v- grand-mémé


Ce soir, le ciel gagne une étoile.

Je voudrais rendre un hommage maladroit à une femme formidable, un monument d'amour et un modèle de force tranquille. Une femme que tout le monde appelait, affectueusement, Grand-Mémé.

Vous savez, il me semble parfois que je suis une Amazone. J'ai grandi dans une famille composée en grande partie de femmes ; des femmes incroyablement belles, courageuses, brillantes ; tout cela à la fois et bien plus encore. Toutes ont mon admiration absolue, et ma reconnaissance éternelle pour m'avoir montré quel pouvoir sommeillait en moi, quel potentiel j'avais, même si je suis une fille. Peut-être même particulièrement parce que je suis une fille.

Et la cheffe des Amazones, c'était elle, c'était Grand-Mémé.

Mon arrière-grand-mère ; la mère de ma grand-mère, la grand-mère de ma mère ; mais quelque part notre mère à toutes, et à tous.

Elle avait un feu ardent dans les veines, et a pris soin de le transmettre. Les Amazones de ma famille tiennent d'elle son entêtement, son optimisme, son amour pour tout un chacun, sa gourmandise ... Surtout sa gourmandise, je crois.


Les mots me manquent pour exprimer à quel point Grand-Mémé était formidable.

Grand-Mémé est née en 1920.

Elle a grandi à la montagne, dans une famille nombreuse. Elle faisait des kilomètres l'hiver, en sabots de bois, pour amener ses petites sœurs à l'école. Elle-même n'a jamais eu de vraie éducation ; pourtant, elle pouvait lire et écrire, je ne sais trop comment.

Elle n'avait que dix-neuf ans lorsque la Seconde Guerre Mondiale a éclaté. Je sais qu'en face de la maison dans laquelle elle a vécu à Avignon avec son mari, Grand-Pépé, presque jusqu'au dernier instant, il y avait autrefois un champ, remplacé depuis par de nombreux immeubles ; ils y couraient lorsque les troupes allemandes lâchaient des bombes dans les environs.

Elle a dû supporter, pendant des années, sa belle-mère acariâtre. Grand-Pépé n'était pas le plus docile des maris non plus. Mais cela ne l'a pas empêchée de conserver son incroyable gentillesse.

Elle a eu deux enfants, mais en a élevé tellement plus. En partant, elle laisse bien des orphelins.

Malgré sa génération et sa confession catholique, qui est pour beaucoup de gens de son temps une excuse suffisante pour rejeter la différence, Grand-Mémé était ouverte à chacun, qu'importaient ses origines, son orientation sexuelle, ses convictions religieuses.

C'était aussi une femme qui savait vivre avec son temps et accueillait volontiers le progrès : je me rappelle encore de ce jour où elle a fait une recherche Google sur la taille des framboisiers.


Je n'ai pas encore parlé du jardin de Grand-Mémé. Il ne payait pas de mine, mais elle s'en est occupée aussi longtemps qu'elle a pu. Et je ne pourrai jamais associer les pensées, les violettes, la verveine, les groseilliers ou les framboisiers à autre chose qu'à ce petit coin de paradis où j'ai tant joué, enfant.

Je n'ai pas non plus parlé de ses bons petits plats : son incontournable glace à la framboise (du jardin), sa pâte et sa gelée de coings, sa soupe au pistou (avec le basilic du jardin), son jus de raisins maison (avec le raisin du jardin), ses beignets de fleurs de courgettes (du jardin) ... Et tant d'autres encore !

Et je pourrais continuer ainsi des heures durant ; car Grand-Mémé m'a légué, à moi ainsi qu'à tous ceux qui l'ont côtoyée, nombre de souvenirs ; des souvenirs aux couleurs vives qui ne se délaveront jamais aussi longtemps que nous vivrons, qui la feront vivre encore un peu aussi longtemps que nous vivrons.

Et simplement par ce qu'elle nous a appris, par qui elle a fait de nous, elle vivra encore un peu, aussi longtemps que nous vivrons.


Je suis immensément fière d'avoir connu Grand-Mémé. Fière de pouvoir la compter parmi mes aînées. Fière de porter son nom, Rose : une fleur qui, comme elle, est à la fois une battante et une création de toute beauté. Fière de transporter avec elle un petit bout de moi.

J'espère que je saurai la rendre fière de moi, et faire honneur à notre nom et à sa mémoire. Je ferai tout pour, en tout cas.


Ce soir, le ciel gagne une étoile.

Toi qui lis ces mots, jette un coup d'œil au ciel lorsque tu le pourras : même si tu ne vois pas son éclat, Grand-Mémé est là, quelque part, qui te regarde avec ses yeux bleus remplis d'amour et de sagesse.

Fais une prière à Grand-Mémé pour moi, veux tu ?

Prie-la de te prêter un peu de sa force et de son courage pour réaliser tes rêves. Car ta vie à toi continue, peut-être même ne fait-elle que commencer. Alors va, et réalise tes rêves.

(et puis, n'oublie pas d'être une bonne personne)



le 11 avril 2017

je risque d'en avoir inquiété certain.e.s, alors je vous rassure : je vais bien! j'ai déjà expérimenté la mort d'un proche et j'ai le recul nécessaire par rapport à ça pour gérer (même si ça n'est jamais agréable ^^). bon pour le moment il faut dire que je ne réalise pas trop haha, mais dans tous les cas je vis les choses avec philosophie et même si je suis triste, je ne suis pas détruite donc voilà, ne vous en faites pas c:

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