Une nouvelle vague, peut être légèrement plus grande que les autres, ou simplement celle qui était en trop, vint se briser contre le corps fatigué de Willa, la fauchant sur le coup.

Elle toussota, recrachant l'eau qui s'était incrustée dans ses poumons contre son gré. Le liquide l'aveuglait désormais et elle ne vit pas l'homme qui avait fait ordonner cette torture s'approcher des quatre adolescents piégés avec un air suffisant.

- Je pense que ça devrait suffire... On ne voudrait pas les tuer, quand même !

Les paroles prononcées ainsi par la voix grave firent quelques échos contre les murs métalliques de l'entrepôt. Les quatres tortionnaires des adolescents s'écartèrent de leur victime respective et partirent de la salle par une porte à double battant leur faisant face.

Les vagues cessèrent autour de Willa, laissant un fond mouillé ne débordant pas sur le sol poussiéreux grâce aux quatre petites barres de métal qui lui délimitaient à peine deux mètres carrés d'espace vital.

Les pieds et les mains dans l'eau, à quatre pattes sur le sol, elle releva les yeux.

Abby s'était enroulée sur elle même au centre exact de sa "cage". En position foetale, elle avait posé une main sur sa poitrine, dans un geste ultime de protection qui pourrait l'aider à respirer un air moins chargé en CO2. Ses bras étaient rouges et la brûlure que Willa lui avait infligé pour cautériser sa plaie avait enflée.

Théo s'était plus ou moins habitué au vent soufflant par rafale autour de lui. Il avait simplement posé ses mains sur ses oreilles, s'appuyant de ses coudes sur ses cuisses. Assis sur sa chaise, il attendait que ça passe.

Les racines qui s'étaient enroulées autour de Yohann se retiraient tout doucement, laissant quand même des grandes traces de griffures sur ses bras à travers les manches de son sweat déchiré.

Dès que toute trace végétale se fut éloignée de lui, le sorcier de l'eau renforça ses appuis sur le sol pour faire face à Marcus. D'un geste rapide de la main, il fit apparaître une très fine pellicule d'eau sur la paroi lui faisant face. La pression sur le verre totalement transparent augmentait presque à vue d'oeil et l'eau commençait à trembler, faisant fléchir la barre de métal pourtant fixée au sol.

Puis l'adolescent baissa son bras. Trop de forces lui avaient été enlevées pour qu'il puisse continuer son plan d'évasion.

- Il semblerait que ça ait marché ! affirma le vampire d'un ton content.

Willa regarda l'homme avec autant de haine qu'il lui était donné de supporter. Son poing fermé se recouvra d'une fine couche de flammes, à même la peau. Une sorte d'aura aussi chaude que la braise qui alimentait le feu intérieur de sa peur et de sa colère remontait de sa main à son bras, puis à sa nuque.

Lorsqu'elle s'aperçut de ça, Willa desserra le poing dans un geste de protection pour elle même - elle avait toujours peur des conséquences de ses pouvoirs - et les flammèches disparurent presque aussitôt.

L'homme arbora un sourire encore plus grand que celui qu'il affichait déjà en arrivant.

Théo s'était redressé sur sa chaise et semblait être le moins affaibli des quatre. Il toisait Marcus, tout en enfonçant ses ongles dans ses paumes meurtries par le souffle du vent violent qui courait autour de lui quelques minutes plus tôt.

Abby n'avait pas bougé, toujours recroquevillée sur elle même. La brûlure sur son bras semblait s'étendre d'elle-meme. En effet, elle avait presque doublé de volume et recouvrait la totalité de son avant bras, alors que les flammes s'étaient éteintes autour d'elle.

- On va commencer avec elle ! déclara Marcus en désignant Abby de son gros doigt.

Une femme sortit de l'ombre des caisses qui s'entreposaient autour d'eux et s'approcha d'Abby. Elle se pencha devant elle et appuya sur une extrémité d'une des barres de fer. Rien ne se produisit en apparence mais la femme se redressa pour franchir sans problème la limite invisible qui la séparait de l'adolescente.

Abby, d'habitude joyeuse et souriante, resta de marbre lorsque qu'un homme pénétra à la suite de la femme dans sa cage pour la porter dans ses bras.

- Non. Non, non ! Vous allez lui faire quoi ? s'écria Yohann en voyant sa soeur, inconsciente dans les bras de l'homme.

- Ce qui était prévu depuis le début, répondit Marcus en haussant les épaules.

Le visage de Yohann se décomposa et il posa une main à plat sur la matière invisible qui l'encadrait en lançant un regard à la fois suppliant et haineux à l'homme.

- Vous allez la tuer ? À quoi ca servirait ! Elle est trop faible ! Prenez moi à la place ! Mes pouvoirs sont tout à fait opérationnels ! Regardez !

Il tapa sur la vitre invisible et de l'eau jaillit à ses pieds, éclaboussant son visage inquiet.

- S'il vous plaît laissez la ! Je vous en supplie ! Je suis volontaire !

L'homme qui tenait Abby dans ses bras se stoppa un instant en regardant Marcus, comme attendant un ordre lui signalant un changement de plan. Le vampire tendit la main, désignant la sortie, et l'homme partit, l'adolescente toujours inconsciente dans les bras, par le même chemin que ses quatre complices.

- Yohann... Je ne vous ai pas vraiment donné le choix. Je l'ai choisi en première. Elle passe en première. Point.

Le jumeau se laissa glisser au sol, sa main laissant une trace dans le vide. Ses genoux touchèrent le sol sans bruit, tandis que son regard restait bloqué sur l'endroit où il avait vu disparaître sa soeur. Des larmes lui coulèrent silencieusement le long des joues tandis que son poing se refermait sur une pression si forte qu'il en devint pratiquement entièrement blanc.

Il releva doucement la tête pour fixer Marcus avec un regard rancuneux. L'eau qui ne s'était pas évacuée lors de sa tentative d'échappement commença à bouillir sous lui. D'un geste précis, il fit percuter le liquide rageur contre la vitre invisible qui lui interdisait de sauver sa soeur.

Marcus s'approcha de l'adolescent en l'observant attentivement. Yohann soutint le regard en engageant un guerre silencieuse entre l'eau et la vitre. Comme quelques minutes plus tôt, la substance invisible trembla sous les assauts déchaînés du liquide furieux, jusqu'à laissé apparaître un minuscule impact à hauteur d'yeux.

Marcus écarquilla les yeux et s'écarta de quelques pas. Yohann continua en ajoutant la pression de quelques litres d'eau supplémentaires. Le liquide lui arrivait désormais aux genoux. Soudain, la vitre brisa sous toute la pression et de l'eau se déversa abondamment sur le sol bétonné. Marcus s'écarta d'avantage tandis que Yohann franchissait d'un pas victorieux la barre de fer face à lui - son dernier obstacle.

Théo et Willa se jetèrent un regard impressionné et légèrement inquiet. Théo n'avait jamais vu son ami dans une fureur telle et il ne savait pas jusqu'où il irait pour sauver sa soeur. Les liens du sang étaient une source infatigable de pouvoir dont il ne pouvait bénéficier mais dans laquelle Yohann venait de se servir abondamment. À ce moment, personne ne pouvait savoir si Yohann avait toujours un contrôle total sur lui-même ou si la haine qui l'avait envahit ne le dirigeait pas totalement.

Il craqua ses doigts avant d'avancer d'un pas déterminé vers le vampire qui lui faisait face et qui lui avait enlevé sa soeur.

- Yohann ! appela Théo en tapant sur sa vitre.

L'adolescent se retourna et pendant un instant, il était méconnaissable. La rage et la ranceur lui tordait le visage en une mimique haineuse. Théo fronça les sourcils en voyant son ami mais ne se découragea pas.

- Yohann, sors nous de là et on pourra t'aider ! expliqua-t-il d'un ton pressant.

Le sorcier libéré regarda Marcus et tendit son bras vers lui. Un jet d'eau sortit de sa paume ouverte pour venir percuter de plein fouet l'homme surpris. Il baissa son bras, coupant ainsi le jet d'eau. Une fois les milliers de gouttelettes évaporées, les trois adolescents restant observèrent le côté opposé de l'entrepôt, là où le vampire aurait dû s'écraser lamentablement si il n'avait pas été une créature surnaturelle.

Comme ils s'y attendirent, l'homme ne se trouvait pas là. D'ailleurs, rien ne s'y trouvait du tout, pas même un morceau de tissu qui aurait pu témoigner du simple fait qu'il avait été touché.

Yohann se retourna vers ses amis et se dirigea vers Théo. Son visage était légèrement plus calme - en attendant la prochaine tempête.

Il se pencha sur la barre de fer qui se trouvait au sol devant lui et chercha un mécanisme quelconque qui lui permettrait de libérer son ami.

Il glissa son doigt sur toute la longueur de la baguette en métal et un mécanisme invisible se mit en route, permettant à la main de Théo de passer sa barrière. Le sorcier du vent enjamba alors sa dernière entrave et s'étira de tout son long, une fois libre, comme s'il en avait été empêché pendant sa captivité.

L'adolescent tapa dans le dos du frère puis le serra dans ses bras, heureux de retrouver son ami. Yohann lui chuchota alors quelque chose, que Willa était dans l'incapacité d'entendre.

- Vous pouvez me libérer maintenant, s'il vous plaît ? demanda l'adolescente, impatiente.

Théo hocha la tête en réponse aux paroles inaudibles de son ami et se tourna vers Willa d'un air désolé.

- Tu ne sais pas contrôler tes pouvoirs...

Willa fronça des sourcils en observant tour à tour ses deux amis.

- Et ?

- Tu seras un poids mort. Quelqu'un de plus à protéger, déclara sobrement Yohann, le regard dur et bienveillant - combinaison étrange, surtout venant d'un garçon au visage rancunier.

- C'est quoi ces remarques machistes ?s'écria Willa, croyant un instant qu'ils rigolaient. J'ai fait beaucoup de progrès ! se défendit-elle.

Théo croisa à nouveau le regard de son ami, qui se fit plus exigeant.

- Willa. C'est pour ta propre sécurité. On doit retrouver Abby. Et il n'est pas question qu'on te perde aussi.

Willa plaqua sa main à plat sur la vitre qui l'encadrait.

- C'est une blague ? Vous allez me laisser là ? riposta-t-elle. Je peux vous aider ! Avec ou sans pouvoirs !

Yohann hocha négativement la tête et fit signe à Théo de le suivre.

- Quand on aura récupéré Abby, on viendra te chercher.

- Se séparer n'est pas la meilleure méthode de survie ! cria la sorcière alors que les adolescents s'éloignaient. Et s'ils reviennent ?

- On s'assurera qu'ils ne reviendront pas, rétorqua Yohann.

- Mais... commença Willa avant de se stopper: ils avait déjà franchi la porte à battants, sortant de l'entrepôt.

L'adolescente se retrouva donc seule, avec comme seule compagne sa chaise. Elle frappa son poing sur celle-ci. Son coup rebondit et elle secoua la main en l'air en rouspétant.

- Ça fait mal... chuchota-t-elle pour elle même.

Elle se redressa et jeta un regard effrayé autour d'elle, s'attendant à tout instant à voir un homme ou une femme tout de noir vêtu surgir de l'obscurité qui l'entourait.

Une simple présence, aussi hostile fut-elle aurait quand même été plus rassurante que la situation dans laquelle elle se trouvait. Elle poussa rageusement la chaise qui alla se percuter contre une des parois qui la gardaient toujours prisonnière.

- Bordel ! cria-t-elle de toute ses forces.

Elle s'assit en tailleur sur le sol encore humide et le griffa de ses ongles. Elle les tapota ensuite sur sa surface dure avant de lever les yeux sur le plafond métallique qui la séparait de la vue du ciel.

Une forme bougea sur l'une des poutres qui faisait tenir le toit du bâtiment. Willa se releva alors, aussitôt sur le qui-vive. Le coeur battant, elle garda son regard rivé sur le plafond, pour essayer d'apercevoir ce qui avait produit ce mouvement - s'il n'était pas un pur produit de son imagination.

Un petit grattement métallique retentit et les courts cheveux de sa nuque se hérissèrent. Deux gros yeux se dévoilèrent doucement, perçant l'obscurité par leurs reflets rougeoyants.

Un hululement sourd retentit alors qu'un majestueux hibou prit son envol pour se poser face à Willa. Intriguée, la jeune fille s'approcha au plus près de l'oiseau que sa cage le lui permettait.

- Qu'est ce que tu fais là ? demanda-t-elle à l'oiseau sans trop attendre de réponse.

Le rapace était très grand et devait atteindre les soixante dix centimètres au moins. De longues aigrettes surmontaient son regard si étrange. Ses deux yeux rouges orangés étaient légèrement enfoncés dans ses orbites. L'oiseau de proie l'observait et semblait presque... sourire. Son bec crochu et aussi sombre que l'endroit où il perchait claqua dans un petit bruit inquiétant.

- Tu ne saurais pas ouvrir cette cage par hasard ? le questionna Willa, en tentative désespérée.

L'oiseau fit pivoter sa tête à cent degrés avant de reprendre son envol, ignorant totalement les questions de la jeune fille. Majestueux, il tournoya quelques instants autour de la tête de Willa avant pousser un long hululement à glacer le sang. Ses longues ailes battaient à peine et le menait où bon lui semblait dans la totalité de l'entrepôt. Il se dirigea vers la même porte battante que Yohann et Théo avaient empruntés plus tôt et fonça dessus, sans ralentir.

- Attention ! s'écria Willa, comme si son avertissement pouvait faire changer d'avis un hibou.

Le rapace continua sa course et sa vitesse et son envergure eurent raison du système à poussée de la porte, qui s'ouvrit brutalement en frappant le mur qui la soutenait.

L'oiseau partit, empruntant le même chemin que les garçons. La porte se referma sur elle même, doucement, dans un long grincement retentissant. Willa baissa les yeux et se rassit sur le sol. Elle était de nouveau seule.

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Hey ! Je vous dérange juste deux petites minutes de plus parce que je voudrais vraiment vous remercier: On a dépassé les 8k vues ! Merci beaucoup à tous et à toutes ;)

Ça me touche vraiment beaucoup qu'il y ait autant de gens qui prennent la peine de seulement ouvrir ce livre et d'en lire les chapitres... *0*

Enfin voilà... MERCI !!! 😘

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