Chapitre 6

Eldon

Je ne prends pas le temps de surveiller les parages quand j'enfonce la porte du laboratoire. Tous mes calculs sont à revoir, je dois absolument terminer avant que la pierre d'aube ne s'éteigne complètement.

Ignorant ma fatigue qui ralentit mes mouvements, je me dirige vers ma table de travaille principalement fixe le sujet de mes recherches. Une sphère luminescente flotte dans les airs, tournant lentement sur elle même. Des pierres disposées autours d'elle l'abreuvent régulièrement d'énergie et inscrivent en elle des sorts si complexes qu'ils pourraient réécrire les lois de ce monde. Si seulement il restait encore un monde à changer...

Je scrute mes instruments et j'enrage de voir qu'il me faut attendre encore plusieurs heures avant que la sphère soit assez stabilisée pour que je puisse me risquer à la retirer. Mais je ne peux pas me risquer à précipiter le processus, tout repose sur un équilibre si délicat que la moindre erreur pourrait briser à jamais mon dernier espoir. Dire que l'incarnation de tous mes rêves n'est pas moins fragile qu'une coquille d'œuf, un rien pourrait la briser.

Je me dirige vers une autre table où des notes couvertes de calculs s'entassent dans un fatras incompréhensible. J'invoque mes pouvoirs du vent pour faire voler les papiers et les ordonner devant moi comme s'ils étaient accrochés à un mur. Je plisse les yeux en les lisant, les replaçant dans l'ordre et retrouver là où j'en étais rester. La sphère à elle seule ne suffira pas, je dois aussi trouver le meilleur endroit où l'utiliser. Elle doit s'activer dans les meilleures conditions possibles, sinon l'impossible restera hors de ma portée.

Je jette plusieurs regards vers le dispositif qui me montre l'avancée des ténèbres et je vois qu'elles ont déjà dépassé la muraille de la ville. Je chasse de mon esprit les pensées sombres qui viennent accompagner ce que cette avancée symbolise. Je ne dois pas m'attarder sur ce que je viens de perdre, car ce que je cherche, c'est le dernier endroit qui restera hors de portée du néant. Au moins, avec cette dernière évolution, j'ai d'avantage de données avec lesquelles travailler pour trouver ce que je cherche.

Comme je le supposais, le lieux que je cherche est dans le palais, mais où ? J'espère encore que mes calculs vont me mener au sommet de la tour, juste à côté de a pierre d'aube, ça m'éviterait d'avoir à la déplacer. Malheureusement, mes recherches commencent à me guider vers une position plus basse, ce qui va m'obliger à revoir certains de mes projets. Non seulement l'obscurité doit se refermer sur la sphère, m'obligeant à contrôler autant que possible comment les ténèbres vont évoluer, mais je ne peux pas choisir l'endroit au hasard.

Avec l'effritement du monde, ses failles deviennent de plus en plus évidentes. D'ordinaire, je redouterais de telles failles dans la fabrique de l'univers qui pourraient causer bien des désastres, mais en cet instant, j'ai besoin d'exploiter le potentiel que renferme une telle source de calamités. Ce n'est qu'ainsi que mon projet a une chance d'aboutir.

Lentement, je commence à discerner ce que je cherche et j'en suis estomaqué. Comme si le destin comptait encore me rappeler que je suis le seul fautif de ce la fin de toute chose.

Je laisse mes papiers tomber au sol et me dirige vers la porte du laboratoire que je franchis une nouvelle fois. Je me dois de m'assurer que l'endroit sera sécurisé pour y déplacer la sphère et la pierre quand je le devrais.

Je m'avance dans les couloirs du château, prenant toujours garde à ne pas croiser la route de monstres qui pourraient me compliquer la tâche. Je finis enfin par rejoindre la salle du trône, immense et vide telle une vaste caverne laissée à l'abandon. Comme pour me narguer, le trône domine la pièce désertée, m'invitant à y siéger et régner sur ce royaume anéanti. Je ne peux que repenser à ce jour fatidique où je m'y suis assis pour la dernière fois...

Mes ministres étaient prostrés devant moi avec terreur. Ce que je venais de leur annoncer était aberrant, un projet que j'aurais moi même trouvé fou quelques années plus tôt. À leurs droite, les membres du conseil de magie dirigée par cette vieille bique de Morina étaient en train de débattre sur la question de mon plan et n'arrivaient pas à se mettre d'accord. Certains partageaient mon avis alors que les autres clamaient que les risques étaient trop importants.

Votre Majesté, je vous conjure de renoncer... me suppliait mon ministre des finances. Nous savons qu'une solution à la crise actuelle doit être trouvée, mais ce que vous suggérez est juste...

Juste quoi ? avais-je grondé en frappant mon trône de mon poing. Nous avons tenté toutes les options les plus raisonnables mais rien n'a marché ! Le monde entier va entrer en guerre ! Non, ce ne sera même pas une guerre, car il n'y a pas deux camps qui s'opposent ! Chaque nation va se battre de son côté contre toutes les autres, il n'y a pas d'alliés, juste des ennemis ! La magie est en train de disparaître et d'ici peu, il n'en restera assez que pour une petite minorité ! Toute notre civilisation repose sur cette énergie, nous ne pouvons pas survivre sans elle ! Alors plutôt que de me lancer dans un conflit qui laissera ce monde dévasté, je préfère jouer le tout pour le tout et tenter de sauver les millions de vies qui risquent de s'éteindre !

Mais un sort pour remanier l'équilibre de ce monde... s'était morfondu mon ministre de l'intérieur. Je comprends votre logique, la magie qui s'épuise peut se trouver quelque part hors de notre atteinte, mais vous voulez jouer avec des forces qui nous dépassent ! À al moindre erreur, qui sait ce que nous pourrions provoquer ? Effacer le soleil ? Changer les océans en lave ? La moindre petite chose de travers pourrait provoquer la fin du monde.

Pas si nous procédons avec prudence... avait déclaré Morina en délaissant ses collègues. Certes, l'équilibre du monde est composé d'un amas de fils qui s'entrelacent et dépendent les uns des autres, tant que nous parvenons à isoler celui qui nous intéresse des autres, nous pourrions changer les choses de la façon que nous le souhaitons. Si nous arrivons à trouver ce fil qui dicte que la magie doit disparaître et que nous l'altérons...

C'est beaucoup trop dangereux ! s'était écrié un mage en attrapant le bras de Morina. Comment pouvons nous êtres si surs que toucher un seul fil ne suffira pas à causer la fin du monde ? Je peux comprendre votre désir de trouver une solution miracle à cette crise, mais si nous en causons une plus grave en conséquence, à quoi...

Assez ! avais-je rugi. Je ne vous ai pas convoqué pour vous demander votre avis ! Vous êtes ici pour obéir et exécuter ma volonté ! Le seul moyen de nous sauver est de récupérer la magie, alors si nous devons obliger le monde à nous la rendre, ainsi soit-il ! Toutes les précautions seront prises, mais en aucun cas nous rebrousserons chemin ! Me suis-je bien fait comprendre ?

Je secoue la tête en revenant à l'instant présent. Les spectres du passé disparaissent, me laissant seul dans les ruines de mon château, seul dans la salle où j'avais condamné le monde à sa perte. À l'époque, j'avais tenté de sauver la vie de millions de personnes, et pour ce faire, j'ai joué à dieu avec elles et leur ai coûté plus encore.

Au final, ce n'est que justice que l'endroit où l'avenir de ce monde a été scellé devienne sa dernière chance d'avoir un sens.

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