Chapitre 8 : Ambiance #2


Milly


Un autre silence domine la pièce, où chacun est occupé à plonger son nez dans le breuvage. Ça commence à devenir long à force d'attendre que quelqu'un ait le courage de lancer un sujet de conversation. Je pensais que Jo serait plus entreprenant, plus conviviale face à son ami, mais on dirait que la présence d'Ash a éteint quelque chose en lui. Had lance toujours des petits regards inquiets à son frère. Ce dernier l'ignore encore et est plus occupé à déguster ce qu'il a entre les mains. Eh oui, un squelette peut boire – à ma grande surprise ! – et ce, sans ouvrir leurs dents. Je me demande comment ils font pour ne pas en mettre partout et comment du liquide peut traverser leur émail. Ça doit être un truc magique que notre pauvre cerveau humain ne peut pas comprendre, j'imagine.

Assez de cette atmosphère digne d'un enterrement, je me lance, d'une voix pas tout à fait sûre :

– Alors... Comment êtes-vous devenus amis avec Jo ?

Ash semble soudainement très intéressé par la conversation, au vu de son regard porté sur Had – qui reconnaît enfin son existence. Ce dernier repose vivement la tasse, heureux de briser enfin ce silence :

– Tu vois, Milly, j'ai rencontré ton petit ami il y a à peu près quinze jours en faisant une promenade. Le pauvre était en panne sur la route.

– La voiture t'a encore lâché ? demandé-je à Jo, irritée qu'il m'ait caché ce fait.

– Ouais, elle est tombée en rade quand j'ai voulu aller au boulot.

Sa voix n'était pas fâchée, il semblait étonnamment calme devant une situation qu'il trouverait habituellement exaspérante. Et moi, je suis encore une fois déçue qu'il m'ait dissimulé certains détails sur ses journées, qu'il trouve sans doute inutile de m'en informer.

– Mais je suis content qu'elle soit tombée en panne ! s'exclame Jo, un grand sourire dévorant son visage. Sans ça, je n'aurais pas pu rencontrer Had !

– Haha ! Tu as eu de la chance que je sois passé par là.

Le principal concerné est tout aussi heureux de cette rencontre, contrairement à son frère dont sa mauvaise humeur s'est accentuée.

– En plus, tu étais trop classe avec ta Porsche et tes lunettes de soleil !

Jo est extatique devant notre invité, un vrai fanboy. Je trouve qu'il en fait trop, et cela commence à me mettre mal à l'aise.

– Tu es mon sauveur, Had ! ajoute-t-il, si jamais quelqu'un avait un doute sur son admiration envers lui.

Un sourire éclatant se dessine sur le visage d'Had, alors qu'Ash grimace face à cette exubérance. C'est étrange comment leur crâne peut être malléable, on dirait une seconde peau. Je pense que je ne suis pas au bout de mes surprises et que je serais de plus en plus étonnée par les prouesses de leur physionomie.

– Je n'allais pas laisser quelqu'un dans le besoin !

Had se sent fier d'avoir accompli son devoir, comme sauver son prochain. Il se tourne vers moi, pour reprendre là où il s'est arrêté.

– Et donc, j'ai réparé sa voiture avec les moyens que j'avais à ma disposition. Elle roule, même s'il faudrait tout de même l'emmener chez un garagiste. Elle tient encore, mais pas pour longtemps. Après ça, nous avons discuté.

– Beaucoup discuté ! précise Jo.

– Ensuite, on a échangé nos numéros et on a commencé à se fréquenter.

Je hoche la tête. Je suis soulagée que tout se soit bien fini, mais cela ne m'empêche pas d'avoir une forme de lassitude me gagner.

– Il faudrait changer de voiture, Jo. On a toujours des problèmes avec elle.

Je tente de le persuader, même si je connais déjà sa réponse.

– Hors de question ! C'est mon bébé et je me suis fait assez chier comme ça pour l'avoir !

– Doucement, ça ne sert à rien de s'énerver, intervient Had d'un ton calme.

– Ouais, t'as raison. Pardon, Had.

Mais aucune excuse pour Milly, bien entendu...

Je soupire profondément. C'est sûr que soutirer de l'argent à une ex a dû lui demander beaucoup d'effort. C'est grâce à l'argent des autres qu'il arrive à se payer certaines choses onéreuses. J'ai eu du mal à réaliser qu'il ait ce trait de caractère, je pensais que c'était juste un pauvre homme qui n'a jamais eu une bonne étoile et qui a souvent besoin de l'aide des autres pour s'en sortir. Mais depuis peu, depuis que je suis sans le sou dû à une utilisation excessive de ma carte bancaire de sa part, je suis bien obligée de me dire qu'il aime dépenser de l'argent, surtout celui des autres. Ça fait mal de savoir qu'il est comme ça, mais j'ai toujours espoir qu'il change. Qu'il deviendra meilleur si je reste à ses côtés pour le guider vers le droit chemin.

D'une faible voix, j'essaie une dernière fois :

– Et comment vas-tu faire pour payer le garagiste ?

– On trouvera une solution, ne t'inquiète pas !

En prenant encore une fois ma carte bleue. Ça a toujours été la solution pour tout.

Je me sens fatiguée par tout ça. Je soupire à nouveau et m'apprête à me lever quand Jo décide de surajouter :

– Tu ne vas pas recommencer à faire des histoires quand même ! On a des invités, j'te signale !

Je lui jette un regard. Il est mécontent de mon comportement. Je peux remarquer le visage incrédule des frères et j'ai honte qu'ils soient témoins de ce genre de situation. L'embarras me fait plus mal que le regard désapprobateur de mon petit copain.

Face à ça, je fais ce que je fais de mieux : je fixe ce café à moitié avalé entre les mains et me réfugie dans ma bulle, là où les blessures psychiques sont étouffées, devenant presque une illusion que veut m'imposer la réalité.

Ainsi, je ne remarque pas le regard aiguisé que lance Ash en directement de l'auteur de mes maux.

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