Chapitre 5 - Les anges
Après quelques instants dans son habitat au-dessus de la chapelle à se remettre des bouleversements émotionnels engendrés par les deux confessions successives emplies de remords et de détresse et également car il craignait ce qu'il pourrait se passer entre Krélia et Allonn durant son absence, Biyann redescendit dans la chapelle.
La petite porte pivota sur ses charnières, le laissant entrer dans le lieu sanctifié.
Sa première constatation fut que Krélia ne se trouvait plus dans le chœur. Peut-être était-elle sortie, ayant besoin d'oxygène après les dernières minutes. Le regard circulaire qu'il promena sur la nef lui indiqua le contraire. Allonn était toujours installé sur le banc de la dernière rangée et Krélia était assise à côté de lui avec une certaine distance, tous deux silencieux, pensifs et leurs deux regards, turquoise sombre et mordoré, fixés sur le vitrail brillamment éclairé par les rayons du soleil.
Biyann les examina en les détaillant tour à tour. Il remarqua qu'ils semblaient un peu apaisé, plus calmes, pas tout à fait soulagés et leur souffrance, qu'ils avaient confessée et renfermée en eux après l'avoir libérée, transperçait toujours quelque peu sur leurs visages éprouvés et fatigués.
En les voyant installés côté à côté et plongés dans la contemplation des figures ailées du vitrail, Biyann eu une idée.
Face aux aveux pleins de rancœur envers lui-même d'Allonn, il n'avait su trouver les mots et n'avait pu que se taire, ce qu'il se reprochait d'ailleurs, mais peut-être que ceci pourrait l'aider un peu et Krélia aussi. Peut-être qu'il donnerait à Allonn l'envie de retrouver sa foi et sa confiance en les dieux.
Il remonta l'allée séparant les deux rangées de bancs pour rejoindre ses invités à qui il fit part de son observation :
« Vous paraissez fascinés par ce vitrail.
Allonn, dont les pensées étaient hantées par le visage de Yhrice, celui qui lui souriait mais surtout celui ravagé de larmes de peur barré par les barreaux de la cellule des sous-sols de l'inquisition, vision qui s'accompagnait du son de sa voix qui hurlait son nom, sursauta et Krélia déporta son regard pour le poser sur le jeune prêtre, un sourcil arqué.
C'était vrai. Elle s'interrogeait sur cette représentation religieuse qu'elle ne connaissait pas et qu'elle ne parvenait pas à percer et Allonn restait surpris de trouver une image de ces êtres, rares et peu représentés.
D'un geste, Biyann leur demanda la permission de s'asseoir avec eux alors qu'il était dans sa chapelle. Krélia se décala, cédant sa place à Biyann qui s'installa donc entre la jeune fille blessée et l'ancien inquisiteur en détresse.
Le silence s'étendit de nouveau sur quelques minutes, puis Biyann reprit la parole avec toujours le vitrail comme sujet :
- Alors, voulez-vous que je vous en parle ?
- Qu'est-ce que ça représente ? Qui sont ces personnages ?
- Ce sont des anges. Répondit Allonn.
- Des anges ? Répéta Krélia. Jamais entendu parler.
- C'est une figure de la mythologie religieuse peu connue et qui fait débat parmi les ecclésiastiques.
- Quitte à me faire un cours de théologie, tu ne veux pas plutôt m'expliquer qui ils sont ? Exigea Krélia.
- Ils sont les envoyés des dieux, répondit Biyann de sa voix calme, leurs messagers et ceux qui descendent dans notre monde en leur nom, lorsque le combat contre les forces du Mal le nécessite ou bien pour conseiller certains humains privilégiés, élus par les dieux. Ils portent la lumière divine en eux.
- Rien que ça ? Et pourquoi les dieux auraient-ils besoin d'avoir des envoyés comme ça ?
- Les démons sont des centaines et des centaines, comme ceux qu'ils corrompent, et les dieux ne sont que quatorze. Pour ce qui est de leur naissance, c'est obscure, sans mauvais jeu de mots sur les êtres de lumière. Disons qu'on ignore beaucoup de choses, d'autant plus que certains affirment qu'ils n'existent même pas. À ce qui revient le plus souvent, ils étaient humains auparavant, des hommes et des femmes de toutes origines et de tous milieux qui, à un moment ou à un autre dans leur vie, ont commis une faute pour laquelle ils se sont tourmenté et qu'ils ont tous su reconnaître, qui ont tous su demander pardon. Après leur mort, les dieux ont choisi ces âmes et les ont accueillies à leurs côtés pour les transformer de leur lumière.
- C'est un jolie mythe mais j'ai comme l'impression que vous venez de l'inventer pour nous réconforter. Soupçonna Krélia.
- Pas du tout, la contredit Allonn. C'est l'histoire des anges. »
Sans rien ajouter de plus que confirmer les propos de Biyann, exposés d'un timbre apaisant et chaud, Allonn regarda de nouveau le vitrail lumineux, détaillant tout particulièrement les ailes éclatantes qui semblaient de plumes.
Bien que la version de Biyann soit la bonne, du moins la plus connue et celle plus ou moins acceptée par l'Église, il était évident que le jeune prêtre la leur avait conté pour qu'ils s'identifient et cessent de tant s'en vouloir.
En y réfléchissant, il était vrai que leurs profils, tout particulièrement le sien puisque, lui, était humain, correspondaient mais Allonn doutait sincèrement d'être un ange, au contraire.
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