Chapitre 11
Son cœur s'arrêta et Tristan regarda le vieillard qui le pointait du doigt, horrifié. Son cerveau refusait de comprendre ce qui était en train de se passer, aucune pensée cohérente ne le traversa. Il ouvrit la bouche et la referma plusieurs fois, incapable de trouver quoi que ce soit pour se défendre de cette accusation. La peur s'empara de lui et il resta figé sur place. Il n'entendit pas les exclamations de stupeur des Alphas autour de la table, ni les ordres vociférés par Azriel et Nelu, ni la voix implorante d'Alexandra qui le suppliait de dire que rien de tout cela n'était vrai. Il n'entendait que son loup qui hurlait à la mort au plus profond de lui. Son univers venait de s'effondrer. Lors de ces derniers jours, sa vie lui avait semblé bien plus agréable. Il avait trouvé des personnes qui lui ressemblaient et avait été accepté par elles, il avait retrouvé une famille en Azriel et Elanora, il avait même trouvé l'amour. Et en quelques secondes, il avait tout perdu. Il était à nouveau l'exclu, le solitaire, le paria, qu'il avait été durant toute son existence. Il avait tout gâché.
Aussi, ne réagit-il pas lorsque des bras le tirèrent en arrière. Il ne méritait pas la confiance des Alphas, ni même celle d'Alexandra. Son cœur se brisa lorsqu'il l'entendit pousser un petit cri de terreur qui ressemblai davantage à un sanglot. C'était lui l'origine de toute cette peine qui avait envahi la jeune femme. Il n'avait pas le droit de le faire, mais il lui avait menti. Depuis le début, elle lui avait fait confiance, et depuis le début, il n'avait pas été honnête.
Ce ne fut que lorsque son dos heurta durement le mur de bois qu'il sortit de sa torpeur. La main puissante de Nelu était pressée contre sa gorge et le Chef de Guerre grondait en avertissement. La menace passa plutôt bien et Tristan comprit que la moindre tentative de sa part lui serait fatale. Tous les yeux étaient sur lui et il se sentit soudainement seul au monde.
- Un Damné ! Un mordu ! Continuait de s'égosiller l'Ancien. Il n'a pas sa place parmi nous ! Tuez-le !
Ce fut le coup de grâce pour Alexandra qui laissa les larmes dévaler ses joues, incapable de se contrôler plus longtemps. Rien ne se passait comme prévu. Pourquoi trouver l'âme-sœur faisait-il tant souffrir ? Pourquoi ne lui avait-il rein dit ? Elle se sentit trahie et son cœur vola en éclats. Elle ne serait plus jamais heureuse. Comment le pourrait-elle alors que sa moitié était condamnée à mort pour le simple fait d'avoir été mordu ? Le souffle commençait à lui manquer. Elle avait besoin d'air, besoin de partir loin, très loin, dans un endroit où tout cela ne serait jamais arrivé. Mais elle resta là, trop boulversée pour bouger.
Tristan fut choqué par la sentence. Il n'avait jamais songé au moment où sa vie prendrait fin, mais maintenant qu'il y était, cela lui semblait beaucoup trop tôt. Il entendit les Alphas approuver la décision de l'Ancien et chercha désespérement le soutien d'Azriel ou d'Elanora. Mais tous deux paraissaient aussi ébranlés que lui et restaient muets. Cependant, la pensée de sa mort imminente s'évanouit quand il entendit Alexandra éclater en sanglot. Il avait besoin de s'excuser, de la rassurer, de la réconforter, de lui dire que tout allait bien se passer. Sans se soucier des doigts qui encerclaient son cou, il tenta de rejoindre son âme-sœur pour la prendre dans ses bras. Mais Nelu l'en empêcha et le repoussa contre le mur dans un geste sec. Tristan força davantage, les yeux toujours rivés sur son Alexandra dévastée.
- Lâche-moi ! Ordonna-t-il au Chef de guerre dans un grognement agressif.
Il se débatit alors que son adversiare le plaquait contre la paroi en tonnant des phrases incompréhensibes en Roumain. Tristan sentit la colère monter en lui. Rien ne se dressait entre lui et Alexandra. Rien. Son loup prit le dessus et il sentit une force nouvelle courrir dans son sang et dans ses muscles. Il dégagea les mains de Nelu qui le maintenaient dans un mouvement rapide et lui asséna un coup poing d'une telle puissance, qu'il entendit le cartilage de son nez craquer. Il se précipita vers Alexandra et s'agenouilla près d'elle, mais avant qu'il ait pu prendre ses petites mains tremblantes entre les siennes, on lui saisit les épaules et le força à reculer. Furieux, il commença à bouger dans tous les sens pour se dégager, mais deux nouveaux gardes avaient débarqué, et il ne parvint pas à prendre le dessus. Tristan fut maintenu à genoux sur le sol et un des gardes lui passa de lourdes chaînes aux poignets qui étaient forgées dans un métal clair et solide. De l'argent. À la stupeur de tous, les chaînes l'immobilisèrent mais ne le firent pas souffrir.
- Il ne craint pas l'argent, murmura Philippe, ébahi.
- Quel est donc ce maléfice ? Demanda Maria.
- C'est un loup dangereux. Nous ne pouvons le contrôler, constata Stephen.
- Il représente une menace, il faut s'en débarrasser, proposa Asmâhan.
Les auras des Alphas avaient drastiquement changées en à peine quelques minutes. La peur de l'inconnu les avait rendus méfiants et agressifs. Une fois encore, Azriel ne réagit pas, son visage fermé indiquait qu'il était en profonde réflexion. Alors que les chefs de meutes du monde entier continuaient d'exprimer leur opinion, l'attention de Tristan restait portée sur Alexandra, qui ne cessait de pleurer.
- Alexandra, l'appela-t-il à demi voix. Alexandra, regarde moi.
Nelu qui se remettait de la défaite humiliante qu'il venait de subir, se dirigea d'un pas rageur vers lui. Son nez était bleu et formait un angle bizarre. Du sang lui recouvrait la partie inférieure du visage et inondait sa bouche. Le Chef de guerre sortit un long couteau à la lame recourbée et se plaça derrière Tristan. D'une main il lui agrippa les cheveux puis il posa le tranchant de la lame sur son cou, prêt à lui trancher la gorge.
Mais Tristan n'en avait que faire. Ce qu'il voulait, c'était voir les yeux d'Alexandra pour lui implorer de le pardonner. C'était tout ce dont il avait besoin. Ce qui adviendrait après lui importait peu.
- Alexandra, appela-t-il à nouveau, sentant la peau de sa gorge s'écorcher sur la lame. Regarde-moi, mon cœur.
Cette fois, Alexandra leva vers lui ses yeux rougis par les larmes. Tristan lui sourit et tenta de lui faire parvenir grâce à leur lien des sentiments de réconfort, de soutien, de regret, d'amour. Il s'exprima avec son cœur, sans un mot, les yeux plongés dans les siens. Les larmes cessèrent de couler sur les joues d'Alexandra et à son tour, elle lui fit parvenir tout l'amour qu'elle ressentait pour lui. Car même s'il était un Damné, elle l'aimait de manière inconditionnelle.
- Je suis désolé, murmura-t-il.
- Il est trop tard pour l'être, Damné, ricana Nelu en pressant davantage le couteau contre sa chair. Bientôt, tu mourras.
Le loup de Tristan gronda et il sentit la haine bouillir dans ses veines. Mais soudain, de manière tout à fait inattendue, Azriel se manifesta.
- Ca suffit ! Rugit-il, faisant taire tout le monde. La décision du sort de Tristan me revient, il est mon prisonnier et est sur mes terres. Et je ne le tuerai pas.
- Pourquoi ? S'offusqua l'Alpha des loups d'Amérique Latine. Il représente un danger pour toute notre race !
Azriel, mécontent de voir son autorité défiée, se leva pour se dresser en rempart entre Tristan et les Alphas.
- Parce que la déesse l'a choisi comme âme-sœur pour ma fille, tonna-t-il. Et je ne permettrai pas qu'elle meurt par sa faute.
- Non, c'est impossible, protesta l'Ancien. Ta fille s'est fourvoyée. La déesse ne lierait jamais une future Alpha à un Damné.
- Et pourtant c'est la vérité, rétorqua Elanora d'une voix dure. Ils sont unis par le lien sacré. S'il meurt, Alexandra mourra aussi.
Les Alphas recommencèrent à s'indigner et Azriel tapa du poing sur la table, les forçant une nouvelle fois au silence.
- Ce problème ne vous concerne plus, dit-il d'un ton catégorique. Nous avons des choses bien plus importantes à discuter ce soir, et bon nombre de décisions à prendre.
A contre-coeur, ses pairs hochèrent la tête. Puis, Azriel se tourna vers Nelu qui attendait les ordres, plein de rage pour ne pas avoir l'honneur de trancher la gorge de Tristan.
- Enferme-le, ordonna-t-il. Je ne veux surtout pas qu'il s'échappe. Que personne ne s'approche de lui. Je déciderai de son sort plus tard.
Il n'accorda pas un regard au jeune homme à ses pieds et reporta son attention sur les membres du Conseil. Tristan avait peur de la décision que prendrait Azriel. Il ne supporterait pas d'être séparé d'Alexandra.
Les gardes le tirèrent sans ménagement hors de la maison et l'emmenèrent derrière un bâtiment, un peu plus loin dans la forêt. Il y avait une petite construction en briques dont Nelu déverrouilla la porte à l'aide d'une grosse clef. À l'intérieur, ils traversèrent le seul couloir et arrivèrent devant ce qui ressemblait à une cellule de prison. La pièce ne devait pas faire plus de six mètres carrés et ne contenait qu'une paillasse posée à même le sol. Les barreaux étaient en argent, comme les longues chaînes qui pendaient au mur. Il n'y avait aucune fenêtre pour éclairer l'endroit et l'air était glacial. Le Chef de guerre et les gardes enfilèrent des gants et Nelu ouvrit la porte de la cellule. Tristan ne se débatit pas lorsque les gardes lui attachèrent les poignets et les chevilles à l'aide des lourdes chaînes, sachant pertinemment qu'il ne pourrait pas s'échapper. Avant de s'en aller, Nelu se dressa devant lui, un sourire mauvais tordant ses lèvres ensanglantées.
- Ne te rejouis pas trop vite de ton sort, Damné. Un loup seul finit par mourir. Tout comme un loup affamé et glacé.
Puis, il lui asséna un coup vengeur à la tempe et Tristan s'écroula sur la paillasse répugnante, complètement sonné.
Il ouvrit les yeux difficilement et sa vue de lycanthrope mit un petit temps avant de s'adapter à l'obscurité de la cellule. La première chose qu'il sentit fut le froid mordant qui le paralysait. Il avait l'impression que ses os étaient faits de glace et qu'ils se briseraient au moindre mouvement. Un nuage blanc se formait à chacune de ses expirations et il commença à trembler. Cherchant à se réchauffer, il se redressa péniblement et ramena ses genoux contre son torse. Tous ses mouvements étaient accompagnés de cliquetis métalliques produits par les chaînes qui le retenaient au mur. Ses dents se mirent à s'entrechoquer alors que son esprit se remettait en marche. Il se demanda quelle heure il pouvait être, mais il lui fut impossible de déterminer s'il faisait jour ou nuit à l'extérieur.
Alors qu'il repensait au Conseil désastreux auquel il avait assisté, sa tête se mit à tourner. Qu'allait-il advenir de lui ? Quelle serait la décision d'Azriel ? Il avait dit qu'il ne le tuerait pas, mais Tristan savait qu'il ne risquerait pas non plus la vie de sa fille en la laissant aux côtés d'un Damné. Il réfléchit à tout ce que pourrait choisir l'Alpha. Un espoir frivole lui regonfla le cœur pendant un instant lorsqu'il pensa qu'Azriel lui apprendrait à contrôler son loup et qu'ainsi, il pourrait rester. Mais l'hypothèse bien plus probable qu'il l'expulse de ses terres, loin de sa fille, balaya cet infime espoir. Ou bien choisirait-il de le laisser croupir ici éternellement, qui sait ? Il soupira. Peut-être que Nelu avait raison après tout. S'il sortait vivant de cette cellule, être loin de son âme-sœur le ferait dépérir. Il n'imaginait pas une vie sans elle. Comme il aimerait qu'elle soit là, avec lui, tenant sa main, passant ses doigts dans ses cheveux. L'immense solitude qu'il ressentait lui étreignit le cœur et ses pensées dérivèrent vers de noirs horizons. Il songea au jour où sa vie avait basculé, douze ans plus tôt.
C'était un jour comme tous les autres. Le soleil du mois de mai brillait sur les Alpes. Les crissements des premières cigales envahissaient la vallée, accompagnés par le bruissement des feuilles que le mistral venait secouer. C'était un temps merveilleux pour les amateurs des montagnes. Tristan venait d'avoir vingt ans, et il était parti une semaine dans le Sud de la France pour profiter au maximum de la vie qui s'étalait devant lui. Il accéléra un grand coup, faisant vrombir sa moto, et reprit son ascension du pan de la montagne. Depuis toujours, il avait été un grand amateur de deux roues aussi, contre l'avis de sa mère, dès qu'il avait été en âge de monter sur l'engin, son père lui avait appris à conduire. Les pneus de la bécane crissèrent sur les graviers lorsqu'il franchit une épingle à cheveux du chemin sinueux qu'il suivait. Le vent s'engouffrait dans son blouson de cuir. Il se sentait libre comme l'air.
Mais alors qu'il continuait de monter, un animal énorme le pércuta de plein fouet et le fit tomber de sa moto. L'engin glissa sur plusieurs mètres dans un grincement métallique et son conducteur dévala la pente qu'il venait de gravir. Une fois en bas, il se releva doucement, s'attendant à sentir une quelconque douleur suite à sa chute. Heureusement, son casque et sa veste l'avaient suffisamment protégé pour qu'il ne s'en sorte qu'avec quelques bleus.
La peur provoquée par le choc lui avait coupé le souffle et il eut soudain très chaud. Il ôta rapidement son équipement et put respirer à nouveau. Il se crut hors de danger pendant un bref instant, jusqu'à ce qu'il entende un bruit sourd venir du haut du sentier. Il leva les yeux et tressaillit en découvrant une bête d'une taille colossale au pelage blanc et aux pupiles rouges sang. Bien qu'il le prit d'abord pour un genre d'ours, Tristan comprit qu'il s'agissait en réalité d'un loup lorsque l'animal montra ses crocs acérés. Il n'avait jamais entendu parler d'un loup de cette taille. Les prunelles rouges du prédateur étaient fixées sur lui mais il ne bougea pas, devinant que le mouvement l'exiterait davantage. Tristan vit que le pelage clair de l'animal était parsemé de cicatrices de toutes tailles et de toutes formes.
Soudain, le loup s'élança vers lui en courant, et Tristan choisit ce moment pour prendre ses jambes à son cou. Il ne resta pas sur le chemin parsemé de gravillons, jugeant qu'une chute signerait son arrêt de mort, mais il coupa à travers les arbustes qui poussaient sur le flanc de la montagne. Il courait à en perdre haleine. Jamais il n'avait eu aussi peur de toute sa vie. Et lorsqu'il pensa avoir semé le carnivore, un poids s'abattit sur ses épaules et il bascula en avant, s'étalant de tout son long sur le sol poussiéreux. Il sentit les pattes lui écraser la colonne vertébrale et resta pétrifié de terreur. Alors qu'il pensait que sa fin était arrivée, le loup le mordit à l'épaule. Les crocs pointus traversèrent sans difficulté sa chair et ses muscles et ne s'arrêtèrent qu'à l'os. Tristan hurla de douleur et son cri d'agonie résonna jusque dans la vallée. Il avait tellement mal qu'il ne s'aperçut pas que le prédateur n'était plus là. Sa tête commença à tourner et sa vision se troubla, puis il s'évanouit.
Tristan se souvenait parfaitement de cet instant ainsi que de sa première pleine lune. Le changement de corps avait été tellement douloureux qu'il avait là aussi perdu connaissance. C'était lors de cette nuit-là qu'il avait tué pour la première fois. Et même s'il ne s'était agit que d'une biche, la réalisation de ce qu'il était devenu l'avait rendu malade. Il avait eu de la fièvre pendant plusieurs semaines et avait prié pour que tout cela n'ait été qu'un cauchemar. Mais un cycle lunaire plus tard, ça avait recommencé. Il se rappelait avoir d'abord pensé qu'il pourrait continuer à vivre sa vie normalement, en se cachant lors de ses transformations. Cependant, son opinion changea au matin de sa septième pleine lune, lorsqu'il revit le visage figé d'horreur de son meilleur ami, mort. Il était devenu un meurtrier , il avait tué de sang froid celui qu'il considérait comme un frère. Il était un monstre. Ce fut à partir de ce moment qu'il coupa les liens avec sa famille et ses amis, vivant une vie de solitaire, se déplaçant sans cesse pour ne pas attirer les soupçons. Puis, il s'était lancé à la recherche d'un remède, espérant pouvoir un jour retrouver une vie normale. Mais au fil des années, ses espoirs s'étaient usés pour devenir ce qui ressemblait aujourd'hui à une vaine ambition.
Jusqu'à il y a deux jours, où Alexandra l'avait introduit dans la meute et lui avait redonné confiance. Mais à nouveau, cette douce période n'avait pas duré, et il était là à présent, au fond d'une prison, à attendre d'être jugé. C'était peut-être tout ce qu'il méritait, après tout.
Il frissonna et serra davantage ses bras autour de ses genoux. Puis, le ventre vide, transi de froid, l'esprit au loin et les yeux perdus dans le vide, il attendit.
Ce qui lui parut des heures plus tard, il entendit une porte s'ouvrir dans un grincement, suivie de pas précipités qui résonnaient dans le couloir. Il vit une silhouette approcher et ses yeux furent agressés par la lumière que dégageait la torche que l'inconnu tenait. Lorsque ses yeux s'adaptèrent à nouveau, il se leva précipitament dès qu'il reconnut Alexandra. Leurs yeux se croisèrent et la jeune femme se mit à courir jusqu'à lui. Elle laissa tomber la torche au sol et agrippa ses mains gantées aux barreaux d'argent. Tristan s'approcha de la porte de la cellule et posa ses mains sur les siennes. Ils ne dirent rien pendant un moment, se dévisageant comme s'ils se voyaient pour la première fois. Tristan vit une larme perler au coin de l'œil d'Alexandra et il sourit tendrement.
- Chut, ne pleure pas, murmura-t-il de sa voix rendue rauque par le froid.
- J'ai eu tellement peur pour toi. Après le froid de cette nuit, j'ai cru que...
Elle ne parvint pas à finir sa phrase, les mots restèrent coincés dans sa gorge. La larme glissa sur sa joue et Tristan l'essuya avec son pouce. Comme revenue à la réalité, Alexandra fouilla dans le sac qu'elle avait apporté avec elle et en sortit une épaisse couverture. Elle la lui tendit à travers les barreaux et replongea ses mains au fond du sac pour en extraire cette fois un thermos et des gâteaux.
- J'ai pensé que tu aimerais manger quelque chose.
Le sourire de Tristan s'agrandit. Il s'enroula tant bien que mal dans la couverture, ses mouvements rendus difficiles par les chaînes. Puis, il profita de la nourriture que lui avait apporté Alexandra.
- Comment as-tu fait pour venir ? Demanda-t-il. Ils t'ont laissé passer ?
- Non, rigola-t-elle, amusée par l'innocence de son âme-sœur. Je me suis débarrassée du garde, voilà tout.
Tristan pouffa à son tour mais redevint vite sérieux lorsqu'il vit les yeux pleins de questions de la jeune femme. Naturellement, elle était aussi venue pour obtenir des réponses.
- Pourquoi ne m'as-tu rien dit ? J'aurais pu t'aider.
- J'ai voulu te le dire quand tu m'as expliqué qui tu étais vraiment. Mais quand tu as dit que vous viviez en harmonie avec votre loup, j'y ai renoncé. Je ne voulais pas t'effrayer.
Alexandra hocha la tête mais ne dit rien. Un silence emplit la cellule, que Tristan ne supporta pas.
- Pourquoi ont-ils si peur des Mordus ? Questionna-t-il. Ce n'est pas comme si nous avions choisi notre sort.
- C'est à cause d'une vieille légende. On dit que lorsque la lune fit don à un humain du pouvoir de se changer en loup, celui-ci vit cela comme le signe qu'il devait être le maître de tous. Il se présenta devant les premiers Alphas et leur ordonna de se soumettre à lui. Naturellement, ils refusèrent et l'homme se jura de les tuer. Il leva une armée en mordant d'autres humains, dans le seul but de régner sur les loups du monde entier. La déesse le punit en le condamnant lui et ceux qui l'avaient rejoints, à la folie. Suite à cela, le premier Conseil décida qu'il serait interdit de mordre un humain car celui-ci deviendrait incontrôlable. Nous n'avons plus entendu parler d'un Mordu depuis lors. Jusqu'à toi.
- Donc ils ont peur que je prenne le pouvoir ? Mais c'est ridicule ! S'emporta-t-il.
- Les légendes disent-elles vraies ? Tu n'es pas en harmonie avec ton loup ? Comment cela se peut-il ? Ce doit être terriblement douloureux.
Tristan baissa les yeux, honteux, et lui raconta son expérience, bien différente de celle de la jeune femme. Quand il eut fini, il vit le yeux emplis de pitié avec lesquels elle le fixait.
- N'aies pas pitié de moi, je suis un monstre après tout. Tu ferais mieux de me laisser.
- Je t'interdis de dire ça, Tristan ! Tu es la personne la plus gentille que je connaisse et il est hors de question que je t'abandonne. Nous sommes liés par la déesse je te rappelle !
- Cela va-t-il vraiment empêcher ton père de nous séparer ? dit-il, sarcastiquement.
- Non, tu as raison, souffla-t-elle. Il a encore ce pouvoir tant que nous n'avons pas fait le rite du sang. L'échange de sang rend les âmes-sœurs inséparables, personne n'a le droit de les éloigner l'un de l'autre. Mais tant que le rituel n'est pas complété, l'Alpha peut ordonner aux loups de briser le lien qui les unit.
Tristan tressaillit. Il refusait de se séparer d'elle. Ne voulant en écouter davantage sur ce sujet, il posa une autre question.
- Quelle décision a été prise par le Conseil, à propos de l'homme de Dresde ?
- Ils ont choisi de tenir leurs meutes prêtes à l'attaque et ont envoyé des hommes à ses trousses. Mon père craint une guerre.
Des cris dehors attirèrent leur attention et Alexandra se tourna vers le bout du couloir, paniquée.
- Il faut que j'y aille avant qu'ils ne nous voient ensemble ou ils vont s'en prendre à toi. Je reviendrai te voir, c'est promis.
Tristan lui carressa la joue en guise d'au-revoir et la regarda s'éloigner, à nouveau envahi par la tristesse.
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