🌹Chapitre 10🌹

   Je cours dans le couloir, fuyant les parents d'Andrew comme je souhaite fuir ma vie. J'emprunte le chemin que la mère de mon fiancé m'a indiqué et me retrouve entourée de plantes en tous genres. Je lève les yeux et découvre le ciel, derrière un toit de verre.

   Avant que la porte ne se referme, j'entends des éclats de voix, et des bruits de pas. Puis le battant me coupe du monde extérieur. Je passe entre les fleurs, et m'arrête devant un bassin, m'asseyant sur un banc de pierre. Je ferme les yeux et écoute le bruit de l'eau pour me calmer.

   Je ne peux pas en vouloir aux parents d'Andrew de vouloir ce qu'il y a de mieux pour lui, qu'il trouve l'amour comme eux l'ont apparemment trouvé. Mais il y a deux personnes dans un mariage. En l'occurrence, lui et moi. À la limite, je préférerais penser qu'il s'agit d'un mariage entre deux familles froides pour remplir des conditions. Sauf qu'il ne s'agit pas de cela et je ne suis qu'un pion dans leur plan. Ils ne savent pas que je n'ai pas le droit à l'erreur. Si ces fiançailles sont rompues, mon père ne me le pardonnera jamais.

   Je me prends la tête entre les mains, épuisée mentalement. Je dois être parfaite. Mais je n'ai aucun moyen de rendre Andrew amoureux de moi. Je ne veux pas me marier avec lui, mais je n'ai pas le choix. En me mariant, je pourrais enfin quitter mes parents et vivre ailleurs. Mais à quel prix ? Je ne veux pas continuer à vivre une vie dénuée d'amour... Mais qu'est-ce que l'amour, exactement ? Comment puis-je le savoir, moi qui n'en ai jamais reçu de qui que ce soit ?

   — Le jardin vous plaît-il ?

   Je relève aussitôt la tête vers le son de cette voix. Andrew Fisher se tient devant moi, les mains croisées dans son dos, tel un parfait gentleman.

   D'un revers de manche peu élégant, j'essuie mon nez et mes joues. Un mouchoir apparaît soudain devant moi. Je le prends en marmonnant un vague remerciement et me mouche bruyamment. Il fronce le nez et je souris gauchement, un peu embarrassée, avant de répondre à sa question : 

   — Il est magnifique, je réponds avec honnêteté.

   — Bientôt, vous pourrez vous y promenez tous les jours, si vous le souhaitez.

   Mon sourire s'évanouit. Je décide alors d'être franche :

   — Je ne veux pas me marier avec vous.

   Il sourit tristement.

   — Alors ne m'épousez pas.

   Je lui adresse un regard noir et me lève pour me mettre dos à lui. C'est tellement facile, de dire ça ! Il ne connait pas la vie, il ne connait pas mon père, il ne me connait pas.

   — J'aimerais bien avoir le choix.

   Un silence suit mes paroles.

   — Si ça se trouve, vous n'aurez pas à m'épouser, j'ajoute brusquement. Si vous ne m'aimez pas...

   — ... et que vous ne m'aimez pas. Cela marche dans les deux sens, Anthem.

   Je ne réponds pas. Est-ce que je suis capable d'aimer, avec des parents comme les miens ?

   — Vos parents...ne m'ont pas servi les mêmes propos, je rétorque faiblement, la gorge nouée.

   — Ils n'auraient pas dû vous parlez de cette façon. J'aurai vraiment voulu que cela se passe autrement, Anthem.

   Son ton est sincère.

   — Moi aussi, je réplique. Mais ils souhaitent votre bonheur. Je ne peux pas leur en vouloir. Cependant, j'ai une question...

   — Je vous écoute.

   — Pourquoi m'avoir choisie, moi ?

   Andrew se racle la gorge.

   — Vous êtes un bon parti. Et puis il n'y a assurement pas beaucoup de femmes de mon âge.

   De femmes...

   — Est-ce que vous seriez capable de m'aimer ? je demande en me retournant brusquement.

   Son regard me brûle, mais je tiens bon.

   — Et vous ? rétorque-t-il.

   Je ne réponds pas. Nous restons face à face, campés sur nos positions. Il semble que nous soyons aussi têtus l'un que l'autre !

   Andrew part soudain d'un grand éclat de rire. Je le suis quelques secondes plus tard d'un rire timide. C'est la première fois depuis deux ans que je me sens légère et complice avec quelqu'un. Soudain, il s'arrête, me regardant avec stupéfaction. Je cesse de rire, mal à l'aise. Son expression est étrange, presque curieuse.

   — Que se passe-t-il ? demandé-je.

Andrew se passe une main sur le front, les sourcils froncés, me regardant toujours avec attention. J'attends, mais il ne me répond pas. Puis il se redresse et me propose son bras.

   — Êtes-vous prête à rentrer pour discuter avec mes parents ? me demande-t-il.

   Mes angoisses me reviennent soudain, et je me mords nerveusement la lèvre inférieure.

   — Vous serez présent ? articulé-je finalement.

   Son sourire réchauffe mon cœur glacé.

   — Si vous voulez bien de moi, oui.

   — Bien sûr !

   J'accepte son bras, posant ma main dessus, tout en lui souriant légèrement.

   — Merci, Andrew.

   Pendant une seconde, il semble déstabilisé par mes deux mots. Puis il se reprend, et son sourire en coin s'accentue.

   — Il n'y a vraiment pas de quoi me remercier, Anthem.

   — Merci quand même, je lance malgré tout.

   Il éclate de rire.

   — Vous êtes vraiment différente, observe-t-il en m'étudiant, un demi-sourire accroché aux lèvres.

   — Cela ne devrait pas tant vous choquer, vous qui avez grandi entouré de différence ! rétorqué-je.

   — Ne pensez pas que mon éducation soit si différente de la vôtre, Anthem. Malgré ce que mes parents pensent et disent, même eux savent combien il est important de se fondre dans le décor quand nous sommes un peu différents.

   Je hausse les épaules.

   — De plus, poursuit Andrew, je suis certain que beaucoup de familles et de personnes vivent comme nous et pensent de la même manière, mais qu'ils le cachent au reste du monde.

   Je médite quelques instants sur ces paroles alors que nous faisons le chemin inverse que j'ai effectué seule à l'aller. Je me fais ma réflexion que, si je me marie un jour avec Andrew, je passerais beaucoup de temps dans ce jardin, parce qu'il est vraiment magnifique. Nous n'avons rien de tel au manoir de mes parents. Aucune fleur n'égaye jamais l'atmosphère. Ici, c'est différent. Tout est différent. Cependant...

   — Comment faites-vous, lorsqu'une famille comme mes parents vient vous voir ici ? Il y a des détails...

   — Nous avons un second salon où recevoir les invités, me coupe Andrew.

   — Mais pourquoi est-ce que vous m'avez montré cette différence ? je questionne, curieuse.

   — Vous allez devenir ma femme.

   — Ce n'est pas certain, je réplique.

   Andrew soupire, l'air las.

   — Mes parents veulent ce qu'il y a de mieux pour moi, que je trouve l'amour, et cetera... Cependant, je sais qu'ils ont besoin de quelque chose que seuls vous et moi pouvons leur offrir.

   J'écarquille les yeux, étonnée par l'ampleur et la tournure que prend cette conversation, basée simplement sur un mariage entre un homme et une femme – en l'occurrence, moi et Andrew.

   — Qu'est-ce que vous... ? bredouillé-je, les sourcils froncés. Je ne comprends pas.

   — Mes parents vous parleront mieux que moi, Anthem. Nous devons tout vous expliquer, que vous compreniez. Ils ne veulent pas me forcer, et vous non plus. Il nous laissent le choix. J'ai fait le mien. À vous de choisir le chemin que vous voulez emprunter.

   Mon Dieu , je ne comprends rien à ce qu'il raconte ! Dans quelle situation saugrenue me suis-je encore fourrée ?!

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