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-Je... Je vais tout te dire...

Après avoir dit ça, il reste quelques instants sans parler, les yeux dans le vide. Il est bien gentil mais ça fait une minute que y a un blanc.

-Euh, Eijiro…?

Il relève la tête vers moi et me regarde curieusement, regard que je lui rendis. Il fronça les sourcils et porta lentement ses doigts à sa bouche. Il sursauta et ouvrit grand les yeux quand il comprit qu'il n'avait rien dit à voix haute.

-Désolé…, s'excusa-t-il.
-Putain maintenant tu arrêtes de t'excuser où je te butes!

Peut-être pas une bonne suggestion étant donné qu'il m'a demandé de le laisser aux vilains y a quelques jours. Étant donné qu'il tient toujours mon poignet, je sens que sa main se referme encore plus sur la mienne, probablement qu'il a pas envie d'en parler. Mais il doit. Il doit.

-Je…

Alors qu'il commençait à parler, la lumière s'éteint brusquement. Vu qu'il a gardé les volets fermés, probablement par peur paranoïaque qu'on l'observe, nous sommes dans le noir complet. Je comprends vite que tout les fusibles de l'immeuble ont sautés.

Eijiro devint hystérique immédiatement et m'attrapa par le col, me secoua par les épaules en criant, cédant à la panique. Ah oui, c'est vrai qu'il a la peur du noir… J'en ai fait l'expérience en passant trois ou quatre jours dans une chambre avec lui dans le noir.

-Katsu !! Il fait noir !! Ils sont là, ils sont venus me chercher, on doit partir!!

Tiens, lui aussi m'appelle par mon prénom.
Il devient fou. Les médecins et nos camarades viennent de passer trois jours pour essayer de le mettre en confiance, de le calmer afin qu'il n'est plus peur, et en vérité il a toujours la trouille. Tout ça ne sert à rien. Ça ne change rien ! Il est toujours terrifié, alors pourquoi on dit que son état s'améliore?! Une personne terrifié ne peut pas aller bien!

Il devient aussi hystérique et paniqué qu'il l'était quand je suis arrivé dans la chambre, et qu'il m'a reproché d'être venu le chercher.

-Eiji. Personne n'est venu te chercher, et personne ne te fera de mal. C'est juste une coupure de courant. T'en fais pas, les hôpitaux ont une ligne de secours.

En effet, quelques secondes après, les lumières se rallumèrent. Il a eu le temps de se mettre les cheveux en bataille sous la panique, de se mordre la lèvre à sang, d'être à moitié relevé sur le lit, et de s'être mis à pleurer.

-Tu vois. C'était qu'une panne de courant.

Il baisse les yeux et je le prends dans mes bras, de manière aussi coincé qu'un inhabitué. Puis je le relâche, attendant qu'il m'explique ce que j'attends. Il se décide à débuter son récit.

-Bon… Je suis… Un enfant indésirable… Mes parents voulaient pas de moi. Ma mère était jeune, elle n'avait que quinze ans. J'ai découvert après dans des dossiers que mon père en avait trente-trois. Il a abusé d'elle. Et ça l'a mise enceinte.

Le calme avec lequel il raconte ça m'effraie presque. C'est pas normal de raconter ça si normalement. Personne devrait pouvoir prendre ce ton indifférent en racontant un truc pareil.

-Elle a préféré fuir son lycée, sa famille, ses amis, plutôt que d'assumer d'être enceinte. Je ne sais même pas comment elle a pu survivre pendant la grossesse, et même après. Je suppose qu'elle jouait à la pute.

Il a dit ça tellement comme si tout était normal que j'étais prêt à faire la même tête que Denis Brognard lors de son célèbre "Ah".

-Du coup, tu te doutes, elle voulait déjà pas de moi… Elle a fini par trouver un appartement ici. Elle jouait à la maman avec moi, mais je voyais qu'elle était pas heureuse avec moi. Ça se voyait dans son regard, je la répugnais, je l'ai toujours su… J'ai cherché des moyens de faire en sortes qu'elle m'aime. J'ai jamais trouvé. J'avais beau faire ce qu'elle me disait, faire les courses, me faire exploiter grâce à la technique du "Gentil petit enfant" dès qu'elle en avait besoin pour on ne sait quel travail, elle m'a jamais aimé… Et puis, économiquement, c'était la merde. Même si on a fini par déménagé en maison, c'était parce que c'était moins cher que l'appartement, tant c'était de la merde. Elle m'en a toujours voulu… De l'avoir privé de son argent, sa jeunesse, sa famille… Et elle me le disait… Elle me le reprochait pour que je reste en dette avec elle… Quand elle me disait ça, je savais pas quoi répondre. Alors je m'excusais… Je me sentais pas comme… comme quelqu'un… je me sentais comme un misérable, une immonde horreur… et elle elle… Elle…

Je l'interroge du regard et serre plus fort sa main dans la mienne pour lui donner du courage.

-…Elle répondait par les coups…

Bizarrement ça ne me surprend même plus.

-Depuis quand faisait elle ça?
-Depuis… je sais plus… Toujours je crois…

Je regarde autre part dans la pièce pour éviter le malaise. Tiens, ils sont jolis ces rideaux.

-Et après?
-Après… Au début de l'année… Les vilains ont contacté ma mère… Ils lui ont proposé une belle, magnifique même, somme d'argent pour chaque information que leur fils qui allait à Yuei pourrait leur donner… je… Je voulais pas leur donner… Et pourtant je l'ai fais… Et… C'était pas du pipeau… quand j'ai voulu devenir ami avec toi… Je voulais vraiment… C'est après que les vilains ont voulu de toi… je leur ai fait jurer de ne pas t'enlever… Sauf qu'ils l'ont fait, alors j'ai été plus en colère que jamais… Et je me suis vengé en venant de chercher… Et ç'a juste empiré ma situation…

Alors… Rien n'était un hasard. Je soupire un peu de soulagement.
Je fronce les sourcils et baisse la tête vers lui afin de pouvoir le regarder dans les yeux.

-Mais si tu ne voulais pas, pourquoi tu l'as fais?

Il prend une sorte de sourire triste et mélancolique.

-Katsuki… Tu peux pas comprendre ça, toi tu es génial partout… C'est normal que tu saches pas ce que ça fait… quand personne ne compte sur toi, que personne ne te voit comme quelqu'un qui mérite de vivre… je savais très bien que c'était mal… Mais c'était le seul moyen de rendre ma mère heureuse, et pour la première fois, d'avoir quelqu'un de fier de moi… Et puis, si je refusais, qui sait ce qui se serait passé…
-Moi je sais que tu mérites de vivre. Depuis le tout début.

Il me regarde avec des yeux brillants et ébahis, tandis que je ne troque pas mon air blasé. Puis il sourit légèrement, le genre de sourire mi-gêné mi-heureux.

-Merci… Merci beaucoup Katsuki… Désolé… De t'avoir piégé… Avec les acrostiches… Mais quand les vilains sont tombés sur les messages que j'avais caché, ils y ont vu un moyen de t'attirer dans leurs filets…

Je ne réponds rien, mais secoua la tête en signe d'indifférence.

-Eiji, je crois qu'il manque toujours une partie de l'histoire.
-Oui… Après quelques mois avec vous… je n'avais plus envie de vous mentir… Rien que l'idée de continuer me rendait malade, littéralement.

Je repense à ses coups de fatigue, de maladie, ses blessures régulières… Comment ai je pu croire qu'il était volontairement le traître? J'entreprends de me détacher de sa main, mais il me retient. Ensuite il ouvre grand les yeux en s'en rendant compte, et me lâche immédiatement.

-Et… quand j'ai dis à ma mère que je voulais arrêter, quand je l'ai supplié et qu'elle a vu que ses pleurs n'avaient plus d'effets… Elle m'a amené aux vilains, dans leur repaire… Et…

Il marque une pause.

-Et?
-Et… ils ont sortis les insectes, l'eau et l'électricité, les ceintures et les couteaux…

Brr… Je sais que Eijiro a une horreur des longs insectes, sans en avoir peur pour autant…

-Qu'est-ce qu'ils t'ont faient Eijiro? C'est important pour qu'on puisse déterminer ton état…

Il commence à bégayer.

-I-Ils m'ont mit… un lombric sur le nez, ils l'ont laissé rentrer dans mon nez un moment… et après ils l'ont retiré et découpés sous mes yeux en… en me faisant bouffer sa chair…

Il recommence à pleurer et se cache sa bouche avec sa main pour étouffer le bruit des sanglots. Je ne sais plus où me mettre et pose seulement ma main sur sa tête en lui caressant les cheveux. Il me regarde étrangement et je me rends compte que ce que je fais est très bizarre au fond, alors je retire ma main.

-Ils m'ont attaché dans une baignoire pleine… et ont rajouté de l'électricité par moment… Ils m'ont envoyé des coups de jus énormes… Et puis… Au début ils m'ont mutilé les pieds… Sauf qu'après j'ai continué… tout seul… un long moment… jusqu'à ce que tu le découvre je crois…

J'ai un peu de mal à comprendre et j'insiste un peu.

-Pourquoi tu as fais ça…?
-Je te l'ai déjà dis…

Ah oui je me souviens. "Me souvenir de mes erreurs à chacun de mes pas." Oui il me l'avait dit. Je ne savais juste pas que c'était pour cela.

Il y a un petit blanc un peu gênant.

-D'ailleurs… Pour le détecteur de mensonge…
-Oui… Moi j'avais des doutes sur toi… Mais pourquoi il a dit que Minoru était un menteur?
-Parce que… Je l'ai déréglé… Quand je l'ai retiré de ma tête, j'ai donné un coup sur la boîte de fonctionnement…
-Ah…

Tout s'explique maintenant. Je reprends la parole.

-Et maintenant? Qu'est-ce qui va se passer?
-Je sais que je vais passer dans une maison de correction psychologique pas si loin… À priori je peux peut-être continuer mes études… Mais seulement quand tout sera redevenu normal et qu'ils se seront assurés que je vais bien mentalement…

Je continue de le questionner. Ce qui m'intéresse c'est ce que lui veut, pas ce qu'on l'oblige à faire.

-Et toi?
-Moi… Je veux… Je veux commencer par m'excuser à tout le monde… Ça ne réparera rien, mais ils ont le droit de savoir ce qui s'est réellement passé…
-Je viendrais avec toi.
-Non… Je veux y aller tout seul… c'est ma responsabilité…
-Mmh… À qui compte tu t'excuser précisément?
-À la classe… À Monsieur Aizawa et All Might… Toutes les familles de tous les élèves de Yuei…
-Toutes… Toutes les familles?? Ça va te prendre une éternité!
-Je sais. Après j'irais voir les héros qui ont combattu All For One, au camp d'été, et tous les professeurs du lycée… J'ai besoin de m'excuser à tout le monde. D'ailleurs…

Il se relève brusquement et se penche le plus en avant possible.

-J-Je suis désolé Katsuki ! Maintenant que tu sais toute l'histoire, j'espère que c'est plus compréhensible… Je… Je veux plus être votre ennemi ! Je veux plus être l'ennemi de personne! Encore moins le tien! Tu… Tu compte beaucoup pour moi… Et je veux… Qu'on soit amis plutôt qu'ennemis!

Je lui fais relever la tête.

-Tais toi donc. D'ailleurs tu n'as probablement par remarqué un détail.
-Q-Quoi…?
-Tu n'as oublié aucun mot quand tu parlais. C'est bien.

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