Chapitre 8

Le soleil se levait lentement dans le ciel pâle et gris de la Hongrie. Ils avaient quitté Dresde vers une heure du matin, peu après l'incident, et roulaient depuis vers le Sud, direction la Roumanie. Ils avaient traversé la Tchéquie en passant brièvement par Prague, puis la Slovaquie en longeant l'Autriche par Bratislava. A présent sur le sol Hongrois, ils pénétraient dans la capitale. Budapest se réveillait doucement en ce samedi matin. La ville était presque déserte, les habitants étant encore endormis à cette heure matinale. Alexandra gara la Mercedes de Tristan sur le trottoir en face d'un des seuls cafés ouverts. Impatients de détendre leurs jambes endolories, ils s'extirpèrent de la voiture et firent quelques pas. Ils achetèrent deux cafés ainsi que deux pâtisseries traditionnelles en forme de cheminées. Le vendeur leur avait dit que cela s'appelait des Kurtoskalacs ou des Koturskalacs, Tristan n'était pas bien sûr d'avoir tout compris. Quoi qu'il en soit, ils apprécièrent grandement leur petit-déjeuner. Profitant de leur première pause depuis le départ, ils flânèrent dans les rues calmes.

- Il est huit heures quarante, annonça Alexandra en regardant son portable. Nous avons fait le plus gros, il ne reste que cinq heures de route. Nous arriverons vers quatorze heures. Enfin, il sera déjà quinze heures là-bas.

Tristan hocha simplement la tête et lui proposa une énième fois de prendre le volant.

- C'est hors de question, rétorqua-t-elle sur un ton catégorique. Tu es épuisé, je peux le sentir.

Il réalisa qu'il lui faudrait un certain temps pour s'adapter à ce lien qui leur permettait de partager les sentiments de l'autre. Il leva les yeux au ciel face à l'entêtement d'Alexandra. Ce qu'elle pouvait être bornée parfois. Mais ce qu'elle ne savait pas, c'est qu'il l'était encore plus qu'elle.

- Ça reste ma voiture, fit-il remarquer.

Étonnée de le voir protester, elle se campa devant lui, les sourcils levés en signe de défi.

- Et alors ?

- Et alors ce sont mes clefs. Donne-les-moi, s'il te plaît.

Alexandra le regarda tendre la main et sourit. Il voulait jouer à ça ? Très bien. Sa louve se

manifesta en jappant d'amusement. Elle secoua la tête négativement. La bête de Tristan n'apprécia pas que son autorité soit remise en question.

- Alexandra... grogna-t-il, ses yeux plongés dans le magnifique bleu de ceux de la jeune femme.

Sans réellement savoir ce qui lui prit, sa louve abandonna face à cet avertissement et elle baissa la tête. Obéissant contre son gré, elle déposa les clefs dans la main tendue de son âme-sœur. L'incompréhension assombrit ses traits. Cela ne lui était jamais arrivé auparavant. Jamais elle ne s'était soumise à une autre personne qu'à son père, l'Alpha. Alors pourquoi avait-elle cédé si facilement ? Le désir de son âme-sœur prévalait-il sur son rang ? C'était elle la prochaine en liste à devoir mener la meute. Elle était la future Alpha et elle ne se soumettait à personne. Sauf à Tristan apparemment. Et cette seule pensée lui redonna le sourire. Elle acceptait de le suivre, de lui obéir, puisque c'était lui qui commandait son cœur.

- Très bien, dragul meu, conclut-elle. Mais seulement jusqu'à la frontière.

- Dragel me- quoi ?

Ce mot lui était totalement inconnu. Il n'avait jamais entendu Alexandra l'employer avant. Ce devait être du roumain, sans aucun doute. La jeune femme lui offrit un sourire mutin qui fit rougir Tristan. Que cela signifiait-il ? Venait-elle de l'insulter ? Ou bien était-ce plus intime que cela ? Sans lui donner de réponse, elle l'embrassa avant de retourner en direction de la voiture.

Ils reprirent la route, conscients que le temps leur était compté. Ils devaient mettre ce fameux Conseil au courant de la situation avant que tout cela ne dégénère. Tristan n'avait rencontré cet homme qu'une seule fois, mais cela avait été suffisant pour comprendre qu'il irait jusqu'au bout de son projet, quel qu'il soit. Cependant, malgré les menaces qu'il avait proférées, Tristan ne le pensait pas capable de dévoiler l'existence des loups-garous au monde entier. Quel imbécile divulguerait ses recherches de plus de quatre ans pour une simple vengeance ? Non, il avait forcément un autre objectif bien plus personnel.

Tristan se tourna vers la place passager pour demander son avis à Alexandra. Mais il se retint de justesse et un sourire amoureux naquit sur ses lèvres lorsqu'il réalisa qu'elle s'était endormie. Reportant à nouveau son regard sur la route, il écouta sa respiration calme et régulière. Il inspira profondément. Il ne la connaissait que depuis deux mois, mais il était fou amoureux d'elle. Même dans une situation aussi complexe que celle dans laquelle ils se trouvaient, il savait qu'avec elle à ses côtés, il survivrait. Il laissa échapper un rire ironique. Qui aurait cru qu'un jour, lui, le paria, aurait trouvé l'âme-sœur ?

Il avait beaucoup repensé à sa décision de lui dire la vérité sur sa condition. Mais comment réagirait-elle lorsqu'elle apprendrait qu'il avait été mordu ? Qu'il ne contrôlait pas sa bête ? Qu'il représentait un danger pour elle et les siens ? Alors il s'était tut.


Comme convenu, ils échangèrent à nouveau de conducteur à la frontière roumaine. Fatigué par ses blessures et sa courte nuit, Tristan ne fut pas mécontent de laisser sa place pour pouvoir se reposer un peu. Plus ils faisaient de kilomètres, plus il sentait une légère angoisse le prendre à la gorge. Il avait peur de ne pas être accepté par la meute. Il n'était pas l'un des leurs après tout. Et la simple pensée que quelqu'un puisse le percer à jour le terrorisait. Les loups-garous que lui avait décrit Alexandra cette nuit ne semblaient ni être très ouverts d'esprits, ni être très cléments.

Tristan avait appris que les loups-garous étaient présents partout dans le monde mais ne représentaient qu'une infime partie de la population. La plus grande concentration était au sein même de l'Europe. Dans ce continent, presque chaque pays possédait au moins une meute, la plus grosse étant celle des Loups Gris de Roumanie. Chaque meute était dirigée par un Alpha qui était désigné par la déesse. On le reconnaissait grâce aux marques qui recouvraient son corps. Alexandra lui avait alors montré ses propres marques et lui avait expliqué qu'elle avait été choisie pour devenir la future Alpha après la mort de son père, qui occupait le poste actuellement. Il avait appris qu'aucun loup ne pouvait se mesurer à un Alpha. L'aura dominante de ce dernier ne pouvait être défiée que par un autre Alpha dont l'aura était plus forte.

Si l'Alpha prenait une femme ou trouvait son âme-sœur, celle-ci devenait Luna et avait pour rôle d'aider les loups à se stabiliser lorsque leur seconde nature devenait incontrôlable. Certains loups, lui avait dit Alexandra, pensaient que la Luna était plus puissante que l'Alpha, étant donné qu'elle avait du pouvoir sur lui en tant que moitié.

La meute était également régie par des lois. Les deux plus importantes étant de garder le secret de la race bien caché des humains, et de ne pas les mordre pour les transformer. Une transgression à ces règles entraînerait la mise à mort immédiate du loup fautif. Tristan s'était alors mis à penser à la créature qui l'avait mordu. Avait-elle été rattrapée et punie ? Ou bien courait-elle toujours ? Il se fit la remarque qu'il ne connaîtrait probablement jamais la réponse.

À son grand étonnement, Tristan avait également découvert que les loups-garous pouvaient procréer. Cependant, leur descendance ne devenait pas forcément un hybride. Là encore, la déesse intervenait et choisissait les enfants qui pourraient se transformer. À l'adolescence, ils étaient alors marqués comme tous du symbole de leur tribu dans le bas du dos et se transformaient pour la première fois. Les enfants non marqués, les Essentiels, faisaient tout de même partie de la meute. Ils étaient d'ailleurs d'une importance capitale. D'après ce qu'avait compris Tristan, ils étaient le lien indispensable entre la meute et les humains. Leur vie était régie par les mêmes lois, les mêmes croyances, si bien qu'ils pouvaient eux aussi trouver leur âme-sœur parmi les loups et pouvaient également être graciés par la déesse. Car c'était elle qui décidait de la longévité des loups-garous et des Essentiels. Aussi, certains vivaient une petite centaine d'années quand d'autres avaient la chance d'atteindre leur cinq-centième année. Mais le plus souvent, les loups étaient fatigués et préféraient quitter la meute plutôt que d'attendre leur heure. Car un loup sans meute finit par mourir de solitude.

L'esprit scientifique de Tristan avait commencé par réfuter le rôle de la déesse dans la vie des loups. Pour lui, une simple entité ne pouvait avoir autant de pouvoir sur des personnes bien vivantes. Personne ne pouvait enrayer ainsi la génétique et Tristan était bien placé pour le savoir. Mais Alexandra lui avait expliqué que ce n'était pas qu'une simple croyance. Les loups-garous rendaient grâce à la déesse de la Lune car c'était cet astre qui rythmait leur vie et qui les rendait si particuliers. Bien qu'ils puissent se transformer à leur guise, les loups-garous étaient forcés de se métamorphoser lors de la pleine lune. Toujours peu convaincu par cette explication, Tristan n'avait cependant fait aucun commentaire, décidant de ne pas froisser son âme-sœur.


La voiture quitta l'autoroute pour s'enfoncer dans la région de Transylvanie, au nord de la Roumanie. Ils roulèrent encore un moment puis, à la sortie de Cluj-Napoca, Alexandra prit un petit chemin de terre qui les mena à travers les champs. Plus ils s'éloignaient de la ville - et plus généralement de toute forme de civilisation - plus la forêt épaisse qui se dressait devant eux devenait imposante. La voiture cahotait sur le chemin irrégulier qui rétrécissait à vue d'œil. Alors qu'ils passaient les premiers arbres, un panneau attira l'attention de Tristan. Il indiquait qu'ils venaient d'entrer dans Hoia Baciu et une ligne en anglais mettait les visiteurs en garde : « Transylvania's Haunted Forest ».

- Une forêt hantée ? Lut-il. Sérieusement ?

- Les Loups Gris vivent dans cette forêt depuis des millénaires, dragul meu, il a bien fallu trouver une façon de garder les humains à distance. Nous avons fait croire aux villageois que la forêt était hantée et les légendes sur cet endroit se sont mises à proliférer. Les habitants de la région sont trop superstitieux pour oser s'aventurer dans ces bois et les seuls visiteurs que nous avons sont des touristes à la recherche de sensations fortes ou des spécialistes du paranormal. Dans tous les cas, chaque intrus s'aventurant sur notre territoire repart complétement drogué par l'air de la forêt et personne ne le croit jamais lorsqu'il raconte ce qu'il a vu.

Tristan ouvrit de grands yeux, totalement hébété. Comment des humains pouvaient être drogués par l'air de la forêt ? Qu'avait-elle de si spécial pour attirer des spécialistes du paranormal ? rien dans les explications d'Alexandra n'avait de sens.

Ils avancèrent encore entre les arbres, jusqu'à ce que la forêt devienne trop dense pour que la Mercedes puisse continuer sa route. Alexandra arrêta la voiture sous les ramures d'un grand chêne et descendit. Tristan remarqua que devant eux, la forêt avait un aspect tout à fait différent. Elle était plus dense et plus sombre, beaucoup moins accueillante. Mais le plus étrange était la forme des arbres : ils étaient tordus de manière étrange, certains poussaient même presque à l'horizontal. Ils semblaient repliés sur eux-mêmes, leurs troncs formant des nœuds inquiétants. Cette vision fit frissonner Tristan. Il comprit immédiatement pourquoi les humains restaient à l'écart de cette forêt. Elle n'avait vraiment rien d'accueillant.

- Qu'ont ces arbres ? La forêt est-elle malade ? Demanda-t-il, curieux.

- Non, elle n'est pas malade. Les arbres ont toujours poussé comme ça ici, c'est ce qui rend cet endroit si spécial. L'Ancien pense que c'est dû à une concentration des pouvoirs de la déesse. Certains disent que c'est ici qu'elle aurait béni le premier loup.

Tristan hocha la tête, sceptique. Puis il contourna le véhicule pour sortir leurs valises du coffre.

- Ne te donne pas la peine de prendre les bagages, l'interpella Alexandra, nous enverrons quelqu'un les chercher. Pour le moment, nous avons autre chose à faire.

Elle lui tendit la main et il la saisit avec plaisir, se laissant entraîner vers le bois.

- Et de quoi s'agit-il ?

- Nous allons devoir te faire rentrer sur nos terres sans te faire tuer.

Tristan s'arrêta net et dévisagea Alexandra, inquiet. Elle ne lui avait pas dit qu'il ne serait pas le bienvenu.

- Détends-toi, dragul meu, tu es avec moi. En principe, tu ne crains rien.

Puis, sans un mot de plus, elle l'entraîna sous les cimes des arbres. L'endroit était sombre et l'air y était lourd, mais cela n'empêcha pas leur progression. Ils avancèrent lentement, main dans la main, tous leurs sens aux aguets. Le loup de Tristan grondait, méfiant et son instinct lui disait que s'introduire sur les terres de loups-garous n'était pas une bonne idée du tout. Alexandra sentit son malaise et resserra sa main autour de la sienne.

- Du calme, susurra-t-elle. Ton cœur bat tellement fort que même les Essentiels vont t'entendre, dragul meu.

Il en était à présent presque certain, « dragul meu » devait signifier « gros balourd » ou « froussard » ou quelque chose dans ce genre. Cependant, il ne fit aucun commentaire et tenta de se calmer.

Soudain, comme sortis de nulle part, trois loups d'une taille prodigieuse leur barrèrent le passage, l'air menaçant. Instinctivement, son loup se manifesta en grognant, répondant à la menace de ses congénères.

- Assez, Nelu ! Ordonna Alexandra. Demande à tes gardes de se retirer.

Un homme grand et massif apparut alors derrière les loups et croisa ses bras sur sa poitrine. Puis, il fit un bref signe de tête et les gardes s'écartèrent, les yeux toujours braqués sur Tristan. L'homme le fusilla du regard et dit quelque chose en roumain qu'il ne comprit pas. Mais il sentit la colère d'Alexandra monter, réchauffant tout son corps d'un seul coup.

- Vous l'accepterez, tonna-t-elle en s'approchant du certain Nelu. Et ne t'avise pas d'insulter mon âme-sœur.

Alexandra avait répondu en anglais, ce qui avait permis à Tristan de comprendre l'enjeu de la situation, et il lui était très reconnaissant pour son geste. Devant l'autorité de la jeune femme, Nelu sembla hésiter. Manquant cruellement de patience, Alexandra grogna et l'homme n'eut d'autre choix que de montrer sa gorge en signe de soumission. Tristan regarda la scène avec effarement et se fit la réflexion qu'il n'y avait aucun doute possible sur les marques d'Alpha de la jeune femme.

- Escortez-nous jusqu'au campement.

Immédiatement, les loups suivirent ses ordres et les encadrèrent, les menant à travers les bois. Tristan ne se sentait pas rassuré avec tous ces loups étrangers autour d'eux. Il se rapprocha d'Alexandra, comme pour marquer son territoire. Le petit groupe arriva bientôt à ce qui ressemblait à un village. Tristan présuma qu'il s'agissait du campement dont avait parlé Alexandra. De grandes maisons en bois étaient disposées aléatoirement sous les arbres aux formes grotesques. Des gens allaient et venaient d'une cabane à une autre, échangeant des salutations ou des éclats de rires. Malgré le froid ambiant, la chaleur qui se dégageait de ce lieu le rendait très attirant. Des enfants couraient et criaient autour de grands feux allumés çà et là, au milieu de ce qui ressemblait à des petites places. Au fur et à mesure qu'ils avançaient, Tristan se rendit compte de l'immensité du campement. Lui qui avait d'abord pensé n'y trouver qu'une petite vingtaine d'habitations, avait sous les yeux plus de cinquante demeures de toutes tailles et formes qui s'étalaient dans les sous-bois alentours.

Les gardes leur firent traverser une partie du campement et Tristan sentit tous les yeux se tourner vers lui. Les habitants l'observaient, certains avec méfiance, d'autres avec colère. Il entendit quelques grognements s'échapper de la foule. Se sentant comme une bête de foire, son cœur s'alourdit. La meute finirait-elle par l'accepter ? Il remarqua que les gens commençaient à les suivre, formant comme un cortège curieux derrière eux. La tension était palpable au sein de cette masse qui s'était formée, mais personne ne protesta ouvertement. Tristan déduisit que la simple présence de la future Alpha à ses côtés les dissuadait de tenter quoi que ce soit.

Soudain, tous s'arrêtèrent devant une maison semblable à toutes les autres mais dont les reliefs de bois étaient sculptés avec plus de détails. Au-dessus de l'encadrement de la porte à doubles battants était peint un croissant de lune. Ce signe indiqua à Tristan qu'il se tenait certainement devant la demeure de l'Alpha. Tous attendirent patiemment en silence que leur chef se montre. Tristan se demanda si quelqu'un comptait aller toquer à la porte pour le prévenir qu'ils l'attendaient.

Juste au moment où il conclut qu'ils allaient devoir poireauter là jusqu'à la prochaine sortie de l'Alpha, la porte d'entrée s'ouvrit. Un couple apparut dans l'encadrement de la porte et se tint là, scrutant la foule de toute sa hauteur et majesté. D'un coup, Tristan fut traversé par une vague d'autorité émanant de l'Alpha et il ressentit un profond respect envers cet homme. Le chef de la meute était de taille moyenne et relativement mince. Tristan s'étonna de sa carrure assez chétive. Il était persuadé que Nelu pouvait le vaincre au combat avec les yeux bandés et une main attachée dans le dos. Mais lorsque l'Alpha posa ses yeux perçants sur lui, il comprit que sa force était entièrement psychique. Spontanément, il leva le menton pour dégager son coup, son loup se soumettant avec réticence à l'être supérieur. L'homme qui le fixait avait les cheveux poivre et sel et le visage marqué par le temps et l'expérience. Ses yeux rappelaient sans défaut ceux de sa fille.

La Luna, elle, lui accorda un regard plus chaleureux, presque sympathique, qui le détendit en une fraction de seconde. Elle était de la même taille que l'Alpha, fine et élancée, avec la peau claire, un sourire avenant et de longs cheveux blonds parsemés de mèches blanches, dont avait hérité Alexandra.

- Que se passe-t-il ? Demanda la voix rude de l'Alpha. Qui est cet humain que tu as amené sur mes terres ?

Alexandra fit un sourire encourageant à Tristan, puis lâcha sa main pour avancer de quelques pas. Elle montra respectueusement sa gorge avant de prendre la parole.

- Père, je n'aurais pas amené un humain ici si je n'avais pas eu une bonne raison d'agir ainsi.

Elle fit une pause, choisissant ses mots avec précaution.

- La déesse m'a bénie, père. Elle m'a accordé le cadeau de trouver ma moitié. Tristan est mon âme-sœur.

La réaction générale ne l'étonna guère. La meute eut un soudain halètement de surprise. Tristan entendit les premiers chuchotements se répandre. Puis, il sentit le regard sévère de l'Alpha lui brûler la peau. Même la Luna avait fermé son visage joyeux à cette annonce. Il n'était pas le bienvenu, assurément.

- Cela ne peut être possible, conclut l'Alpha. C'est un humain.

- Vous le savez aussi bien que moi, père. Trouver son âme-sœur parmi les humains est rare mais pas impossible.

La voix calme et assurée d'Alexandra ne sembla pas apaiser son père. Son visage se tordit de haine et son aura s'abattit sur Tristan d'une telle puissance que celui-ci vacilla.

- Je ne l'accepterai pas ! Aboya-t-il. Je ne laisserai pas ma fille gâcher sa vie auprès d'un humain. Tu es destinée à devenir Alpha, Alexandra. Tu ne peux te lier à lui.

Tristan sentit la colère envahir Alexandra et il résista au besoin d'aller auprès d'elle pour la soutenir. Mais il se doutait qu'un seul mouvement de sa part entraînerait son arrêt de mort.

Les mots de l'Alpha laissèrent un blanc désagréable flotter sur l'assemblée. Les chuchotements et protestations s'étaient tus. Chacun retenait son souffle pour savoir si quelqu'un oserait tenir tête à l'Alpha. Personne, pas même Alexandra, ne bougea pendant un long moment. Puis, contre toute attente, ce fut la Luna qui réagit en premier. Elle saisit délicatement le bras de son époux et prit la parole afin de calmer les esprits.

- Tu ne peux pas le renier, Azriel. Il est l'âme-sœur de ta fille. La déesse l'a choisi pour assister Alex dans sa vie et tu n'y peux rien. Même toi tu n'as pas le pouvoir de remettre en question les décisions de la déesse.

Les mots de la Luna eurent un effet immédiat sur toute l'assemblée. Après tout, elle était peut-être réellement le vrai dirigeant de la meute. Comme s'ils semblaient se réveiller d'un mauvais rêve, les visages des habitants passèrent de la crainte à l'acceptation. L'Alpha aussi perdit son regard sévère et l'observa d'un œil nouveau, comme s'il s'agissait d'un animal rare. Il descendit les quelques marches du perron et avança jusqu'à Tristan. Il était plus petit que lui mais accompagné de son aura et de la Luna, il paraissait énorme. Alexandra s'écarta pour laisser la place au couple, observant la scène d'un œil inquiet. Son père s'arrêta devant Tristan qui cette fois baissa simplement la tête en signe de soumission. À l'intérieur de lui, son loup grognait de mécontentement. Il n'avait aucune envie de se soumettre. Tristan le fit taire avec difficulté, jugeant que grogner par inadvertance sur l'Alpha de la meute la plus puissante du continent n'était peut-être pas très avisé. Azriel ouvrit la bouche pour parler et son cœur se stoppa. Il était terrorisé par la décision qu'allait prendre l'Alpha.

- Bienvenue, fils, chez les Loups Gris de Roumanie.

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