Chapitre 10
Eldon
Je suis arraché de mes songes par le son strident de la pierre qui hurle tel le cri d'une wyverne à l'agonie. Je n'ai clairement pas assez dormi, mais clairement, je n'ai plus le temps de paresser. Je me force à me lever alors que mes jambes protestent et me dirige vers la pierre si bruyante pour qu'elle arrête de me vriller les tympans. Une fois l'horrible objet réduit au silence, je lève les yeux vers la sphère et un sourire étend mes lèvres.
Flottant paisiblement dans les airs, l'artefact qui a réclamé tant d'efforts de ma part flotte somptueusement dans les airs, complété. Je n'ai encore aucune garanti que mon plan réussira, mais au moins, je suis aussi préparé que je peux l'être.
Avec un soupir de soulagement, je me retourne pour d'adosser à la table et je manque de m'étrangler en découvrant que je n'ai pas que de bonnes nouvelles au réveil. Le néant a progressé beaucoup plus vite que prévu, il n'est plus qu'à une centaine de mètres du château. À vue de nez, il ne me reste que quelques heures, mais s'il fait un nouveau bond comme ça, qui sait combien de minutes j'aurais encore à ma disposition à la place ?
D'un geste de la main, j'englobe la sphère dans une tornade de vent qui la protège tout en la déplaçant et je me rue vers la sortie du laboratoire. Je n'ai pas pris le temps de vérifier ce qui s'y trouvais et me retrouve nez-à-nez avec un orque qui a l'air aussi surpris que moi de cette rencontre inopinée. Je ne lui laisse pas le temps de réagir et lui enfonce ma lance dans le crâne, étouffant ses potentiels cris d'alerte. Après une brève inspection des parages, je me précipite vers une fenêtre et prend mon envol en chevauchant une bourrasque. Jusqu'à présent, je conservais ma magie au cas où je pourrais en avoir besoin, mais face à l'urgence de la situation, je ne peux plus me permettre de faire la fine bouche. De toute façon, vu le temps qu'il me reste, je ne vais plus avoir beaucoup d'occasions de m'en servir...
Alors que je réalise mon ascension vers le sommet du château, je distingue du coin de l'œil une rafale de flammes bleues. Surpris par cette découverte, je ralentis mon allure et observe les bordures du palais jusqu'à ce que je revois le phénomène vers l'entrée principale. Ce qui se passe est beaucoup trop éloigné pour que je comprenne ce qui se passe exactement, mais je doute qu'un feu aussi intense pour en devenir azuré puisse provenir d'un gobelin.
Maintenant que j'y pense, Hiali m'avait mentionné qu'il restait encore deux autres personnes à part moi avec qui elle aurait pu parler, est-ce qu'il s'agit d'eux ? En même temps, c'est logique, s'il reste des survivants qui cherchent à prolonger leur existence, le château sera définitivement leur dernier refuge. Il y a encore quelques mois, j'aurais été furieux de voir des intrus chercher à trouver refuge dans mon palais, mais maintenant qu'il ne nous reste plus que quelques heures avant de sombrer dans l'oubli, je considère que nous sommes tous libres de choisir comment vivre nos derniers instants.
Je décide d'ignorer ce qui se passe plus bas et reprend mon envol vers le clocher pour y retrouver la pierre d'aube qui a perdu une partie de son éclat. J'hésite un instant avant de la prendre, me rappelant des flammes que j'ai aperçu. Si je déplace la pierre à un étage inférieur et en intérieur, sa lueur portera moins loin et l'obscurité gagnera du terrain plus rapidement. Je me console en me disant que le feu avait quelques dizaines de mètres d'avance sur les ténèbres, il devrait encore arriver à la distancer pour lui échapper un moment. Et puis, ce n'est pas comme si nous pouvons fuir éternellement l'inévitable.
Je me saisi de la pierre d'aube et la cale sous mon bras avant de me jeter dans le vide en contrôlant ma chute, la sphère continuant de me suivre tel un chien fidèle. Je vois déjà les conséquences de mon geste, le néant se referme encore plus vite sur nous telle une marrée qui surmonte une digue improvisée.
Je me faufile à travers une des fenêtres de la salle du trône, brisant le verre en prenant garde à ce que la sphère ne soit pas endommagée. Une fois arriver, je cherche mes souvenirs et retrouve l'endroit idéal où disposer la sphère, laissant la pierre d'aube flotter juste au-dessus d'elle.
Je n'arrive pas à croire que j'ai enfin atteint cet instant. Je suis sur le point de voir mon projet se concrétiser. Enfin, non, pas exactement. Après tout, comme la sphère doit être la dernière chose que le néant va engloutir, j'aurais déjà disparu quand le moment de vérité se profilera. Je ne peux pas m'empêcher d'enrager en repensant au fait que je ne saurais jamais si j'ai réussi ou si j'ai gaspillé ces derniers mois, mais au point où j'en suis, me torturer l'esprit avec ça ne me servira à rien.
Je surveille le reste de la pièce, prêt à me battre. Avec le néant qui referme son étau sur nous, cette salle deviendra bientôt l'ultime refuge de ce monde en perdition, alors je ne serais pas surpris de voir des monstres y affluer en masse. Si je n'ai affaire qu'à des créatures incapables d'atteindre la pierre, je pourrais les ignorer, mais si des êtres ailés ou capables d'attaquer à distance se présentent, je serais dans l'obligation de les massacrer.
Des sons de carnage résonnent depuis la porte principale de la salle du trône. Je plisse les yeux en concentrant toute mon attention sur elle. Je ne sais pas ce qui est en train de se battre dehors, mais une chose est sûre, c'est en train de se rapprocher de moi. Entre les cris de monstres, je reconnais facilement le son de métal qui taillade la chair et s'entrechoque contre plus de métal, ce qui me laisse supposer que certains des combattants sont capables d'utiliser des armes. J'ai donc affaire à des êtres avec au moins l'intelligence d'un orque ou un gobelin. Je repense rapidement aux flammes bleues, peut-être que quelqu'un avec qui je serais capable de converser est en train d'approcher, qui sait ?
Mes doutes sont confirmés quand je vois la porte vibrer, des flammèches bleues soufflant à travers ses interstices. Le son du combat s'est éteint, et à la place, j'entends le crépitement d'un feu brûlant avant que la porte ne soit forcée ouverte par une rafale enflammée. Une fois les flammes dissipées, je distingue une figure féminine en armure bleue s'avancer avec confiance. Je remarque à peine ses oreilles de loups dans a chevelure blanche en bataille quand elle lève les yeux et me vois. La haine dans son regard est indéniable, je suis clairement la source de sa rage aveugle qui l'a poussée à braver tant de périls pour arriver ici. Moi qui pensait que j'allais rencontrer quelqu'un qui cherchait simplement à survivre, me voilà confronté à un bourreau qui n'a plus pour seul objectif de me voir payer pour mes crimes.
– Je te trouve enfin, Eldon ! me hurle la guerrière en pointant une de ses deux lames vers moi. Fais ta prière, je suis là pour ta tête, Tueur de monde !
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