🌹Chapitre 4🌹

   J'ai passé une bonne soirée avec Andrew, même si je ne l'admettrais jamais devant lui.

   — Au revoir, Anthem, prononce-t-il en m'embrassant le dessus de la main.

   Je me force à ne pas rougir, mais c'est peine perdue... Je me détourne mais j'ai le temps d'apercevoir un petit sourire prendre forme sur ses lèvres.

   — À bientôt, Andrew.

   Une émotion passe sur son visage, avant de disparaitre. Son regard rivé dans le mien me met mal à l'aise, et je commence à tripoter ma pochette de soirée, nerveuse.

   — Qu'est-ce qu'il y a ? J'ai quelque chose sur le visage ?

   Il semble finalement sortir de sa grande et s'écarte légèrement de moi avant de se racler la gorge.

   — Il n'y a rien. Vous êtes parfaite.

   — Vous mentez, je déclare.

   Un éclat de surprise passe dans ses yeux sombres. Il me sourit.

   — C'est la première fois que vous prononcez mon prénom. J'espère que j'aurai le plaisir de l'entendre à nouveau de votre jolie voix.

   Je n'ai pas le temps de cacher mes joues brûlantes. Il rit, avant de se reprendre.

   — Sur ce.

   Il "m'aide" à monter en voiture, où mes parents sont déjà installés, et ferme les portière sans un mot de plus.

   La voiture démarre, mais je regarde Andrew rester sur le trottoir jusqu'à ce que la voiture tourne dans une autre rue. Je me retourne dans le bon sens, assez satisfaite de cette soirée.

   — Tout s'est bien passé, Anthem ? me demande mon père, plongé dans ses papiers, comme à son habitude.

   — Très bien, je réponds en m'adossant contre le dossier en cuir du siège dans un soupir de soulagement. Andrew est une personne charmante.

   — N'est-ce pas ? rebondit aussitôt ma mère, l'air rondement satisfaite de l'arrangement entre notre famille et celle des Fisher. Il l'était déjà avec ta soeur, alors nous...

   Elle se couvre soudain la bouche d'une main, les yeux écarquillés. Elle en a trop dit. Mon père lui jette un regard noir. Quant à moi, les questions fusent dans mon esprit. Andrew et Judith se connaissent ? Comment ? Depuis quand ? Pourquoi personne ne m'en a jamais parlé ? A moins que je ne m'en souvienne pas ? Et Andrew ? Cela veut-il dire qu'il est au courant ? Qu'est-ce que tout cela signifie ?!

   — Qu'est-ce que cela veut dire ? je questionne mes parents d'une voix blanche, les poings serrés sur le tissu de ma robe.

   Mon père secoue ses papiers, l'air profondément agacé par ma question qui est, selon moi, plus que légitime.

   — Ce n'est rien, Anthem, intervient ma mère en se tordant les mains, un sourire plus que forcé aux lèvres. J'ai parlé trop vite, et....

   Je tape du poing sur la table. Ma mère sursaute brusquement, l'air apeuré.

   — Ne me prenez pas pour une idiote !

   — Cela n'a pas d'importance, rétorque sèchement mon père en triant ses papiers dans le bon ordre avant de les mettre tous dans le bon sens. Et agis en dame, pas comme une fille du peuple !

   Je serre les dents jusqu'à en faire grincer ma mâchoire.

   — Cela en a pour moi !

   Mon père soupire, et range ses papiers dans sa malette de travail qui l'accompagne partout où il va. Il croise ensuite les mains sur la table entre nous et se penche vers moi.

   — À l'origine, Andrew devait épouser ta soeur. Voilà la vérité, Anthem.

   Ma bouche s'entrouvre, mais aucun son n'en sort. Puis je parviens à balbutier une phrase :

   — Il...il... Il devait épouser...Judith ?

   Je manque d'air. J'ai envie de pleurer.

   — C'est ce que j'ai dit, rétorque mon père, insensible à mon chagrin.

   — Pourquoi il ne l'épouse pas, dans ce cas ?

   — Nous avons rompu les fiançailles. Judith ne peut pas...elle ne peut pas...se marier, alors qu'elle est...

   Prononcer le nom de sa fille semble lui écorcher la langue.

   — Elle est... ? je questionne, la voix froide. Qu'est-ce qu'elle est ?

   — Enfin, Anthem ! s'exclame mon père. Je n'ai pas besoin de te faire un dessin. Ta soeur est malade, c'est une honte pour la famille ! Andrew Fisher est le meilleur parti de la ville, du pays, même ! Ta situation est la meilleure...

   — Judith n'est pas malade. Elle ne va pas bien ! Vous êtes vraiment les pires parents au monde pour ne pas le remarquer...

   Je les toise en silence, pendant que leurs yeux s'écarquillent. Ceux de mon père, de rage, et ceux de ma mère... Je n'arrive pas trop à déterminer.

   — Tu ne nous parles pas sur ce ton ! crie mon père.

   Je hausse la voix à mon tour.

   — Et pourquoi pas ? Aidez Judith, au lieu de la traiter comme un monstre, comme une chose vilaine à cacher ! Elle a besoin de vous...

   Ma voix se brise. Mes parents, eux, demeurent de marbre. Ils sont tellement insensibles... !

   — Tu seras punie, dès ton arrivée à la maison, prononce mon père d'une voix pleine d'autorité. Tu seras confinée dans ta chambre et tu réfléchiras à tes paroles.

   Ma minute de rébellion n'a servi à rien, comme d'habitude. Je la regrette déjà. Après tout, cela me semble parfaitement normal.

   Judith est la perfection incarnée. Enfin, elle l'était, aux yeux de mes parents. Ils disent qu'Andrew est le meilleur parti du pays. Ça ne m'étonne pas qu'ils aient essayé de les caser ensemble. Leur couple aurait été parfait. Un modèle pour toutes les familles, pour tous les jeunes hommes et toutes les jeunes femmes à marier.

   Ce soir, si elle avait été à ma place, Judith n'aurait pas trébuché pendant la danse. Elle ne se serait pas disputée avec Andrew. Elle aurait bien pris la nouvelle du mariage, parce qu'elle l'aurait su à l'avance, mes parents prenant soin de le lui révéler. Moi, il ne m'ont rien dit. Parce que je suis la fille rebelle, la fille imprévisible.

   Je ne suis que la fille qui leur fait honte, qui leur a toujours fait honte, depuis son enfance.

   Judith est parfaite, elle a toujours été parfaite. Mais dorénavant, aux yeux de mes parents, elle ne l'est plus, elle ne fait plus honneur à la famille, simplement parce qu'elle ne va pas bien. Mais mes parents ne comprennent pas cela. Ils ne peuvent pas comprendre.

   En fait, depuis que Judith a changé la honte qu'ils éprouvent envers Judith surpasse celle qu'ils ont pour moi.

   C'est pour cette raison que c'est à moi d'épouser Andrew Fisher. Pour le meilleur et pour le pire. Surtout pour le pire.

   J'ai été choisie par mes parents par défaut. Et ça me fait vraiment mal au coeur. C'est ce que j'essaye qu'il comprennent, mais il sont tellement insensibles qu'ils ne le peuvent pas. Ils ne connaissent pas les sentiments. J'ai grandi sans amour, sans réconfort. Seulement dans l'obéissance et le respect des règles.

   Je m'enfonce les ongles dans la paume de mes mains. Même si j'épouse un jour Andrew Fisher et que j'ai des enfants avec lui, jamais je ne ferai cette erreur de vivre dénué de toute émotion. Il s'agit d'une promesse envers moi-même.

   Je serai celle que que je voudrai être, pas une personne faite de glace, froide et insensible à tout sentiment.

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