Chapitre 9


Chapitre 9.

Le lendemain, ils reprirent leur route pour Fendeval. Même si la curiosité était dévorante, Aragorn tint parole et il n'interrogea plus Legolas à propos de la vision qu'il avait eu. À vrai dire, ils ne parlèrent que peu. Seul Gimli soutenait la conversation.

— Vous êtes tous les deux aussi muets que des cailloux aujourd'hui ! s'exclama le nain, exaspéré. Ce n'est pas drôle du tout !

— Désolé, Gimli, j'ai la tête... ailleurs, s'excusa Legolas, penaud.

— Ah, oui ? s'étonna son petit interlocuteur. J'aimerais bien savoir à quoi tu peux penser comme ça !

Aragorn fit s'accélérer son cheval pour galoper côte-à-côte avec la monture que partageaient ses deux amis.

— Allons, Gimli, ne sois pas aussi indiscret. Legolas a droit, comme nous, à son jardin secret.

L'elfe le remercia d'un hochement de tête pour son intervention.

— Un jardin, un jardin..., répéta le nain en boudant, j'irais bien lui arracher quelques fruits, moi !

Par fruits, il entendait là quelques secrets... Legolas était bien trop mystérieux ces temps-ci. Il n'avait jamais été très bavard, mais là, c'était à un autre niveau. Aragorn était curieux aussi, mais il ne dit rien, il avait promis...

Après toute une journée à chevaucher, ils s'installèrent pour la nuit. Comme à son habitude – et après avoir entretenu la conversation pour trois toute la journée – Gimli s'effondra d'un lourd sommeil presque tout de suite. Aragorn demeura seul, autour du feu, avec Legolas.

— Il est vrai que tu as été bien silencieux aujourd'hui, souffla le roi.

L'elfe soutint son regard.

— Je n'était pas le seul.

— En effet.

— Je crois que nous étions troublés par les mêmes choses, mais j'ai peur de m'avancer sur ce sujet. Nous arriverons bientôt à Fendeval et, alors, nous y verrons plus clair.

Il était très important qu'il parle à Elrond à propos de ces visions qu'ils avaient eu tous les deux.

— Je l'espère, mon ami, je l'espère.

Comme il n'y avait rien d'autre à dire, Aragorn s'allongea et ferma les yeux pour la nuit. Troublé, Legolas resta un long moment sans bouger. Puis, il alimenta le feu pour qu'il tienne encore quelques temps. Se rassoyant, il posa une main sur le flanc du roi pour le ramener un peu contre lui, jurant de l'avoir vu frissonner, mais ce n'était peut-être que le fruit de son imagination... Il ne savait lui-même plus trop quoi penser. La vision d'Aragorn nu n'arrêtait pas de rejouer en boucle dans sa tête.

Il attendit que l'aube se lève, puis il agit comme à l'habitude. Ils remontèrent à cheval après avoir plié le campement. Plus ils approchaient de Fendeval, plus Legolas s'agitait. Il était à la fois curieux et nerveux à l'idée d'avoir... des réponses. Il allait au-delà de son destin, mais c'était la première fois que ça lui paraissait aussi effrayant et incertain. Il ne s'était pas senti ainsi depuis très longtemps. Même quand ils avaient mené l'assaut final contre le Mordor, il s'était senti plus confiant que maintenant, alors qu'il retournait pourtant chez-lui, l'endroit qu'il connaissait le mieux. Pourquoi se sentait-il ainsi ? Les sentiments étaient une chose si particulière...

— J'espère que tu seras plus bavard qu'hier, gronda Gimli en montant sur le cheval qu'ils partageaient.

— Je ne peux rien promettre, sourit l'elfe, mon esprit est... embrumé par quelques pensées que ce soit.

— Et j'aimerais bien savoir elles sont de quelle nature, moi !

— Moi aussi..., soupira Legolas.

Si seulement lui-même le savait !

Ils cavalèrent tout l'après-midi, puis tous les après-midis suivants. Les jours s'écoulèrent semblables les uns aux autres et Legolas et Aragorn en arrivèrent à un peu oublier la raison de leur voyage. Ils n'avaient plus eu de visions depuis plusieurs jours. Ne plus avoir à se préoccuper de leur destinée les rendit plus loquaces au grand bonheur de Gimli. Tout était exactement comme avant.

Puis, au septième jour, ils aperçurent les grandes montagnes brumeuses et chutes d'eau sur lesquelles se juchait Fendeval au loin. Ils firent accélérer les chevaux et galopèrent aussi vite qu'ils purent, pressés d'arriver à destination. Ils traversèrent un petit pont de pierres, puis firent leur entrée dans la cité où des elfes les accueillirent pour les aider à décharger leur monture. Elrond avait dû avoir vent de leur visite. Peu de choses lui échappaient.

— Elrond vous attend dans la salle du Conseil, leur annonça un des elfes comme de fait.

Laissant les chevaux entre bonnes mains, ils prirent la direction indiquée. Legolas souffla un bon coup. Il était enfin de retour à la maison. Quant à Aragorn, il se sentait aussi quelque peu chez-lui. Il avait grandi entre ces murs. Seul Gimli était un peu moins à l'aise.

Quand ils entrèrent dans la salle du Conseil, Elrond leur tournait le dos.

— J'attendais votre arrivée. Vous devez avoir d'importantes questions à l'esprit.

— Seigneur Elrond, dit Legolas en s'inclinant, c'est le cas. J'ai eu d'étonnantes prémonitions et j'espérais que vous pourriez me porter une aide.

— J'ai aussi vu des choses, rajouta Aragorn précipitamment.

— Il n'y a donc que moi qui n'ait rien vu du tout ? bougonna Gimli de sa voix rauque.

Elrond se tourna vers eux en pinçant les lèvres. Il plissa les yeux, scrutateur.

— Vous devrez me raconter ce que chacun de vous a vu sans omettre de détails.

Aragorn toussa bruyamment, tandis que Legolas rougissait. Ils n'avaient aucune envie de raconter les détails de leurs visions l'un devant l'autre... Ils étaient amis depuis de nombreuses années, mais cela dépassait tout.

— Vous préférez le faire en privé ? hasarda l'elfe aux cheveux noirs.

Ils acquiescèrent tous les deux.

— Tu veux commencer ? demanda Legolas à Aragorn.

Ce dernier essaya de percevoir ce à quoi son compagnon pensait, mais sans y parvenir, il hocha la tête. Un d'eux devait bien être le premier à se jeter à l'eau. Se retrouver seul avec Elrond avait quelque chose d'un peu oppressant. L'homme avait été son tuteur et l'avait élevé comme son fils, mais il était ensuite tombé amoureux de sa fille et cet amour avait presque poussé Arwen à abandonner sa condition elfique pour embrasser son humanité. Bien sûr, tout cela n'avait pas été au goût d'Elrond qui avait eu du ressenti pour Aragorn, percevant cette amourette comme une trahison. Ils avaient fait la paix entre eux quand Elrond était venu lui porter l'épée d'Isildur qu'il avait lui-même fait reforgée, puis quand Aragorn avait finalement décidé de laisser Arwen partir sur les terres sacrées. Il n'avait pas voulu qu'elle perde son immortalité pour lui. Aujourd'hui, Elrond et Aragorn s'étaient réconciliés, mais il subsisterait toujours une étrange atmosphère, une tension.

— Aller, raconte-moi.

Aragorn souffla un bon coup et commença à parler.

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