Chapitre 20 -Code Jaune-

          Après avoir déposé Anastasia à la bibliothèque, Adanedhel s'était dirigé d'un pas rapide vers la salle du trône, le roi ayant demandé sa présence. Bien évidemment qu'il avait trop rêvé en espérant que ce satané souverain le laisse tranquille au moins pour une nuit, qu'il puisse se reposer.

Eh bien non ! Il l'exploitait sans vergogne. Eh par les dieux qu'il en avait marre. Depuis ce matin, son humeur massacrante avait augmenté d'un cran encore.

Plus rien n'allait depuis l'arrivée de cette humaine dans leur royaume. Il devait jouer la baby-sitter, lui, redoutable guerrier. Comme un mauvais coup du destin, cette femelle s'attirait les ennuis et était plus que susceptible. Le comble, c'est qu'à cause de son foutu caractère, il s'était senti obligé de lui donner des explications et de s'excuser !


Lui qui ne devait jamais rien à personne et faisait son bout de chemin comme il l'entendait. Bon, pour les explications, il pouvait bien faire un effort. Elle ne lui avait pas demandé la lune. Mais s'excuser ? Lui ?

Un combattant aussi aguerri ne pouvait pas s'excuser. Mais où allait le monde ? Pourquoi s'excuserait-il exactement ? Parce qu'il avait dit quelque chose qui ne lui avait pas plu ? Parce que ces mots l'avaient offensé ? Mais il ne connaissait rien aux femmes. Absolument rien. Alors pourquoi lui en vouloir ?

Ce serait comme ne pas tolérer la franchise d'un enfant qui ne réalise pas la portée de ses mots. Autrement dit, complétement absurde.


Mais le fait est qu'il ne savait plus quoi faire. Réellement. Chaque fois qu'il s'énervait un peu trop, qu'il disait ce qu'il pensait sans réfléchir aux conséquences, parce qu'il fallait l'avouer, Ada n'avait que faire des conséquences, la Terrienne s'énervait. Et oh que c'était plaisant ! La voir sortir de ses gonds était des plus distrayants. Malheureusement pour lui, elle finissait toujours par être blessée.

Et cela lui faisait mal. Un peu. Il ne comprenait fichtrement rien. Le manque de sommeil commençait sérieusement à se faire ressentir. Il se faisait l'impression d'un animal qu'on s'amusait à faire tourner en bourrique. Peut-être devrait-il aller voir sa sœur pour qu'elle lui donne quelques précieux conseils.

Parce qu'en plus de l'humaine, Miriel, son griffon, refusait de lui parler. Pire, de le voir.


Maudite bonnes femmes ! Entre elles et son satané souverain, il ne donnait plus très cher de sa peau !


Un choc le fit revenir à la réalité. Son épaule en arrière, son pied qui avait instinctivement reculé pour maintenir son équilibre, Adanedhel se retourna vivement pour voir qui avait osé le bousculer. Sa main trouva rapidement la gorge de l'effronté qu'il souleva sans le moindre effort. La mâchoire serrée, ses yeux devenus marrons, il le fixait sans mot dire.

Le jeune homme, quant à lui, était affreusement paniqué. Dans sa précipitation, il en avait bousculé des personnes, sans prendre la peine de s'excuser. Mais l'avoir heurté, lui, le mettait réellement en mauvaise posture. C'était la fois de trop.


     -Je... Je... Bafouilla l'inconscient.

     -Tu... ?


Les yeux acérés du guerrier ne le lâchait pas, attentif au moindre signe de faiblesse. S'il ne s'excusait pas dans les prochaines secondes, il le paierait très cher.


     -Je... Je suis désolé ! Je ne vous... Vous avez pas vu mon Co...


Dans sa précipitation, Adanedhel le lâcha soudainement. Il avait tellement redouté le nom qu'il allait prononcer... Il ne devait pas le dire. Jamais.


     -Ça ira. Mais pourquoi tant d'agitation ?


Pour dire vrai, cette question l'obsédait depuis un moment déjà. Depuis qu'il l'avait bousculé en fait. Le château grouillait anormalement de monde. Et le fait qu'il l'ait bousculé, alors que tous l'évitait comme la peste, ne faisait que renforcer son impression. Quelque chose clochait. Peut-être était-ce pour ça que le roi quémandait sa présence.

Le jeune homme, quant à lui, assis par terre, les mains derrière le dos en guise d'appui, le regardait avec des yeux ronds. La situation ne devait vraiment pas être glorieuse dans ce cas.


     -Vous n'êtes pas au courant ? Demanda-t-il ébahis.

     -J'ai l'air de l'être ? Railla Adanedhel.

     -Non non, désolé mais c'est que... Il s'agit d'un code jaune Monsieur.


Un code jaune ? Par les dieux, mais que se passait-il ? Sans attendre autre chose de la part de l'homme, il s'élança à toute allure vers la salle du trône. Les codes jaunes n'étaient jamais bons. Ils étaient des oiseaux de mauvais augures, très mauvais augures. On les utilisait en cas de guerre imminente. Non, pas les petites batailles que l'on pouvait remporter assez facilement. Les grandes. Celles où l'on sortait l'artillerie lourde, où l'on mettait les enfants en sécurité ainsi que toutes les personnes qui ne pouvaient pas se battre.

C'était le genre de guerre que l'on ne voyait que rarement, le pays étant désormais en paix avec tous ses voisins. Mais alors qui ? Et pourquoi avait-il la désagréable impression que tout ceci avait un rapport avec la Terrienne ? Un étrange sentiment lui tordait les boyaux. Il s'attendait au pire.



Lorsqu'il déboula dans la salle du trône, il s'attendait à tout, mais certainement pas à voir le roi debout, dos à lui en train de discuter gaiement avec sa garce de fille, Tintallë. Ne voyait-il pas que l'heure était grave ? Il était le souverain, et bon dieu, en cas de crise il avait un royaume à gérer !


Comme s'il l'avait entendu, il congédia la princesse d'un geste de main. Celle-ci s'avança s'une démarche chaloupée vers le guerrier, la seule sortie étant derrière lui, un sourire mutin collé aux lèvres, ses boucles de jais se balançant exagérément sur ses épaules.

Il aurait pu la trouver jolie sans tous ses artifices. Mais comme son prénom le décrivait parfaitement, celui de la jeune fille la représentait parfaitement également. Tintallë, ou l'allumeuse. Pas très glorieux en effet, mais dans sa culture, chaque personne était rebaptisée à ses dix-huit printemps en fonction de ses caractéristiques. Un moyen simple et efficace pour connaître le caractère premier de chacun.


En sortant, la jeune elfe ne manqua pas de le frôler. Il frissonna de dégoût. Non, il ne s'y ferait décidemment jamais.


     -Je t'attendais Adanedhel.


Le jeune homme n'en crut rien. Et puis, il n'en souciait pas vraiment. Qu'il l'attende ou non n'était pas son problème. Non, ce qui le dérangeait, était qu'Aldaron, le premier conseiller du roi n'était pas présent. Il était un homme de sagesse et un stratège hors pair, doublé d'une puissance de combat incroyable. Pourquoi n'était-il pas présent ?


     -Aldaron m'a déjà exposé sa stratégie et est partit supervisé les hauts commandants.


Bien, voilà qui répondait à sa question. Il ne put empêcher un maigre sourire de naître sur son visage. Son bras droit était d'une efficacité bien redoutable.


     -Te rappelles-tu de nos espions, envoyés sur le continent de l'Ouest ?


Ada hocha la tête. Oui, il s'en souvenait.


     -Ils ont réussi à s'infiltrer.


Encore une fois, le jeune homme hocha la tête. Bien sûr qu'ils avaient réussi à s'infiltrer, ils avaient été formés par ses soins.


     -Le problème, continua le roi, ce sont les informations qu'ils nous ont transmises.


Cette fois, Adanedhel fronça les sourcils. Ils ne pouvaient pas se tromper sur les informations. Ils étaient les meilleurs de tout le royaume, et de loin. Il ne comprenait pas.


     -D'après eux, un petit groupe se dirige droit par ici. Ils ne seraient pas nombreux, mais leur force serait dévastatrice.


Rien d'exceptionnel en soi. Non, le jeune homme ne comprenait toujours pas.


     -A priori, ce petit groupe serait formé exclusivement d'humains.


Ada écarquilla les yeux. D'humains ? Mais c'était impossible ! Ils avaient disparus il y a bien longtemps. Seuls quelques livres relataient de leur passage. Rien que le fait de trouver Anastasia avait été exceptionnel. D'autres alors ? Par les dieux, il n'en croyait pas ses yeux.


     -Nous allons les combattre, nous n'avons pas d'autres solutions. Sauf toi, Adanedhel.


Là, il ne comprenait définitivement pas. Il était très bon combattant. Il le savait. Tout le monde le savait. Pourquoi l'écarter si ça pouvait les affaiblir ?


     -Aldaron trouvait ça étrange que d'autres humains arrivent juste après la fillette. Ils la cherchent, c'est certain. Mais nous ne pouvons mettre tout notre peuple en danger pour une terrienne. Tu l'emmèneras loin d'ici.


Pour le moment, le guerrier ne trouva rien à redire. Il comprenait totalement. Pourtant, quelque chose le dérangeait.


     -Qu'attendez-vous de moi exactement ? Demanda-t-il suspicieusement.


Cette fois-ci, le roi se retourna pleinement vers lui. Les mains posées sur sa canne, il le regardait avec une lueur qui ne lui plaisait vraiment pas.


     -Pour l'avenir de notre peuple, nous n'avons pas le choix. Tu devras tuer l'humaine.


Son cœur se serra. Tuer l'humaine ? Il était vrai qu'elle attirait les ennuis, mais il ne pouvait pas ! Elle était liée. Son alter ego ne survivrait pas ! Après la guerre qui se préparait, il se doutait que plus un humain ne serait encore en vie. Il ne resterait alors plus qu'Anastasia. Et il voudrait tuer la dernière représentante de tout un peuple ?

C'était de la barbarie. Ce genre d'acte était sévèrement puni dans son monde. Par les dieux, son souverain avait perdu la tête ! Il serait prêt à encourir la colère des dieux ? A moins que... Le jeune homme vacilla.


     -C'est exact Adanedhel. Ce n'est pas moi qui tuerait l'humaine mais toi. Pas moi qui subirais le jugement, mais toi.


Le jeune homme sentait la colère monter progressivement en lui. Il ne pourrait bientôt plus se retenir.


     -Je refuse ! Cracha-t-il, furieux.

     -Oh, mais tu n'as pas le choix. Si tu ne le fais pas, tu auras désobéi à un ordre de ton roi. Tu vivras en tant que traître. Et entre nos pays, la communication est extrêmement rapide. Il n'y aura pas un endroit sur cette Terre où tu pourras poser les pieds sans être menacé de mort.


Le jeune homme serrait désormais convulsivement ses poings. Ses yeux désormais noirs, ses veines ressortant sur ses tempes, il avait tout d'une bombe à retardement qui exploserait au moindre mot qui le contrarierait, la moindre expression, le moindre geste.


     -Alors, quel est ton choix Commandant ? Demanda le roi avec sarcasme.


Ce fût le mot de trop.


Il explosa.


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