Partie 18

Il est 11h30, je fini de me maquiller, une dernière touche de poudre et de blush me matifie la peau. mon fard à paupière me donne un regard distinct plein d'assurance, je suis enfin prête ...

Je suis très excitée d'avoir enfin Süleyman pour moi. Je vais pouvoir me promener à ma guise dans Paris et flâner, prendre du bon temps ...

Je veux être parfaite aujourd'hui pour lui faire oublier le temps d'un instant le poids des épreuves et de la souffrance ... J'ai envie de briller, d'être une vraie femme désirée pour ce que je suis et non ce que l'on pense que je soit ... Je veux le surprendre, le toucher en plein cœur mais surtout sentir son âme vibrer à mes cotés ...

Je veux sortir de cette routine "maison boulot dodo". J'en ai assez de me comporter tel un robot programmé pour produire, vendre au détriment de la joie de vivre et des plaisirs simples de la vie. Sans me rendre compte je suis devenue une boulimique du travail. Une manière à moi de fuir ma misère intérieur vide d'amour et de sens. J'ai posé deux semaines de congés pour la première fois depuis le début de l'année. J'ai besoin de temps pour m'occuper de Süleyman et de Yanis afin de les installer et de leur donner plus d'attention...

Je sors de la salle de bain, Süleyman m'attendait déjà près de la porte. Accroupi à la hauteur de Yanis il lui dit:

- "Yanis je vais sortir accompagner Sarah, je compte sur toi pour rester sage et bien écouter Fatima..."

Yanis d'un hochement de la tête lui répond :
- Oui Papa t'inquiète pas pour moi, mais je peux pas venir avec toi ? S'il te plait ?

Süleyman les mains sur ces joues lui répond :
- " Je reviens mon bébé, ne t'inquiète pas. Fatima va s'occuper de toi. Nous sommes plus au camp ici, tu es en lieu sûr."

Yanis par affection et par réflexe lui offre une étreinte les bras serrés autour du cou comme tous les soirs au camp  :

- "S'il te plait papa ne tarde pas trop"

Devant cette petite larme, je ne peux rester insensible. Le charme de Yanis est tel que l'on a juste envie de le croquer. Ses traits fins, son regard innocent et son air partagé entre une timidité et une sagesse certaine lui donnent une personnalité à tomber par terre. Il est la joie de vivre.

Je lui caresse la joue et lui dit:

- "Si tu es sage, je te ferais une surprise ..."

Le sourire de Yanis retrouvé, je regarde Fatima est lui donne les dernières recommandations:

- Fatima prenez soin de Yanis. Faite lui découvrir les livres de poésie que vous affectionnez tant, attention si vous sortez dehors rester dans le quartier, loin des zones où il peut y avoir des contrôles de police..."

- " Très bien Madame, ne vous en faite pas, je vais m'occuper de lui ..."

Un dernier petit regard à Yanis et à Fatima. Je regarde Süleyman et lui dit :

- "Allons y, nous avons jusqu'à 20h avant que Frederic ne nous rejoigne pour le dîner de ce soir."

Nous voilà enfin dehors Süleyman et moi. J'ai tant rêvé de cet instant paisible où je pourrai l'approcher au-delà du physique pour toucher et sentir son âme. Les vêtements d'Avigord qu'il porte me dérange. J'ai envie de lui faire plaisir, de lui offrir de nouveaux ensembles.
Je veux le voir et le regarder, sans que rien de mon passé vienne troubler ces instants de bonheur qui s'offrent à moi.

Je marche à côté de lui, un désir incroyable de me coller à lui, de le prendre par le bras s'empare de moi. Mais je n'ose pas, j'ai peur d'aller trop vite pour lui déclarer mes sentiments. Il me dit:

- " Alors Sarah, où allons nous ?"

Je ne peux me détacher de ce regard qui me fait fleurir tel un rayon de soleil qui donne vie à la rose.

- " Nous allons faire un petit tour au Printemps sur le boulevard Haussmann"

Il me regarde l'air apaisé et souriant comme pour me faire comprendre qu'il me suit.

Je suis traversée par des bouffées de chaleur chaque fois que son regard se pose sur moi. Intérieurement je me dis comment vais-je trouver l'occasion pour lui dire que j'en veux plus. Oui je l'aime, oui je l'aime c'est certain, il n'y a rien à faire. Je l'aime c'est incroyable ce que je ressens pour lui. Je suis amoureuse il n'y a plus de doute en réalité.

Je désire le toucher et le prendre par la main. L'envie m'empresse de l'embrasser, de viser une étreinte pleine d'amour... Moi qui trouvais Paris froide et sans chaleur. J'ai l'impression de redécouvrir ses rues, ses boulevards et ses immeubles. Je perçois les sourires, la joie sur le visage des gens. Pour la première fois, j'ai le sentiment de voir le bonheur dans la rue.  Est ce l'amour qui embellit et rend si beau la banalité autrefois transparente à mes yeux ? Je ne sais pas, mais je n'ai jamais autant aimé mon quartier.

J'ai l'impression d'être submergée par vague, devenant de moins en moins contrôlable. J'ai l'impression d'être une folle passionnée d'art qui admire l'œuvre d'un maître. Süleyman est devenu mon David de Michel-Ange.

Süleyman à l'habitude de marcher vite, le naturel reprend le dessus très rapidement. Je suis obligée de lui dire avec un sourire affectueux et plein de tendresse comme pour lui dire ai pitié de moi:

- " Süleyman, marchez doucement s'il vous plaît, on a tout notre temps, on ne fait pas le marathon! "

- " Mes excuses Sarah, c'est une habitude que j'ai pris ..."

- " Ne stressez pas vous êtes avec moi, et de toute façon si on nous contrôle, je dirais que vous êtes mon époux "

Surpris de cette réponse, il laisse transparaître un rictus suivi d'un vrai sourire comme pour admettre que la blague subtile est pour le coup bien placée ...

- " Désolé Sarah, mais je ne peux vous faire prendre des risques ... Mais regardez il y a plein de policiers en uniforme, je ne suis pas sûr que se soit une bonne idée de venir ici"

- " Détendez-vous Süleyman, ils sont là juste au cas où. Depuis les événements du Bataclan leur présence rassure. C'est l'état d'urgence, Vigipirate est au rouge donc c'est normal ... Ne vous inquiétez pas"

- " Très bien Sarah, je vous fais confiance"

Je me fais mille films sur l'interprétation que Süleyman peut faire... Est ce qu'il a compris que j'en rêve. C'est devenu une obsession de pouvoir dire c'est mon époux ? Il est très intelligent, je suis sur qu'il sait qu'il y a toujours une part de vérité dans une blague sous couvert d'un masque de circonstance...

Après cinq minute de marche nous voilà arrivé au Printemps, devant les grandes vitrines habillées dans un style épuré, sobre mais tellement chic, Süleyman ne peut s'empêcher de me faire des commentaires. Il a un sens très aiguisé de la critique et du détail. J'avais l'impression d'avoir un styliste à mes côtés tellement il m'impressionne par sa culture générale de ce milieu très fermé que je connais très bien. 

Une fois rentré à l'intérieur. Ce lieu magique et sublime vous laisse sans voix.

Süleyman n'en fini plus de tourner la tête comme pour ne rater aucun détail, les riches ornements font de ce lieu un endroit hors du temps malgré l'opulence à outrance de ces grandes marques inabordables. On est absorbé par les proportions, les couleurs, les symétries ...

- " Sarah dites moi, est ce un temple à la base ? C'est quoi tout ce monde qui s'incline devant ces articles? Est ce que l'on vénère ou célèbre quelque chose qui m'échappe ici ? C'est très beau mais quelle est le sens de ce lieu ? De ces articles qui feraient vivre des milliers de personnes chez moi en Afghanistan ou en Afrique... "

Très gênée, je suis perdue, je ne sais pas quoi répondre. Moi même je suis épris de répulsion et d'attraction par ce lieu. J'admire le côté perfectionniste des artistes et des artisans au savoir faire unique. Mais pour autant ce lieu est pour le symbole même de la ségrégation sociale. On fini par exclure la classe pauvre ou moyenne au second rang par des prix qui deviennent limite insultant... Je fini par lui dire:

- " Vous avez raison Süleyman, mais je veux juste regarder deux où trois ensembles, promis on sort très vite, je sais que vous êtes pas très alaise ici.."

Après êtres passé devant des dizaines de magasins où le luxe n'a pas d'égale ailleurs dans le monde, nous arrivons enfin devant la vitrine d'un costumier pour homme.

Süleyman me regard et me dit d'un air déterminé:

- " Sarah je n'ai besoin de rien, c'est hors de question que vous me preniez un ensemble"

- " Ecoutez moi Süleyman, c'est pas de la charité que je vous offre, c'est un cadeau du fond du cœur, si vous refusez sachez que vous allez me brisez le cœur."

Le visage de Süleyman se détend entre gêne et capitulation il me rend un sourire qui me fait jubiler intérieurement, il accepte.

- " Très bien Sarah, comme toujours vous savez trouver les mots qui me désarment et me font craquer"

Je choisi l'enseigne De Fursac , la marque qui pour moi symbolise l'élégance de l'homme.

Quel que soit le style choisi, Süleyman à ce corps et ce look idéal. les costumes essayés lui donne une silhouette affûtée, à la croisée des chemins entre l'élégance classique et le chic moderne, il rayonne un charme qui me rend d'avantage folle de lui ...

Je suis devant une opportunité unique, les bonnes options de séduction sont nombreuses, c'est un vrai régal de pouvoir admirer le mannequin de mon cœur. Le style chic et solennel le rend sublime.

Je lui fais essayer un smoking en faille de laine à col châle puis un costume trois-pièces que je fais accompagner le tout par une chemise idoine, à plastron, gorge cachée ... je perçois dans le regard de Suleyman un mélange de joie et de gêne. Tout cela doit lui paraître trop luxueux de là d'où il vient...

L'occasion est unique pour moi, je peux le toucher à ma guise, je lui arrange son col, lui passer les mains sur les épaules et la poitrine, les prétextes ne manquent pas pour les détails de l'habillement ... chaque fois qu'il rentre dans la cabine d'essayage je sens mon corps frémir, j'ai l'impression de perdre mes moyens, je n'ai qu'une envie, le rejoindre pour l'habiller moi même ... j'ai chaud, mes mains moites trahissent mon excitation de femme amoureuse sous le charme... étrange sensation que je peine à contenir.

J'ai l'impression qu'il se découvre devant le miroir, lui qui n'avait qu'un seul costume il y a peu, se retrouve projeté dans une image irrésistible. Devant les sourires charmeurs de la vendeuse qui à mon goût va au-delà du protocole, je fini par m'agacer lorsque cette dernière prétexte tout et n'importe quoi pour le toucher et lui faire des suggestions futiles débouchant au final que sur des compliments et des éloges qui cachent à peine son flirte...

Plus simple, mais pas moins élégant, je fini par opter avec l'accord de Süleyman pour un beau costume en laine de qualité bleu carbone assorti d'une chemise blanche en coton piqué et d'une cravate de soie sans oublier les boutons de manchette... l'élégance se niche aussi dans les détails.

Après une heure passée au Printemps, nous sortons et je lui propose un lieu que j'affectionne beaucoup:

- "Venez Süleyman, je vais vous monter un petit Square que j'estime être un trésor à Paris."

- " Je vous suis Sarah, j'aime beaucoup les trésors surtout parce que derrière chaque trésors il y a des histoires et des cœurs ..."

- " Suivez moi, j'espère que vous ne serez pas déçu j'ai une surprise pour vous"

Je fais arrêter un taxi. Une fois à l'intérieur avec Süleyman je dis au chauffeur:

- " Bonjour, conduisez nous au Square des Abbesses, 75018 Paris c'est un quartier de Montmartre."

Le chauffeur me répond:

- " Très bien madame, nous en avons pour quinze minutes"

Süleyman silencieux regarde par alternance à droite et gauche, je sens sa curiosité, son émerveillement et son plaisir à admirer le charme de Paris.

Quelques minutes plus tard ...

Nous voilà arrivé pour la découverte du mur des « Je t'aime ». Je peux lire dans ses yeux le bonheur à l'état pur. Ce mur lui parle, je peux ressentir son enthousiasme devant cette œuvre, imaginée par Frédéric Baron et Claire Kito construite sur 40 m² sur lesquels plus de 300 « je t'aime » sont écrits dans 250 langues différentes.

- " Sarah c'est tout simplement magnifique ce monument est entièrement consacré à l'amour, c'est aussi le symbole d'une humanité qui se déchire et que le mur souhaite rassembler. Merci de m'avoir fait découvrir ce trésors, je suis très ému face à ce tableau prônant l'amour, cette initiative devrait être reprise dans chaque ville et village, il est important de prôner l'amour en ces temps de guerres et de crises identitaires... "

Devant ce mur débordant d'amour exprimé dans toutes les langues, et encouragée par les émotions de Süleyman, j'ai senti comme une force, une désire de me lâcher moi aussi, d'ouvrir mon cœur quelque soit le risque ... Moi qui après l'échec d'Avigord, je m'étais juré de ne plus ouvrir mon cœur à un homme, je sens plus que jamais le besoin de faire confiance à mon instinct, à mon cœur.
J'ai pris mon air naïf et j'ai demandé après avoir repéré les quelques mots en arabe et en pachtoune :

- " Süleyman pouvez vous me traduire et lire ces lignes, là ? " que je montre de l'index .

- " Tous ces mots veulent dire la même chose Sarah, c'est écrit "je t'aime" en arabe, en chinois, en turque, en kurde, en hébreux ..."

Mon cœur tremble, je sens une chaleur me gagner. Je suis toute rouge, mais je ne peux plus reculer. C'est maintenant où jamais. Il n'y pas meilleur endroit à mes yeux pour dire ce que mon cœur a envie de révéler au grand jour. Le monde a déversé ici ce qu'il a de meilleur. Je me dois de faire autant. Je vais peut être passer pour une maladroite très gauche voir même une ados novice, mais je me lance :

-" Vous voyez Süleyman, ce mur, à mon sens il lui manque un je t'aime! Vous savez pourquoi ? Parce qu'il est inaudible et invisible! Parce qu'il est difficile de l'écrire ou de le dire! Dans mon jardin secret sur mon mur à moi, cette phrase est destinée à une seule personne! Elle a su me redonner goût et sens à la vie. Chaque jour elle me transforme, elle a fait de mon existence un rêve plein d'espoir... Vous savez c'est qui ? c'est vous ! oui c'est vous !!!"

Et voilà, j'ai l'air ridicule. Je n'arrive plus à me contrôler. Mon trop plein d'émotion m'a mis dans un état où les larmes me donnent l'impression de faire pitié... Je poursuis ma déclaration en essayant tant bien que mal de me contenir :

- " Depuis le première regard dans ce train du bonheur jusqu'à aujourd'hui, je n'ai pu le prononcer faute de courage ou de peur, peut être les deux, je ne sais pas, mais entendez ce cris du cœur inscrire sur ce mur qui est le mien "Je t'aime Süleyman". Regardez dans quel état vous me mettez! Je ne suis pas en train de vous faire un cinéma, ou une crise d'hystérie ! Non j'ai juste besoin de savoir ! J'en ai la chair de poule, mes larmes sont pour vous ! Vous avez le droit d'être surpris, de refuser cette déclaration à la hauteur de ma folie et d'être choqué. Ce n'est surement pas conforme à la bienséance ou contraire à vos coutumes, mais j'ai besoin de vous le dire je t'aime ! je t'aime ! je t'aime Süleyman ! Faites en ce que vous voulez de cette amour. Mais je ne peux plus le contenir. Voilà c'est dit ! Je le dis en vous tutoyant car c'est mon cœur qui parle ! "

Il reste là stoïque, sous le choc. Je ne me suis pas rendu compte, sur le coup de l'émotion, moi qui voulais être discrète, et bien c'est raté. Je me rends à l'évidence ma sortie m'a mis en lumière devant tout le monde. Je suis prise de honte. Tout le monde me regarde. Je suis là devant Süleyman, qui ne s'attendait pas du tout à cette déclaration. Je suis pétrifiée, il rougit dans un silence qui accentue mon malaise... J'ai l'impression de l'avoir perdu pendant quelques secondes avant qu'il m'ouvre les bras pour une étreinte que je n'oublierais jamais... Les touristes et les badauds se mirent à applaudir, les sourires, la joie et même quelques larmes été facilement observables autour de nous. Après deux bonnes minutes enlacé sous un chaleureux tonnerre d'applaudissement, il me redresse les mains sur mes épaules, puis pause ses deux mains sur mes joues en prenant le soin d'essuyer mes larmes avec ses pouces d'un mouvement plein de douceur et de tendresse. Le regard plongé dans le mien, il me dit :

- " Puis je répondre à ma manière Sarah à tes mots qui viennent de toucher un cœur en émoi ?"

Tétanisée, je ne peux plus décrocher un seul mot, je lui fais un simple signe de la tête, les yeux en larmes, comme pour lui dire, je vous en pris. "

Les yeux mouillés par l'émotion, Süleyman improvise une poésie qu'il intitulera plus tard : L'Opéra de la passion

" D'ici, toi le prélude de mon rêve, toi la fin ...
Tu as fait de moi, cet être rêvant de confins,
Image de moi-même, miroir de mon âme,
Je suis une ombre existant par ton éclat,

Conter notre amour serait vain
Il est du sable du désert le grain
Au-delà du sentiment Humain ...
Si ce n'est au monde sans raison.

Toi, mon âme sœur, ma nature profonde,
Bénis sois le ventre qui t'a portée,
Puisqu'en venant au monde,
C'est aussi moi qui suis né ...

Tu es ce duo opinant l'équilibre
Comblant ce destin qui est nôtre,
  Trouvant sens dans ce ciel étoilé,
De ma vie tu as fait une ode ...

Ce destin inscrit dans ma chair
Devenu un chemin sans pair,
M'enchaîne à toi à jamais
Tels des stigmates, de ton nom signé.

Impitoyable est ce décret
Ne laissant répit à la conscience,
Dictant mes joies, et ma misère...
Pour des états d'âme à l'aven.

Ma déchéance est sur tes lèvres
Mon sourire est à ta présence,
Éternellement esclave de tes yeux...
Voici de mes larmes ces quelques vers.

Tant que tu fouleras cette Terre de tes pas,
De cœur à cœur, la vie nous offrira sa symphonie,
A l'opéra de la passion, à nous deux, en chorégraphie...
Jusqu'à ce voyage vers la grâce de l'Éternel,  Allah."

A cette dédicace aussi sublime, je ne pouvais plus me contenter d'une simple étreinte, les yeux en larmes, je lui saute au cou. Je glisse mes deux mains autour de son cou et l'embrasse sous une pluie d'applaudissement.

Devant l'euphorie et le trop plein d'émotion, je le sens désarmé. Il se laisse faire, sans résistance les yeux fermés. Il  m'accompagne dans cette danse buccale, comme s'il n'attendait que cela lui aussi... Malgré le peuple, je n'entends plus rien. Dans un silence majestueux devenu refuge de mon esprit, lèvres humides, élastiques,   voluptueuses, désirables et tentantes, c'est toute une séquence lente et  passionnée, avec des pauses et des changements de  rythme. J'en deviens ivre de ces lèvres tant admirées mais jamais touchée. Le sol se défile sous mes pieds, mon Dieu je ne sens plus mon corps, je suis sur un nuage fait de coton et de soie... J'en ai la chair de poule...

Comment décrire cette dégustation, j'en perds mes mots, ce n'est plus un baiser mais une friandise, un  fruit de la passion... Je l'embrasse pas seulement avec les lèvres, mais aussi avec les yeux, le nez, les mains. J'ai le sentiment de vivre un conte de fée, de ressentir cette fusion indescriptible.

J'ouvre les yeux de temps en temps à son insu, voir sa peau et ses yeux fermés, c'est une  façon pour moi de sentir tout son être par surprise.

Puis je ferme les yeux,  me voilà transporté dans mon rêve jusque là inaccessible. Au-delà du temps, de la réalité et de l'espace, nous sommes embarqués dans  un tourbillon de sensualité qui ne connait plus aucune convention, règle ou bienséance. J'inspire par intermittence pendant ce moment magique pour m'imprégner de son odeur, de sa chair... Je suis enivrée par le parfum de sa peau, j'ai envie que ce moment ne s'arrête jamais.
Son visage contre le mien nos lèvres avides se mêlent tendrement au point d'être collées... Voluptueux et plein d'amour ce n'est plus un baiser mais une gourmandise. Je déguste cet instant de douceur, avec  tendresse, avec délicatesse, avec envie mais surtout avec amour.

Ce baiser de la providence, ne dura qu'une ou deux minutes mais pour moi c'est une éternité de bonheur gravé à jamais dans mon cœur et mon esprit. Je fus arrachée de mon rêve par mon téléphone qui n'en fini plus de sonner et de vibrer... Süleyman les mains sur mes joues sans me quitter du regard me dit avec une voix empreinte douce et un sourire affectueux me glisse :

- " Sarah, je crois que l'on nous regarde et que votre téléphone est jaloux de moi... répondez sinon il va s'autodétruire par un suicide d'épuisement électrique."

Pris d'un fou rire, entre joie et nervosité, je m'écarte légèrement en constatant par la même occasion que je venais d'offrir un spectacle très apprécié au pied de ce mur de l'amour sur ce square de la romance. Nous avons offert au monde le baiser de l'amour. Ici devant ce mur international au-delà de nos origines, de nos croyances religieuses ou politique, au-delà même de nos classes sociales. Rien ne peut entraver l'amour des cœurs ouverts à la beauté de la différence.

Je finis par décrocher le téléphone :

- " Allo, allo. Oui, c'est moi ?

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