𝟥𝟪. 𝐼𝓃𝒸𝑜𝓃𝓈𝒸𝒾𝑒𝓃𝒸𝑒
Nous avons marché encore six bonnes heures avant de nous arrêter au bord d'une rivière pour nous dissimuler d'éventuels regards curieux tandis que nous nous ravitaillions. Bien que Chayyim ne m'ait rien demandé, je me suis empressé de faire un saut dans l'eau glacée, frottant ma peau si fort que je suis certain d'y avoir laissé des traces. Tant pis, si elles peuvent dissimuler celles que j'ai remarquées avec horreur parsemer ma peau, je suis partant.
Mon compagnon semble fourbu, éreinté, comme si toute envie de vivre avait déserté son corps. Il avance pourtant avec la même énergie que les semaines précédentes, sans jamais se plaindre, mais je ressens un nuage de sentiments négatifs planer au-dessus de lui et je ne sais que dire pour le rassurer.
Alors, quand je sors de l'eau puis m'assois à ses côtés pour me frictionner avec ma chemise, je tente de capter son regard.
— Chayyim, soufflé-je d'une voix hésitante.
Le concerné relève brusquement la tête, l'air surpris. Il me dévisage pendant de longues secondes sans que je comprenne ce qu'il y a de si étonnant sur ma tronche.
— C'est la première fois que vous prononcez mon nom, déclare-t-il soudain avec un léger sourire au bout des lèvres.
Je grimace pour dissimuler mon embarras mais ne peux empêcher mon cœur de bondir d'allégresse à la vue de ce rictus amusé.
— Je me suis dit que vous m'écouteriez mieux si je l'utilisais, marmonné-je en haussant les épaules.
A nouveau, un petit sourire traverse le visage de mon interlocuteur avant qu'un voile obscur ne le recouvre pour la énième fois de la journée.
— Que faisons-nous exactement ? je reprends posément. Si vous vous êtes réellement enfui du palais, il est possible que des gardes aient déjà été envoyés à notre poursuite. Dans tous les cas, le roi va se servir de cet affront pour couper définitivement les liens avec le royaume de Lem'ha. Et s'il le fait... je suppose que vous voulez avertir au plus vite votre roi. Mais alors, pourquoi nous dirigeons-nous plein Sud ?
— Nous allons contourner le Détroit des Six Vents.
A ces mots, le sang déserte mon visage et je m'entends déglutir bruyamment.
— Vous vous moquez de moi ? articulé-je d'une voix blanche. Vous savez très bien que la voie maritime est impraticable. Si nous nous y avançons, l'influence des deux Bulles va nous broyer en...
— Kahn, écoutez-moi, me coupe Chayyim en posant une main sur mon genou. L'affront que je viens de causer au roi est d'une ampleur sans précédent. S'il était sain d'esprit, sûrement se contenterait-il de couper toute relation avec Lem'ha comme vous l'avez dit. Mais vous l'avez vu. Et moi plus encore. Cet homme est complètement fou. Je crains que nous ignorer ne soit pas suffisant, je crains qu'il tente quelque chose de pire, de bien plus inconscient.
— Vous croyez qu'il va déclarer la guerre à votre roi ? hésité-je, trop consterné pour croire qu'une telle imprudence serait de mise.
— Je l'ignore, mais je n'exclus pas la possibilité. Dans tous les cas, nous devons rejoindre Ma'la au plus vite. Et nous ne pouvons pas nous permettre de perdre plus d'un mois pour cela.
— Excusez-moi de vous interrompre, mais je ne pense pas que nous précipiter dans les bras d'une mer en furie nous fera aller plus vite. Bien au contraire, nous courons vers une mort certaine !
— Et que voulez-vous faire d'autre ? s'emballe Chayyim d'une voix éraillée. Retraverser les Pleureuses est impossible, j'ai utilisé le seul subterfuge que j'avais. D'autant plus que nous ignorons jusqu'où s'étend la Bulle qui s'est créée lorsque nous étions sur Ano'h. Le chemin que nous avons pris à l'aller est désormais certainement bien plus dangereux que celui que je vous propose aujourd'hui.
Avec effroi, je réalise qu'il a raison. En effet, nous n'avons aucune idée de l'ampleur de la Bulle qui nous a touchés sur Ano'h, et il y a de fortes chances pour qu'elle nous bloque le passage jusqu'à Sten. Prendre le risque de remonter toute l'île pour le vérifier de nos propres yeux serait stupide et suicidaire. Mais bordel, tenter de contourner le détroit des Six Vents me semble tout aussi voué à l'échec.
Alors que je m'apprête à faire à nouveau part de mes inquiétudes à Chayyim, je réalise que le masque qu'il s'est efforcé de garder toute la journée est complètement craquelé. Désormais, j'ai devant moi un jeune homme au visage dévasté, complètement désemparé face à la situation. Ses ongles griffent vainement la terre sous ses jambes et il serre les dents si fort que l'os de sa mâchoire saille sous sa peau. La vision m'émeut aussitôt et je ne peux réprimer le réflexe de lui attraper la main, ne serait-ce que pour lui témoigner mon soutien.
— On va se débrouiller, assuré-je lorsque son regard plonge dans le mien.
Un soupir lui échappe avant qu'il ne se remette à contempler le sol.
— Je ne sais même pas pourquoi je vous demande de m'accompagner, avoue-t-il d'une voix faible. Je veux dire... Je sais qu'il vous faut dans tous les cas rejoindre Ma'la pour obtenir votre récompense, mais je ne pensais pas que cela se ferait dans de telles circonstances... Je suis tellement désolé... vous n'avez pas à mettre votre vie en danger.
— Oh vous savez, que ce soit un itinéraire ou l'autre, je suis foutu dans tous les cas, ricané-je amèrement. Je ne peux pas traverser les Pleureuses seul et je n'ai aucune envie de faire des vieux os sur cette île ! Alors bon... Autant vous suivre dans votre folie.
Chayyim sourit en serrant ma main dans la sienne. Puis son regard dérive dans mon cou et sur mon torse que j'ai fait l'erreur de ne pas recouvrir. Son nez se fronce de désapprobation.
— On dirait que vous vous êtes battu avec des loups.
J'avise à mon tour les traces de morsures et les griffures qui déchirent ma peau en tentant de ne pas paraître trop gêné.
— J'avais besoin d'extérioriser, éludé-je en détournant le regard.
Les yeux étoilés parcourent encore longuement mon corps avant que leur propriétaire ne les ramène vers mon visage.
— C'est bête, reprend-il dans un petit rire qui sonne affreusement faux, quand je vous ai rejoint ce matin, j'ai cru que... je ne sais pas. J'étais terrifié mais je me sentais également plus libre que je ne l'avais jamais été. Comme si le champ des possibles s'ouvrait à moi et que rien ne pouvait plus m'arrêter. Mais quand je vous ai vu au milieu de ce... de cet empilement d'humains, je me suis rendu compte que je ne pourrai jamais atteindre un tel degré de liberté.
— Vous m'avez brisé le cœur, rétorqué-je sans prendre conscience de mes mots.
Chayyim tressaute et j'aperçois un mélange de stupeur et de souffrance traverser son visage.
— Ne dites pas cela, murmure-t-il en se remettant à gratter la terre. Vous savez qui je suis.
— Moi, je le sais, confirmé-je avec assurance, mais vous, j'en doute parfois. Je comprends le poids des responsabilités qui pèse sur vos épaules, je sais que vous vous sentez redevable envers votre roi et votre peuple. Il n'empêche que c'est ce que vous vous êtes imposé, pas ce que vous êtes réellement.
En le voyant ouvrir la bouche pour rétorquer, je m'empresse de le devancer.
— Je n'attends rien de vous, absolument rien, si ce n'est peut-être que vous viviez un peu plus votre vie comme vous l'entendez. Vous aviez le droit de partir de ce maudit palais, vous en aviez envie depuis qu'on y avait mis les pieds. Je ne dis pas que la vie de mercenaire est faite pour vous, mais vous sembliez plutôt heureux lorsque nous cheminions ensemble. En tout cas, vous étiez beaucoup plus épanoui que lorsque je vous ai rencontré il y a plus d'un mois. Alors arrêtez de croire que vous ne pouvez pas vivre pour vous. Je suis désolé de vous annoncer cela, mais je ne pense pas que votre petite personne changera quoi que ce soit au délitement de ce monde. Alors respirez un peu. Et profitez. Nous atteindrons Ma'la bien assez tôt.
Les doigts de Chayyim s'entrelacent un peu plus aux miens, et cette fois, le sourire qu'il m'adresse et d'une franchise désarmante.
— Vous êtes totalement inconscient, vous le savez ?
— Pour le moment, on dirait que ça ne me réussit pas trop mal, je réponds en souriant de toutes mes dents.
***
La route qui mène à Lakoa traverse une immense plaine herbeuse au climat tempéré, sans aucun arbuste ni aucune colline pour venir donner du relief au paysage. Si je dois parler honnêtement, je dirais que ce genre d'endroit me déprime au plus haut point. Non seulement le paysage ne change jamais, offrant une vue sur plusieurs kilomètres, mais en plus, certains endroits ne sont que des étendues boueuses résultant de la fonte du sol gelé. Pendant plusieurs heures, il s'agit alors de patauger dans des flaques marronnasses en essayant de ne pas se faire surprendre par un éventuel trou qui ferait plonger intégralement nos bottes dans la boue.
Cette immense plaine m'inquiète également par l'absence de cachettes qu'elle propose. Si nous nous faisons attaquer, notre seule solution sera de nous allonger au sol et de ramper dans l'herbe, priant pour que cette dernière soit assez haute pour dissimuler nos corps. Autant dire que j'aimerais éviter cette situation.
Si Chayyim a les mêmes préoccupations que moi, il ne m'en fait nullement part. Le regard rivé droit devant, il avance à grandes enjambées, comme s'il espérait atteindre Lakoa dans la journée. Après notre pause à la rivière, nous n'avons plus parlé. Ce silence me pèse un peu, mais je devine que mon compagnon a besoin de mettre ses idées au clair. J'ignore quel accueil on lui fera si nous atteignons Ma'la, mais je doute qu'il soit d'une joyeuseté exacerbée. Va-t-on le punir pour avoir échoué ? Ne pourrait-il pas simplement rester avec moi ?
A peine cette pensée a-t-elle effleuré mon esprit que je grimace en allongeant le pas. Depuis quelques temps, je me trouve d'un ridicule ! Que ferions-nous si nous nous retrouvions à mener la vie de mercenaires ensemble ? Chayyim ne se satisferait jamais d'un tel quotidien, surtout si ce dernier n'a aucune influence sur l'évolution du monde. Non, il lui faut jouer un rôle plus important, plus suprême. Et je ne lui serai d'aucune aide pour cela.
Quand la nuit commence à tomber, nous nous arrêtons contre un rocher émergeant entre deux étendues herbeuses, au pied duquel nous étendons la cape de Chayyim. Au cours du trajet, nous avons réussi à tuer six de ces rongeurs qui pullulent dans la plaine et, après les avoir examinés pour savoir si le Vice les avait contaminés, nous avons conclu qu'il serait sain de les manger.
Tandis que Chayyim surveille le feu afin qu'il ne s'étende pas sur les hautes herbes, je dépèce chacun des animaux en me faisant la réflexion que cela ne nous tiendra pas longtemps au ventre. Un coup d'œil vers mon compagnon me rappelle à quel point ce dernier a perdu du poids en un mois. Si sa corpulence reste vigoureuse, son visage émacié, creusé davantage par le souci, lui donne un air maladif qui m'inquiète vaguement.
Une fois les rongeurs cuits, nous mangeons en silence, mais mes yeux ne quittent pas le profil de Chayyim. Parce que désormais, une question me brûle les lèvres. Une question taboue, que je ne devrais pas prononcer, mais qui me ronge les entrailles au point de m'obséder. Alors quand mon compagnon s'allonge sur la cape, prêt à s'endormir, je ne peux me contenir plus longtemps.
— Qu'est-ce qu'il vous a fait ?
Chayyim rouvre les yeux, mais, au lieu de les tourner vers moi, les rive vers la voûte étoilée qui leur ressemble.
— Rien qui ne mérite la peine qu'on en parle, répond-il simplement.
— J'ai vu les marques dans votre cou.
Cette fois, il glisse son regard vers moi et je m'efforce de ne pas fixer les hématomes bleutés qui courent le long de son cou. La lueur de la lune ne me permet pas réellement de les apercevoir, mais leur vision est gravée comme une insulte dans ma mémoire.
— Vous êtes également couvert de marques, tempère mon compagnon, n'est-ce pas l'état dans lequel nous devons nous trouver après avoir partagé la couche de quelqu'un ?
— Non, assuré-je d'un ton catégorique. Pas comme ça. Pas vous.
Chayyim soupire avant de se remettre à contempler les étoiles.
— Ce n'est rien, affirme-t-il d'une voix faible, je m'en remettrai.
Sauf que j'ai vu ses poings se serrer brièvement contre ses cuisses. Et soudain, je ressens le besoin irrépressible de le protéger.
Doucement, j'amène ma main près de la sienne puis entrelace mes doigts aux siens. Ce simple contact, aussi minime soit-il, déploie mon cœur comme une fleur en plein soleil.
— Un jour, je le tuerai, juré-je soudainement d'une voix forte.
Un soupir amusé me répond et les doigts de Chayyim serrent un peu plus fort les miens.
— Vous ne trouvez pas que vous avez déjà une vie assez compliquée pour y rajouter des années de torture ? relève-t-il en me jetant un bref coup d'œil.
— Je trouverai un moyen de m'échapper.
— C'est cela, oui, et moi je devrais encore accourir à votre secours.
— Eh !
Je me redresse sur un avant-bras et fusille du regard mon compagnon dont je devine le sourire plus que je ne le vois.
— Je vous ai sauvé la mise au moins autant de fois que vous ! protesté-je vivement. Et je vous rappelle que toutes les situations merdiques dans lesquelles nous nous sommes retrouvées étaient de votre faute ! A la base, j'ai rien demandé, moi ! Je pensais que j'allais juste escorter un être faiblard pendant quelques semaines, récupérer mon or et me barrer ! Mais non, je suis là, à vous suivre jusqu'au bout du monde comme si je n'étais doué d'aucune putain de conscience, à fuir la colère d'un roi paranoïaque et à m'apprêter à embarquer sur un foutu rafiot pour traverser un détroit dont quasiment personne ne ressort vivant. Je crois que vous me devez un minimum de reconnaissance, vous ne croyez pas ?
Le doux rire qui s'élève alors dans l'obscurité me procure un tel frisson que je suis certain que mon interlocuteur l'a ressenti. Amusé, ce dernier roule sur le flanc pour me faire face puis vient rabattre mes cheveux en arrière de son autre main.
— Il est vrai que je ne vous ai pas facilité la vie, confirme-t-il dans un sourire.
— C'est le moins que l'on puisse dire, grommelé-je d'une voix faussement exaspérée.
— Pourtant, vous, vous avez grandement facilité la mienne.
Surpris, j'abandonne toute expression agacée pour arborer celle de l'incompréhension. La main de Chayyim s'immobilise finalement sur mon épaule avant de glisser pour reposer sur la cape, entre nos deux corps.
— Je sais que nous avons eu nos désaccords, et que nous continuerons d'en avoir, explicite-t-il d'une voix douce. Je n'ai pas toujours été correct avec vous et je vous ai placé dans des situations éprouvantes, mais malgré tout, votre présence à mes côtés m'a été d'une aide formidable. Vous ne m'avez jamais abandonné ni vous êtes soumis devant moi, vous avez continué à être vous-même, quitte à m'énerver, et je vous en serai éternellement reconnaissant.
Alors qu'il marque une pause, mon cœur commence à s'emballer dans ma poitrine.
— Vous savez, depuis que je suis devenu le partenaire du roi, je n'ai connu que des relations superficielles, faites de codes et d'étiquettes, régies par l'envie, la cupidité ou l'hypocrisie. Je n'ai jamais pu faire entièrement confiance à quelqu'un, ni me lier avec qui que ce soit. Je... A votre façon, on pourrait dire que vous êtes ce qui se rapproche le plus pour moi d'un ami.
Mon nez se fronce et un léger rire retentit en réponse.
— Ami n'est peut-être pas le terme le plus approprié, consent-il d'un ton amusé, mais vous comprenez ce que je veux dire. Je ne m'y attendais pas, mais j'ai fini par aimer votre compagnie, apprécier le fait que vous vous inquiétez pour moi et voulez me protéger. Merci pour cela.
Un silence s'installe quelques secondes durant lesquelles nous ne faisons que nous regarder droit dans les yeux.
— Pourquoi ne pas m'avoir dit dès le début en quoi consistait votre mission ? finis-je par demander sans cesser de le contempler.
— Au début, c'était uniquement parce que je ne vous faisais pas confiance et ensuite...
Chayyim soupire.
— Ensuite, je savais que vous tenteriez de m'en dissuader, que vous ne comprendriez pas. Mais plus que tout, je savais qu'il ne me faudrait que quelques minutes pour me laisser convaincre par vous. Parce qu'au fond, je ne souhaitais rien de tout cela.
— Alors pourquoi avoir accepté ?
— Vous savez très bien pourquoi. Je voulais tout faire pour préserver un semblant d'harmonie entre les royaumes.
— Quitte à vous prostituer ? craché-je avec amertume. Comment pouvez-vous continuer à vénérer votre roi quand ce dernier vous considère comme simple monnaie d'échange ? Quand il est prêt à vous offrir à un roi complètement taré ?
— Kahn, c'est plus compliqué que cela...
— L'est-ce vraiment ? sifflé-je en écrasant sa main dans la mienne. Vous êtes censé être la personne la plus précieuse de ce monde, et il vous a voulu pour lui seul. Quand on prend une décision aussi importante, on doit l'assumer ! Pourtant, il n'a pas hésité à vous sacrifier et à vous mettre en danger. Est-ce réellement plus compliqué que cela ? Si vous saviez que le roi Nask était fou, votre roi le savait également. Et il a quand même décidé de vous offrir à lui. Bordel, est-ce que vous avez vu les marques qu'il a laissées sur votre peau ? Que se serait-il passé si vous étiez resté plus longtemps auprès de lui ? Jusqu'à quel point vous aurez-t-il meurtri ?
— Calmez-vous, m'intime Chayyim en m'adressant un léger sourire, je vous ai déjà dit que ce n'était rien. De toute façon, je ne m'attendais à rien d'autre, cette douleur m'est familière.
— Comment ça ? rétorqué-je brusquement. Vous n'êtes pas censé souffrir lorsque vous partagez la couche de quelqu'un ! Pas si vous ne le souhaitez pas !
Cette fois, les yeux étoilés se font stupéfaits et je me demande un instant si j'ai dit une connerie.
— Que voulez-vous dire ? s'enquiert-il en fronçant les sourcils.
— Comment cela, « que veux-je dire » ? répété-je, complètement perdu.
— Comment... Enfin... je ne parviens pas à concevoir qu'on puisse ressentir autre chose que de la douleur lors de... l'acte.
Sa soudaine gêne m'aurait amusé si la révélation qu'il venait de faire ne m'avait pas autant choqué.
— Attendez... Vous voulez dire que vous n'avez jamais ressenti de plaisir en couchant avec quelqu'un ? demandé-je, atterré.
— Je n'ai partagé que la couche de mon roi, se sent-il obligé de préciser, le visage sévère.
— Et jamais vous ne... Jamais il n'a...
Ma consternation est telle que je ne réussis pas à construire une phrase complète. Je ne parviens pas à croire qu'un être comme lui, si beau et si puissant, n'ait jamais connu de plaisir véritable, que personne n'ait cherché à honorer son corps comme il se doit.
Avec une sorte de jalousie malsaine, je songe à ce roi libidineux auquel il est marié et dont j'ai partagé la couche lors de ma première soirée à Ma'la. Cet homme, qui pourtant a voulu Chayyim pour lui tout seul et qui pourrait donc profiter de son corps comme bon lui semble, préfère se faire sauter par la moitié du royaume plutôt que faire jouir son mari ? Tout cela me dépasse.
Si j'étais à sa place, j'enlacerais Chayyim toutes les nuits, sûrement même plusieurs fois par nuit, le faisant plonger dans des abîmes de plaisir desquels il ne ressortirait plus jamais. Je ne peux concevoir qu'on néglige un tel être.
Le visage désormais fermé, ce dernier me dévisage avec des yeux sévères, dans lesquels subsiste une étincelle de gêne qui s'est mutée en colère.
— De toute façon, tout cela ne vous regarde pas, assène-t-il avant de pivoter sur son flanc opposé pour me tourner le dos.
Sa réaction m'arrache un éclat de rire et je m'empresse de coller mon torse à son dos puis de glisser un bras sur ses hanches. Par principe, il tente de se dégager, mais lorsqu'il réalise que cela ne fait que décupler mes esclaffements, il renonce en grommelant je-ne-sais-quoi dans sa barbe.
Ému, je plonge mon visage dans ses cheveux dont j'inspire l'odeur fraîche et enivrante.
— Il n'y a rien dont vous devez être honteux, expliqué-je finalement en frottant mon nez contre sa nuque, je suis simplement surpris et outré que vous n'ayez jamais découvert ce qu'est réellement une étreinte charnelle.
Silencieux, Chayyim se détend contre moi mais je sens qu'il ne souhaite pas poursuivre davantage la conversation. Alors, avant que le sommeil ne s'empare de moi, je murmure ces derniers mots :
— Si j'étais votre roi, je ferais en sorte que vous ne connaissiez ni souffrance ni malheur.
NDA : Pfiou je ne voyais pas la fin de ce chapitre ! Mais punaise je suis si heureuse de les faire enfin se rapprocher que je m'emballe.
Dites-moi ce que vous en avez pensé : est-ce que ces petits rapprochements vous semblent cohérents ? Que pensez-vous de leur relation ? A votre avis, vont-ils réussir à rentrer à Ma'la sains et saufs ?
En tout cas moi je vous dis à très bientôt !
Des bisous ♥
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