Chapitre 1 : Un invité surprise #1


Milly


Je n'ai jamais été aussi stressée de toute ma vie. J'ai connu l'épreuve du bac, les entretiens d'embauche et même certaines situations délicates, comme rester inerte face à une engueulade de la part de ma mère ou surprendre une conversation téléphonique ambiguë de mon copain avec une inconnue. Pourtant, aujourd'hui, je sens que mon corps est à l'épreuve de mes nerfs déjà bien fragiles, et la nausée ne m'a pas quitté depuis ce matin.

Je suis comme une lionne en cage dans notre studio que je partage avec mon petit ami, Joachim, alias Jo pour les intimes, qui est enfermé dans la salle de bain depuis bien deux bonnes heures maintenant. Je ne m'inquiète pas de son absence prolongée. Il a pour habitude de rester pendant des heures pour être au top de lui-même, à se coiffer de façon impeccable, à se raser de près et à se regarder sous toutes les coutures dans le miroir. Cela me laisse moins de temps pour me préparer et heureusement que j'ai eu la bonne idée d'aller dans cette sainte pièce avant lui, sinon je serais encore en pyjama avec ma tête de petit panda du matin.

Pour combler le silence et occuper mon esprit tumultueux, je vérifie, encore et encore, que tout est fin prêt pour accueillir notre futur invité. Le salon n'a jamais été aussi propre et rangé par mes soins, je me sens fière du résultat, même si la pièce n'a rien d'extraordinaire. Il y a le bureau de Jo avec son ordinateur – qui était le mien avant, bien évidemment –, un meuble avec une vieille télévision, console et lecteur DVD et aussi, un canapé deux places d'un vert olive, avec le fauteuil assorti et une table basse. Rien ne respire le luxe, juste le nécessaire pour la vie quotidienne.

Je souffle à nouveau, pour la centième fois depuis mon « réveil ». Je ne suis pas tranquille, je ne suis pas sereine. J'ai beau me voiler la face, je sais que je ne suis pas préparée à ce qui va suivre. Une personne hors-norme va arriver d'une minute à l'autre, et je ne savais même pas qu'elle était invitée jusqu'à hier soir, c'est pour dire. Jo, mon adorable copain, m'a fait une surprise au moment du coucher, quand j'étais la plus vulnérable et que je m'apprêtais à me lover dans les bras de Morphée.

****

Je pousse un soupir d'aise quand je sens la présence de Jo dans le lit, son corps se glissant contre mon dos. Il était sur l'ordinateur depuis une bonne heure, à pianoter, à murmurer dans sa barbe et à faire je ne sais quoi. Je trouvais cette situation exaspérante, et je suis bien contente qu'il me rejoigne, comblant la solitude de mon cœur et réchauffant les draps bien trop froids sans lui. Mon ressentiment se noie à son contact contre ma peau, son souffle caressant mon cou. Avec un sourire, je me détends enfin et m'apprête à me laisser aller dans le sommeil.

Mais, Jo n'est pas de cet avis.

– Il faut que je te parle, me murmure-t-il contre mon oreille.

– Hm ? grommelé-je, déjà à moitié endormie.

– J'ai invité un pote demain.

Il passe un bras autour de moi et je me colle contre lui. Je ne ressens rien face à cet imprévu, il a toujours fait ce qu'il voulait sans me demander mon avis. À force d'être face à cette contrainte, je me dis que ce comportement doit être normal dans la vie d'un couple.

– OK, pourquoi pas, dis-je enfin, pensant que la conversation est terminée.

Je sens qu'il bouge, qu'il gigote, comme s'il hésite avant de continuer. Cela me met la puce à l'oreille car jamais il ne tergiverse pour imposer quoique ce soit. Le doute s'installe en moi et me tire des prémisses du sommeil.

– C'est Had que j'ai invité..., me révèle-t-il enfin d'une petite voix.

Je tourne vivement la tête vers lui, manquant de lui exploser le nez au passage. Il se recule pour laisser un espace de survie en cas de nouvelle attaque, mais garde tout de même une main sur ma hanche. Pourtant, son toucher ne calme pas la crainte qui vient de naître, cette incertitude qui me tient en éveil.

– Had ? Tu veux dire Hadrian, le monstre ?

– Ouais, lui-même.

Il est si nonchalant dans sa réponse que je sens une pointe d'exaspération percer ma poitrine. Il est rare que je me mette en colère, je suis plutôt d'un naturel calme, mais là, il outrepasse une ligne.

– Mais pourquoi tu ne m'en as pas parlé avant ? m'exclamé-je en me reculant davantage, ne supportant plus ses doigts posés sur moi.

– Parce que je savais que tu allais réagir comme ça et flipper pour rien.

Je suis sans voix devant son culot. Il a toujours cette manie de tourner la situation à son avantage et je n'aime pas du tout sa façon de procéder.

– C'est juste pour boire un café, je lui dois bien ça, depuis le temps qu'il m'invite chez lui.

– Ça fait quoi, genre deux semaines que tu le fréquentes ! Tu ne le connais même pas, tu ne sais rien de lui ! Et si... Et si...

« Et si » quoi, Milly ? De quoi as-tu peur ? Qu'il se lasse de lui, de toi, et qu'il souhaite vous dévorer pour le petit-déjeuner ?

– Ouais, mais c'est un brave gars. Ce n'est pas parce qu'on le désigne comme un monstre qu'il est forcément monstrueux.

C'est bien rare que j'entende quelque chose d'aussi mature venant de sa bouche et cela me cloue les lèvres. Il profite de mon état pour s'approcher de moi, remettre sa main là où elle était puis me fait le plus grand des sourires. Il sait que quand il fait son sourire de tombeur, je suis incapable de résister et cède lamentablement, comme une petite fille qui manque cruellement de volonté.

– Tu vas voir, il est super chouette ! Tu ne vas pas regretter cette rencontre !

– ... si tu le dis.

Je ne rajoute rien de plus, toujours estomaquée par tout ceci. Jo ne cherche pas à continuer à converser ou à me rassurer davantage, il effleure ses lèvres sur les miennes, me souffle un mot d'amour puis se détourne, montrant son dos. Il se plonge dans le sommeil en quelques minutes.

Moi, je n'ai pas dormi.

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