Chapitre 8
Eldon
Maintenant que j'ai préparé la salle du trône, il ne me reste plus qu'à tout déplace sur place. Par contre, même si je suis pressé, je ne peux pas me permettre d'aller trop vite. Je fais un détour rapide par mon laboratoire et constate que je vais malheureusement devoir attendre encore un peu avant que la sphère soit prête et transportable. En même temps, il ne s'est même pas écoulé une heure depuis ma dernière vérification.
J'hésite un instant, me demandant si je devrais tout de suite aller chercher la pierre d'aube ou la laisser où elle était plus longtemps. Si je voulais que mon plan réussisse, j'aurais besoin de la détruire au meilleur moment et placer la sphère à l'endroit idéal pour que le néant l'engloutisse en dernier. Mais ça veut aussi dire que la pierre d'aube n'éclairerait plus la ville entière, permettant à l'obscurité de gagner du terrain encore plus vite que prévu.
Je décide donc dans un premier temps de laisser les choses suivre leur évolution et ne pas intervenir dans l'immédiat. Qui sait quels désastres je pourrais causer en agissant trop tôt, peut-être que l'obscurité pourra gagner assez d'ampleur pour engloutir ce qu'il reste de la ville et me laisser trop peu de temps pour finaliser mon projet.
Je me sens si impuissant de devoir laisser le contrôle du temps m'échapper ainsi, mais je n'y peux malheureusement rien. Les choses doivent suivre leur court et nous autres mortels devons nous y plier, même si ça doit nous dévorer de l'intérieur.
Je ramasse une pierre sonore que je lie à la sphère. Quand cette dernière sera prête, la première émettra un son strident que je ne pourrais pas ignorer. Un réveil efficace pour m'assurer de ne pas manquer la fin de sa préparation. Je vérifie une dernière fois la progression du néant et décide de m'affaler sur une chaise pour m'assoupir un instant. Si je suis dans l'incapacité d'agir pour le moment, autant rattraper un peu de mon sommeil perdu. À moins que mes calculs sont erronés, ce qui me surprendrait fortement, la sphère serait prête bien avant que les ténèbres n'arrivent au château. J'ai donc le temps de récupérer un peu.
Le sommeil ne tarde pas à me gagner tant je l'ai fui et je suis vite plongé dans mes songes. J'y revois les visages de ma famille, des spectres de mon passé que jamais plus je ne reverrais.
Ma femme, douce et élégante, qui était partie aider nos voisins quand ils ont été frappés par le néant pour ne jamais revenir. Si j'avais été moins pris dans mes recherches pour arrêter ce cataclysme, j'aurais réalisé qu'elle était parti avant qu'un de mes conseillers m'apprenne qu'elle avait disparu en même temps que ceux qu'elle voulait aider. La femme que j'aimais s'était éteinte après que je l'ai délaissée pendant des mois. Combien elle devait me maudire dans ses derniers instants...
Mon fils, brave et vaillant, qui avait toujours voulu égaler mes exploits de jeunesse et à qui je n'avais jamais dis qu'il était ma fierté. C'est à lui que je dois la pierre d'aube qu'il a récupéré au péril de sa vie en affrontant un monde qui était venu à nous haïr et un néant imprédictible à l'époque. Sans lui, la cité n'aurait pas tenu aussi longtemps et mon plan n'aurait jamais eu la chance de voir le jour. Malheureusement, les blessures qu'il avait accumulé au cour de son périple avaient été trop profondes pour que les derniers soigneurs encore présents puissent lui sauver la vie...
Ma fille, téméraire mais généreuse, celle qui a le plus souffert de mes erreurs. Je me souviens encore du jour où j'avais appris son enlèvement. Ses ravisseurs n'avaient qu'une demande : la pierre d'aube qui représentait la seule lueur d'espoir dans un monde en train de s'effondrer. Mon cœur s'était brisé quand j'ai décidé de l'abandonner à son sort. Je m'étais convaincu qu'avec la fin du monde qui approchait, qu'elle meure avant d'être engloutie dans le néant serait une douce libération. Que je me suis senti monstrueux et hypocrite quand ils m'ont livré sa tête...
Aujourd'hui, je n'ai plus de famille. Plus même de peuple, car tous, du plus misérable mendiant au plus riche des nobles, ont fui ma ville qu'ils disaient maudite. Ils avaient beau savoir que la pierre d'aube qui les éclairait était leur dernier salut, ils avaient tous fini par en avoir assez de vivre dans l'ombre du souverain qui avait provoqué cette tragédie et dont on disait qu'il sacrifiait sans hésiter son propre sang pour atteindre ses sombres désirs. Je n'avais pas eu la force de les contredire, car moi même, je pensais la même chose qu'eux.
Désormais, je suis seul dans un château peuplé de monstres, condamné à errer dans l'héritage de mes glorieux ancêtres dont je me suis montré le plus indigne des héritiers. Tout leurs exploits, tout leurs sacrifices pour préserver cette nation, je les ais balayés d'un revers de la main parce que je me suis cru supérieur aux lois de ce monde.
Eldon, la fin de tout. Voila comment les livres d'histoire auraient fini par m'appeler s'ils n'était pas eux aussi destinés à disparaître dans l'oubli éternel.
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