Je termine de ranger tout mon bazar. Décidément, ça va pas fort aujourd'hui. Au moins ça m'a permis de passer un moment avec Eleanore. J'espère qu'on pourra faire quelque chose ensemble demain, j'ai eu de la paperasse à remplir toutes la journée. Ah non, c'est vrai, demain je dois aller en ville... Il va encore falloir que je me déguise... Yooouuuupi.

Tout à coup, j'ai un frisson. Mon pressentiment ne m'a pas quitté de la journée. J'essaie de me détendre du mieux que je peux, mais j'ai les épaules courbaturées d'avoir été raide toute la journée. Je me change et reste pensive un instant en observant les cicatrices sur mon ventre et mes bras, puis me dépêche d'enfiler mon pyjama pour aller me coucher. Aïe gau tou slip. Demain... Demain est un autre jour, me dis-je. Je suis moins stressée que ce matin, mais je mets quand même plusieurs heures à trouver le sommeil.

***

Je me réveille, hagarde, me demandant un instant où je suis. J'ai encore fait un cauchemar, il faut que je me méfie car ce n'est jamais un bon présage. Je me prépare un café et dis bonjour à Eleanore quand elle arrive en baillant. Soudain, une idée me traverse la tête.

- Dis, ça te dirait d'aller en ville ? Je demande.

Elle me regarde, interloquée. Inquiète, je vérifie que mes cornes ne sont pas réapparues pendant la nuit. Mais non, tout est en ordre. Elle me regarde toujours fixement, je ne sais pas si c'est gênant ou flippant. Ah ! J'y suis ! Elle a toujours eu peur de moi, ce que je n'ai jamais compris d'ailleurs, ça doit l'intriguer. Je finis par reprendre la parole.

-'Fin, j'me disais... Ce serait bien que tu t'achètes de nouveaux vêtements, non ? Tu n'en as pas beaucoup, ils sont vieux et tu as grandi depuis que tu es arrivé ici. Tu pourrais t'en prendre de plus beaux...

Oups, mauvais choix de mots. Je peux presque voir des flèches la transpercer à chaque mot sur ses fringues.

- Je.. J'veux dire...

- Te fatigues pas, c'est bon, m'interrompt-elle.
Elle a toujours l'air déçue, mais au moins elle vient avec moi. Yes ! Avec un peu de chance, cette fois, ce sera amusant...

***

Je marche dans le centre ville, Aka sur les talons. Je suis contente, ça fait longtemps que je suis pas allée en ville. Ma coupine (parce que je ne sais pas si on en est mais j'aimerais bien) a camouflé ses yeux derrière des lunettes de soleil et un béret gris et noir masque le sommet de sa tête. Aujourd'hui, il fait plutôt chaud, donc ça passe, mais en hiver, je ne sais pas comment elle fait.

On fait quelques magasins, c'est Akachi qui paye, alors je compte bien acheter un maximum de trucs ! On s'arrête dans quelques agences ou banques en tout genre, où Aka parle avec des gens en costard cravate tandis que moi j'essaie de trouver une porte cachée quelque part. Autant vous dire que si il y a un passage secret, je le connais pas. Elle semble tendue, je me demande quoi faire pour l'aider, quand un détail retient mon attention dans la rue.

- Hey, on pourrait se prendre un bubble tea ? Je propose.

Aka s'arrête net, elle le regarde, fixe ses yeux sur le stand, les plisse, oh tiens c'est drôle quand elle fait ça on dirait qu'ils sont bordeaux, puis un grand sourire éclaire son visage.

- Pourquoi pas !

Gaiement, on marche dans la rue, nos bubble teas en main, nos sacs de courses sous le bras, et on papote. Enfin, je papote. Notre échange donne a peu près ça :

- Dis, Aka, tu penses qu'ils font quoi, Tils et Rahal ? Franchement, on dirait qu'ils sont en couple. Ils passent leur temps ensemble ! Oh, imagine qu'ils se marient ? Ce serait vraiment drôle ! Oh, et, imagine la pièce montée ! Et le buffet ! Tu crois qu'il y aura des sushis ? C'est trop bon les sushis !

Loin de se laisser dépasser par mon flot de parole, Ai ris de bon cœur à toutes mes imbécillités. Ce moment est parfait. C'est ce que je pense. Mais ma vie n'est pas comme ça. Il y a toujours quelque chose pour gâcher mon bonheur. Toujours. On s'assoit près d'une fontaine, et je décide de montrer à ma compagne un tour de vraie magie que j'ai appris toute seule. Elle a une expression incrédule, parce que j'utilise une magie qui ne se voit que des démons et des magiciens, ce qui est apparemment très dur. Pourquoi je suis aussi bête ? On se lève et s'apprête à se remettre en route, quand un homme me prend par la manche.

Sans y accorder de l'importance, je me dégage et rejoins Aka qui m'attend à côté de la fontaine, une expression de méfiance sur le visage.

L'inconnu m'appelle.

Mais, minute... Comment il connaît mon prénom ?!

Je me retourne vivement, inquiète. Eh bien, je n'aurai pas dû. Vraiment pas. Parce que l'inconnu n'en est pas un.