Chapitre 4 -Le temps arrange les choses...-
Le vieux Kaël était à la bibliothèque, comme à son habitude. Assis sur une chaise, il observait les étoiles, voulant profiter de leur dernière clarté avant que l'aube n'arrive. Ce ciel si violet foncé, à la limite du noir, Gamaë d'un rose si pâle et pourtant si éblouissant... Il se perdait dans la contemplation du firmament, un doux sourire s'épanouissant sur ses lèvres. Il sursauta lorsque son téléphone sonna et se leva soudainement, inquiet. Mais qui pouvait donc bien l'appeler aussi tôt ?
-Kaël, c'est moi. Nous avons un problème.
Le Xars soupira, visiblement soulagé. Ce n'était autre que Daery, son frère jumeau.
-Je t'écoute. Qu'est-ce qu'il y a ?
-C'est la fille. Elle a frappé un haut commandant.
A ces mots, le vieil homme se raidit et ferma les yeux. Il ne pouvait pas y croire. Sur toutes les personnes de cette fichue planète, il avait fallu que ce soit un haut commandant.
-Je... Je m'en occupe Daery. Merci de m'avoir prévenu.
Et il raccrocha. Lui-même ne savait pas comment il allait pouvoir la sortir de là. Son erreur allait lui couter très cher. Et elle ne pouvait pas se le permettre. Les étoiles avaient parlé. Il était temps.
A cette pensée, le cœur du vieil homme se serra douloureusement. Ce soir-là, il avait été obligé de mentir à Nathaniel concernant les astres. Certes, il ne savait pas ce qu'il s'était passé, mais grâce à des années de recherche avec son jumeau, Daery, il avait compris que ce phénomène était tout sauf anodin. Et que le jeune homme qu'il affectionnait tant ainsi que la jeune Terrienne avait un rôle à jouer dans cette histoire.
On ne relatait pas l'histoire d'une civilisation sans un minimum de bon sens et de connaissance. Aussi, déchiffrer cette énigme n'avait pris que peu de temps pour Kaël. Et pour son jumeau. D'ailleurs, celui-ci était une copie du Xars. Les deux frères ne se complétaient pas, non, ils ne faisaient qu'une seule et même personne. Aussi bien sur le plan physique qu'intellectuel. Ce que pensait Kaël, Daery le pensait également. Il y avait toujours eu cette connexion spéciale entre eux qui faisait que chacun pouvait deviner ce que pensait l'autre. Ils étaient en parfaite symbiose.
Assis sur sa chaise, le Xars se perdit encore une fois dans le si beau paysage qui s'offrait à lui, avant de s'imaginer tous les moyens possibles et inimaginables de faire sortir la jeune femme. Son esprit s'embrouilla rapidement tant il pensait. Finalement, il se leva, jeta un dernier coup d'œil à l'horizon et partit pour Inra. Le vieil homme n'avait aucune idée de ce qu'il allait bien pouvoir dire ou faire, mais il se dit qu'il pourrait très certainement improvisé lorsqu'il aurait tous les faits sous les yeux.
Lorsqu'il arriva à Inra, le vieux Xars tourna trois fois à droite puis à gauche et s'arrêta devant un énorme bâtiment de couleur grise, totalement délabré. Il semblait peiner à rester debout, s'étiolait ici et là et la couleur grise délavée semblait tendre vers un noir profond à certains endroits. Tout ceci était calculé. Que ce soit l'imposante stature du bâtiment, aux couleurs sombres qui semblaient représenter un abysse sans fin, qu'à son impression de fragilité qui créait un contraste étonnement terrifiant. Tout ceci dans le but d'intimider n'importe quel malfrat.
Resserrant les pans de sa veste autour de son corps frêle, le vieux Xars entra, une détermination farouche dans le regard. Celle-ci surprit d'ailleurs le jeune homme qui gardait l'accueil. En apercevant un homme aussi vieux, il ne se doutait pas un seul instant de sa voix, calme et posée, presque autoritaire lorsqu'il demanda à voir une certaine Anastasia Leym. Etonné, le jeune policier n'abdiqua pas et le conduisit entre les nombreux couloirs avant de s'arrêter devant une porte grise foncée.
-C'est ici.
Kaël tourna sa tête dans la direction du jeune policier, fronça les sourcils fortement, un masque froid plaqué sur son visage. Face à tant de rudesse, il recula brusquement et partit au pas de course.
Bien, il allait pouvoir commencer ce pourquoi il était venu.
Cela faisait toute une nuit qu'Anastasia était assise sur une chaise, ses poignets menottés dans son dos. Sa position était plus qu'inconfortable et lorsqu'elle essaya de s'asseoir plus convenablement, la douloureuse morsure de ses bracelets de fer sur sa peau la fit grimacer. Elle se sentait honteuse en repensant à ce qu'il s'était passé la veille. Jamais elle n'aurait imaginé qu'un haut commandant viendrait chez elle. Elle n'avait agi que mué d'un farouche instinct de survie, de protection. Ayant souvent était victime de tentative d'enlèvement, elle était constamment sur ses gardes et prête à frapper à la moindre menace.
Sauf que tout ceci lui était retombé dessus. Elle se souvint encore des dizaines d'hommes qui avaient débarqués chez elle, du gorille qui l'avait menotté et des autres hommes qui l'avaient entouré pendant qu'elle se faisait sortir de sa propre maison. Si elle n'avait pas encore jeté en prison, c'était simplement par égard pour ses défunts parents, qui avaient occupé une place importante dans la société.
Elle soupira. Jamais elle n'allait pouvoir de là. Elle avait attaqué un des neuf hommes qui étaient au pouvoir. Et elle s'en voulait affreusement. D'autant qu'il ne venait que pour prendre des nouvelles de ses parents, ayant entendu qu'ils n'étaient pas au mieux de leur forme. Ce n'était qu'une simple visite amicale. Et son geste impardonnable la condamnerait à la prison. Son frère n'avait pas à subir cela. La mort de leurs parents était bien trop lourde à porter pour qu'il supporte que sa sœur soit enfermée.
Perdue dans ses pensées, elle ne se rendit pas compte qu'un homme avait fait irruption dans la pièce et ne le remarqua que quand il s'assit face à elle. Anastasia en profita pour le détailler à loisir. Non pas qu'il soit agréable pour les yeux, mais elle désirait toujours savoir à qui elle avait à faire.
Face à elle se trouvait un homme d'un âge avancé, avoisinant sûrement les quarante ans. Ses cheveux noirs avaient un peu perdus de leur éclat et ses prunelles noires fixaient la jeune femme sans détour. Il semblait assez svelte et était habillé simplement, avec un penchant pour les couleurs foncées. Puis elle revint sur son visage et eut comme une illumination. Il s'agissait du conteur ! Celui qui relatait l'histoire de Xars. Tout le monde savait qui il était et à quel point son savoir était précieux.
Mais la jeune femme se rembrunit. Que faisait-il ici ?
Avant qu'elle n'ait pu se poser d'avantage de questions, la porte s'ouvrit lourdement et un policier débarqua dans la pièce. Grand, il essayait d'imposer sa stature et son regard hautain balaya la pièce avant de se poser sur le conteur. Sans un mot, il prit une chaise et s'installa entre les deux personnes déjà présentes. Là, il déplia soigneusement quelques feuilles, sortit de quoi écrire et se pencha vers Anastasia.
-Anastasia Leym. C'est bien ça ?
La jeune fille baissa piteusement les yeux et répondit pas un faible oui.
-Si l'on énonce les faits, le haut commandant a débarqué chez vous et vous l'avez violemment agressé. Quelque chose à ajouter ?
Anastasia ne répondit rien. Tout ce qu'elle dirait pourrait être retourné contre elle. Elle n'avait aucune porte de sortie.
-Bien. Vous serez donc admise à Norx.
La jeune femme leva soudainement les yeux. A Norx ? Par la déesse ! Il s'agissait de la prison la plus dangereuse d'Inra ! Là où se trouvaient les plus hargneux et dangereux criminels. Ils ne pouvaient pas l'envoyer dans cet endroit !
La jeune fille se mit à paniquer. Le peu d'espoir qu'elle avait s'était envolé.
-Je ne crois pas non.
Le policier se retourna vers Kaël et le regarda, menaçant.
-Je vous demande pardon ?
-J'ai dit que cette femme n'irait pas là-bas.
-Et moi je crois que vous n'avez pas votre mot à dire.
-Bien. Appelez-moi votre haut commandant. Dites-lui que Kaël Birsam aimerait lui parler.
Le policier ricana, d'un rire profond et sarcastique.
-Croyez-vous vraiment que le haut commandant acceptera de vous parler ? A vous ?
Il le toisait sans vergogne, ses yeux lui rappelant qu'il n'était absolument rien face à un homme de pouvoir. Mais le vieux Xars, loin d'être intimidé, campa sur ses positions.
-Appelez-le.
Un mauvais rictus déchira la bouche du policier et désireux de montrer au conteur qu'il n'était absolument rien, partit quémander le haut commandant.
Anastasia, quant à elle, était totalement déboussolée. Elle n'avait pratiquement rien suivie de l'échange entre les deux hommes. Elle était entourée d'une sorte de brouillard, lui empêchant tout contact avec l'extérieur. Seule sa sentence résonnait dans sa tête. Elle se répétait lentement, mais surement, telle une litanie. A Norx.
Aussi cette dernière ne sentit pas la main bienveillante du vieux Xars qui entourait la sienne.
De nombreuses minutes plus tard, le policier entra de nouveau, le téléphone à la main. Celui-ci avait mis le haut-parleur, afin de ne rien perdre de la discussion qui allait avoir lieu. Discussion dont il était sûr et certain de l'issue. Son rictus toujours accroché aux lèvres, il passa le téléphone au conteur et s'installa confortablement dans sa chaise.
-Kaël mon vieil ami ! Comment vas-tu ?
-Bor ! Tout va bien et toi ?
Sous l'œil éberlué du policier, le conteur et le haut commandant échangeaient toutes sortes de banalités. Il n'en revenait pas.
-Ecoute, se reprit le vieux Xars, la jeune fille qui t'a agressé ce matin est admise à Norx. Je sais que son acte est impardonnable, irréfléchi. Mais je ne pense pas que ce soit une bonne idée. Elle vient de perdre ses parents et est par conséquent instable. Je suis sûr qu'elle n'était pas maitresse de ses émotions à ce moment-là.
-Et que proposes-tu ?
-J'aimerai la prendre avec moi. Norx est un endroit beaucoup trop dangereux pour elle et elle ne mérite pas ça. Au moins par égard pour ses parents.
Kaël avait parfaitement bien choisi ses mots. Etant un ami d'enfance de Bor, le haut commandant, il l'avait amené une fois à sa bibliothèque, pour lui montrer ce que représentait le métier de conteur. L'ennui de son ami avait été terrible ce jour-là. Si bien que plus jamais il n'avait voulu retourner dans sa bibliothèque. Même si cela lui faisait du mal de se l'avouer, le haut commandant avait toujours considérer son métier comme un fardeau. Ce qui ferait sans aucun doute une très bonne punition pour Anastasia. Et si l'on comptait tous les services que ses défunts parents lui avaient rendus, il ne pouvait qu'accepter, en leur rendant ainsi un dernier hommage.
Absolument tout avait été calculé.
-Bien, je te l'accorde.
-Merci Bor.
La mâchoire du policier se décrocha littéralement. Le conteur connaissait le haut commandant ! Et comme si cela ne suffisait pas, celui-ci lui accordait également des faveurs ! Il s'était fait évincé par un homme vieux comme le monde, lui ! Furieux, il sortit en trombe de la petite pièce sous le regard enjoué de Kaël et celui abasourdit d'Anastasia.
Finalement, Ana se retrouvait quelques minutes plus tard à marcher dans la périphérie d'Inra, suivant le vieux Xars dont le sourire n'avait jamais été aussi éblouissant.
Ce n'était pas de sa faute. Après tout, il avait toujours détesté les personnes bien trop sur d'elles.
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