Tristan profitait du calme nocturne du campement. La neige avait commencé à laisser place à la terre pour un nouveau cycle, créant un sublime clair-obscur dans cette pénombre. L'astre de la nuit brillait haut dans le ciel, comme depuis ces dernières nuits. La déesse ne les avait pas lâchés depuis le Passage d'Anca et de Nicolae. Elle paraissait participer à tous les jours de fête qui avaient suivi l'élection de Tristan à la tête des loups.

Le lycanthrope déambulait sereinement entre les chalets, l'air pensif et les mains enfouies dans les poches. Il avait finalement choisi sa voie et cela le soulageait de ne plus être tiraillé par le doute. Il s'était engagé et se sentait enfin bien. D'une manière assez étrange, il avait l'impression d'avoir attendu ce moment toute sa vie. À présent, il était Roi mais il n'avait plus peur.

Il passa devant quelques brasiers allumés autour desquels s'étaient rassemblés quelques loups malgré l'heure tardive. Mais la nuit n'était-elle pas l'élément des loups-garous ? Sur son passage, ces derniers ne manquèrent pas de lui offrir leur gorge en signe de soumission. Tristan répondit par un léger hochement de tête et poursuivit sa route.

Depuis qu'il était devenu l'Alpha parmi les Alphas, il avait l'impression que rien ne pouvait l'atteindre, qu'il pouvait changer le monde. Cependant, il avait bien conscience qu'il ne s'agissait là que d'une illusion. Personne n'était invincible, pas même les plus grands de ce monde. Son cœur se serra lorsque le visage d'Azriel s'imposa à son esprit. Tristan comptait prendre exemple sur la sagesse de l'Alpha des Loups Gris.

Le lycanthrope continuait d'avancer à pas lents, poursuivant sa ronde. Malgré cette apparente sérénité, le cœur de Tristan se mit à battre de plus en plus rapidement. Avisant l'heure, il remarqua qu'il devait commencer à prendre la direction du Temple. Alexandra lui avait dit d'être devant le lieu sacré à minuit tapant et, connaissant la patience limitée de son âme-sœur, il ferait mieux de ne pas être en retard. Pressant le pas, il sentit naître au plus profond de ses entrailles une angoisse grandissante. Il pouffa face à la situation grotesque. Il avait rassemblé les meutes, mené une guerre, affronté la solitude, vaincu un tyran et pris le rôle de Roi, tout cela sans y être préparé et avait réussi. Et ce soir, échanger son sang avec la personne qu'il aimait le plus au monde le terrorisait. Il y avait vraiment quelque chose qui n'allait pas chez lui. Ou bien était-il simplement nerveux de ne pas être à la hauteur, comme un futur marié attendant sa promise devant l'autel ?

Arrivé devant l'édifice, il se planta devant la porte entre ouverte et observa les colonnes. Sans être extravagant, le bâtiment était tout de même impressionnant, notamment par sa finesse et son équilibre.

Le nez levé vers les pierres blanches du Temple et les mains toujours au fond de ses poches, il ne bougea pas lorsqu'il sentit une présence derrière lui.

- Tu sais, à un moment ou à un autre, il va falloir que tu te lances, claironna la voix de Dimitri.

- Et puis je n'aimerais pas me trouver en face d'Alexandra si j'arrivais en retard au Pacte de Sang, rajouta Alek.

Les inséparables vinrent se placer à côté de lui et il leur offrit un sourire rieur. Il était heureux que les deux polonais aient décidé de rester encore quelques temps. Tristan se sentait redevable envers eux pour tout ce qu'ils avaient fait.

Dans les bras de Dimitri, Ioan commença à s'agiter. Le petit garçon était vite devenu un grand fan du blond qui trouvait en ce compagnon le complice idéal pour embêter Aleksander. La mémoire de Tristan revint quelques mois plus tôt, la première fois qu'il avait rencontré le petit garçon. Son cœur se serra un instant au souvenir d'Anca qui était partie sans qu'il n'ait le temps de la remercier. Mais il sourit en se disant que Ioan ne pouvait trouver mieux que Dimitri et Aleksander pour veiller sur lui.

- Aller vas-y ou elle ne va pas te mordre mais te déchiqueter pour être arrivé en retard, plaisanta Dimitri.

- Courage, ajouta Alek lui donnant une tape amicale sur l'épaule.

Tristan inspira profondément pour tenter de canaliser sa nervosité puis se tourna vers ses amis, l'air solennel et le sourire aux lèvres.

- Messieurs excusez-moi, mais le devoir m'appelle.

Puis il gravit les quatre marches du seuil et eut juste le temps d'entendre Dimitri lancer une énième ânerie avant de pénétrer dans l'édifice.

A l'intérieur, tout était sombre, seule une lumière lointaine éclairait l'immense Temple. À pas lents il avança dans l'allée centrale, longeant les colonnes blanches. Un orifice circulaire dans le toit laissait passer les rayons de la lune qui venaient se répercuter sur cette même imposante pierre brillante qui avait vu disparaître Azriel et tant d'autres. Au fur et à mesure qu'il avançait, il distingua les bougies dont les flammes dansaient tout autour de l'autel. Il remarqua quelques taches mouchetant les dalles et la pierre centrale et s'aperçut qu'il s'agissait de pétales de fleurs. L'endroit était chaleureux et une douce odeur d'encens embaumait l'air nocturne.

Alors que son regard se perdait dans ce spectacle peu commun, le bruit sourd de la porte le fit revenir sur terre. Immédiatement, ses yeux captèrent les iris bleus d'Alexandra qui était apparue à quelques pas de lui. Sa beauté le subjugua. Ses longs cheveux blonds paraissaient briller sous les rayons lunaires, sa peau d'albâtre faisait ressortir ses saphirs et ses joues roses. Elle portait une légère robe blanche qui laissait assez place à l'imagination d'un homme pour que les sens de Tristan se réveillent d'un coup.

Il ouvrit la bouche pour lui dire à quel point elle était sublime mais n'eut pas le temps de prononcer le moindre mot. Alexandra fondit sur lui et captura ses lèvres dans un baiser passionné. Elle passa ses bras fins autour du cou de Tristan dont les mains avides parcouraient le corps de son âme-sœur. Leurs loups grondèrent de plaisir à l'unisson, faisant vibrer leurs corps fiévreux de désir.

Dans des gestes pressés, Alexandra commença à le déshabiller. Il se laissa faire docilement et, une fois débarrassé de tout ce qui n'appartenait pas à son enveloppe charnelle, il fit glisser ses doigts sur les épaules de la jeune femme pour faire tomber les bretelles de sa robe blanche. Le tissu caressa la peau claire d'Alexandra pour aller s'échouer sur le sol, dévoilant son corps parfait.

Sans prévenir, Tristan la souleva dans les airs pour la déposer délicatement sur l'autel. Le contact froid de la pierre la fit se courber dans les bras de Tristan. Se positionnant au-dessus d'elle, il reprit leur baiser fougueux. Lorsque les lèvres de Tristan descendirent le long du cou de son âme-sœur pour titiller son épiderme sensible, le souffle de la jeune femme se coupa. Il embrassa son épaule, passa sur les arabesques sombres qui dansaient dans son cou, déposant des baisers éphémères sur chaque partie de son corps.

Lorsqu'il s'attaqua à sa clavicule, Alexandra se courba et gémis. Son corps se colla à celui du lycanthrope, réclamant davantage d'attentions. Les doigts de la jeune femme s'agrippèrent aux cheveux de Tristan. Les lèvres de ce dernier remontèrent dans son cou, atteignant l'endroit le plus sensible de son corps. Puis, il la pénétra tandis que ses crocs mordirent la fine peau de la jeune femme qui s'arc-bouta sous lui. Alexandra laissa échapper un cri de plaisir qui se répercuta contre les parois en pierre du Temple.

Sentant une puissante vague de désir déferler en elle, la jeune femme renversa Tristan pour le chevaucher. Elle traça du doigt les marques de son âme-sœur qui grogna d'aise. Lentement, elle approcha ses lèvres du cou du lycanthrope qui se raidit, prêt à recevoir la morsure d'Alexandra. Après l'avoir fait languir en saupoudrant son cou de baisers, Tristan sentit les dents de son âme-sœur transpercer sa peau et il eut l'impression que tout son corps s'embrasait. Alexandra se redressa, essuya ses lèvres rougies du revers de la main et l'embrassa à nouveau. Tristan reprit l'ascendance et repassa au-dessus jusqu'à ce que les murs renvoient l'écho infini de leurs cris d'extase.

Essoufflés, ils s'allongèrent sur la pierre, Alexandra reposant sur le torse de Tristan. Le lycanthrope lui caressait les cheveux, se demandant ce qu'il avait bien pu faire pour être aimé d'Alexandra. Il profita de cette nouvelle sensation de sentir Alexandra si près de lui t de son loup. Il avait l'impression qu'une part d'elle s'était incrustée dans son âme. Il la sentait respirer, il sentait ses muscles se détendre, il l'entendait presque penser. Et ce sentiment intense, cette chaleur rassurante qui l'envahit. Tristan eût alors la certitude qu'il ne faisait plus qu'un avec Alexandra.

Après un moment, la jeune femme se redressa et descendit de l'autel pour ramasser sa robe. Tristan arqua un sourcil, intrigué.

- Aller viens, dit-elle en lui faisant un clin d'œil. J'ai quelques choses à te montrer.

Sans l'attendre, elle enfila sa robe et se dirigea vers le fond du Temple. Tristan se dépêcha de passer son jean et rejoignit son âme-sœur qui empruntait un grand escalier en colimaçon qu'il n'avait pas remarqué. Les marches menaient au toit de l'édifice duquel était visible tout le camp. De là où ils étaient, ils pouvaient apercevoir des loups faire la fête çà et là autour des braseros dispersés entre les chalets. La fumée s'envolait se confondre avec la pâleur des nuages traversant ciel d'ébène.

- Regarde, murmura-t-elle en lui prenant la main et en reposant sa tête contre son épaule. Regarde ce que nous avons accompli.