🌹Chapitre 2🌹

   La voiture se gare devant un immeuble illuminé. Il est immense ! Je cherche la main de Judith pour lui partager mes impressions, mais je me heurte au vide et abaisse la main en silence, contemplant la place laissée vide à ma gauche.

   Mes parents descendent et j'ouvre la portière. Mais, juste avant de sortir, j'adresse un sourire au chauffeur. Je n'ai pas le droit de lui parler, mais j'estime que je peux au moins faire ça, même si son statut est plus bas que le nôtre, car il reste un être humain. Il reste imperturbable, mais ça ne me dérange pas. S'il me répondait, il risquerait la prison.

   Je sors et la voiture repart. Je me demande toujours où elle va, dans ces cas-là, et ce que le chauffeur fait en attendant. Nos gardes du corps sont descendus avec nous, comme toujours. J'ai grandi entourée de toutes sortes de personnes, je n'ai jamais été vraiment seule, si bien que j'ai tendance à oublier qu'ils sont là. Tout est fait pour les oublier, ils font partie du décor. Mais selon moi, on ne devrait pas agir comme cela parce qu'ils sont "moins bien" que nous. Ce sont eux qui nous protègent chaque jour, après tout...

   Nous entrons dans le hall, ce qui coupe mes réflexions. Le plafond est très haut, et la pièce est vaste. Les lumières nimbent le lieu d'éclats d'or et d'argent, ce qui est très beau. Mais il manque quelque chose. L'ambiance n'est pas chaleureuse. Elle ne l'est nulle part, pas même chez moi.

   Une famille vient à notre rencontre. L'homme serre la main de mon père d'une poignée ferme d'homme d'affaires et la femme échange avec ma mère sur des sujets banals, comme la décoration de la fête. Je me demande ce qu'elles peuvent bien en dire, car il n'y a pas particulièrement de décorations. Ce n'est pas "simple", mais c'est...neutre. Froid. Triste.

   Mon père se racle soudain la gorge, et je lève les yeux vers lui.

   — Anthem, je te présente Andrew Fisher.

   Tiens, je ne l'avais pas remarqué, ce jeune homme qui se tient derrière ses parents. Pourtant, il est plutôt grand...et son regard est aussi froid que la salle, ce qui me donne des frissons.

   — Bonjour, monsieur.

   Je lui tends une main d'un air indifférent, mais au fond, je réprime mes tremblements. Je déteste que l'on me touche. Il y pose un baiser d'un air tout aussi désintéressé, et je résiste à l'envie d'essuyer ma main sur ma robe.

   — Mademoiselle Spencer.

   Je serre les dents. Il ne faut pas, il ne faut pas, il ne faut pas..., me répété-je mentalement comme un mantra.

   Une lueur d'intérêt surgit soudain dans les prunelles de mon interlocuteur (si on peut appeler ça un interlocuteur...) et mes épaules tressaillent dans un mouvement involontaire. Mon père me jette un regard noir et je baisse les yeux.

   — Tout le monde est arrivé ? demande-t-il.

   Je lève les yeux. Ce garçon, Andrew, me regarde toujours d'un air étrange qui me fait frémir. Qu'est-ce qu'il a, lui ?

   — Oui, tout le monde est là.

   — Parfait. Allons donc nous asseoir.

   Mes parents et ceux d'Andrew avancent, nous laissant seuls derrière eux. Il me tend son bras que j'accepte, même si j'ai simplement envie de lever les yeux au ciel. Ce n'est pas de la galanterie. C'est autre chose, que je n'ai pas le droit de nommer. Comme si les femmes avaient toujours besoin des hommes, même pour faire quelques pas. Ça me hérisse, mais je n'ai pas le choix, car des lois l'imposent. Il s'agit des règles de la haute société et, comme tout individu, je dois m'y contraindre.

   Nos familles s'asseyent à la même table ronde, ce qui m'étonne. Mais après tout, peut-être que les Fisher sont proches de notre famille. Je ne me souviens pas de les avoir vu tant de fois, mais je ne suis pas douée pour retenir ces choses-là...

   Mon regard se tourne vers les portes. Judith... Que fais-tu, en ce moment, dans cette grande maison vide ?

   — Vous attendez quelqu'un ?

   Je sursaute. Andrew Fisher est penché vers moi, et son souffle me chatouille l'oreille. Je me penche légèrement de l'autre côté.

   — Comment cela ?

   — Vous regardez sans cesse les portes depuis votre arrivée, note-t-il. Et vous avez l'air de penser à quelqu'un.

   J'ouvre la bouche pour tenter de lui expliquer, puis me ravise.

   — Cela ne vous regarde pas.

   — Très bien.

   Un petit sourire en coin se forme sur ses lèvres, n'éclairant pas ses yeux. La conversation s'arrête là. Je regarde autour de moi pendant que ma famille et les Fisher discutent de je ne sais quoi d'un air absent. Il y a beaucoup de table. Et derrière, un espace dégagé, certainement une piste de danse. Je déteste danser. Judith faisait cela à la perfection, mais je ne possède pas sa grâce... Je suis plutôt maladroite, malgré tous les professeurs engagés par mon père au fil des ans pour le perfectionner. J'ai deux pieds gauches, et c'est comme ça. Peut-être que j'ai besoin d'un homme pour marcher, finalement..., me moqué-je mentalement.

   Soudain, mon père fait tinter sa cuillère contre son verre en cristal.

   — Votre attention, s'il vous plaît.

   Le silence se fait aussitôt dans la salle. Tout le monde a les yeux rivés sur mon père, qui s'est levé.

   — J'ai une annonce importante à vous faire, à tous.

   Je m'adosse à ma chaise. J'ai faim. Cette annonce importante va encore durer une demie-heure, donc les plats ne sont pas prêts d'être servis.

   — Vous avez dû remarquer que la famille Fisher se tient à notre table. C'est pour une bonne raison. Voyez-vous, dans un an, nous ne formerons plus qu'une seule famille.

   Le sourire de mon père s'élargit, et mes sourcils se froncent.

   — Nos enfants, Anthem Spencer et Andrew Fisher, vont se marier ! annonce-t-il en levant les bras vers le plafond.

   Mes yeux s'agrandissent d'horreur. Andrew m'observe du coin de l'oeil. Il n'a pas l'air surpris. Soit il cache bien ses émotions derrière un masque impénétrable et il faudrait qu'il m'apprenne cette technique, soit il était déjà au courant. Je penche plutôt pour la deuxième option, même si j'admets volontiers qu'il a l'air de savoir rester impassible dans toutes sortes de situations.

   Le père d'Andrew se lève, et dresse sa coupe de champagne.

   — Félicitations !

   Mes mains se mettent à trembler sous la table. Je regarde mes parents et ceux d'Andrew sourire, impuissante. J'entends toutes les personnes de la salle nous adresser des félicitations pour nos fiançailles, impuissante. Je n'ai qu'une envie, fuir. Fuir très loin. Ne plus être Anthem Aubree Olivia Spencer, mais juste une fille, qui pourrait tomber amoureuse, se marier avec celui qu'elle aimerait et vivre selon ses choix. Or, je suis bel et bien Anthem Spencer, et je n'ai pas le choix de ma vie. Je suis condamnée à ce que les autres choisissent pour moi. Ce sont mes parents aujourd'hui puis, lorsque je serai mariée à Andrew, ce sera lui qui décidera pour moi, ainsi que ma belle-famille. Comme mon père choisir pour ma mère, comme tous les hommes choisissent pour leurs femmes.

   Une main saisit la mienne. Une main chaude, réelle. Je lève les yeux. Le regard sombre d'Andrew s'ancre dans le mien. Il n'est plus aussi glacial que tout à l'heure, comme s'il comprenait une partie de ma peine. Je regarde mes parents. Mon père m'adresse un regard menaçant, et ma mère d'un air fier. Je n'ai pas le droit de les décevoir, même s'ils ont décidé de me marier contre mon gré. Je dois être parfaite.

   Mon fiancé se lève de son siège devant les acclamations de la foule, m'entraînant avec lui. Je ne résiste pas. Je veux rendre mes parents fiers de moi, même si j'aimerais juste fuir ou hurler de toutes mes forces, me rebeller. J'aime trop mes parents pour cela. Je suis leur dernière fille, leur dernier espoir de conserver notre honneur.

   Le visage de mon père de fend d'un sourire remplit de joie et de fierté. Une émotion que j'avais toujours espérée voir sur son visage depuis toute petite.

   Alors, je ravale les larmes et adresse à toutes ces personnes un grand sourire, pendant que les flashs des appareils photos des différents journalistes se déchaînent.


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Chapitre 2 publié !
Qu'en pensez-vous ? Personnage, ambiance, univers, etc...
Nouveau chapitre demain !
Merci pour votre lecture,
G.

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