-6 : DIE IMMER LACHT, Stereoact & Kerstin Ott
6 jours plus tôt
Grischa rentre dans le bar déterminé ce jour-là. Il vient de quitter son entrainement de récupération post-match et il compte bien profiter avec les quelques coéquipiers en compagnie de qui il sort. Il se dirige rapidement vers un coin calme du lieu où ils s'installent souvent. En ce dimanche après-midi, l'ambiance n'est pas à la fête mais à la convivialité.
De son emplacement, il a une vue imprenable sur le comptoir où agit la femme de ses rêves. Si quelques jours plus tôt il n'a pas pu enclencher la discussion avec elle, il espère que cette fois sera la bonne. Peut-être qu'elle ne finirait pas plus tôt ou surtout avant qu'il ait pu prendre son courage à deux mains et l'ait rejointe pour l'inviter à quelque chose. Il avoue ne pas encore savoir trop à quoi.
— Dis-donc, la femme de ta vie n'est pas là aujourd'hui Grischa, alors pourquoi est-ce qu'on est ici ?
Il fusille du regard le bavard au sourire moqueur et aux prunelles brillant de malice. Il le déteste mais s'en veut surtout d'avoir dû un jour se confier à lui. Cette situation où tous les regards de ses coéquipiers se retrouvent fixés sur lui ne se serait jamais produite s'il avait eu un peu de bravoure et lui avait parlé lors de ses trop nombreux passages au KDR.
— C'est qui ?
— Non mais t'es encore sur cette fille ?
— Comment ça encore ?
— Pourquoi je suis au courant de rien. De qui on parle là ?
— Ben ça fait bien six mois, je pensais que c'était terminé cette histoire.
— SIX MOIIIIS ?? Six mois ?!
Il sent ses joues qui le brulent comme elles l'ont rarement fait et il grogne alors que celui qu'il a invité quelques jours plus tôt l'observe avec des yeux exorbités.
— Non, mais parce que quand tu m'en as parlé je pensais que ça faisait deux semaines, pas six mois !
Il a envie de disparaitre. Et c'est encore plus le cas lorsque tous se tournent en direction de la gauche alors qu'une voix vient de les interrompre pour demander les boissons dont ils ont envie. En cet instant, le blond n'a plus envie de rien. Il a envie de s'enfouir sous ses draps et de disparaitre de la surface de la Terre. Il a envie que les sourires taquins s'évanouissent et que les souvenirs de l'intégralité de ses coéquipiers soient effacés pour que cette conversation n'ait jamais eu lieu. Il a aussi envie que la serveuse continue de l'observer avec attention et gentillesse comme elle est en train de le faire alors qu'elle n'attend plus que sa commande. Il finit par murmurer qu'il veut un chocolat et elle lui adresse un petit sourire qui lui plait. Parce qu'il a l'impression qu'elle ne les réserve qu'à lui.
— Bon, quand est-ce que tu te décides vraiment à lui parler ?
— Je te rappelle que je devais le faire et qu'elle était déjà partie.
— Une bonne excuse encore cette fois-là.
Une moue se peint sur ses traits alors qu'il se demande si c'est réellement le cas. Après tout, il est vrai qu'il avait particulièrement fait trainer la fois précédente. Mais ce n'était pas une raison malgré tout. Il hausse les épaules, espérant que ses coéquipiers vont plutôt s'intéresser à autre chose et le laisser tranquille avec ce sujet. Leur façon de s'immiscer dans sa vie privée, même pour la bonne cause, est parfois un peu trop imposante. D'un autre côté, il sait qu'il en est un peu responsable après avoir invité certains d'entre eux juste pour se donner du courage ou avoir bien trop parlé de celle qu'il sait désormais s'appeler Monika.
— Ah le Hertha joue ?
— Ils jouaient pas hier eux ?
Un rire éclate alors que les regards se tournent vers l'écran de télévision où leurs concurrents pour la suprématie de la ville sont en train de se mettre en place, attendant le coup de sifflet de l'arbitre.
— Vous connaissez bien le championnat, c'est affolant.
— J'aime jouer au foot, pas tout le reste.
Grischa se retourne vers son coéquipier qui vient d'ouvrir la bouche, les prunelles claires interdites. Comment ça ?
— Tu en regardes pas ?
— Non, c'est chiant la plupart du temps.
Il entrouvre la bouche pour répliquer sans savoir quoi dire, trop choqué par cette situation. Comment pouvait-on aimer un sport et ne pas aimer le regarder ?
— Alors regarder le Hertha, merci bien.
— D'ailleurs pourquoi il passe ici, c'est pas le bar de notre club ?
C'est vrai qu'avec les écharpes et photos exposées partout, il était étrange que le club rival soit ainsi mis en lumière.
— Ouais, bizarre.
— Non pas bizarre. Les deux clubs ont toujours été amis, le Hertha y passait avant la chute du mur, y a pas de raison que ça change après.
Il sait avant même de relever ses iris bleutées à qui appartient la voix qui vient de s'élever. Quelques ricanement s'élèvent alors que tous sont amusés par la situation. Le blond ne sait plus quoi répondre, dire, ni comment agir. Il reste donc muet sur le sujet, se contentant d'un faible merci quand son chocolat chaud est tendu. Il note avec satisfaction qu'il y flotte une nouvelle fois des petites guimauves.
— C'était moi qui trouvais ça bizarre, je savais pas. Parce que du coup t'es de Berlin Est ?
Jamais il n'a autant remercié silencieusement un coéquipier. András a beau parfois être une épine dans son pied, c'est loin d'être le cas alors qu'il est en train de sauver la situation. Mais il lui devait bien ça après l'avoir engagée !
— Non, je suis née après la chute du mur mais mes deux parents oui. Et ils m'ont toujours dit qu'à l'époque, ils supportaient les deux clubs. Le Hertha était très populaire à l'est chez une partie de la population.
Il boit les paroles de la jeune femme alors qu'il se demande comment c'était. Et comment ils pouvaient supporter un club auquel ils n'avaient pas réellement accès.
— Ils le soutenaient quand il jouait de ce côté-ci du rideau de fer et puis, il passait parfois de façon cachée dans des bars, même si c'était assez compliqué. C'est juste différent maintenant, moins clandestin !
Elle arrache quelques rires avant de disparaitre, appelée au loin. Il relève alors uniquement ses yeux, souriant faiblement à celui qui a tenté de le sauver de sa misérable situation.
— Bon, j'imagine qu'après tout ça, c'est pas encore pour aujourd'hui la grande invitation.
Il soupire avant d'avaler une grande gorgée de sa boisson. S'il l'aime autant, c'est parce qu'elle est réconfortante et c'est ce dont il a besoin en cet instant. Sur l'écran, Niklas apparait, son brassard autour du bras. Il se demande s'il le recroisera au KDR avant sa fermeture. Il avait de toute façon d'autres raisons de le croiser, s'il prenait simplement le temps de lui mettre un message et d'inviter son ancien coéquipier à se retrouver. Il ne savait juste pas comment engager cette conversation après des années à être éloignés. Quand il finit par faire le tour des boissons, il s'aperçoit qu'il est l'unique personne à avoir des petits bonbons flottant dans celle-ci. Et peut-être qu'il avait enfin son occasion.
— Je vais. Ouais, je vais aller la voir !
Les regards oscillent entre le choc, la surprise et la joie chez ses coéquipiers. Il espère ne pas perdre tous ses moyens. Vas-y Grischa, tu la remercies juste pour les guimauves ! Il traverse lentement la salle, sentant tous les regards plantés sur lui. Il se retourne et d'un geste de la main leur fait signe de le laisser tranquille. Il sait pourtant qu'ils ne pourront pas s'empêcher de l'espionner de façon plus ou moins – surtout moins – discrète.
— Tu veux ?
En façon de lui, la blonde lui adresse un léger sourire alors qu'elle l'observe avec attention.
— Je voulais juste dire merci pour les guimauves. C'est très bon et...
Le visage s'illumine fortement et ses prunelles se mettent à briller en retour.
— T'avais l'air tellement content la fois dernière quand je t'en ai mis que...
La phrase se stoppe au milieu alors qu'elle ne semble pas savoir quoi rajouter et lui non plus. Il se répète quelques mots dans sa tête, ceux qui seraient utiles pour l'inviter. Il fait le tour des endroits où il pourrait lui demander de l'accompagner. Boire un verre : ridicule, elle est dans un bar toute la journée. Au football : voir quel match ? Il joue toujours en même temps que les autres clubs. Manger une glace : parfait pour l'été mais pas la saison. Il regrette de ne pas avoir agi pendant la période du marché de Noël. Une nouvelle chanson se met à résonner dans la sono et bientôt elle est appelée d'un peu plus loin sur le comptoir.
— Euh, je dois... Je dois aller servir. Mais, peut-être que... Tiens.
Il se retrouve avec une poignée de guimauves délicatement déposée dans sa paume. Et avant qu'elle ne s'éloigne, elle lui adresse un dernier sourire, un de ceux qui sont un peu plus forts et brillants que ceux qu'elle adresse aux autres avant de s'éloigner tout en sifflotant sur l'air de Die immer lacht. Et quand il se retrouve à nouveau assis sur son siège avec ses coéquipiers l'assaillant de leurs questions et qu'il porte un petit bonbon à sa bouche, il se demande s'il faut qu'il y lise quelque chose.
die immer lacht = celle qui rit toujours/tout le temps
c'est toujours aussi compliqué que ce soit pour grischa ou monika ahah.
le derby de berlin est très particulier parce que normalement contrairement aux autres derbys, leurs rencontres sont une grande fête (c'était moins le cas suite à la montée en bundesliga de l'union). en effet, quand berlin était divisé, les supporters de l'union allaient supporter le hertha en déplacement en coupe d'europe s'ils affrontaient des clubs de leur côté du rideau de fer et les habitants de berlin ouest de passage allaient souvent voir jouer l'union et lançaient des chants anti-régime dans les travées (mais on y reviendra sur la partie de janina).
depuis la réunification & la montée de l'union, il y a une rivalité sportive bcp plus grande pour la place de meilleur club de la capitale. mais surtout idéologique avec l'union qui reste un petit club, sauvé grâce à ses fans (on y reviendra aussi) & centré sur son quartier, avec un petit stade (orné de 3 tribunes debouts/4) qui reste anti-footbusiness face au hertha qui était le club spectacle avec un investisseur (chose pas bien vue du tout en allemagne) qui voulait que ce soit "le" club de la capitale (ça s'est mal fini).
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