Mission
Jugeant que mes ennemis sont suffisamment près pour que mon subterfuge fonctionne, je lance mon arme sur le mur, du côté opposé de l'embranchement. Normalement, l'amplitude sonore devrait engendrer des échos qui donneront l'impression que le bruit provient d'un peu plus loin et cela me donnera l'effet de surprise.
Je fais donc signe à Albert de pénétrer dans un autre corridor à notre gauche et je le suis, toujours à l'affût des pas de nos opposants. À ma grande satisfaction, je les entends passer tout droit en direction de ce qu'ils croient être la source du bruit qu'ils ont entendu. Sans perdre une seconde, je me précipite pour récupérer mon arme qui gît au sol à quelques pas du chemin emprunté par les deux hommes. J'entends le bruit de leurs pas rapides qui s'éloignent, avant de s'interrompre soudainement.
— Merde !
Le juron est prononcé d'une voix plus ou moins lointaine qui exprime toute la frustration de celui qui vient de se faire berner. Voyez-vous, je connais chacun des corridors de ma prison et je sais que celui devant moi est une impasse. Les deux hommes n'auront pas d'autre choix que de revenir en arrière et je les attends de pied ferme.
Je les entends justement faire demi-tour et je fais discrètement signe à mon compagnon de rester derrière moi. Appuyé contre le mur, j'attends avec impatience le moment opportun.
Cet instant arrive bientôt sous la forme d'un bras qui apparaît dans mon champ de vision. D'un mouvement vif, je le saisis et tire de toutes mes forces, puis je lève mon arme qui frôle le dos du premier arrivant. Comme prévu, le deuxième se trouve à quelques pas derrière lui et il n'a pas le temps de percevoir la menace qui se présente sous la forme d'une pointe sur laquelle il s'empale sans même réaliser ce qui lui arrive.
J'enchaîne rapidement avec deux coups successifs de mon immense poing. Le premier percute le visage de ma première victime et lui brise la nuque, puis le deuxième atteint la seconde à la poitrine. Le craquement des os de sa cage thoracique, combiné à la plaie béante à son ventre, ne laissent aucun doute sur sa mort qui ne saurait tarder à venir.
Encore une fois, le combat n'aura duré que quelques secondes...
— Plus que trois, annonce mon compagnon d'une voix neutre.
Surpris par l'indifférence avec laquelle il compte les morts dans ce sombre jeu, je me questionne de plus en plus sur les réelles motivations de sa présence ici.
— Tu sembles drôlement confiant sur le nombre de personnes envoyées ici ?
— Je te l'ai dit, j'ai vu le groupe avant qu'ils nous mettent les bandeaux.
— Oui. Tu as parlé à ce moment-là d'environ vingt personnes. Maintenant, tu es convaincu qu'il ne reste que trois participants à part nous. Pourtant, avec ces deux-là, je compte quinze cadavres. Si je t'enlève, il resterait donc quatre participants.
— J'ai mal compté, désolé.
Un bref instant, je songe poursuivre la discussion pour pousser mon compagnon à m'en dire plus puisqu'il semble drôlement informé sur la situation. Toutefois, je perçois une certaine contrariété sur les traits de son visage qui affiche une expression détendue que je trouve de plus en plus agaçante.
Méfiant, je décide d'éviter de trahir mes soupçons en détournant la conversation sur le moment présent.
— J'avoue que je suis inquiet. J'ai entendu un coup de feu un peu plus tôt et je remarque que ces deux hommes ne possèdent pas une telle arme. Cela veut dire que ceux qui restent représentent un risque à ne pas négliger.
— Tu as une idée de l'emplacement d'où provenait la détonation ? demande Albert d'un ton dans lequel je ne décèle aucune malhonnêteté.
— Cela venait de la partie ouest du labyrinthe. C'est là que je me rendais quand tes copains m'ont surpris tout à l'heure. Ces deux-là sont justement arrivés en provenance de cette section...
— Tu crois que ceux qui restent se trouvent encore là-bas ?
— Puisque j'étais à l'est quand le cycle a commencé et que je me dirige vers cette section depuis, je peux supposer que c'est le cas. Tu n'aurais pas une autre information à me donner pour que nous puissions surprendre nos adversaires et terminer ce jeu ridicule au plus vite ?
— Je ne suis qu'un participant comme tous les autres...
Un subtil changement dans son regard m'informe qu'il est loin de tout me dire avec cette dernière affirmation. De plus, le fait qu'il porte nerveusement la main à son sac qui pend à son côté ne me rassure guère.
Je fais toutefois un immense effort pour ne rien laisser transparaître de mes doutes et je choisis de fouiller les corps de mes récentes victimes. Puisque je tourne le dos à mon compagnon, ce dernier ne peut voir le détail de mes gestes, mais je sens son regard posé sur moi alors qu'il me surveille attentivement. D'une main, je fouille activement le premier sac que je trouve, mais je glisse subtilement les doigts de l'autre dans la deuxième besace.
— Regarde ce que j'ai trouvé dans les possessions de celui-ci, lancé-je avec une fausse assurance dans la voix.
J'appuie mon affirmation en lui montrant l'objet que j'ai retiré : un cylindre muni d'une goupille. Incapable de déchiffrer le code inscrit sur le boîtier, je reconnais néanmoins qu'il s'agit d'une grenade fumigène. En effet, je remercie intérieurement la curiosité dont j'ai fait preuve durant mon adolescence.
Mon partenaire reste cependant impassible à la vue de mon étrange trouvaille, ce qui ne fait qu'amplifier mon inconfort. Poussé à bout, je ne peux retenir ma colère plus longtemps.
— Ça suffit ! hurlé-je d'une voix volontairement forte pour bien marquer mon sentiment intérieur. Dis-moi tout. Je vois très bien dans tes yeux que tu es de plus en plus nerveux et que tu refuses de partager ce que tu sais.
Je fais un pas dans sa direction pour insister sur la menace que je viens de prononcer. Je remarque alors un mouvement furtif de sa main valide qui passe rapidement derrière son dos avant de revenir devant lui. Je dois avouer que la rapidité avec laquelle il a effectué le geste provoque une vive inquiétude dans mon esprit et j'hésite un instant à poursuivre.
Tous les deux immobiles, nous nous jaugeons un moment et c'est étonnamment sa voix qui brise le silence.
— Tu as raison, commence-t-il d'une voix calme totalement différente de celle qu'il avait prise jusqu'ici. Je sais tout de cet endroit et je suis au courant des détails de la mission confiée aux mercenaires qui ont été envoyés ici.
— Je veux dans ce cas que tu répondes avec honnêteté à une question très simple : qui es-tu réellement ?
— Je suis le fils de la personne qui a conçu cet endroit à la demande de ton père. C'est lui qui a demandé à ce que tu sois tué.
Frappé de plein fouet par ce que je viens d'entendre, je sens mes jambes se dérober et des étoiles envahissent soudainement mon champ de vision tellement l'émotion est forte.
Sur le point de m'évanouir, j'ouvre mollement les mains et laisse tomber les objets qui s'y trouvent : d'abord la grenade, puis un petit flacon contenant une seule pilule rose.
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