Chapitre 7 - Pirates
Deuxième jour d'un voyage qui en durerait douze si le vent soufflait pour eux.
Le soleil brillait sans pour autant brûler, Léttan angoissait et Krélia surveillait l'horizon.
Pour le moment, le seul réel problème qu'ils avaient était l'inquiétude du second. Krélia avait remarqué qu'il ne s'alimentait presque plus et que ses yeux cernés témoignaient de sa difficulté à trouver le sommeil. Il allait falloir qu'il se force à se reprendre car il ne tiendrait pas douze jours ainsi. Il dépérissait presque à vue d'œil. Il ne fixait même plus Krélia de son air méfiant durant de longues minutes.
Si c'était cela aimer les gens, Krélia avait encore moins envie de s'attacher mais, ces dernier temps, il lui semblait que c'était peine perdue que de refuser d'apprécier les personnes.
La veille, elle s'était surprise à répondre au sourire de Vanilesse mais le petit mousse était si attachant et attendrissant, comment le repousser ?
La jeune fille sortit de ses pensées en apercevant la silhouette fuselée d'un navire se déplaçant à tribord de leur position. Krélia fronça les sourcils. Le bâtiment ne semblait pas venir des Caëlinnes.
Dans cette direction, il y avait le continent d'Auphline ou peut-être celui de Malédonne mais le mat de pavillon n'arborait l'étendard d'aucune des nations de ces continents. En fait, à bien y regarder, il n'en portait aucun.
L'étrange navire changea subitement de cap et se dirigea vers eux. À partir de là, il n'y avait plus vraiment de doute possible.
Elle se pencha par-dessus la rambarde du nid de pie et cria, couvrant le son des vagues de sa voix :
« Capitaine ! Navire inconnu à tribord et il fonce droit sur nous !
L'équipage se précipita au bastingage et regarda avec appréhension le mystérieux bâtiment qui se rapprochait rapidement, les voiles gonflées de vent. Krélia les rejoignit en se laissant glisser le long d'une corde.
Tous alignés les uns contre les autres derrière le bastingage, ils retenaient leur souffle, espérant que l'idée qui leur avait tous traversé l'esprit soit fausse mais il y avait peu de chance. Aolenne en avait parlé juste avant le départ d'Icha. Personne ne savait quoi faire ou comment réagir. Il y avait un risque pour que ce soit des pirates mais, sans certitude, ils ne pouvaient se défendre de manière préventive alors qu'il ne s'agissait peut-être que d'un navire marchand égaré.
Toujours sans savoir, ils attendirent de voir.
Face à eux, le bâtiment ne manifestait pas le moindre signe qu'il soit hostile ou amical lorsque, soudainement, un bruit assourdissant retentit. Krélia vit distinctement fuser le boulet de canon qui décrivit une courbe sur le ciel avant de retomber dans l'eau avec de fortes éclaboussures à seulement quelques mètres de l'Oiseau des vagues. Il provoqua un violent remous qui agita le petit navire et déséquilibra ses occupants.
À présent, il n'y avait plus aucun doute sur le compte de cet autre équipage. Ce coup de semonce indiquait clairement leurs intentions.
Comme pour le confirmer encore davantage, ils dressèrent un pavillon noir orné d'un crâne bleu grimaçant. Cette fois, c'était certain, ils avaient à faire à des pirates.
Léttan bondit. Il courut avertir Frand et lui conseilla de s'enfermer dans sa cabine puis il se rua dans la réserve pour récupérer les armes dont chacun s'équipa.
Wiesse se précipita au gouvernail pour tenter de changer de cap et s'échapper mais il était trop tard. Les pirates étaient sur eux alors il ordonna :
- Soyez parés au combat ! Ne commettez pas d'imprudence ! Nialek, va vérifier si tu peux faire fonctionner les canons !
Tous s'agitèrent sans réellement savoir où se positionner ou comment se comporter.
Krélia alla pour se poster sur le gaillard d'avant où elle pourrait aisément gérer l'arrivée de ces ennemis qui seraient obligés de passer par les escaliers mais on la stoppa. Léttan posa une main dans son dos, visiblement, il s'habituait de plus en plus à sentir les ténèbres de Krélia le transpercer, et il l'entraîna vers sa cabine en jetant un regard par-dessus son épaule pour voir le bateau pirate toujours plus proche d'eux.
Krélia se dégagea brusquement mais, avant qu'elle ne puisse le questionner, Léttan sortit une clé de la poche de son veston qu'il déposa dans sa paume en lui indiquant :
- C'est celle de ma cabine. Va t'y enfermer. Tu y seras plus en sécurité.
- Tu crois que je vais fuir ?
- Ce sont des pirates, Krélia. Je ne vais t'apprendre ce qu'ils font aux femmes.
- Encore faudrait-il qu'ils supportent de me toucher. »
Siffla Krélia, reprochant en même temps à Léttan son incapacité à être en contact avec elle plus de quelques secondes même si c'était à elle qu'elle en voulait.
Elle rendit sa clé au jeune second et, son sabre en main, elle courut vers le gaillard d'avant mais elle n'eut pas le temps de l'atteindre.
Sur le navire ennemi, des écoutilles normalement destinées aux canons jaillirent d'immenses lames qui éperonnèrent l'Oiseau des vagues, l'immobilisant à sa merci. Le choc déséquilibra Krélia qui eut besoin de se rattraper au bastingage, tombant face au flanc du navire pirate dont elle lut le nom : Le Fleuret.
Elle se redressait à peine que plusieurs pirates se propulsaient sur le pont de l'Oiseau des vagues en se balançant à des cordages avec des hurlements guerriers. Apparemment, ils n'avaient aucun problème d'effectif, eux.
L'abordage avait débuté.
Ce fut par réflexe que chacun se prépara à parer les coups.
Krélia bondit sur le bastingage, gagnant quelques centimètres supplémentaires et, d'un large mouvement du bras, elle trancha une corde à laquelle s'accrochait un pirate qui s'écrasa sur les planches du pont avec un petit cri de surprise qui aurait pu être amusant dans d'autres circonstances.
Toujours perchée, Krélia constata qu'il suffirait à l'Oiseau des vagues de tirer un boulet de canon pour se débarrasser du navire adverse. Seulement, leurs canons étaient en si mauvais état qu'elle doutait qu'ils puissent les utiliser sans qu'ils n'explosent. Le seul moyen d'en être sûre était de vérifier.
Elle sauta et atterrit sur le pirate qui commençait juste à se relever puis elle courut rejoindre Nialek sur le faux-pont. L'ancien voleur était agenouillé face à un canon et tentait de le nettoyer. Il redressa la tête, prêt à combattre si il s'agissait d'un ennemi mais il soupira de soulagement en voyant Krélia. Il se réinstalla et ordonna à la jeune fille de lui apporter un tonnelet d'huile d'un mouvement de la tête. Krélia lui obéit, posant son sabre dans un coin.
Au bruit qui résonnaient au-dessus de leurs têtes, le combat prenait de l'intensité mais cela ne durerait pas. Les pirates étaient en un sur-nombre écrasant donc, leur unique chance reposait sur eux. À voir les mains légèrement tremblantes de Nialek, il en avait parfaitement conscience.
Le laissant faire car elle ne pourrait que le gêner, Krélia inspecta les trois autres canons qui se révélèrent tous pris dans la rouille. Nialek avait pris le plus potable du navire. Il entreprit de gratter la rouille à l'aide d'un couteau qu'il gardait toujours sur lui.
Des pas claquèrent dans les escaliers. Krélia se précipita sur son sabre, les doigts tendus mais, avant qu'elle s'en saisisse, le plat d'une lame s'abattit sur sa main et la pointe la menaça. La jeune fille recula et Nialek s'immobilisa.
Les dents serrées, Krélia détailla le pirate leur faisait face.
Il semblait jeune, peut-être même plus qu'elle. Ses cheveux noirs plutôt courts rebiquaient en mèches folles sur sa nuque. Ses grands yeux marrons clairs étaient soulignés d'un trait de khôl, les protégeant du vent, et un grain de beauté en décorait le coin gauche. Une vieille cicatrice marquait sa joue pleine. Son visage aux formes courbes et son nez rond lui conféraient un air innocent dont la crédibilité était grandement compromise par le long sabre affûté qu'il brandissait.
Il portait un pantalon de toile bouffante rayé de rouge et de jaune,une paire de bottes usées et un foulard brun noué à sa taille maintenait le fourreau de son arme en place. Une tunique d'une teinte rouge délavée dépassait de sous sa chemise blanche trop large qui paraissant l'engloutir et n'était pas sans rappeler celle de Krélia. Un bandeau noué autour de son cou et un veston court, tous deux noirs, terminaient sa tenue.
D'un geste de sa lame, le pirate ordonna à Krélia et Nialek de s'éloigner du canon, ce qu'ils firent, ne souhaitant pas se faire embrocher.
Krélia eut un regard frustré sur son sabre. Il y avait seulement un mètre à parcourir. Suivant ses yeux, Nialek hocha discrètement la tête à l'adresse de la jeune fille.
Le pirate semblait surpris de découvrir une femme à bord, il ne s'attendait donc pas à ce que la riposte vienne d'elle et ils bénéficieraient ainsi d'un effet de surprise. Krélia se ramassa légèrement sur elle-même, prête à s'élancer au signal de Nialek car, pour l'instant, ils n'avaient d'autre choix que de se reposer l'un sur l'autre, situation aussi inconfortable pour elle que pour lui.
Le marin resserra sa prise sur son couteau qu'il dissimulait de la vue du pirate dans le dos de Krélia. Cette dernière fit un petit pas de côté.
Subitement, faisant sursauter le pirate, Nialek envoya son arme qui lui frôla le bras, déchirant sa manche. Le jeune homme eut le réflexe de se retourner vivement pour suivre la trajectoire du couteau, qui alla se ficher dans la paroi du navire avec un bruit matte, et Krélia en profita.
Elle détendit brutalement les muscles de ses jambes, se jetant sur son sabre dont elle s'empara. Ayant prit trop d'élan, elle peina à freiner et roula sur son épaule pour se stopper. Chose qui l'étonna elle-même, elle ne se coupa pas avec sa lame dans son mouvement. Elle ne se savait même pas capable de ce genre d'exploits.
Elle ne s'extasia pas davantage sur ses capacités et se pressa de se relever alors que Nialek ramassait son propre sabre.
Le pirate fit volte-face. Seul un léger froncement de sourcil traduisit sa contrariété face à ce retournement de situation et rien de plus. Il ne paraissait pas très inquiété de faire face à deux adversaires. Après tout, il était entraîné et combattait régulièrement, contrairement à ces deux-là mais il ne les sous-estima pas pour autant, surtout la fille. Sous-estimer une femme était la dernière chose que beaucoup avaient fait avant de mourir.
Avant que le combat ne débute réellement et de les affronter, il voulait tester ses deux adversaires. Le pirate redressa donc son sabre avec lenteur avant de l'envoyer brusquement cogner contre celui de Krélia qui, par réflexe, le repoussa vivement. Le pirate ramena son arme vers lui pour s'attaquer à Nialek qui, anticipant, para le coup avant qu'il n'arrive.
Le pirate se posta en garde sans rien faire, se contentant de réfléchir à la meilleure manière de se débarrasser de ses deux ennemis avec efficacité tout en faisant teinter les deux boucles d'étain perçant son oreille droite l'une contre l'autre.
Plusieurs minutes s'écoulèrent ainsi dans un silence pesant, chacun examinant l'autre sans rien laisser paraître. Le pirate demeurait immobile, la pointe de sa lame contre les planches du sol, le visage impassible et les doigts triturant toujours ses deux anneaux.
Il semblait simplement attendre mais attendre quoi ? Krélia se le demandait. Était-ce des renforts ou bien que le premier coup vienne d'eux ?
Impossible de le deviner mais le pirate paraissait patienter alors ce duel de regards pouvait s'éterniser.
Krélia leva la tête vers le plafond qui tremblait de la course de tous les hommes se battant sur le pont. Au simple son des pas précipités, il était impossible de déterminer en faveur de qui penchait l'affrontement mais Krélia se positionnait sans trop de doute pour les pirates qui étaient en fort sur-nombre. Leurs camardes avaient besoin d'eux. Le seul moyen de battre leur ennemi était de percer leur bâtiment, ils n'avaient donc pas de temps à perdre en se fixant stupidement avec un pirate particulièrement patient.
Le reste de l'équipage se battait sans eux et risquait sa vie. Peut-être que certains étaient déjà morts.
À cette idée, un frisson remonta le longe du dos de Krélia alors qu'un étrange et troublant sentiment montait de sa poitrine pendant qu'elle imaginait Léttan gisant sans vie. Ses phalanges craquèrent alors qu'elle resserrait sa prise sur le manche de son sabre.
Sentant qu'elle craquait alors que c'était exactement ce que souhaitait le pirate, Nialek tendit la main pour la refermer sur son bras et la retenir mais il suspendit subitement son geste en percevant le froid glacial et les ténèbres émanant de Krélia. Cette dernière resta donc sans rien pour la stopper.
Elle se rua sur le pirate qui n'eut qu'à faire un pas sur le côté pour l'esquiver. Krélia fit vivement volte-face en brandissant son arme.
Nialek soupira. La jeune fille venait de donner l'avantage au pirate en s'emportant ainsi. Elle lui avait pourtant semblé savoir conserver son sang-froid.
Pendant que l'ancien voleur se désespérait de la réaction de Krélia, cette dernière tenta une nouvelle attaque. Sa lame frappa violemment contre celle du pirate qui dégagea son arme d'un pas en arrière et il porta un coup à son tour mais pas avec sa lame. Il envoya son pied botté sur le genou de Krélia dans le but de la faire tomber mais Nialek s'interposa, plaçant son sabre sur la trajectoire du coup du pirate qui se déporta vivement au dernier moment pour ne pas s'empaler la jambe sur la lame.
Il vacilla et, perdant l'équilibre, il chuta sur le côté. Il se rattrapa souplement en roulant sur ses épaules, lâchant son sabre qui glissa entre deux canons. Krélia et Nialek profitèrent de cette aubaine sans avoir besoin de se consulter, ayant apparemment la même idée. Ils menacèrent tous deux le pirate en pointant leurs lames sur sa gorge mais le jeune homme ne se rendit pas, pas plus qu'il ne se démonta.
Il s'assit doucement en prenant appuis sur ses paumes, le visage toujours aussi calme. Il approcha discrètement les doigts de sa botte dans laquelle il dissimulait un poignard. Il le dégaina soudainement en même temps qu'il redressait violemment la jambe. Sa semelle heurta la poignée du sabre de Nialek qui vola.
Surprise, Krélia éloigna sa lame du pirate qui bondit sur ses pieds et, se servant de cet élan, il se saisit de l'arme de Nialek avant qu'il ne retombe.
Nialek étant à présent désarmé, il ne représentait plus aucun danger alors le pirate se concentra davantage sur Krélia qui se mit en garde, position heureusement préalablement implantée dans son esprit. Ils échangèrent plusieurs coups, ceux de Krélia étaient incertains, dû au manque d'expérience, encore une fois, elle ne connaissait que la théorie et n'avait que très peu de pratique, alors que ceux du pirate étaient assurés et précis. Ils faisaient trembler la lame de Krélia.
Cette dernière remarqua que, étrangement, son adversaire ne cherchait pas à la tuer ni même à la blesser mais seulement à la désarmer. La jeune fille recula, cédant du terrain.
Elle chercha Nialek du regard pour lui demander de l'aide. Ils étaient deux, ils devraient pouvoir tenir tête à ce pirate, sauf qu'elle ne trouva pas son camarde ni à sa gauche ni à sa droite.
Avait-il fuit ?
Elle ne se questionna pas très longtemps, préférant nettement se concentrer sur l'affrontement qu'elle perdait plutôt que de s'interroger sur Nialek. Continuant à reculer sous les assauts du pirate, elle se retrouva bientôt plaquée contre la paroi entre deux canons, ce qui limitait grandement ses mouvements déjà peu experts. Elle ne dressa son sabre devant elle que par réflexe, dépassée par la dextérité du pirate dont la lame ripa en s'abattant sur celle de Krélia et glissa vers la pointe.
Ne parvenant pas à récupérer son action, il perdit l'équilibre vers la gauche. Il planta sa lame juste à quelques millimètres de l'épaule de Krélia, qui sursauta fortement, pour se rétablir sur ses pieds. Voyant là une opportunité inespérée, la jeune fille releva son sabre pour écarter violemment celui du pirate, lui faisant lâcher prise. Il était à nouveau désarmé.
Cependant, Krélia ne jubila pas longtemps car, à voir l'air tranquille du pirate, cela n'avait rien de favorable pour elle, au contraire. Elle avait refermé le piège du pirate sur elle. Le jeune homme remonta brutalement le genou, frappant Krélia à l'abdomen. La jeune fille se plia en deux, échappant son arme et le souffle coupé. Cette fois, c'était terminé. Ce pirate allait pouvoir faire ce qu'il voulait d'elle.
Alors qu'il tendait la main pour reprendre son sabre, qui était en fait celui de Nialek, pendant que Krélia cherchait en vain sa respiration, une lame courte se posa soudainement sur sa gorge, le stoppant dans son mouvement.
Un léger rictus déforma la bouche du pirate. En effet, il avait momentanément oublié Nialek pendant qu'il s'occupait de Krélia et le marin était allé récupérer son couteau enfoncé dans le bois du navire un peu plus loin. Krélia se redressa avec difficulté en prenant appuis contre la paroi derrière elle.
D'un hochement du menton, elle félicita et remercia Nialek qui avait tout de même réussi à retourner la situation à leur avantage mais le pirate ne montra pas le moindre signe de réédition, n'abandonnant pas car c'était bien là sa meilleure qualité d'après son capitaine. Il n'abandonnait jamais et continuait à se battre quoi qu'il advienne.
Trop rapidement pour que ses adversaires puissent le parer ou le prévoir, il saisit le poignet de Nialek et le lui tordit. Le marin déplia involontairement le bras dans une grimace de douleur et le pirate n'eut plus aucun mal à sa dégager. Il bondit vivement en arrière, esquivant le coup de couteau que tenta de lui porter Nialek, qui lâcha son arme pour récupérer son sabre alors Krélia terminait de se remettre.
Le pirate roula sur son épaule, esquivant encore l'attaque de Nialek et passa dans son dos. Il s'empara du couteau au passage et se releva avec la vivacité d'un félin. Krélia ramassa son sabre, venant épauler Nialek.
Cette fois, le pirate ne semblait plus aussi détendu. Il n'avait qu'un couteau face à deux attaquants armés de sabres mais il parvenait toujours à s'en sortir.
Krélia et Nialek attaquèrent ensemble, l'un visant le haut et l'autre le bas. Le pirate bondit en se pliant sur lui-même, évitant les lames mais il se réceptionna mal et tomba durement au sol. Il ne chercha pas à se relever et se servit plutôt de sa position à terre pour envoyer ses deux pieds écartés à la poitrine de ses deux adversaires. Krélia eut le réflexe de lâcher son sabre pour attraper la cheville du pirate à deux mains, bloquant le coup, mais Nialek, lui, le reçut de plein fouet et tituba en arrière.
Krélia ne libéra pas le pirate, ayant une idée qui pourrait enfin les aider dans ce combat. Elle remonta sa prise sur le mollet du jeune homme, posant ses paumes contre sa peau. Comme elle y comptait, le pirate se figea, sentant un froid mordant ainsi qu'une impression de noirceur le traverser, sensation dont il n'identifia pas exactement l'origine mais qu'il supposa être causée par Krélia.
Effrayé, il rua et se débattit avec quelque chose proche du désespoir si bien qu'il parvint à se libérer malgré les efforts de Krélia pour ne pas le lâcher. Le pirate se tassa sur lui-même en s'éloignant de Krélia, les yeux exorbités et ne comprenant pas ce qu'il venait de lui arriver. Son corps était agité de tremblements et son visage reflétait sa frayeur ainsi que son incompréhension. Nialek se tourna vers Krélia, se demandant ce qu'elle avait bien pu faire à ce type, qui paraissait pourtant ne s'inquiéter de rien, pour le terroriser de la sorte mais la jeune fille ne montrait rien, juste une expression de dureté.
Le marin remit cette question à plus tard. Pour le moment, ils devaient mettre ce pirate hors d'état de nuire, ce que Krélia avait bien entamé, et mettre les canons en état de marche pour stopper l'abordage. Il s'approcha du pirate, le pommeau de sabre en avant avec l'intention visible de s'en servir pour l'assommer.
À cette constatation, le pirate se réveilla. Pas question de se faire capturer, surtout aussi stupidement. Il ignorait ce qu'il s'était passé mais il s'inquiéterait de cela plus tard.
Raffermissant sa prise autour du couteau, il sauta sur ses pieds et, enchaînant rapidement, il repoussa Nialek d'un brusque coup d'épaule mais il le suivit dans son mouvement de recule, venant au corps à corps avec lui. Ainsi, le marin ne possédait plus beaucoup d'angles d'attaque avec son sabre, contrairement au pirate qui glissa sa courte lame contre la poignée du sabre et, exerçant une pression sur le couteau, il lui fit lâcher son arme qui tomba non loin.
Le pirate alla pour s'en emparer mais Nialek le retint. À présent qu'il l'avait au corps à corps, il ne comptait pas le laisser filer. Il le saisit par la première prise qui se présenta à lui et qui s'avéra être le haut de sa chemise mais il ne se laissa pas faire et tira vers l'arrière. Le devant de son vêtement se déchira avec un fort bruit et il se dégagea.
Alors qu'ils se préparaient à attaquer à nouveau, Krélia et Nialek s'immobilisèrent, hébétés face au pirate dont la tunique délavée moulait les formes féminines.
Ils avaient donc à faire à une pirate. Finalement, elle n'était pas si jeune que ça et devait avoir à peine plus que l'âge de Krélia.
« Une fille ? Lâcha Nialek avec effarement.
- Et alors ? Ça te pose un problème ?
Rétorqua la pirate et sa voix qui, bien que grave et plutôt basse, était indéniablement féminine.
Profitant de son effet de surprise involontaire, si elle avait su, elle aurait dévoilé sa féminité plus tôt, la pirate récupéra le sabre de Nialek duquel elle para le coup de Krélia en effectuant un tour sur elle-même de manière à changer de sens. Elle se pencha souplement en arrière et ramassa son propre sabre.
Armée de deux lames, elle n'eut aucune difficulté à repousser les attaques de Krélia qui s'acharnait sans plus penser à la façon de porter ses coups.
Du coin de l'œil, la pirate aperçut Nialek qui s'approchait lentement en la contournant, préparant un coup en traître. Son sabre dressé à l'horizontale devant elle pour parer le coups que portait Krélia, elle visa l'autre côté et lança le second sabre qui se ficha droit dans la paroi du navire à quelques millimètres du nez de Nialek dont le cœur fit un bond.
Il se pressa de se reprendre et de s'emparer de son arme. La pirate avait, certes, bloqué son attaque, mais elle lui avait également restitué son sabre, ce qui était fort aimable de sa part. Le marin courut à l'attaque.
À présent, Krélia et lui l'encerclaient à gauche et à droite, la contraignant à faire danser sa lame d'un côté à l'autre à une vitesse impressionnante. Bien loin de s'affoler pour cette posture qui aurait pu être meilleure, la pirate bondit en arrière, sautant sur l'un des canons. Ainsi en hauteur, déjouer les attaques de ses adversaires était d'une incroyable facilité.
Cependant, le combat commençait à s'éterniser. Pour de simples marins au service d'un navire marchand, ils étaient étonnamment combatifs, peut-être même hargneux mais ils commençaient à fatiguer. Krélia sentait des élancements dans ses bras de plus en plus intenses, tout comme Nialek qui contractait les mâchoires.
Ils allaient devoir trouver un moyen de gagner cet affrontement et vite. Les deux camarades échangèrent un regard, pensant la même chose. Nialek posa les yeux sur le canon qui servait de perchoir à la pirate et Krélia comprit.
L'ancien voleur se chargea de détourner l'attention de leur adversaire en lui portant un coup plus brutal que les autres, qui lui demanda de tenir son sabre à deux mains pour le parer. Pendant ces quelques secondes où la pirate ne s'occupait plus d'elle, Krélia donna un fort coup de pied dans le canon dont l'arrière se déplaça. La pirate vacilla. Elle agita les bras pour tenter de retrouver son équilibre sans succès.
Elle chuta sur Nialek qui lui enserra la gorge de son bras, lui coupant la respiration pour quelques secondes, le temps nécessaire pour qu'elle s'évanouisse. Il la lâcha et elle s'affaissa au sol, inerte. Cette pirate était une redoutable adversaire.
Nialek remit le canon en place en assurant à Krélia :
- Je vais m'en sortir seul. Tu devrais aller les aider là-haut. »
La jeune fille acquiesça et, après avoir récupéré le sabre de la pirate en plus du sien, elle courut sur le pont.
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