-9 : WUNDER GESCHEHN, Nena
9 jours plus tôt
Ce jour-là Grischa était décidé. Il allait prendre son courage à deux mains et discuter avec cette fille dont il ignorait le prénom mais qui lui plaisait un peu trop. Il avait donc choisi qu'il prendrait son goûter au KDR et y avait donné rendez-vous à l'un de ses coéquipiers pour une raison fausse. Car il avait besoin de soutien et ne s'y serait jamais rendu tout seul.
La pluie est battante alors qu'il quitte son appartement relativement grand pour la ville et file en direction du bar dansant. Il remonte sa capuche, mais son pantalon est bien rapidement mouillé. L'air chaud de la boulangerie le réconforte pendant le temps que ça dure. Pourtant, il se retrouve bien rapidement de nouveau victime du climat et des gouttes glacées ruisselant sur son manteau de pluie et trempant son pantalon. Il regrette un peu sa décision mais ne compte pas s'arrêter en aussi bon chemin. D'autant plus que son ami est déjà en train de faire le trajet. Mais avec l'arrêt de métro juste devant le KDR, celui-ci devrait être bien moins mouillé quand il arriverait que lui s'y rendant à pied.
Une fois une table trouvée avec son coéquipier, il dépose le sachet en papier contenant des viennoiseries et retire son manteau. Il le suspend à un crochet présent au mur dans l'espoir qu'il s'égoutte un peu avant de devoir le remettre plus tard dans la journée. Une grimace étire ses traits pendant quelques secondes alors qu'il sent le tissu lui coller les cuisses alors qu'il s'assoie. Un sourire s'installe sur le champ sur le visage de celui qui l'a rejoint alors qu'il pioche au milieu des mini-frantzbrötchen, quarktaschen et mohnschnecken. Lui-même en porte immédiatement un à sa bouche.
— La vache, ils sont trop bons.
Ses lèvres s'étirent fièrement, heureux de son choix.
— C'est la boulangerie pas loin de chez moi, elle est vraiment trop bonne.
Son ami semble approuver, mais avant qu'il ne puisse développer, ils se font interrompre par la jolie serveuse. Grischa se perd directement dans ses yeux aux iris de deux couleurs différentes. Il n'avait jamais rencontré de personne aux yeux vairons avant elle et se retrouve une nouvelle fois hypnotisé par le phénomène alors qu'il a l'impression de faire face à deux regards différents. Il finit par sortir de son admiration alors que la voix du blond l'accompagnant retentit, le relançant sur ce qu'il comptait prendre. Il secoue légèrement la tête, sentant ses joues se mettre à le brûler et ayant l'impression de s'être une nouvelle fois ridiculisé devant la belle.
— Un chocolat chaud.
— C'est de saison ! Je ramène ça tout de suite.
Il la suit du regard avant de détourner ses prunelles pour les reposer sur son accompagnateur qui l'observe un sourire moqueur peint sur ses fines lèvres. Avant qu'il n'ait le temps de lui dire de se taire, la remarque s'élève déjà.
— Je comprends mieux les raisons de ton envie d'un chocolat chaud. Ça fait longtemps que ça dure ce petit cinéma ?
— Je ne vois pas de quoi tu veux parler !
Il tente d'avoir un air innocent mais comprend rapidement qu'il ne pourra pas cacher l'attirance qu'il ressent pour celle qui semble prendre une commande alors qu'il tourne son visage pour l'observer une nouvelle fois. Et puis, il reste délicat de lui dissimuler la raison de leur présence alors qu'il se sert un peu d'András et de son amour pour les bons goûters juste pour se retrouver une nouvelle fois au KDR dans l'espoir d'enfin oser lui adresser la parole. Alors il lui dit la vérité de toute façon devinée.
— Oui. Je vais essayer de lui parler à la fin de son service.
— C'est vraiment pour ça que tu m'as invité ?
Il baisse un peu la tête, les joues rougissant légèrement. Sa voix s'élève en réponse en un murmure quand la réponse tombe quelques secondes plus tard.
— Oui...
Quand il finit par regarder de nouveau son ami, les pupilles lui faisant face brillent fortement. Au sein de celles-ci, Grischa peut lire une profonde malice, mais aussi une réelle sympathie.
— Mais c'est aussi parce que je sais que tu es fan de frantzbrötchen.
Le rire éclate en réponse.
— C'est vrai que je pourrais vendre mon corps pour en manger, alors à côté de ça, t'accompagner au bar est presque trop simple.
Le blond roule des yeux alors que la réponse est tombée. Celle-ci est ponctuée d'éclats de rire. Le milieu de terrain déglutit quand il voit les yeux clairs de son ami se porter en direction du comptoir et détailler la jeune femme. Il lui met un léger coup et le fusille de ses iris azurés quand il finit par quitter son observation.
— Arrête ou elle va comprendre.
— Et ? C'est pas le but qu'elle comprenne justement ?
— Si. Mais pas comme ça.
— Comment alors ?
— Je vais lui parler plus tard. Je suis même pas sûr qu'elle m'ait remarqué.
— Oui enfin, on sait tous que tu passes ta vie dans ce bar, je comprends mieux les remarques des gars l'autre jour quand ils disaient que tu y allais pour drag...
La main se porte à la bouche de son ami hongrois alors qu'il écartille ses yeux bleus. La blonde est en train d'avancer dans leur direction, un plateau sur lequel sont posées deux boissons à la main. Son visage est amusé alors qu'elle dépose le chocolat et le smoothie devant eux.
— Bonne dégustation.
Un merci retentit quand le blond se contente de lui répondre d'un immense sourire, le visage heureux et les pupilles pétillant fortement. Quand elle finit par faire demi-tour, il se demande s'il a rêvé ou si leurs regards se sont bel et bien croisés pendant de nombreuses secondes. Il ne la quitte pas de ses prunelles alors qu'elle marche sans se retourner en direction du comptoir. Quand elle passe de l'autre côté de celui-ci, elle se tourne dans leur direction et il change subitement son visage de direction, dans l'espoir qu'elle ne le trouve pas en train de la détailler. Il sait pourtant que c'est trop tard et qu'il a forcément été cramé.
— Tu es ridicule.
— Non, je sais juste pas comment agir. Je suis pas très doué pour aborder les personnes qui me plaisent.
Un sourcil s'arque en face de lui. Mais il n'y prête pas attention, observant le verre rempli d'un liquide rose posé devant son coéquipier. Une boisson qui ne colle pas du tout avec la météo du moment.
— T'as pris un smoothie ?
Les yeux verts se lèvent au ciel.
— Oui. Et tu l'aurais su si tu ne t'étais pas perdu dans tes pensées d'amoureux transi au moment du passage des commandes. Maintenant, je veux en savoir plus, je suis quand même ton alibi pour cette petite sortie. Tu disais que tu ne sais pas comment l'aborder ?
Un soupir profond lui échappe alors qu'il repense aux quelques histoires qui ont ponctué sa vie. Ce n'avait jamais été lui qui avait fait le premier pas. Si certaines avaient été courtes et d'autres beaucoup plus longues. Si certaines l'avaient laissé le cœur brisé et d'autres s'étaient terminées dans l'indifférence, toutes avaient un point commun : il n'était pas celui qui avait abordé ses ex. Toutes les femmes qui lui plaisaient étaient toujours restées des cibles inaccessibles à ses yeux. Des personnes qu'il observait de loin sans oser les approcher et sans savoir quoi leur raconter pour engager la conversation. La serveuse ne faisait donc pas exception.
Mais pour une fois Grischa avait décidé de ne pas rester comme un imbécile et voir l'objet de sa passion lui passer sous le nez, encore plus qu'avec la fermeture du bar, contrairement aux autres, il ne pourrait plus passer du temps à l'observer et à sentir son cœur doucement se mettre à saigner alors qu'elle serait dans les bras d'un autre. Chaque minute à les regarder heureuses sans lui étaient un douloureux rappel de son incapacité à se mettre en avant et de sa timidité face à celles qui avaient le pouvoir de faire accélérer son organe vital.
— Je sais pas quoi lui dire. Robin dit de lui dire qu'elle me plait, mais il comprend pas vraiment. On recherche pas la même chose, lui veut juste s'amuser, s'il se ridiculise, il tente avec la suivante.
Un petit rire s'élève en réponse.
— Belle image de notre coéquipier dis-donc.
Ses joues se mettent à rougir et sa tête se baisse devant le regard le scrutant d'András. Mais il sait ne pas avoir vraiment tort. L'international allemand était respectueux mais il est plus facile de se prendre un vent lorsque l'on est dans son état d'esprit où le choix n'est pas fait sur base d'un sentiment ressenti.
— C'est pas non plus faux.
Il finit par reporter son attention sur sa boisson arrivée. Lorsque ses prunelles bleutées tombent dedans, il voit les petits chamallows qui y flottent. Un immense sourire s'installe alors sur son visage. Il relève la tête et la tourne pour voir la serveuse l'observant et se mettant à sourire quand elle comprend qu'il est heureux. Ses lèvres s'étirent encore un peu plus avant qu'un client l'interpelle et qu'elle ne détourne ses yeux qui semblaient avoir capté les siens. Il se reconcentre donc sur la tasse qu'il porte à ses lèvres. La chaleur lui fait le plus grand bien après s'être fait mouillé un peu trop fortement quelques dizaines de minutes plus tôt.
— Vous devez bien avoir des points en commun, je sais pas, elle doit aimer l'Union si elle travaille ici. Tu pourrais tenter de lui parler du club.
— Tu crois pas qu'elle va croire que je me vante ?
— Grischa. Tu t'es pas vanté une fois depuis que tu as mis les pieds dans ce bar, je pense que ce n'est pas parce que tu en parlerais une fois qu'elle penserait ça de toi.
C'est vrai que cela faisait sens. Il laisse l'idée se frayer un chemin dans son esprit et continue de croquer dans ses pâtisseries et de vider sa tasse alors qu'ils finissent par changer de sujet.
— T'es sûr qu'il faut vraiment prendre une troisième boisson ? Ça risque pas d'être un peu cramé que je m'éternise ?
— Grischa, tu viens trois fois par semaine ici, c'est déjà cramé qu'il y a quelque chose qui t'intéresse dans ce bar.
— Ça pourrait être l'ambiance conviviale ? Ou bien que c'est un bar dansant ? Le fait que ce soit le bar du quartier du stade ? Celui avec les supporters du club parce que c'est un bar historique du quartier est ?
— Sauf que c'est pas les écharpes que tu regardes toutes les minutes, mais la serveuse.
Il laisse ses bras qui étaient prêts à se lancer dans une grande explication retomber mollement sur la table. András n'avait pas tort. Est-ce qu'il était réellement si peu discret ? Il ne peut pas s'empêcher de se tourner vers la serveuse comme pour s'assurer qu'elle ne s'est aperçue de rien. Quand ses iris azur tombent sur elle, les siennes sont déjà braqués sur lui. Ses joues se mettent alors à rougir et il détourne bien rapidement ceux-ci, honteux d'avoir été pris sur le fait une nouvelle fois.
Le rire éclate fortement en face de lui. Son coéquipier se laisse même tomber sur la table tant il semble être amusé par la situation qu'il trouve plutôt pathétique de son côté.
— Arrête de te moquer. Arrête de rire. Purée je suis tellement nul.
Il laisse théâtralement retomber sa tête entre ses paumes pour la cacher de la vue de tous les présents.
— J'avoue regretter de ne pas avoir été témoin de toutes les autres fois où tu es venu ici tant t'es mignon timide et incapable de t'exprimer comme ça.
— Tais-toi. S'il te plait tais-toi.
Il continue de se lamenter le visage plongé dans ses mains alors que les éclats de rire continuent de résonner en face de lui.
— Ça a été ?
— Très bien. Le deuxième smoothie était aussi bon que le premier.
— Vous reprendrez quelque chose ?
— Oui oui, on a encore des gâteaux à manger.
Il enlève sa tête alors que la conversation semble s'être engagée en son absence. Il jalouse sur le champ son coéquipier et ami, absolument pas gêné lorsqu'il est question de parler à la jeune serveuse. Il murmure que lui aussi va prendre un smoothie, celui aux fraises.
— Il est tellement bon.
Le compliment s'élève en un léger murmure. Le visage encadré de cheveux blonds tombant en cascade s'illumine alors et les prunelles vaironnes se mettent à flamboyer.
— Oh merci. C'est moi qui aie fait la recette.
Il reste alors silencieux, ne parvenant pas à ajouter le moindre mot, adressant son plus beau sourire muet à la serveuse qui disparait sur le champ.
— Bien joué Casanova.
Il fusille l'homme aux cheveux châtains lui faisant face.
— Le plus drôle, c'est quand même que tu ne vois pas à quel point tu lui as tapé dans l'œil.
— Je lui ai pas tapé dans l'œil.
— Ouais ouais Casanova. Au moins vous vous accorderez bien entre deux personnes incapables de sauter dans le grand bain.
Il reste silencieux. Laissant les mots de la chanson passant dans les enceintes parvenir à ses oreilles.
« Wunder geschehn ich hab's gesehn
Es gibt so vieles was wir nicht verstehn
Wunder geschehn ich war dabei
Wir dürfen nicht nur an das glauben was wir sehn »
— Écoute bien Nena, elle te dit que même pour toi, les miracles existent.
András s'esclaffe après avoir sorti sa remarque. Celle-ci lui vaut de se faire légèrement repousser et que les éclats soient alors encore plus présents.
— Elle parle pas du tout d'amour cette chanson, c'est hors contexte.
— On peut interpréter les chansons comme on veut. Et « Les miracles arrivent, je l'ai vu. Il y a tellement de choses que nous ne comprenons pas. Les miracles arrivent, j'étais là. Nous ne pouvons pas simplement croire en ce que nous voyons. » franchement, je crois que ça s'adapte parfaitement à ton cas. Parce que de ce que je vois, ce serait un miracle que l'un ou l'autre de vous engage la conversation, mais je crois malgré tout à cette possibilité.
Les prunelles pétillent d'une gentille malice. Et la conversation se meurt quand des nouvelles boissons sont amenées. Grischa s'étonne de voir que ce n'est plus la serveuse habituelle, celle qui est toujours présente et pour laquelle il est présent.
— Mais c'est pas...
— Monika ? Non, elle vient de terminer son service, elle est partie il y a quelques minutes.
Son sourire s'évanouit tout comme une nouvelle possibilité de l'aborder. Et subitement, sans la possibilité de lui parler plus tard en soirée lorsqu'elle sortirait faire une pause, son génial smoothie lui parait bien moins bon.
heureusement que je voulais écrire des chapitres courts pour l'avancer vite...
La chanson de Nena « Wunder geschehn » a été écrite pour parler du miracle d'un traitement sur son fils alors qu'elle était à l'hôpital. il est décédé qq mois avant la sortie de l'album en 1989. C'est également une des chansons qu'elle a chanté alors qu'elle était toute récente lors du concert pour berlin qq jours après la chute du mur et bcp de gens font le rapprochement entre les paroles et la chute du mur.
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