🌹Chapitre 9🌹

   Je ne sais depuis combien de temps nous roulons, mais cela fait un bon moment. J'ai profité du trajet pour retirer le carnet de Judith de mon corsage et lire quelques pages.

   Cher journal,

   Ma soeur me manque terriblement. Mais comment puis-je faire autrement ? Je dois la protéger contre eux. Avant qu'il ne soit trop tard.

   Une boule me serre la gorge. Alors, comme ça, ma jumelle ne m'évitait pas seulement par choix... Elle voulait être avec moi, comme avant, mais quelque chose, ou quelqu'un, l'en a empêchée. Contre qui, ou quoi Judith pensait-elle devoir me protéger ?

   Je crois qu'il y a d'autres personnes qui se cachent derrière eux. Mais qui ?

   Cette page date d'il y a peu. L'écriture de Judith est d'ailleurs plus empressée, moins attentive. Que lui est-il arrivé ? Qui l'a tuée ? Qui menace de s'en prendre à moi ? Notre demeure est sécurisée contre les gens extérieurs. Mais Judith est morte à l'intérieur de la maison, ce qui signifie...que c'est quelqu'un d'interne qui l'a tuée. Mais pour qu'elle raison ? Qu'aurait donc gagné une personne à tuer la fille cachée des Spencer, tandis que l'autre (moi) représente un plus grand danger ? Je fais partie d'une des plus riches familles du pays, et je vais bientôt me marier et faire partir de la famille la plus influente. C'est moi qu'on aurait dû tuer. Mais ils ont tué Judith. Sans découvrir le journal de ma sœur, j'aurais pu croire à une coïncidence. Nous étions jumelles, après tout. Quelqu'un aurait pu la prendre pour moi, et la tuer. Cela aurait été logique. Mais le journal de Judith et ce qu'elle y raconte prouve et démontre qu'il ne s'agit pas de cela, mais d'un enjeu qui nous dépasse.

   Je feuillette le journal de ma jumelle, les sourcils froncés. Soudain, la voiture subit une secousse, et je suis projetée en avant, le journal se retrouvant au sol.

   — Tout va bien, mademoiselle ? grésille la voix du chauffeur.

   Je me déplace correctement et ajuste ma coiffure d'un geste maladroit.

   — Oui, tout va bien, ne vous en faites pas.

   Je souffle, et me penche afin de récupérer le journal de ma sœur. Alors que je le soulève, une minuscule feuille volante s'en échappe. Je pose le journal et la décolle du sol en prenant soin de ne pas la déchirer. Un motif étrange dessiné sur le papier jauni se présente alors à moi. Je pince les lèvres. Qu'est-ce que... ?

   Je tourne la feuille dans tous les sens, jusqu'à trouver un endroit où le dessin à l'encre me fait penser à quelque chose.

   Une rose.

🌹🌹🌹

   J'inspecte les alentours en descendant de la voiture. Après tout, c'est ici que je vais habiter dans un an. A moins que nous ayons notre propre maison avec Andrew... Ce sera lui qui décidera, et je devrai le suivre dans tous ses choix. J'ai la nausée rien que d'y penser...

   Leur demeure est semblable à la nôtre. Trop grande pour que ce soit chaleureux. Pas assez à taille humaine pour qu'elle soit accueillante.

   Les parents d'Andrew m'attendent en haut des marchés. Je suis surprise de ne pas voir leur fils avec eux. C'est lui qui a demandé à me voir, à ce que sache, pas ses parents. A moins que Père ait déformé la réalité... ?

   — Anthem ! m'accueille la mère de mon fiancé en m'embrassant la joue. Comment vas-tu, ma chère ?

   Je tressaille dans ses bras, peu habituée à la chaleur humaine. Son mari me tapote le dessus de la tête avec un sourire.

   — Très...très bien, je couine.

   C'est drôle, ils n'ont pas l'air aussi froids que mes parents... Est-ce normal ?

   — Andrew va arriver, m'assure sa mère. Et si nous prenions un thé en attendant ?

   Je me sens soulagée à la mention de l'arrivée prochaine de mon fiancé. Je ne connais pas bien des parents, et j'ai peur de faire une bêtise. Mon père ne s'en remettrait pas si je venais à entacher notre réputation et à gâcher nos fiançailles.

   Je suis les parents d'Andrew à travers la maison.

   — Souhaites-tu déposer tes affaires ? me demande le père d'Andrew.

   Je serre ma cape contre moi, là où j'ai dissimulé le journal de Judith.

   — Je vais les garder avec moi, si ça ne vous dérange pas.

   La mère d'Andrew me rassure d'un doux sourire.

   — Ne t'en fais pas, tu peux la garder avec toi.

   Nous nous dirigeons vers un magnifique salon. Je retire ce que j'ai dit en arrivant. Cette maison, si froide et semblable à la nôtre à l'extérieur, est tout le contraire à l'intérieur. Tout est chaleureux et accueillant. Les murs sont enveloppes de couleurs chaudes et même l'ambiance est rassurante. Je reste figée dans la pièce pendant que les parents d'Andrew s'asseyent sur un canapé, la bouche ouverte.

   — Que se passe-t-il, Anthem ? As-tu mal quelque part ?

   Les larmes me montent aux yeux devant cette tendresse inattendue.

   — Excusez-moi, mais... Je pensais que...que... Enfin, je..., balbutié-je maladroitement.

   Ils me sourient avec indulgence.

   — Tu ne t'attendais pas à cela, n'est-ce pas ? Tout va bien, Anthem, fais comme chez toi.

   — Vous êtes si gentils..., murmuré-je doucement. Et si différents...

   Ils se regardent un instant, puis reportent leur attention sur moi.

   — Nous sommes différents de tes parents, c'est cela ?

   J'acquiesce. Il n'y a pas plus opposé...

   — Je pensais que vous seriez comme eux. Que votre manoir serait comme le leur. Aussi froids. Aussi dépourvus d'émotions...

   Je contemple le sol.

   — Certains pensent qu'il faut devenir froide et insensible pour réussir dans la haute société. C'est la majorité des familles, malheureusement. Mais nous avons décidé d'être différents d'eux.

   — Assieds-toi, Anthem. Tu es toute pâle, tu ferais mieux de manger un peu et de boire quelque chose de chaud, ajoute gentiment la mère d'Andrew.

   Je serre les dents pour m'empêcher de pleurer. Pourquoi des inconnus font-ils plus attention à moi que mes propres parents ?

   Lentement, je m'assois en face des parents d'Andrew.

   — Est-ce que vous savez pour quelle raison Andrew a demandé à me voir ?

   La mère me sourit.

   — Vous allez vous marier, Anthem. Tu vas devenir notre fille, faire partie de notre famille. Nous devions te rencontrer !

   — Pourquoi est-ce que vous n'avez pas demandé la présence de mes parents ? je demande, franchement intriguée.

   Ils paraissent soudain mal à l'aise.

   — Anthem... Tes parents voient cela comme un mariage de convenance. Toi aussi. Il est vrai que cela y ressemble. Nous voulons qu'Andrew se marie par amour. Cependant, dans une société comme celle-ci, cela est impossible. Nous avons décidé de vous laisser un an de fiançailles pour tomber amoureux. Si tel n'est pas le cas, nous...annulerons la mariage.

   Sonnée, je mets un moment à réagir.

   — Vous annulerez le mariage ? je répète, la voix tremblante.

   — Je suis désolée, Anthem.

   Je secoue la tête en retenant mes larmes. Une fois encore, je ne suis rien de plus qu'un pion ! Ça me fait mal, tellement mal...

   — Est-ce que je peux prendre un peu l'air, je vous prie ?

   Les parents d'Andrew m'observent d'un air attristé. Je tourne la tête pour ne pas croiser leurs regards.

   — Bien sûr, Anthem. Suis le couloir à ta droite en sortant de la pièce, et tu...

   Je me lève sans attendre la fin de sa phrase. J'ai besoin de me calmer, de verser quelques larmes si nécessaire, et il est hors de question que je le fasse devant eux, alors qu'ils se servent de moi pour assurer le bonheur de leur fils, sans se douter une seconde du poids qui pèse sur mes épaules.

🌹🌹🌹

Ce chapitre vous a plu ? Un avis ?
Nouveau chapitre très vite ! Merci pour vos lectures ! ❤️

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top