Chapitre 20

Il leur fut très dur de s'extirper du lit ce matin. Dehors, le soleil profitait de ses derniers instants de l'autre côté de la planète, laissant la nuit durer encore. Après avoir pris une petite collation et avoir rassemblé leurs quelques affaires, Tristan et Alexandra descendirent sur la plage. Les malles, les sacs et les hommes de la veille avaient disparus, rendant l'endroit désert. Seule une dizaine de gros camions tout-terrains étaient là, comme posés sur le sable. Ces engins impressionnants contrastaient affreusement avec le décor sublime de la côte.

Tatjana sauta d'une des remorques et s'avança vers eux, toujours son sourire avenant sur les lèvres. Elle avait troqué sa robe grise contre un pantalon droit et une veste kaki, biens plus adaptés pour partir en guerre, et ses longs cheveux blancs étaient retenus en arrière dans une queue de cheval haute. Elle n'avait plus rien d'une Oracle, elle avait l'allure d'une véritable Alpha menant ses loups à la bataille.

- Il faut partir si nous voulons arriver en début d'après midi, dit-elle. Voulez-vous un chauffeur ?

- Non, ça ira. Tristan n'aime pas trop qu'on touche à son bolide, plaisanta Alexandra.

- Comme vous voudrez. Dans ce cas, on se retrouve en Roumanie.

Aussitôt, elle remonta dans un des camions et tous les moteurs se mirent en marche. Les gros pneus de leurs véhicules roulèrent sur le sable sans difficulté et l'escouade longea la plage. Tristan, accrochant bien fort la main de son âme-sœur, regagna le haut de la falaise par le petit esclaier. Puis, ils montèrent dans la Mercedes et attendirent que les camions les rejoignent avant de prendre la route.


Le convoi traversa sans peine la Hongrie pour pénétrer à nouveau les frontières roumaines. Ce voyage était leur dernière traversée d'Europe avant un moment et cela n'était pas pour leur déplaire. Trisatn n'avait jamais autant voyagé en si peu de temps et tous ces événements incongrus qui avaient parsemé son parcours d'embûches l'avaient épuisé. Heureusement, bientôt, tout cela serait fini et il comptait bien s'octroyer des vacances d'au moins six mois. L'objectif à présent était de tenir bon jusque là.

Comme prévu, ils arrivèrent peu après midi aux abords de la ville d'Apahida, à quelques minutes seulement de Cluj-Napoca. Les autres meutes, guidées par Alek et Dimitri, avaient fait une partie de la route la veille et étaient donc arrivées dans la matinée. Le campement ne fut pas bien dur à trouver, dissimulé sous les premiers arbres d'une zone boisée avoisinant la ville. Alexandra avait choisi cet emplacement précis pour des raisons stratégiques : ils étaient ainsi assez loin du territoire d'Azriel et du camp militaire pour ne pas attirer l'attention, mais ils étaient aussi assez proches de la ville pour s'assurer qu'aucun combat n'aurait lieu ici, au risque d'alerter les humains. Comme toujours, l'esprit stratège d'Alexandra ne cessait de l'impressionner.

Ils stationnèrent les véhicules à la lisière du petit bois et Tristan extirpa son corps courbaturé de la voiture. La nuit allait être longue. À peine eut-il posé les pieds sur le sol humide de la forêt qu'il sentit la poids de la responsabilité s'abattre sur ses épaules. Alexandra le rejoignit et lui carressa tendrement la joue du bout des doigts dans un geste d'encouragement.

- Tu peux le faire, murmura-t-elle du bout des lèvres, un air confiant sur la visage.

Tristan saisit sa petite main et déposa un délicat baiser sur ses phalanges ; le moment était venu. Il ne pouvait pas revenir en arrière. Alors, il respira un grand coup, abreuvant son corps de courage, et s'avança sous les arbes. Quelques mètres plus loin, les premières tentes vertes et brunes apparurent. L'installation du camp supervisée par les deux Alphas des Loups des Montagnes avait été très efficace, si bien que le couple trouva les guerriers au repos. Ils mangeaient, téléphonaient, jouaient aux cartes dans la tranquilité la plus absolue. Le conflit à venir ne semblait pas les préocuper outre mesure.

Côte à côte, Tristan et Alexandra traversèrent le camp. Tous les regards se tournèrent immédiatement vers eux et les loups cessèrent instantanément leur activité pour saluer leurs supérieurs. La plupart se mirent au garde-à-vous, n'osant pas croiser leur regard, d'autres s'inclinèrent, certains montrèrent leur gorge, et d'autres encore baissèrent simplement les yeux. Tristan se sentit terriblement mal à l'aise devant une telle preuve de respect, mais une part de lui se délecta de son nouveau statut de dominant. Son loup grogna de satisfaction.

- Ils sont ton armée, dragul meu, murmura Alexandra à son oreille. Salue-les, fais-leur un signe.

Tristan, ne sut que faire. Il se contenta alors de hocher la tête sobrement, leur faisant ainsi comprendre qu'il tenait compte de l'attention qu'ils lui accordaient. Cela parut faire l'affaire car personne ne le regarda de travers ou ne le réprimanda.

Ils continuèrent alors leur progression à travers le camp dans un silence parfait. Tristan fut quelque peu surpris de voir une telle proportion de femmes parmis les soldats, mais il se garda bien d'exprimer sa remarque à voix haute, ne voulant heurter la féministe qui sommeillait au fond du cœur de son âme-sœur.

Les tentes ne cessaient de se multiplier devant eux, chaque rangée en dissimulant une autre. Une quantité impressionnante de picks-up et de camions était éparpillée çà et là, chacun étant peint aux couleurs du pays auquel il appartenait. Il n'y avait pas de feu malgré le froid de ce début janvier. La fumée aurait attiré l'attention, pensa Tristan. Alors les guerriers portaient d'épaisses parkas ainsi que des bottines. Le lycanthrope repéra quelques caisses d'armement et de munition emportées en prévention même si les loups ne pourraient s'en servire cette nuit.

- Je suis impressionné par les ressources dont vous disposez, remarqua Tristan après un moment.

- Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, les loups ont décidé de s'équiper pour leur propre sureté, expliqua Alexandra. La peur reignait à l'époque et la perspective d'un autre conflit n'était pas encore tout à fait eclipsée. Les loups se sont alors retranchés sur leurs terres et ont mis en place leurs défenses. C'est à partir de ce moment que la séparation des meutes s'est véritablement opérée.

Ils arrivèrent au cœur du camp. Ici, il n'y avait ni tentes, ni véhicules, ni caisses. Seulement de nombreuses rangées de tables et de bancs occupaient la zone. Un vacarme chaleureux émanait de la centaine de guerriers attablés en ce lieux. L'arrivée de Tristan ne sembla pas attirer leur attention, ce qui soulagea le lycanthrope. Souhaitant se fondre dans la masse, il se dirigea vers une place libre pour se joindre au dîner de fortune. Malheureusement pour lui, avant même qu'il ait pu s'asseoir sur le banc, une voix puissante fendit l'air, interrompant ainsi toutes les discussions.

- Tristan ! Alexandra ! Venez vous joindre à nous ! S'exclama Alek.

Tous les regards se tournèrent vers les nouveaux arrivants, faisant monter la pression qui pesait sur Tristan. Les loups eurent à leur égard les mêmes gestes de respect que leurs congénères quelques instants plus tôt. Pourtant, certains les fixaient avec audace, refusant de se soumettre aussi aisément. Mais le simple regard dominant de Tristan suffit à leur faire baisser la tête. À nouveau, son loup se délecta de la situation.

Parmi tous ces hommes et toutes ces femmes, les âmes-sœurs repérèrent la longue silhouette d'Alek. Malgré son visage fermé, sa barbe mal taillée et sa cicatrice, son unique œil refletait une joie indéniable. Il leur fit signe d'approcher et ils le rejoignirent. Ils saluèrent Dimitri et s'assirent à ses côtés. En face d'eux, une femme d'une trentaine d'années leur souriait amicalement. Elle avait les cheveux très courts, coupés à la garçonne, et d'un noir de jais qui contrastait avec sa peau blanche. Elle avait de grands yeux verts, et son petit nez retroussé parsemé de tâches de rousseur lui donnait un air adorable.

- Vous êtes bien plus impressionants que ce que nous avait décrit Dimitri, plaisanta-t-elle.

Tristan et Alexandra haussèrent les sourcils, peu sûrs d'avoir bien saisi la remarque.

- Je suis Thea, l'Alpha des Loups de Norvège, pousuivit-elle en leur tendant la main.

Ils acceptèrent sa poignée de main et se présentèrent à leur tour.

Ils découvrirent que Thea était charmante et pleine de vie. Ses traits de caractère ne manquèrent pas de leur rappeller Charity et sa bonne humeur constante. Ce souvenir leur pinça le cœur.

Dans un fracas métallique, deux gamelles remplies d'un ragout douteux s'écrasèrent sur la table juste devant eux. Surpris par tant de violence, ils levèrent les yeux pour croiser le regard rieur de Dimitri perdu dans un visage faussement sévère. Sans qu'ils s'en appercoivent, il s'était levé pour aller leur chercher quelque chose à se mettre sous la dent.

- Mangez vite ! Ordonna-t-il séchement sur un ton qui ne lui appartenait pas. Les Alphas vous attendent !

Le couple rit de bon cœur face à cette imitation grotesque d'Alek. Ils ne savaient pas quels comptes ils avaient à régler cette fois, mais Dimitri semblait y prendre grand plaisir. Bien évidemment, cette mascarade n'échappa pas à son âme-sœur qui lui administra une claque derrière la tête.

- Arrête de les embêter avec tes ânneries, rouspeta l'Alpha. Suis-moi, tu vas m'aider à préparer leur entrevue avec les autres, ça te fera les pieds.

Alexandra et Tristan ne se méprirent pas, cet échange sonnait faux et Dimitri ne se laisserait pas ainsi dicter sa conduite en temps normal. De plus, connaissant Alek, tout devait déjà être fin prêt pour leur rencontre avec les Alphas. Cela était très certainement un prétexte pour pouvoir s'eclipser quelques minutes. Pendant un instant, Tristan les envia. Il aimerait lui aussi avoir le temps de partager encore un moment d'intimité avec Alexandra avant que la lune ne se lève. Il se garda bien sûr de tout commentaire, refusant de priver ses amis de leur projet, et les regarda s'éloigner main dans la main, un sourire sur le coin des lèvres.

- Alek est trop fier pour l'admettre, mais il redoute ce qui va arriver, déclara Thea d'un ton sérieux.

Son regard émeraude était fixé sur la tente dans laquelle venaient de disparaître Alek et Dimitri. De marbre, son visage ne trahissait aucune émotion.

- Que voulez-vous dire ? Questionna Tristan, intrigué par ses propos.

- J'ai combattu plusieurs fois aux côtés d'Aleksander, et je ne l'ai jamais vu aussi nerveux.

- Je le comprends. Il doit être effrayé à l'idée de perdre Dimitri.

Thea se tourna vers Alexandra, harponnant ses émeraudes à la jeune femme. Ses sourcils étaient levés en signe d'étonnement, ce qui donna l'impression à Alexandra qu'elle venait de dire une bêtise.

- Il ne s'agit pas de ça. Ce genre de peur fait partie de son quotidien. Ce qu'il appréhende est ce qui arrivera après la batille. Il redoute un soulevement.

Tristan stoppa son gest et reposa sa cuillère. Thea avait réussi à attirer toute son attention. Les âmes-sœurs échangèrent un regard perplexe et se torunèrent vers leur interlocutrice. Cependant, celle-ci semblait s'être à nouveau plongée dans ses pensées. Lorsqu'elle releva les yeux vers leur visage interloqué, son air changea subitement.

- Mais ce n'est pas à moi de vous expliquer tout ça, conclut-elle en leur souraint.

Elle se leva de table et enjamba le banc. Tristan l'interpella avant qu'elle ne s'en aille.

- Un soulèvement ? De quoi s'agit-il ?

- Avec tout le respect que je vous dois, je vais m'abstenir de vous répondre. Je ne voudrais pas vous inquièter avant la batille pour de simples suppositions.

Trsitan et Alexandra échangèrent un nouveau regard, peu convaincus.

- Sur ce, je vous laisse. Nous nous reverrons lors du Conseil de Guerre.

Puis, Thea s'inclina et disparut dans la masse de Loups et d'Essentiels. Tristan et Alexandra restèrent muets un moment, cherchant à assimiler ce qui venait de se passer. Tout dans l'attitude de Thea décrivait un respect immense envers le couple, ce qui les avait mis assez mal à l'aise. Pourtant, ses mots restaient un mystère total pour eux et Tristan n'aimait pas ça.


Tristan inspira profondément. Il avait l'impression que sa veste pesait cent kilos sur ses épaules, que ses pieds avaient pris racine dans la terre. Incapable d'avancer, incapable de reculer, le poids de la responsabilité était trop lourd à porter. Des hommes et des femmes allaient perdre la vie cette nuit. Des familles allaient être détruites, des meutes allaient être dissoutes. Et Tristan ne pouvait s'empêcher de penser qu'il était à l'origine de tout cela. Si seulement il avait était plus discret, quelques années auparavant, alors qu'il se pensait encore seul au monde.

- Arrête de te torturer de la sorte, dragul meu. Ce serait arrivé tôt ou tard, les humains auraient fini par prendre conscience de notre existence. Ce n'est pas de ta faute.

Comme toujours, les mots d'Alexandra le rassurèrent. Elle lui saisit la main, nouant ses doigts aux siens, et l'entraîna à travers le campement. Tristan se laissa faire docilement, laissant son âme-sœur partager son fardeau. Elle posa sa tête contre son bras, tout en déambulant sous les arbres. Pendant un instant, il se remémora leur première balade nocturne à Dresde. Ce temps lui sembalit si loin à présent qu'il s'apprêtait à prendre part à une véritable guerre. Même s'il n'avait pas peur. Mais il n'avait pas peur. Avec Alexandra à ses côtés, il se croyait invincible.

- Bon, tu es prêt ?

Alexandra le tira de ses pensées et il s'apperçut qu'ils s'étaient arrêtés devant une tente un peu à l'écart et qui, à l'instar des autres, était noire. Croisant le regard déterminé de la jeune femme, il lui sourit et hocha la tête. La force d'Alexandra semblait être contagieuse et lui donna une nouvelle assurance. D'un pas décidé, il pénétra sous les tentures, escorté de sa moitié.

Une table pliable était disposée au centre, recouverte de cartes. Tristan eut la brève impression d'être de retour dans la bibliothèque d'Anca, lorsqu'Alexandra avait parsemé le parquet d'Atlas. Seulement là, il ne s'agissait plus de localiser des meutes, mais d'organiser un plan d'attque. Tristan espérait réellement que les Alphas présents autour de la table seraient plus experts que lui en la matière.

Ce ne fut que lorsqu'Alexandra s'éloigna de lui pour rejoindre les autres chefs de meute, que Tristan ressentit la pression qu'exercaient toutes ces auras dominantes sur lui. Il se sentit soudain vulnérable, comme s'il venait d'être privé de sa carapace. Les mots de Tatjana prenaient ici tout leur sens : ensemble, Tristan et Alexandra étaient forts.

Se retrouvant soudainement seul face à l'assemblée qui le fixait, il se ressaisit pour ne pas perdre la face. Courageusement, il balaya la pièce du regard, croisant les yeux de chaque Alpha. Il reconnut Alek, Dimitri, Thea, Tatjana, et même Andriy. Il y avait également deux autres hommes dont l'aura aurait fait courber l'échine de n'importe quel autre loup. Tristan salua l'assemblée et s'avança de quelques pas pour paraître plus serein.

- Merci d'avoir répondu à l'appel dans un moment où les loups ont besoin de s'unir pour vaincre.

Il y eut un moment de latence qui parut durer une éternité pour Tristan. Il ne fut pas certain d'avoir choisi les bons mots. Il n'avait jamais été très bon pour remplir ce rôle, même lorsqu'il s'était retrouvé devant un amphithéâtre plein d'élèves curieux.

Finalement, Tatjana hocha lentement la tête, comme pour lui signifier de poursuivre. Heureux d'être guidé par l'Oracle, Tristan s'exécuta. Mais avant qu'il ne puisse prononcer un mot, Alek avait fait résonner sa grosse voix de baryton.

- Entre petit ! Ordonna-t-il en se tournant vers l'entrée.

À peine quelques secondes plus tard, un jeune homme se glissa sous la tente. Ce fut avec étonnement que Tristan reconnut la chevelure sombre et le teint mat de Nicolae. Avec toutes ses préoccupations, il avait presque oublié le jeune Loup Gris. Ce dernier s'arrêta devant lui et lui offrit sa gorge en guise de salutation, avant de traverser la pièce plein d'assurance afin de rejoindre les autres autour des cartes.

- Tu es bien bête pour reconnaître ce Damné comme Alpha, petit, grogna un des deux hommes qui était inconnu à Tristan.

La tension monta d'un coup et tous retinrent leur souffle, attendant la réaction des insultés. Tristan joua la carte de la raison et resta de marbre face à cette provocation. Il ne fallait surtout pas perdre le contrôle maintenant. Cependant, Nicolae l'entendait différement. Il se campa devant son aîné, le menton relevé avec fierté.

- Et il faut être fou pour insulter l'Alpha le plus puissant lorsqu'il est entouré de plusieurs partisans.

Le jeune homme bomba le torse lorsque son interlocuteur ne trouva rien à répondre, et jeta un regard discret vers Tristan, cherchant son approbation. Ce dernier fixait son vassal avec étonnment, incapable de savoir si l'action du petit était héroïque ou suicidaire. L'expression sur le visage de l'offensé prédisait une explosion iminente, ce qui n'était pas pour rassurer Tristan. Heureusement, ou malheureusmeent, Dimitri vint à la rescousse avec ses taquineries douteuses.

- Pas de panique, Pavel ! S'exclaffa-t-il. Le petit a du cran, comme toi à son âge ! Laisse-le s'assumer. Après tout, on ne naît pas tous aussi dangereux que Thea.

L'Alpha des Loups de Norvège offrit un magnifique sourire carnassier.

- Allez, sois pas jaloux, Dimitri, rétorqua-t-elle. Peut-être qu'un jour ton chihuahua grandira et atteindra la taille de ma louve.

Le sourire aux lèvres, Dimitri plaqua ses deux mains sur son cœur et fit mine de s'écraser au sol, terrassé par la repartie de Thea. Un rire franc vint combler le tableau. Le dernier homme, resté silencieux jusque là, riait de bon cœur en donnant des tapes amicales dans le dos de Pavel.

Tristan échangea un regard avec Alek qui, de son air sévère, semblait lui intimer d'intervenir.

- Silence ! Ordonna-t-il. Nous ne sommes pas là pour plaisanter ou pour nous chamailler, alors concentrons-nous, si vous le voulez bien.

Il n'eut guère besoin de hausser la voix, la sommation avait calqué dans l'air et avait fait taire l'assemblée.

- Bien. Je ne suis pas venu pour me présenter comme Alpha ou quoi que ce soit d'autre, poursuivit-il, l'air serrein. Tout ce que je souhaite, c'est m'assurer de vaincre notre ennemei commun en subissant le moins de pertes possibles.

- D'après les informations de nos éclaireurs et du petit, commença Alek de sa voix grave, les humains vont attaquer sur plusieurs fronts.

Il s'avança vers les cartes et encercla une zone en rouge au centre de la forêt d'Hoia Baciu.

- Là, c'est la village d'Azriel.

En bleu, il forma un cercle plus petit au Nord du camp.

- Ici, c'est le camp des humains.

À l'Est, il détermina une nouvelle zone.

- Et là, en vert, c'est nous.

Tous s'étaient approchés de la table et observaient avec attention. Imperturbable, Alek poursuivit sa démonstration.

- Ils vont attaquer avec des troupes réduites au Nord, à l'Est et à l'Ouest. L'attaque sera frontale et aura pour unique objectif de concentrer les défenses d'Azriel sur cette zone.

Pour appuyer son propos, il traça de longues flèches bleues allant du camp militaire au village d'Azriel. D'après le schéma, Trsitan comprit que presque la totalité des frontières des Loups Gris serait assaillie en même temps.

- Un bataillon mené par notre Homme contournera le village et attaquera à revers, où les forces d'Azriel seront le moins nombreuses. L'objectif est de faire une percée et d'atteindre l'Alpha au centre du campement.

Il compléta le dessin et s'arrêta un instant. Tristan n'avait aucune idée de comment contrer une telle attaque. Cependant, l'air concentré de son âme-sœur lui indiqua qu'elle avait la solution.

- Il va falloir se séparer, intervint Wolodymyr de sa voix rocailleuse. Même si on arrive à stopper le bataillon venant du Nord, les barricades et les pauvres soldats d'Azriel n'arriveront jamais à retenir les humains.

Tous hochèrent la tête gravement, acquiesçant en silence.

- Il faut leur barrer la route, proposa Thea.

- C'est ce qu'Alexandra avait proposé, en effet, dit Dimitri. Ma chère, je vous en prie.

D'un geste théâtral, il invita Alexandra à expliquer sa théorie.

- Nous formerons quatre escouades d'environ soixante-quinze soldats, loups et Essentiels confondus. Chaque groupe sera mené par deux Alphas. Les deux premiers attaqueront latéralement les troupes humaines venues du Nord.

En vert, elle dessina des flèches horizontales. Les groupes partiraient de l'Est et de l'Ouest pour venir couper la route aux humains, les forcant à se recentrer au Nord. Les frontières Est et Ouest seraient alors sécurisées.

- Un autre groupe avancera derrière les troupes du Nord pour les prendre à revers. Avec l'appui des Loups Gris, nous encerclerons les humains.

Derrière le bataillon d'humains au Sud, elle rejouta un cercle. Puis, le pointant du doigt, elle poursuivit.

- Le quatrième groupe arrivera par le Sud et s'attaquera à la troupe de notre Homme. Normalement, les humains ne savent pas que nous sommes là. Et même s'ils le savent, ils n'ont aucune idée de notre nombre. Aussi, nous devons compter sur l'effet de surprise en s'assurant d'une bonne coordination entre nos unités. L'objectif du dernier groupe est d'empêcher l'Homme d'atteindre le campement.

- Vous le voulez vivant ou mort, votre humain ? Demanda gravement Pavel.

Trsitan et Alexandra échangèrent un regard ententu avant de répondre d'une même voix :

- Vivant.

Une nouvelle fois, tous les Alphas acquiecèrent. L'ordre était clair.

- Bien ! Repris Aleksander. Voici les équipes. Au Nord, Wolodymyr et Nicolae. À l'Ouest, Thea ira avec Dimitri. Tatjana et Andriy, vous serez à l'Est. Et Pavel au Sud avec Alexandra. Les autres, vous vous répartirez dans les groupes. Des questions ?

Tristan fronça les sourcils. Il ne pouvait pas rester en arrière dans un moment pareil ! Ne lui faisait-on pas assez confiance pour le mettre en première ligne ? Il jeta un coup d'œil interrogateur à Alek, qui opina pour toute réponse. Tristan n'eut pas le temps de protester car Alexandra le coupa.

- Tristan et moi sommes prêts à respecter notre part du marché. Nous vous avons promis l'immunité contre l'argent...

Un rire gras et vide l'interrompit.

- Les loups n'ont pas besoin de votre remède pour vaincre des humains ! S'offusqua Pavel, son accent russe roulant sur sa langue. Les russes sont des guerriers redoutables depuis des siècles.

- C'est vrai, nous nous battrons avec ce que la Déesse nous a donné, ajouta Andriy. Notre force est tout ce dont nous avons besoin.

Perplexes, Tristan et Alexandra s'interrogèrent du regard. Mais les deux Chefs de clan avaient dit leur dernier mot et sortirent de la tente, suivis par Wolodymyr. Pendant de longues secondes, Tristan resta interdit. Il avait l'impression d'être totalement inutile. Un loup au milieu d'autres, en retrait. Son loup gronda de mécontentement.

- Détends-toi, Tristan, le taquina Dimitri, où ton aura va tous nous tuer.

Revenant à la réalité, il braqua ses yeux sur le blond. Il se sentait opressé soudainement et ne parvenait pas à décolérer. Alexandra vint se coller contre son torse pour l'appaiser. Ses mains trouvèrent instinctivment les hanches de la jeune femme et il se calma.

- Maintenant qu'ils sont partis, nous allons pouvoir passer à la suite.

Tristan releva la tête et fixa Alek qui venait de s'exprimer. La suite ? de quoi s'agissait-il ? Comme si elle avait entendu ses questions, l'Oracle s'avança pour l'éclairer.

- Les Alphas de Russie et d'Ukraine n'ont pas confiance en toi car tu es un loup sans meute. Ils ont peur de tes partisans.

- A cause de l'ère des Damnés d'Alassar ? Questionna-t-il.

- Oui, c'est pour cela que nous avons attendu qu'ils partent. Ils seraient opposés à ce que nous allons faire.

Tristan fronça les sourcils, il avait un mauvais pressentiment. Alexandra déposa un baiser sur sa joue avant de s'éloigner pour rejoindre les autres.

- Nous voulons te reconnaître comme Roi.

- Quoi ? Sursauta Tristan. Pourquoi ? Vous n'en avez pas besoin ! Les Loups vont se battre sous une même bannière ! C'est ce que vous vouliez tous, non ?

Alek s'avança et posa une main sur l'épaule de Tristan.

- J'ai vu la Déesse te marquer devant mes propres yeux. Elle t'as choisi pour nous guider, et j'ai confiance en toi.

Tristan recula, déboussolé.

- Vous allier à moi vous mettrait en danger. Vos meutes ne seraient plus à l'abri. Le Conseil veut me voir mort et ils n'hésiteront pas à vous désigner comme leurs ennemis.

- C'est ton humain qui parle, pas ton loup, le coupa Thea. Ton esprit s'y oppose quand ton aura nous enveloppe de toute sa puissance.

- Il ne peut pas le faire seul, intervint Tatjana, la voix lointaine, comme plongée dans ses pensées. Ils sont forts ensemble.

Alexandra revint se placer à ses côtés et Tristan sentit cette détermination et cette force si caractéristiques de la jeune femme.

- Accepte, dragul meu, murmura-t-elle. Ils sont ta famille à présent. 

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