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Aussitôt ma réponse entrée, un petit cube identique à celui trouvé par Prunelle plus tôt se matérialise dans ma main. Puis une dalle coulisse sous nos yeux pour révéler un passage dont la lumière éclaire la salle dans laquelle nous nous trouvons. Mais je n'ai pas le temps d'observer les alentours. Deux silhouettes apparaissent dans la nouvelle ouverture : un jeune homme à l'allure élancée et une enfant coiffée de deux boules de cheveux crépus. Je m'élance sans réfléchir.
— Prunelle !
Alors que j'enlace ma sœur, celle-ci me raconte d'un air excité son aventure avec Amaury sur la mer. Après s'être tous les deux retrouvés sur une île déserte, ils avaient réussi à mettre une vieille barque abandonnée à flots et avaient ramés jusqu'à atteindre un portail.
— On a failli être mangés par un monstre marin immense ! clame-t-elle alors que je me tourne vers Amaury.
Le pauvre semble véritablement épuisé mais continue à afficher un sourire amusé et plein de tendresse à l'intention de Prunelle. Il ne fait aucun doute que mon petit-ami a fait tout son possible pour ramener l'enfant à bon port, saine et sauve.
Débordée de reconnaissance, je ne peux lui souffler un sincère remerciement alors qu'il commence à vaciller. Je lui attrape la taille juste à temps. S'appuyant sur mon épaule, il tente de rester droit mais ses bras le lâche. Je n'imagine même pas pendant combien de temps il a dû ramer.
Soudain, le passage d'où Prunelle et Amaury viennent de sortir se referme et nous sommes de nouveau plongés dans l'obscurité. Heureusement, cela ne dure pas longtemps car la pièce s'éclaire finalement sous un concert de grésillements.
Nous nous trouvons dans une longue salle au bout de laquelle se tient un cube de taille humaine. Une porte semble se découper sur l'une des faces. Surprise par cette vision, ce n'est que quelques minutes plus tard que je remarque qu'un pilier à l'apparence familière trône au centre de la pièce. Il semble identique en tous points à celui qui cachait un garde-manger. Et il se trouve que je suis justement en possession de l'objet permettant de l'activer.
Un moment de silence s'installe alors que chacun semble venir à la même conclusion : pas question de refaire la même erreur. D'un commun accord, nous ignorons le pilier et nous dirigeons vers l'étrange porte. Sans surprise, la porte ne semble pas prête de s'ouvrir. Elle ne possède aucune poignée et l'interstice qui la sépare du reste du grand cube est trop fin pour espérer forcer son ouverture. Cela ne nous empêche pas de tester.
Laissant Amaury assis contre un mur sous la surveillance de ma sœur, Claudia et moi entreprenons d'analyser le reste de la structure à la recherche d'un indice ou d'un bouton secret. Cependant, après de longues minutes de recherches, nous sommes bien forcés de nous rendre à l'évidence. La seule chose avec laquelle il est possible d'interagir dans la pièce est le pilier comportant une encoche carrée.
Sans rien dire, tous les regards se dirigent vers le petit cube blanc que je tiens précieusement dans ma main gauche. Il sert certainement à ouvrir la porte mais à quel prix ? Le cube précédent avait été à double tranchant : nous avions été rassasiés pour être tout de suite endormis, séparés et forcés à nous éliminer. Qui sait ce qu'il pourrait se passer cette fois ?
Je soupire :
— Bon, qui veut y aller ?
— C'est toi qui l'as récupéré, me fait remarquer Claudia quand personne ne répond.
— Et alors ? On était ensemble, je te signale !
— Je peux le faire..., annonce Amaury d'une voix fébrile.
Il se relève avec difficulté et se masse l'épaule avant de s'approcher de nous, Prunelle à ses trousses.
Je m'apprête à le réprimander mais suis devancée par la première de la classe.
— Tu n'as pas l'air très en forme, lui fait-elle remarquer.
— Justement, insiste le rouquin. Je ne vais pas vous être bien utile dans cet état. S'il m'arrive quelque chose, ce ne sera pas une grande perte...
Choquée, j'étudie le visage sérieux de mon petit-ami sans vraiment y croire. Peu importe nos différents et nos stupides disputes, peu importe les insultes que j'ai pu lui balancer ou souffler dans mon sommeil, la seule pensée de le perdre me retourne l'estomac. Comment peut-il dire ça ?
— Non, Amaury ! s'exclame Prunelle en venant s'accrocher à sa jambe. Je veux pas te perdre, moi.
Je souris devant cet élan d'affection qui me rendait jadis de mauvaise humeur. Je crois que, dès qu'elle l'a rencontré, Prunelle est tombée amoureuse d'Amaury. Et ce balourd qui trouvait ça mignon. Pas que je sois jalouse mais je suis certaine que si ma sœur avait eu quelques années de plus, elle ne se serait pas gênée pour me piquer mon copain.
Les larmes qui commencent à poindre dans les yeux de l'enfant semblent remuer la confiance d'Amaury. Sacré Prunelle. Un sourire idiot sur les lèvres, je regarde mes camarades. Visiblement touchée par cet appel du cœur, Claudia se tourne vers moi. Elle arbore une expression décidée. Et, sans rien dire, elle me tend la main. Pourtant, je ne lui donne pas le cube. J'ai comme le sentiment que c'est à moi de m'en charger.
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L'objet s'enfonce dans l'encoche jusqu'à se faire avaler entièrement par le pilier. Une lumière vive jaillit, embaumant mon corps entier. Je détourne le regard pour ne pas être aveuglée.
Je me sens instantanément comme bordée d'un nuage chaud et doux qui vient effacer doutes et douleurs en un clin d'œil. Quand la luminosité de la pièce revient à la normale, deux secondes plus tard, je me sens plus que bien. Et c'est avec un sourire presque béat que je m'approche du cube géant.
Sans réfléchir, comme si cela coulait de source, je viens apposer ma main sur la porte. Un clic terriblement satisfaisant retentit. Il me suffit alors de pousser du doigt la porte pour que celle-ci s'ouvre. Je me tourne vers mes compagnons d'infortune avant de m'y engouffrer. Aussitôt, l'intérieur de l'immense cube s'illumine et un texte s'affiche sur le mur qui nous fait face.
FÉLICITATIONS CONSTANCE.
VOUS AVEZ ATTEINT LA FIN DU...
Soudain, le message se brouille et une alarme se déclenche. Tout se teinte de rouge.
ERREUR.
LE NOMBRE DE SUJETS EXCÈDE LA CAPACITÉ MAXIMALE AUTORISÉE.
VEUILLEZ NE LAISSER ENTRER QU'UN SEUL SUJET.
Je me tourne, incrédule, vers les autres. Qu'est-ce que ça veut dire ?
— Non, c'est pas possible ! s'écrie soudain Claudia. C'est une blague, c'est ça ?
L'asiatique semble absolument excédée et je la regarde sans y croire se mettre à taper sur les murs telle une furie.
— Qu'est-ce qu'il lui prend ? s'étonne Amaury tandis que Prunelle vient se réfugier derrière lui.
Nous continuons tous deux de la contempler en quête de réponse. Puis mon attention se reporte sur le message d'erreur et je comprends alors.
— Amaury, si la sortie est ici et qu'il n'y a qu'un « sujet » qui peut y entrer, ça veut dire que les autres ne pourront pas sortir, non ?
— Tu veux dire que ceux qui restent vont devoir trouver une autre sortie ? Et s'il n'y en a pas ?
Si la sortie est ici et qu'il n'y a qu'un « sujet » qui peut y entrer, ça veut dire que les autres ne pourront pas sortir. Donc, celles qui restent vont devoir trouver une autre sortie. Enfin, s'il y en a bien une autre... Je déglutis à l'idée de devoir tout recommencer depuis le début.
— C'est mort ! Si je vois une nouvelle pièce blanche ou un nouveau compte à rebours, je vais devenir folle !
— Je crois qu'on n'a pas vraiment le choix, expire Amaury, l'air abattu.
Claudia s'immobilise soudain et accoure vers nous avec urgence. Ses petits yeux nous contemplent avec un air d'illuminée.
— Je dois sortir, dit-elle comme s'il s'agissait de l'idée du siècle. Laissez-moi y aller. Je leur dirais qui je suis, qui sont mes parents et ils comprendront qu'ils ont fait une erreur et je vous ferais libérer aussi. C'est la meilleure solution.
Bien que son visage ahuri fasse légèrement peur, je reconnais que sa proposition n'est pas si mauvaise. Si tout cet enfer est bien lié aux partenaires des laboratoires Cheng, laisser sortir Claudia est certainement notre meilleur pari.
— Mais on est bien sûrs que c'est la sortie ? demande Amaury. Qu'est-ce qui nous assure que y a pas des mecs armés qui attendent de l'autre côté ? Si ça se trouve, tes parents sont dans le coup aussi.
— Non, je suis sûre que non, répond l'asiatique en secouant vivement la tête. Pas possible. Ils ne me feraient pas ça. Pas à moi. Je ne suis pas un génie comme Tao mais je suis leur fille. Je...
Elle s'effondre alors en sanglots et je me surprends à m'abaisser à sa hauteur pour la réconforter. Ma main caresse lentement son dos dans un geste apaisant tandis qu'Amaury tourne la tête avec contrariété.
D'une part, la possibilité d'avoir quelqu'un à l'extérieur serait une vraie chance pour enfin libérer tout le monde. D'une autre part, rien ne nous permet de savoir ce qu'il adviendra à la personne qui sort. Et si elle ne tient pas parole ou est dans l'incapacité de venir en aide aux autres, ils pourraient bien restés ici enfermés pour toujours. Qui sait ?
— Pourquoi on te ferait confiance ? Je pourrais très bien sortir aussi et botter les fesses aux psychopathes qui nous ont enfermés ici. Et vous pourrez être certaines que je ferais tout mon possible pour vous faire sortir ensuite et retrouver Constance.
— Dans ce cas, je suis prêt à prendre le risque, déclare Amaury, solennel. Je vais leur montrer de quel bois je me chauffe et vous faire sortir de là.
Je me lève en un bond.
— C'est quoi ce délire ? De un, pourquoi tu décides de ça tout seul ? De deux, si quelqu'un doit sortir vivant d'ici, c'est Prunelle.
Mon petit ami s'apprête à rétorquer quand un cri retendit soudain dans mon dos. Je me retourne pour constater avec horreur que Claudia tient ma petite sœur en otage.
— Ok, fait-elle en nous observant un à un avec attention. Pas de gestes brusques. Vous allez tous gentiment quitter ce sas et me laisser seule, d'accord ? Je vais sortir de ce foutu cube et tout arranger, vous verrez.
— Rends-nous Prunelle d'abord !
— Fais un pas de plus...
La voix nasillarde de la jeune fille se fait soudain menaçante et je vois Amaury hésiter. Physiquement, je sais que le frêle gabarit de Claudia ne fait pas le poids contre moi et Amaury. Mais l'asiatique semble avoir perdu tout contrôle sur elle-même. Et je sais que les adversaires les plus ardus sont ceux qui sont le moins prévisibles. Devrais-je tout de même tenter de riposter ? Peut-être a-t-elle un plan ? Peut-être sait-elle quelque chose que nous ignorons ? Une botte secrète qui lui permet d'agir aussi inconsciemment en toute confiance.
Mon petit ami doit aussi se douter que quelque chose cloche car il se met à reculer doucement, les mains en avant pour montrer sa bonne fois. Ce n'est que quand il se retrouve à l'extérieur du cube géant, à plusieurs mètres de la porte, que Claudia relâche sensiblement sa prise.
— Maintenant tu vas suivre ton petit copain fissa, m'ordonne ma camarade de classe avec urgence. Et pas d'entourloupes, Mercier. Je ne rigole pas.
Autour de nous, l'alarme continue à retentir.
ERREUR. ERREUR.
LE NOMBRE DE SUJETS EXCÈDE LA CAPACITÉ MAXIMALE AUTORISÉE.
DEMANDE DE RÉINITIALISATION DU SYSTÈME.
Je ne sais pas où conduit ce sas, ni même s'il conduit bien quelque part. Je ne sais pas ce qui attendra à la sortie ou s'il y en a bien une. Je ne sais pas non plus ce qu'il adviendra si cette réinitialisation se lance, ni même ce que cela veut dire. Mais je sais que ma prochaine décision sera décisive.
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À vous de choisir...
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[Obéir à Claudia]
Direction le 54.
OU
[Attaquer Claudia]
Si vous avez trouvé un couteau au cours de l'aventure, allez en 191.
Sinon, rendez-vous en 184.
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