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Claudia continue à trembler comme une feuille derrière moi. Après un long soupir, je me tourne vers elle, le regard dur.

— Cheng, je vais te poser une question. Je ne la poserais qu'une seule fois. Si tu me dis la vérité, tout ira bien, je te le promets. Par contre, si tu me mens ou que tu ne dis rien, ce qui arrivera ensuite ne répondra plus de moi. On se comprend ?

L'asiatique m'observe avec des yeux ronds de stupeur avant de déglutir. Son attention se tourne quelques secondes vers Amaury qui se tient avec impatience dans mon dos. Puis elle baisse la tête.

— As-tu voté pour éliminer Prunelle ?

La seconde suivante me parait interminable et rien ne me prépare à la réponse qui arrive. D'un coup, Claudia lève la tête et une expression de dégout est imprimée sur ses traits alors qu'elle nous dévisage un à un.

— Évidemment que j'ai voté contre elle ! crache-t-elle. Quel autre choix j'avais ? J'étais l'intrus du groupe, seule contre vous trois. Et comme si ça ne suffisait pas, Amaury a annoncé haut et fort qu'il avait déjà voté contre moi !

Elle se tourne vers le concerné, des flammes dansant dans les yeux.

— Si Constance n'avait pas fait remarquer sa découverte, tu m'aurais laissé crever sans problème. Et c'est moi la fautive ? Tu t'attendais à quoi ? À ce que je suive aveuglément votre petit plan pour me tuer ? Ah, vous faites un beau couple d'hypocrites !

— Oui, j'ai voté contre toi ! rugit Amaury en avançant droit sur l'asiatique. Moi ! Si tu voulais t'en prendre à quelqu'un, pourquoi pas moi ? Prunelle ne t'avait rien fait ! C'est MOI qui ai voté contre toi ! MOI !

— Je... Je ne suis pas stupide ! rétorque Claudia, la voix tremblante d'émotions. Je savais que Constance allait voter contre moi aussi. J'étais la cible parfaite après tout. Alors je me suis dit qu'en votant contre Prunelle, nous serions deux à avoir deux votes. Je ne pensais pas que l'élimination se ferait au hasard en cas d'ex-aequo.

— Claudia...

C'est à peine si j'entends ma propre voix mais les regards intrigués que me jettent les deux autres me confirment que c'est bien moi qui vient de m'exprimer.

— Il n'y a pas eu d'ex-aequo. Je n'ai pas voté contre toi...

Le choc est lisible sur le visage de l'asiatique dont les traits s'allongent à vue d'œil. Je sens dans ses yeux le combat qui se joue alors qu'elle tente de décider si l'information est vraie ou non. Puis sa bouche s'ouvre comme pour happer l'air mais aucun son ne sort.

Les larmes commencent à poindre dans mes yeux. Quelque part, je sais que je suis tout aussi responsable du sort de Prunelle. Peut-être que si j'avais agi autrement lors de ce fameux vote, ma petite sœur serait encore à mes côtés...

— Je suis désolée, réussit finalement à balbutier Claudia.

— Désolée ? Désolée ? s'emballe à nouveau Amaury. À cause de toi, une pauvre gamine qui n'avait rien demandé à personne est morte ! Et tout ce que tu trouves à dire c'est « je suis désolée » ?

Se laissant tomber à genoux, l'asiatique continue de s'excuser. Ses pleurs viennent entrecouper ses mots qui tournent en boucle, donnant à sa plainte un air de vinyle rayé. Prenant sur moi, je viens poser ma main sur l'épaule d'Amaury. Je ne sais si c'est mes yeux humides ou ma simple présence, mais il se calme aussitôt. D'un sourire triste, je regarde mes camarades.

— Ça suffit. Ce qui est fait est fait. La sortie est peut-être sous notre nez. Ce n'est pas le moment de gaspiller le peu de force qu'il nous reste.

Claudia acquiesce en hoquetant. Visiblement touchée par cet appel du cœur, elle se tourne vers moi. Je remarque tout de suite son expression décidée. Et, sans rien dire, elle me tend la main. Pourtant, je ne lui donne pas le cube. J'ai comme le sentiment que c'est à moi de m'en charger.

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L'objet s'enfonce dans l'encoche jusqu'à se faire avaler entièrement par le pilier. Une lumière vive jaillit, embaumant mon corps entier. Je détourne le regard pour ne pas être aveuglée.

Je me sens instantanément comme bordée d'un nuage chaud et doux qui vient effacer doutes et douleurs en un clin d'œil. Quand la luminosité de la pièce revient à la normale, deux secondes plus tard, je me sens plus que bien. Et c'est avec un sourire presque béat que je m'approche du cube géant.

Sans réfléchir, comme si cela coulait de source, je viens apposer ma main sur la porte. Un clic terriblement satisfaisant retentit. Il me suffit alors de pousser du doigt la porte pour que celle-ci s'ouvre. Je me tourne vers mes compagnons d'infortune avant de m'y engouffrer. Aussitôt, l'intérieur de l'immense cube s'illumine et un texte s'affiche sur le mur qui nous fait face.


FÉLICITATIONS CONSTANCE.

VOUS AVEZ ATTEINT LA FIN DU...


Soudain, le message se brouille et une alarme se déclenche. Tout se teinte de rouge.


ERREUR.

LE NOMBRE DE SUJETS EXCÈDE LA CAPACITÉ MAXIMALE AUTORISÉE.

VEUILLEZ NE LAISSER ENTRER QU'UN SEUL SUJET.


Je me tourne, incrédule, vers les autres. Qu'est-ce que ça veut dire ?

— Non, c'est pas possible ! s'écrie soudain Claudia. C'est une blague, c'est ça ?

L'asiatique semble absolument excédée et je la regarde sans y croire se mettre à taper sur les murs telle une furie.

— Qu'est-ce qu'il lui prend ? s'étonne Amaury.

Nous continuons tous deux de la contempler en quête de réponse. Puis mon attention se reporte sur le message d'erreur et je comprends alors.

— Amaury, si la sortie est ici et qu'il n'y a qu'un « sujet » qui peut y entrer, ça veut dire que les autres ne pourront pas sortir, non ?

— Tu veux dire que ceux qui restent vont devoir trouver une autre sortie ? Et s'il n'y en a pas ?

Si la sortie est ici et qu'il n'y a qu'un « sujet » qui peut y entrer, ça veut dire que les autres ne pourront pas sortir. Donc, celles qui restent vont devoir trouver une autre sortie. Enfin, s'il y en a bien une autre...

Je déglutis à l'idée de devoir tout recommencer depuis le début.

— C'est mort ! Si je vois une nouvelle pièce blanche ou un nouveau compte à rebours, je vais devenir folle !

— Je crois qu'on n'a pas vraiment le choix, expire Amaury, l'air abattu.

Claudia s'immobilise soudain et accoure vers nous avec urgence. Ses petits yeux nous contemplent avec un air d'illuminée.

— Je dois sortir, dit-elle comme s'il s'agissait de l'idée du siècle. Laissez-moi y aller. Je leur dirais qui je suis, qui sont mes parents et ils comprendront qu'ils ont fait une erreur et je vous ferais libérer aussi. C'est la meilleure solution.

Bien que son visage ahuri fasse légèrement peur, je reconnais que sa proposition n'est pas si mauvaise. Si tout cet enfer est bien lié aux partenaires des laboratoires Cheng, laisser sortir Claudia est certainement notre meilleur pari.

— Mais on est bien sûrs que c'est la sortie ? demande Amaury. Qu'est-ce qui nous assure que y a pas des mecs armés qui attendent de l'autre côté ? Si ça se trouve, tes parents sont dans le coup aussi.

— Non, je suis sûre que non, répond l'asiatique en secouant vivement la tête. Pas possible. Ils ne me feraient pas ça. Pas à moi. Je ne suis pas un génie comme Tao mais je suis leur fille. Je...

Elle s'effondre alors en sanglots et je me surprends à m'abaisser à sa hauteur pour la réconforter. Ma main caresse lentement son dos dans un geste apaisant tandis qu'Amaury tourne la tête avec contrariété.

D'une part, la possibilité d'avoir quelqu'un à l'extérieur serait une vraie chance pour enfin libérer tout le monde. D'une autre part, rien ne nous permet de savoir ce qu'il adviendra à la personne qui sort. Et si elle ne tient pas parole ou est dans l'incapacité de venir en aide aux autres, ils pourraient bien restés ici enfermés pour toujours. Qui sait ?

— Pourquoi on te ferait confiance ? déclare Amaury, solennel. Je pourrais très bien sortir aussi et botter les fesses aux psychopathes qui nous ont enfermés ici. Et vous pourrez être certaines que je ferais tout mon possible pour vous faire sortir ensuite et retrouver Constance.

Je me lève en un bond. C'est quoi ce délire ? Pourquoi il décide de ça tout seul ? S'il croit que je n'ai pas mon mot à dire ! Je m'apprête justement à rétorquer quand quelque chose me saisit à la gorge. Je me débats mais la poigne est ferme. Plus que ce à quoi je m'attendais de la part du cloporte en tout cas.

— Ok, fait-elle en me tenant contre elle. Pas de gestes brusques. Vous allez tous gentiment quitter ce sas et me laisser seule, d'accord ? Je vais sortir de ce foutu cube et tout arranger, vous verrez.

— Lâche d'abord Constance, ordonne Amaury.

— Fais un pas de plus...

La voix nasillarde de la jeune fille se fait soudain menaçante et je vois Amaury hésiter. Physiquement, je sais que le frêle gabarit de Claudia ne fait pas le poids contre moi et Amaury. Mais l'asiatique semble avoir perdu tout contrôle sur elle-même. Et je sais que les adversaires les plus ardus sont ceux qui sont le moins prévisibles. Devrais-je tout de même tenter de riposter ? Peut-être a-t-elle un plan ? Peut-être sait-elle quelque chose que nous ignorons ? Une botte secrète qui lui permet d'agir aussi inconsciemment en toute confiance.

Mon petit ami doit aussi se douter que quelque chose cloche car il se met à reculer doucement, les mains en avant pour montrer sa bonne fois. Ce n'est que quand il se retrouve à l'extérieur du cube géant, à plusieurs mètres de la porte, que Claudia relâche sensiblement sa prise.

— Maintenant tu vas suivre ton petit copain fissa, m'ordonne ma camarade de classe avec urgence. Et pas d'entourloupes, Mercier. Je ne rigole pas.

Autour de nous, l'alarme continue à retentir.


ERREUR. ERREUR.

LE NOMBRE DE SUJETS EXCÈDE LA CAPACITÉ MAXIMALE AUTORISÉE.

DEMANDE DE RÉINITIALISATION DU SYSTÈME.


Je ne sais pas où conduit ce sas, ni même s'il conduit bien quelque part. Je ne sais pas ce qui attendra à la sortie ou s'il y en a bien une. Je ne sais pas non ce qu'il adviendra si cette réinitialisation se lance, ni même ce que cela veut dire. Mais je sais que ma prochaine décision sera décisive.


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À vous de choisir...

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[Obéir à Claudia]

Rendez-vous en 29.


OU


[Attaquer Claudia]

Si vous avez trouvé un couteau au cours de l'aventure, allez en 191.

Sinon, rendez-vous en 184.

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