Chapitre 40
Willa déposa Lola sur un lit. La petite continuait à tousser quelques gouttes de sang. Alison piétinait sur place derrière son amie. Elle se rongeait les ongles, ce qui n'était absolument pas dans ses habitudes.
- Va prévenir les autres, je m'occupe d'elle, déclara Willa.
Alison hocha la tête vigoureusement et sortit immédiatement de la pièce sombre.
L'infirmière s'approcha de Lola et l'examina brièvement pendant que Willa lui expliquait sans trop de détails ce dont il s'agissait:
- Elle jouait dans la Salle Principale et elle s'est mise à tousser, d'un seul coup. Elle vient de rentrer de l'extérieur.
Un adolescent de la classe de Willa rentra alors dans l'infirmerie, un petit garçon dans les bras. Sa tête balotait de droite à gauche et il paraissait inconscient. Il le déposa sur un lit vide avant de se tourner avec inquiétude vers l'infirmière.
La femme passa une main sur le front de Lola avant de se diriger vers le garçon. Willa regarda d'autres enfants arriver dans l'infirmerie, plus ou moins en mauvais état. Certains avaient leur col de t-shirt recouvert de sang, d'autres seulement leurs manches et certains ne tenaient même pas debout.
La sorcière se pencha sur Lola et lui caressa doucement les cheveux en lui chuchotant à voix basse:
- Ne t'inquiète pas ma chérie. Ça va aller. Je vais bientôt revenir avec quelque chose qui va te soigner.
La petite rousse regarda sa soeur de coeur avec des yeux fatigués avant que sa tête ne tombe sur le côté. Son souffle se fit plus calme et ses paupières se fermèrent sous l'effort. Elle s'était endormie.
Willa sortit de la pièce creusée à même la terre et s'engagea dans le petit couloir qui la séparait de la Salle Principale. Une fois là-bas, elle évita soigneusement le regard appuyé de Hope et Swan qui se dirigeait vers elle en courant.
- Qu'est ce qui se passe ? demanda la vampire.
- Rien, répondit sèchement Willa. Dites à Roxane d'aller à l'infirmerie, précisa-t-elle simplement, se disant que son amie pourrait être utile là-bas.
Elle continua sa marche jusqu'au dortoir qui s'étendait sur trois salles aussi peu éclairées que les autres.
Dans celle qui se trouvait le plus loin de la Salle Principale, elle trouva Alison assise sur les genoux de Yohann, parlant avec lui, Abby et Théo qui étaient debout face à elle.
Ils semblaient sous le choc et Abby saisit la main de la chasseuse lorsque celle-ci dut leur annoncer que sa petite soeur avait été enlevée.
Quand Willa arriva à leur hauteur, Théo se tourna vers elle et lui lança un regard à la fois haineux et confiant.
- On y va. Pas d'autres possibilités, déclara-t-il sèchement, comme si Willa comptait se terrer dans les souterrains, laissant les enfants mourir.
La sorcière du feu plissa les yeux et lui répondit aussitôt, pour dissiper tout doute possible:
- L'inverse n'était même pas envisageable.
Elle regarda ensuite Alison, dévastée, les larmes aux yeux. Son coeur se serra pour son amie et elle vit dans son regard celui, plein de malice, de sa petite soeur.
Elle serra le poing de rage. Qu'elle sorte d'ennemi était l'Ombre Noire pour s'en prendre à des enfants ? Que représentaient Abby, Théo, Yohann et elle-même pour vouloir et pouvoir sacrifier autant de vies innocentes ? Pourquoi ne pas simplement les tuer tous les quatres pour laisser ces enfants vivre ?
- On part quand ? demanda-t-elle, la voix tremblante.
Alison leva son regard attristé vers son amie. Ses yeux s'agrandirent de stupeur lorsqu'ils s'attardèrent sur la main de la sorcière. Celle-ci observa sa main et vit qu'une petite fumée noire s'en échappait. Elle décontracta sa main, qui ne dégagea plus qu'une odeur de brûlé.
Elle leva un regard encore plus déterminé qu'avant en réitérant sa question.
Abby la fixa quelques instants, inquiète, avant de commencer à tourner en rond en tentant de mettre les éléments mis à disposition à la vue de tous.
- Donc, si je récapitule, tous les enfants sont malades.
Elle lança un regard désolé à Alison en continuant:
- Jade a été enlevée...
Tous les adolescents hochèrent la tête quand elle finit:
- Tout ça a été causé par ces enfo-
Elle se stoppa toute seule en toussotant avant de se reprendre.
- Et tout ça à été causé pas l'Ombre Noire, qui nous a donné une sorte d'ultimatum... Si on ne se rend pas, ou qu'on avertit quelqu'un, les gamins sont tous morts.
- Sans oublier qu'ils ont aussi quelques uns de nos amis, précisa Théo.
- Exact.
Tous les adolescents présents se regardèrent quelques secondes avant que Willa ne demande:
- Quand est ce qu'on part ?
- Ce soir ? Esteban ne nous laissera jamais sortir en pleine journée sans raison valable, expliqua Yohann.
- Ok... Donc ce soir, on se retrouve où ?
- Se serait plus discret si on ne sortait pas tous ensemble, non ? demanda Alison, la voix tremblante.
- T'as raison. On se déplace par groupe de deux ou seul et on se retrouve dehors. Ça vous va ?
Tout le monde hocha la tête et les "équipes" furent vite formées. Yohann resterait avec Alison, Abby et Willa ferait chemin commun et Théo irait seul.
*****
Willa avança doucement en montant les escaliers qui la mènerait à la surface de la terre. Les mains placées devant elle, elle tâtonnait les parois qui se trouvaient devant elle pour ne pas risquer une mauvaise chute.
- Aïe ! chuchota Abby.
- Qu'est ce que tu as ? questionna Willa sur le même ton.
- Je crois que je me suis coupée avec un caillou, expliqua la sorcière de l'air.
- Je pense que tu vas survivre, marmonna Willa en se remettant en route.
Enfin, les deux adolescentes arrivèrent à l'entrée du terrier. Il faisait noir et elles ne voyaient rien à plus de quelques mètres devant elles.
- Théo ? appela doucement Abby.
Un bruissement retentit à leur droite. Quelques feuilles s'écartèrent en laissant place à l'adolescent.
- Venez ici en attendant Yohann et Ali, leur proposa-t-il.
Les trois adolescents ainsi cachés derrière un buisson touffu éclairé par la faible lumière du croissant de l'une actuellement haut dans le ciel, attendèrent quelques minutes avant qu'une voix féminine s'élève dans l'obscurité.
- Willa ? Abby ?
- Théo ? demanda une autre voix plus masculine.
Willa, ayant reconnu les voix du sorcier manquant et de la chasseuse, se leva pour se diriger vers eux.
Elle les trouva côtes à côtes, juste à côté de l'entrée, et légèrement crispés. Soudain, elle aperçut une sorte d'ombre gigantesque les retenir près d'elle.
Son coeur se mit à battre plus fort dans sa poitrine lorsqu'elle se rendit compte que cette ombre n'était autre qu'Esteban.
- Sérieusement ? chuchota-t-elle pour elle-même.
- Vous pouvez m'expliquer ce que vous faites là en pleine nuit ? demanda la voix grave du vampire.
- Tu dormais ! déclara Willa, n'ayant rien trouvé de mieux à répondre.
- L'odeur du sang à sûrement réveillé tous les vampires au sous sol, répondit-il platement en observant les alentours. Où sont Abby et Théo ?
Willa avait déjà commencé à préparer un mensonge lorsqu'elle vit un énorme bout de bois voler à côté d'elle. Elle s'en écarta aussitôt et celui-ci continua sa route jusqu'au crâne d'Esteban.
L'adulte chancela en lâchant les deux autres tandis qu'Abby et Théo sortaient des broussailles.
La sorcière du vent faisait des mouvements étranges avec ses mains, faisant presque penser qu'elle contrôlait le bout de bois.
- Désolée Esteban... C'est pour la bonne cause, dit elle simplement en grimaçant.
Elle fit un bref et sec mouvement de poignet qui propulsa la branche sur la nuque du vampire, qui s'écroula aussitôt au sol.
- Bien joué ! félicita déjà Yohann en s'approchant de sa soeur.
Willa, épatée par l'étendue des pouvoirs de son amie resta bouche bée quelques instants avant de demander:
- On va au lycée ?
Tous se dirigèrent en silence vers la clairière sombre où se trouvait le campus à l'abandon. Une dizaine de minutes leur suffit pour rejoindre l'ensemble.
Les bâtiments avaient très mauvais aspect. Quelques vitres étaient brisées et du lierre avait commencé à se frayer un passage à travers les fissures qu'avaient provoqués les conséquences de la bataille.
- Et on est juste censés les attendre là ? demanda Alison, sur les nerfs.
- On suppose... répondit doucement Yohann en la serrant contre lui.
Ils restèrent quelques instants ainsi, plus immobiles les uns que les autres, à attendre l'inévitable, jusqu'à ce que Théo dise d'une voix plate:
- On est bien d'accord que si c'est un piège, on est vraiment mal barré...
Un bruit sourd retentit dans la clairière, raisonnant contre les multiples troncs de la forêt. Les sens en alerte, les cinq adolescents regardèrent partout autour d'eux.
Un second bruit sourd retentit, puis ils eurent un à un leur tête qui tournait. Ils s'écroulèrent sur le sol, entendant des bruits de pas à leur côté. Les yeux fermés, ils étaient désormais immobiles sur le sol herbeux, comme paralysés.
*****
- On aurait dû prévenir quelqu'un, soupira Yohann.
Willa leva les yeux au ciel en regardant son ami et en lui répondant:
- De toute façon, c'est trop tard.
- Non, tu penses ? déclara ironiquement Abby, assise à côté d'elle.
Willa soupira tandis que Théo répondait:
- On était tous d'accord pour ne prévenir personne.
Tous les quatres étaient assis sur des chaises en bois, mains et pieds libres, disposées à environ quatre mètres les unes des autres, sur une ligne droite. Willa se leva de la sienne doucement. Ses jambes tremblaient depuis qu'elle s'était réveillée. Le temps passait différemment, ainsi coupée du monde, et elle n'avait aucune idée si ça faisant plus ou moins de dix minutes qu'ils avaient rouverts les yeux.
Elle avança lentement, un pas après l'autre, avant d'être bloquée par une sorte de paroi invisible. Au sol se trouvait quatre tubes de fer qui encerclaient la chaise, et par conséquent, Willa, lui laissant un peu moins de quatre mètres carrés pour se déplacer.
Ses amis, dans la même situation qu'elle, continuaient à se disputer nerveusement.
La sorcière approcha sa main de la barre de fer qui se trouvait à ses pieds et une petite décharge lui fit aussitôt retirer ses doigts.
Elle ne chercha pas à recommencer, partant du principe que l'électricité, statique ou non, ne pouvait être contrôlée. Elle se rapprocha donc du centre de sa boîte invisible, jusqu'à se rasseoir sur la chaise.
Elle jeta un oeil à la pièce où étaient entreposées les quatre dispositifs invisibles qui retenaient captifs les quatre adolescents. Impossible d'apercevoir Alison.
Elle se trouvait dans une sorte de grand entrepôt. Les murs étaient recouverts d'étagères métalliques, ou étaient entreposés des cartons de différentes tailles, les uns sur les autres.
Un bruit de porte claquée se répercuta sur les parois aussi métalliques que les étagères lorsqu'un homme assez corpulent se présenta face aux quatre adolescents.
Ceux-ci s'étaient aussitôt figés sur leur chaise, attendant que l'homme dise quelque chose.
Il les observa attentivement tour à tour, avant de se mettre à piétiner de long en large entre les quatre boîtes invisibles. Il était habillé d'un costard noir à rayures épaisses à peine plus claires. Ses chaussures parfaitement cirées grinçaient contre le sol poussiéreux à chacun de ses pas.
Il s'arrêta au milieu d'Abby et de Willa alors que Yohann se levait.
- Où nous avez-vous emmenés ? Où est Alison ? Et Jade ? Et tous les autres ? N'oubliez pas que vous avez prom-
L'homme le coupa d'un simple geste de la main. Par respect ou par crainte, Yohann se rassit en attendant ses réponses.
- Yohann, c'est ça ? demanda l'homme inconnu en le regardant. Tu me sembles bien énergique.
- Qui êtes vous ? demanda Willa en le coupant.
L'homme la fixa étrangement avant de se reculer afin d'avoir une vue d'ensemble des adolescents.
- Enfin une question intéressante... dit-il en laissant traîner la dernière syllabe.
- Vous êtes l'Ombre Noire ? reprit aussitôt Willa.
- Je suis... commença à répéter l'homme avant de se stopper.
.
Il partit d'un rire grave pendant quelques secondes avant de se calmer et de les regarder à nouveau.
- Ne me dites pas que vous pensiez que l'Ombre Noire n'était qu'une seule personne ? Pas après l'attaque savamment étudiée que nous avons menée ?
Willa, déstabilisée, ne dit mot et observa l'homme qui ressemblait à un membre de la mafia tel qu'on les voit dans les films.
- Non... Je ne suis pas l'Ombre Noire. J'en suis... Un "représentant"... Une sorte de directeur, si vous voulez.
Le coeur de Willa se mit à battre la chamade. Abby gigotait sur sa chaise, signe évident de stress.
- Par contre... continua l'homme alors qu'un sourire malsain se greffait sur son visage.
Il fit un signe théâtrale avec ses bras. Plusieurs ombres bougèrent entre les piles de cartons.
- Nous sommes l'Ombre Noire...
Toutes les ombres se rapprochèrent d'avantage, laissant apparaître des hommes et des femmes par dizaine, sortant de nul part, tous arborant le même sourire inquiétant que l'homme.
- Et il semblerait que vous soyiez chez nous...
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