Chapitre 27

Trois petits coups résonnèrent à la porte de la chambre de Willa. L'adolescente regarda l'heure: 9h45. Ça devait être Alison. Super.

- Willa t'es prête ?

Contre toute attente, et avec grand plaisir, se fut la voix de Jean qui traversa la porte. Willa alla lui ouvrir.

- Oui c'est bon, lui répondit-elle en lui faisant la bise.

- Alors on y va !

Willa prit son manteau et sortit de la chambre en disant au revoir à ses deux colocataires. Une fois dans le couloir, elle jeta un coup d'oeil à droite puis à gauche avant de demander à Jean avec un petit sourire qui se dessinait peu à peu sur son visage :

- Alison ne vient pas finalement ?

Jean haussa les épaules avec sérieux en lui répondant.

- Si. On va la rejoindre à la maternelle.

Willa leva un sourcil d'incompréhension.

- À la maternelle ? Et pourquoi ?

- Elle voulait aller voir Jade avant de partir.

- Ah parce que Jade est là aussi ? Mais où sont leurs parents ?

- Ils sont restés dans leur maison. Mais le fait que Jade et Alison soient là leur assure qu'elles auront une bonne éducation de chasseuse.

Willa hocha la tête suspicieusement. Elle ne comprenait pas vraiment comment on pouvait se séparer de ses parents intentionnellement. Qui plus est, Jade était trop petite pour se rendre compte de la séparation et du temps manqué avec ses parents. La décision d'Alison avait sûrement affecté le destin de sa petite soeur. Décidément, elle aimait prendre des décisions à la place des autres.

Pendant qu'elle réfléchissait à tout ça, les deux adolescents avaient descendu une volée de marches et se trouvaient à présent dans le hall. Ils continuèrent à marcher jusqu'à la sortie et se dirigèrent ensemble vers le petit bâtiment qui servait de maternelle, de crèche et de primaire.

- Tu sais, Willa, en soi, Alison n'a pas plus menti que moi. Au contraire.

Willa regarda son ami dans les yeux et réalisa qu'il avait raison. Vraiment raison.

Alison était encore humaine. Une chasseuse, certes, mais humaine.
Alors que Jean était un vampire. Du sang, des longues canines, du sang, des victimes, du sang et des manoirs hantés devaient former son univers.

Elle plissa les yeux en réfléchissant au pourquoi de son pardon envers le jeune homme.

- C'est pas pareil... déclara Willa.

- Et en quoi ? demanda Jean.

- Je sais pas, moi ! commença-t-elle à s'énerver.

- Tu ne sais pas parce que ce n'est pas juste. Et tu le sais au fond de toi. Il te faut un coupable, et elle s'est présentée la première.

Willa se mordit la lèvre intérieur. Non... Non ! Ce n'était pas vrai ! Alison lui avait menti, elle lui avait délibérément caché une vérité énorme ! Elle n'avait rien dit, pendant cinq longues années...

Mais Jean aussi... Et pendant plus longtemps !

La confiance équivaut-elle au nombre des années ? Pourquoi pardonner l'un et pas l'autre ?

- Je pense que tu devrais sérieusement penser à passer à autre chose. Être sorcière te va plutôt bien mais est ce que ça aurait été la même chose quelques années plus tôt ?

La voix de Jean martelait ses mots dans le coeur de Willa. Tout ce à quoi elle s'était rattaché depuis plus d'une semaine, tout ce qui ne la faisait pas craquer, tout ça partait en fumée.

Une petite larme perla au coin de son oeil, menaçant de couler doucement sur sa joue en emmenant à sa suite une rivière salée.

Willa leva les yeux au soleil. Le vent frais qui soufflait ce dimanche matin assécha ce petit signe de faiblesse. Elle était forte. Elle ne pouvait pas craquer. Pas maintenant. Pas juste avant de voir son père.

Un problème après l'autre... Chaque chose en son temps...

- Réfléchis-y sérieusement Willa. Pense à lui pardonner. Tes amis vont devenir rares, tes ennemis plus nombreux.

Willa stoppa sur ces dernières paroles.

- Pourquoi tu dis ça ? Tu comptes me détester dans combien de temps ? Deux ? Trois jours ? C'est dans ton planning ?

- Non ! Moi je fais partie de tes amis ! Ne change pas les rôles ! N'oublie pas qui tu es, et qui sont les autres.

- Tu t'es pris pour un psychologue ou quoi ? répondit Willa d'un ton sarcastique.

Ils étaient enfin arrivés au petit bâtiment entouré de barrières blanches.

- Willa... commença Jean.

- Willa ! le coupa une petite voix aiguë provenant de la cour de maternelle.

La jeune fille chercha aussitôt qui avait crié son nom. La réponse lui vint quelques centimètres plus bas, provenant d'une petite tête blonde courant vers elle.

- Jade ! Comment tu vas ?

La petite fille s'arrêta à la limite de la petite barrière blanche et Willa la rejoignit pour lui ouvrir la petite porte. La fillette lui sauta finalement dans les bras.

- Je vais bien. C'est trop cool ici !

Willa lui sourit en lui faisant un câlin.

- Salut !

Le sourire de Willa se figea soudain sur son visage. Ses pomettes s'affaissèrent au ralenti jusqu'à ce que ses lèvres fermées forment une ligne pincée et dénuée de toutes émotions. Jean se figea à ses côtés, redoutant la confrontation qui allait venir.

- Salut Alison ! salua-t-il la nouvelle venue.

- On peut y aller, quand vous êtes prêts.

Willa fit semblant de ne pas écouter la discussion tout à fait banale qui se jouait à côté d'elle. Elle regarda Jade dans les yeux et lui dit sur un ton conspirateur:

- Alors toi ! Tu m'aurais pas caché des petites choses depuis que tu me connais ?

La petite fille, prise au dépourvu, ouvrit de grands yeux en regardant sa soeur, qui avait arrêté de parler.

- Pourquoi tu lui demandes ça ? s'enquit Alison sur la défensive.

Willa prit un air innocent et regarda la chasseuse avec un air de défi.

- Oh salut ! Désolée, je t'avais pas vu.

Alison ne releva pas cette phrase fausse et méprisante et réitéra sa question :

- Pourquoi tu lui demandes ça ?

- Pour savoir si le mensonge est dans les gènes...

Jean regarda la sorcière avec un regard dur. Elle avait oublié tout ce qu'il lui avait dit quelques minutes plus tôt.

Willa soutint son regard. D'accord, ce n'était pas sympa de prendre Jade à partie, mais elle n'avait pas d'autres choix. Elle se sentait obligé de faire payer un minimum son ancienne amie.

Pourquoi ? Pourquoi je veux la faire souffrir ?

Le doute s'installa en elle. Est-ce qu'elle faisait ça pour venger un mensonge trop long ou pour satisfaire son besoin de faire souffrir quelqu'un comme elle avait souffert ?

Elle déposa la petite fille toujours étonnée par la question dans les limites de la barrière et prit une grande respiration avant de reprendre la parole, comme si de rien n'était.

- Bon, on y va ? Le prof vampire doit nous attendre.

Les deux autres adolescents la regardèrent, autant surpris l'un que l'autre du changement brutal de comportement de leur amie.

- Ouais... C'est là-bas le parking... dit Alison en désignant un point vague vers l'Internat.

La chasseuse se retourna pour dire au revoir à sa petite soeur et commença à marcher.

Jean et Willa restèrent en arrière quelques secondes, le temps que l'adolescent demande à son amie :

- Il s'est passé quoi là ? Tu pensais à trop de choses en même temps, j'ai rien compris !

Willa, toujours torturée quand à ses véritables motivations pour en vouloir à Alison, leva les yeux au ciel en soufflant et répondit d'un ton lassé à Jean :

- J'aimerais vraiment que tu arrêtes de lire mes pensées.

Elle accéléra le pas pour se distancer de Jean et se laisser le temps de réfléchir.

Entre Alison et Jean, elle regardait au loin. La clarté matinale éclairait les arbres d'une lumière pure imprimant de magnifiques formes vertes sur l'herbe ombragée.

Après une marche dans le silence d'un peu plus d'une minute, les trois adolescents arrivèrent au parking, qui se trouvait derrière une rangée d'arbres, cachés dans l'ombre de l'internat.

Alison se dirigea vers une voiture gris métallisé et ouvrit la portière avant côté passager. Elle s'engouffra dans la voiture sans regarder ses deux amis. De l'extérieur, Jean et Willa purent entendre la jeune fille dire bonjour au conducteur.

Willa ouvrit la portière qui donnait sur la place derrière le conducteur et, doucement, elle se glissa sur la banquette. Elle regarda dans le rétroviseur central qui était le conducteur. Elle vit d'abord des cheveux bruns, avant de saluer l'homme au volant.

Celui-ci régla le rétroviseur pour observer tour à tour les deux adolescents à l'arrière ce qui permit à Willa de continuer son inspection. Les yeux de l'homme avaient quelque chose de familier, entre le gris et le bleu marine, ainsi que le mouvement expressif de ses sourcils.

L'homme leur sourit dans la petite glace ovale et leur dit d'un ton qui se voulait joyeux :

- Salut vous deux ! Je suis Esteban. Et vous, vous êtes Jean et Willa, c'est ça ?

Esteban connaissait clairement déjà la réponse mais par pure politesse, Jean et Willa répondirent par l'affirmative.

En mettant le contact, l'homme se concentra sur Willa.

- Tu dois être contente d'avoir des amis aussi fidèles sur lesquels tu peux compter, affirma-t-il.

Willa haussa un sourcil. Cette situation devenait gênante... Non seulement cet homme se mêlait de ce qui ne le regardait pas, mais en plus, il n'était même pas au courant de toute l'histoire...

Alison secoua la tête de gauche à droite en articulant un "non" pas très discrètement.

Esteban se stoppa, regarda une nouvelle fois dans le rétroviseur et démarra la voiture.

- Bon bah... Tu es prête à revoir ton père ? demanda-t-il d'un ton compatissant, en essayant de se rattraper.

Non... Bien sûr que non ! pensa Willa. Mais est ce que j'ai vraiment le choix ?

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