Épilogue
Un immense corbeau se posa sur la grande étendue d'herbe qui entourait une jolie petite maison de campagne. Des parterres de fleurs multicolores l'ornaient et les portes et les fenêtres étaient joliment précédées de un ou plusieurs pots suspendus où du lierre grimpait le long de ses chaînes pour envahir la façade devenue végétale.
Un croassement résonna dans l'immensité du silence régnant dans la nuit noire qui venait de commencer son règne sur toute une partie du globe. Les lumières de la maison offrait une luminosité réconfortante alors que l'obscurité recouvrait le jardin immobile.
Un léger bruissement se fit entendre, plus fort cependant que la brise qui soufflait ce soir-là. Une longue ombre se dressa entre les hautes herbes qui avaient fini par prendre le contrôle des côtés de l'allée caillouteuse qui menait à la maisonnette. Un homme se tenait là où quelques instants plus tôt, le corbeau s'était posé en silence.
Cet homme marcha, faisant crisser ses semelles contre les dizaines de cailloux blancs et noirs qu'il foulait de ses pieds. Il frappa deux fois bien distinctement à la porte de la maison, attendit quelque secondes et recommença une seconde fois.
Une belle femme brune vint lui ouvrir. Elle serra l'homme dans ses bras en affichant un sourire tout à fait radieux.
Elle le fit pénétrer dans leur demeure avant de se diriger vers la cuisine américaine qui s'ouvrait sur un salon confortablement aménagé. Deux fauteuils à l'apparence particulièrement moelleuse et un canapé recouvert d'une couverture épaisse encadraient une petite table où une tasse au liquide encore fumant était posée.
- Les informations de la petite louve se sont-elles révélées exactes ? demanda la femme d'une voix douce en se dirigeant vers la tasse.
L'homme la regarda avec amour en lui expliquant:
- Nous sommes en train de les expérimenter...
- Nous n'allons plus tarder à pouvoir lui transmettre notre héritage, complèta la femme, soulagée, en soufflant sur son chocolat chaud.
L'homme hocha la tête et se dirigea vers une porte attenante à la cuisine. Elle semblait assez épaisse et un gros loquet de fer enfoncé profondément dans le bois la fermait. Il prêta à nouveau attention à sa femme en lui demandant:
- Morgane, où ranges-tu le chocolat déjà ?
La femme désigna une porte parmi les quatres qui fermaient les deux petits placards posés le long du mur de la cuisine. L'homme s'en approcha et trouva le fameux chocolat avant de prendre deux tasses dans un autre rangement.
- Je vais lui en faire un... Il est temps qu'il soit conscient de ce que nous allons lui offrir.
- Tu es sûr que c'est le bon moment, Marcus ? demanda Morgane en fixant la porte vers laquelle s'était dirigé son mari.
L'homme hocha la tête en lui expliquant:
- Nous n'allons plus tarder à avoir tous les éléments... Je veux qu'il fasse ce que nous voulons de son plein gré.
La femme pinça les lèvres avant de poser sa tasse sur le bar et de se diriger vers la grande porte de bois. Elle en poussa le loquet, provoquant un léger grincement, dû à la rouille accumulée au fil des jours. Des sirènes retentirent soudainement au loin.
Morgane tourna la tête vers la source de ce vacarme et vit des lumières clignotantes bleues et rouges, à quelques kilomètres de leur maison. Le périmètre n'était pas spécialement éclairé et ces lumières ressortaient étrangement, ainsi que les grandes flammes orangées qui semblaient sévir à ce même endroit.
- On dirait que c'est à côté de l'entrepôt... remarqua Marcus en se dirigeant vers la fenêtre.
Morgane allait répondre quelque chose mais la porte qu'elle venait de déverrouiller s'ouvrit d'un seul coup, tapant contre le mur. Une ombre très rapide en surgit et fit voler en éclat la tasse posée au bord du bar à cause de la violente rafale qui suivit ce mouvement.
Un bruit sourd retentit quand l'adolescent qui se cachait dans sa vitesse voulut franchir la porte mais qu'il se heurta à un mur invisible. Il fut aussitôt expulsé à trois mètres de sa porte de sortie. Il se releva, ses cheveux bruns foncés lui tombant, emmêlés et désordonnés, devant les yeux.
La femme s'approcha de lui mais l'adolescent s'enfuit à l'autre bout de la pièce.
- Pourquoi je ne peux pas partir ? Vous me séquestrez ? s'écria-t-il, effrayé, en portant une main à son poignet.
Il baissa les yeux sur son articulation lorsqu'il n'y sentit rien.
- Et où est mon bracelet ?
Morgane dénuda son propre poignet pour laisser apparaître un joli petit bijou, assez simple en apparence. D'une couleur jaune orangé, il ne paraissait pas flexible, et de ce fait assez fragile. À l'intérieur semblait être figé une étrange plante aux épaisses feuilles vertes, accompagnées de petites fleurs aux pétales jaunes, qui se fondaient parfaitement dans la matière qui les emprisonnait.
- Nous te l'avons enlevé... Momentanément, bien sûr ! expliqua la femme, en essayant de prendre une voix rassurante.
- C'est ma mère qui me l'avait offert, s'apitoya le garçon en tentant de s'approcher doucement de la femme pour éventuellement lui prendre le bracelet de force.
La femme replaça sa manche sur le bijou en soufflant. Elle regarda son mari quelques instants, à peine une seconde, et redirigea son regard vers l'adolescent.
- Ta mère adoptive...
Le garçon arqua un sourcil en ouvrant la bouche sur une interrogation muette. La femme bougea le pied comme pour avancer d'un pas vers le garçon mais resta finalement à sa place en lui annonçant d'une voix émue:
- Je suis ta véritable mère...
Le garçon se redressa et observa les deux adultes se trouvant face à lui. C'était impossible. Incohérent avec tout ce qu'on lui avait raconté pendant son enfance, pendant son adolescence. Pendant tout sa vie. Ses parents étaient morts. C'est en tout cas ce qu'avait déduit la femme qui l'avait accueilli, sa future mère adoptive, en le trouvant abandonné dans une ruelle sombre comme il en existe maintenant peu dans les villages.
- Mes parents biologiques sont morts, répondit-il avec le moins d'émotions possible dans la voix, même si son coeur s'était mis à battre plus rapidement.
- Apparemment pas... souligna Marcus en se désignant ainsi que sa femme.
L'adolescent allait rétorquer que si ces deux inconnus étaient réellement ses parents, ils ne l'auraient pas enfermé dans une pièce pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois, lorsque quelqu'un frappa à la porte, qui était restée ouverte depuis la tentative de fuite du jeune homme.
Marcus se tourna vers la personne qui venait d'interrompre la discussion familiale et vit une jeune femme d'une vingtaine d'années. Ses cheveux bruns coupés au dessus de la nuque voletaient sans atteindre ses yeux à cause des restes de la rafale qu'avait provoqué l'adolescent.
Ses yeux verts captaient l'attention d'une façon hypnotique. Elle posa un regard vide sur le garçon qui l'observait avec des yeux écarquillés depuis son arrivée tandis que Marcus l'apostropha:
- Qu'est ce qu'il y a, Leïlana ?
La jeune femme avança dans la maison en saluant l'épouse de Marcus et en ne lança aucun regard sur le garçon qui restait toujours figé à sa vue.
- L'Ombre Blanche a débarquée et...
- Mais... l'interrompit le garçon, toujours bouchebée.
La femme leva les yeux au ciel, s'attendant à cette coupure. Elle regarda le garçon sans aucune émotion et lui rétorqua avant qu'il ne pose sa question:
- Je ne suis pas Maïlana.
L'adolescent écarquilla les yeux en jugeant la femme des pieds à la tête. Tout était de la directrice de l'orphelinat: ses yeux, sa carrure, son sourire... Même son nez ! La seule chose différente et marquante était la taille des cheveux: Maïlana les portait plutôt longs et ondulés alors que cette "Leïlana" les arborait très courts.
- Mais vous êtes qui ? ne put s'empêcher de demander l'adolescent.
- Sa soeur jumelle. Et notre ressemblance s'arrête là: aux gènes, déclara-t-elle sèchement en mettant fin aux interrogations du jeune homme, qui était toujours autant bouchebée.
Elle fit face à Marcus en reprenant son rapport:
- L'Ombre Blanche est arrivée en même temps que les ado du LOG et ils ont libérés les quatre.
Le visage de Marcus se figea dans une rage contenue. Sa femme lui attrapa le bras et demanda à Leïlana plus d'explications:
- La chasseuse était avec eux... Je pense qu'elle a dû retenir le trajet. À mon avis, on n'aurait pas dû la renvoyer avec sa soeur... commenta la jeune femme.
- Alison ? Vous parlez bien d'Alison ? demanda l'adolescent, de plus en plus ébahi par la discussion que les adultes à ses côtés entretenaient.
- Nous avons pu récupérer le sang de la sorcière mais ils étaient trop nombreux pour qu'on puisse riposter, continua Leïlana en ignorant totalement l'adolescent déboussolé.
- La sorcière ? Quelle sorcière ? questionna le garçon.
- Et où est le sang maintenant ? demanda Marcus comme si le garçon n'avait rien demandé.
- Nous l'avons ramené à l'Arbre.
Marcus hocha la tête longuement en approuvant ce choix. Leïlana frotta ses mains quelques secondes avant de regarder le vampire. Celui-ci plissa les yeux en sondant les résidus chimiques que la jeune femme produisait.
- Pourquoi as-tu peur ? Que ne me dis-tu pas ? questionna l'homme avec une voix plus grave qu'à son habitude.
La femme se gratta la nuque d'un air gêné avant de tout déballer d'un coup:
- Ils ont tué Willa. Un grand hibou blanc... Sûrement Christophe.
Le poing de Marcus se serra soudainement si fort que les jointures de ses doigts devinrent blanches. Il relâcha la pression petit à petit en tentant de maîtriser sa colère.
- Willa est... Willa est morte ?
Le garçon était tombé à genoux à l'annonce de la nouvelle. Il regardait un point indistinct sur l'encadrure de la porte qui l'avait enfermé pendant de longues semaines.
Marcus, se méprennant légèrement sur la réaction de son fils, vint poser sa main sur son épaule.
- Quatre auraient été mieux mais ne t'inquiète pas, trois suffiront...
L'adolescent secoua lentement la tête de gauche à droite tandis que des larmes silencieuses coulaient le long de ses joues.
Morgane vint se poster derrière lui et posa sa main sur la deuxième épaule de son fils.
- Je sais qu'elle était ton amie, mais elle n'était pas comme nous. Elle nous voulait du mal à nous, et par conséquent, à toi. Elle serait morte de toute façon.
Sa voix était calme mais ses paroles glaçantes. Le garçon lui lança un regard haineux avant de se lever, retirant du même coup les mains de ses deux parents biologiques. Il se dirigea d'un pas décidé vers la porte qu'il n'avait pas réussi à franchir la première fois.
Il se heurta à nouveau à une barrière invisible. Il avança du plus qu'il le pouvait sa main, qui fut vite éjectée et rougie par le contact. Le fils serra finalement le poing et commença à taper dans le vide, contre cet élément qui l'empêchait de s'enfuir.
- L'encadrement est fait d'aubépine... Tu ne pourras pas passer, expliqua Leïlana en observant le garçon avec un regard hautain et amusé.
L'adolescent ignora la remarque, ou ne l'entendit pas, et continua à frapper. La tranche de sa main devenait rouge à vue d'oeil. Ses yeux étaient remplis des larmes qui n'avaient pas encore roulées sur ses joues. Une rage immense envahissait son coeur, laissant une petite place à la rancoeur et à la détresse.
- Laissez moi partir... Laissez moi partir !
*****
Willa se redressa soudainement, haletante. Elle observa son environnement et remarqua qu'elle était dans une pièce aux murs immaculés. Un léger bip bip retentissait inlassablement à ses côtés, au rythme des battements de son coeur affolé. Un rideau bleuté la séparait d'un autre lit, pareil au sien. Il n'était pas tiré et elle vit donc un adolescent de son âge allongé. Il paraissait étrangement calme, à dormir comme ça. Sa respiration régulière était calmante et Willa suivit son rythme sans y faire attention.
Elle se trouvait donc dans un hôpital... Mais pourquoi ?
Des flash indistincts des dernières heures lui revenaient en mémoire.
Théo et Yohann partant chercher Abby.
Alison blessée.
Swan immobilisée.
Du sang.
Alison tuant Cédric.
Sacha retrouvée.
Des dizaines de combats.
Du sang.
Des loups, des vampires.
Des sorciers.
Du sang.
Des morts.
Un mort, dans ses bras.
Trop de sang.
Un hululement.
Son sang.
La sorcière paniqua soudainement en comprenant l'enchaînement d'événements qui l'avaient menée jusqu'à cette chambre blanche. Elle toucha son cou avec crainte et sentit un épais bandage tenu par de grosses bandes de sparadrap. Elle retira aussitôt sa main et la ferma en la plaquant contre sa cuisse.
Elle reposa sa tête sur l'oreiller usé de son lit et regarda le plafond. Un néon de la chambre était éteint, tandis qu'un deuxième éblouissait la vue de l'adolescente blessée en se reflétant sur les draps éclatants et sur les murs blancs.
Un grincement presque inaudible retentit à sa droite, attirant aussitôt son attention. Un long sifflement lui perça alors les tympans avant de se calmer. Elle vit une vague forme courir vers elle, avant de reconnaître Alison.
Son amie avait un bras bandé et retenu immobile par une attelle encombrante. Elle prit une chaise qui était jusque là dans le coin de la pièce et la plaça à côté du lit de son amie.
Willa lui sourit, contente que la chasseuse ne soit pas morte de la suite de ses blessures.
Alison s'assit précipitamment sur la chaise afin de prendre au plus vite la main de son amie allongée. Le contact froid fit frissonner Willa et une chair de poule s'installa sur sa peau. Elle sentit une vague étrange hérisser ses poils les uns après les autres, remontant sa main pour parvenir jusqu'à son coude afin de finir sa course dans sa nuque.
Malgré elle, Willa lâcha la main d'Alison et la regarda avec inquiétude, pensant que la chasseuse était la source de cette sensation désagréable.
- Willa, t'es sûre que ça va ?
La sorcière hocha doucement la tête, sans répondre verbalement.
- Officiellement, on faisait une balade en forêt quand des animaux sauvages nous ont attaqué... On s'est réfugié dans un entrepôt abandonné qui a finit par prendre feu, expliqua Alison en guettant que personne ne surprène la conversation.
- Quand... réussit difficilement à bafouiller Willa.
Le visage d'Alison s'affaissa en un masque d'empathie.
- Ton coeur à lâché plusieurs fois mais le...
La chasseuse observa la porte pour vérifier une nouvelle fois que personne ne les épiait avant de reprendre:
- Le sang de vampire t'a permis de rester en vie... Juste assez pour que tu tiennes jusqu'au bloc chirurgical. Tu es en salle de réveil depuis presque dix heures maintenant...
Willa écarquilla les yeux. Son absence lui avait semblé durer bien plus longtemps... Ou au contraire, si peu de temps !
- Tu es sûre que ça va ? Tu veux que j'appelle une infirmière ? s'inquiéta Alison en voyant de visage de Willa se décomposer peu à peu.
Un adolescent aux cheveux bruns...
- Non... Non, ça va... répondit vaguement la sorcière.
Marcus, qui l'appelait son "fils"...
Les détails du rêve qui avait réveillé Willa lui revenait peu à peu en mémoire.
Ce visage... Si familier, sans qu'elle puisse mettre un nom dessus...
- Est ce que... Est ce que tu sais si Maïlana a une soeur ? demanda Willa à son amie.
- Non, je pense que sinon, on l'aurait su ! D'où te vient cette idée ? rétorqua la chasseuse en rigolant.
"Sa soeur jumelle. Et notre ressemblance s'arrête là: aux gènes." avait pourtant dit Leïlana...
- De rien... Juste une question, comme ça, s'expliqua Willa.
Alison haussa les sourcils, acceptant l'explication plus que vague que venait de lui fournir sa meilleure amie.
Sa réaction quand il avait apprit la "mort" de Willa.
Ses questionnements quand Alison avait été citée.
Toujours cette mèche brune qui ne voulait jamais tenir en place sur son front...
Le visage de Willa témoigna de l'incompréhension quand tous les éléments de son puzzle mental se mirent finalement en place d'eux même.
L'adolescent de son rêve de ne pouvait être qu'une seule personne.
- Jean... chuchota-t-elle doucement.
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