retenir mes larmes. J'aimerai tellement être avec elle, me confier sans crainte, lui dire combien je l'aime, combien elle me manque depuis son départ... Je veux lui dire à cœur ouvert combien je souffre et combien la vie me pèse chaque jour un peu plus...

Je repense à Fatima, à Inaya et à Samir, je me dis que je me dois de faire un geste. La pauvreté et la misère ne doivent pas m'empêcher d'être généreux et bon envers ceux qui souffrent près de moi... Les larmes aux yeux, j'enlève mon alliance de mon doigt, je décide de la ventre pour pouvoir aider Fatima à traverser cette épreuve...

Sur le chemin, j'ai le sentiment que Soraya me regarde et me dit combien elle est fier de ma décision, le cœur plein de joie j'avance ...

Les larmes submergent mes yeux plus mouillés que jamais, accompagnant mes pas, jusqu'à la première boutique Histoire d'Or à Saint Lazare... un moment d'hésitation, puis je me dis " Bismillah ",  l'amour que j'ai dans le cœur pour Soraya vaut bien mieux que ce symbole matériel. Je suis sûre qu'Allah me recomposera le moment venu. Je finis par conclure une transaction satisfaisante permettant d'en tirer le meilleur prix...

Je sens mon cœur vibrer à l'éveille d'une foi qui se renforce. Au rappel d'Allah, mon cœur se tranquillise. Intérieurement, je jouis d'avoir surpasser ce phonème intérieur qui prétextait ma condition de pauvre, de réfugier et les souvenir de mon amour pour Soraya pour ne pas vendre ce seul bien matériel qui me reste...

Entre sourire et larmes de bonheur de pouvoir aider une famille dans la détresse, je me sens pour la première fois digne de ce que je suis. Offrir le meilleur de moi même et de ce que je possède en Sadaqaa (Aumônes). Aujourd'hui Allah m'a donné l'opportunité de mettre en pratique les rappels de Fahmi... Donner ce qu'il me reste de plus beau de la part de Soraya que je chéris  pour gagner l'agrément d' Allah ... en effectuant ce geste je prie Allah qu'il accepte mon intention et mon geste. Qu'Il accorde sa miséricorde et sa grâce à Soraya et qu'Il vienne en aide à Fatima dans son épreuve terrible face au cancer de son ex mari Samir...

Sur le chemin du retour à l'appartement de Sarah, le cœur et l'esprit soulagés  de pouvoir faire une bonne action, je repense à tout ces dilemmes qui se présentent à moi, Soraya, Sarah et Fatima ... comment concilier tout cela sans blesser le sentiment éprouvé ...

Devant l'Opéra de Paris, à quelque mettre de chez Sarah, le regard admirant la beauté extraordinaire de ce bâtiment majestueux où chaque jour des pièces de théâtre se joue de la tragédie humaine au comique artistique, je me pose cinq minute sur les marches de l'opéra. Un musicien jouant du violent une partition du violon qui pleure ... Inspiré, j'essaie de retranscrire les vibrations de mon âme emportée par ce son si triste  ... Je nome ce poème :

"L'âme en dilemme

A l'encre de ma plume,
S'envole ma verve en limbe,
Mon histoire s'imbibe,
D'une vie en dilemme.

A l'encre de la femme,
Se consume toute flamme.
A l'ombre de la femme,
L'esprit s'enflamme,

Sans équivoque en amalgame,
Se profile chaque drame,
Pour un lendemain en dilemme,
Pour une vie sans âme.

Au nom de l'Islam,
Prend soin de ta Femme !
Sans elle, tu deviens infâme !
Pour une vie en abîme.

Au chevet de ta Femme,
Se trouve ton sésame,
Se repose ton âme,
Pour une vie sans arme.

A l'encre de ta Femme,
Se consume toute tes flammes,
Pour une ferveur en liane,
Sur tes pages en filigrane.

Reine de Saba ou autre sésame,
Emblème de passion en mélodrame,
Ton cœur réclame sa Dame,
Pour une raison sans pâme.

De ce dilemme,
L'âme te réclame,
Toi, Femme en Islam,
Tu es l'Épouse, la Perle que l'on clame. "

Ne pouvant plus supporter la douleur intérieur qui me rappelle combien Soraya est toujours aussi présent dans le moindre de mes souvenirs, je me relève et marche en direction de chez Sarah. Tel un homme ivre d'un amour intouchable, je sens mon cœur pleurer... La main en appui sur ces murs Haussmanien, j'essaie d'avancer tant bien que mal...

J'arrive devant la porte, me redresse, passe mes doigts sur les pommettes pour ne rien laisser transparaître, et je sonne ...

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