Chapitre 14 - Brouillard
L'anse que formait la côté d'Icianne à l'ouest apparaissait à tribord.
Drämen n'avait pas choisi le trajet le plus court pour atteindre Giléanne puis ensuite Hawel, sinon, ils seraient passés entre Icianne et les îles siamoises et non entre Icianne et Frékilia, l'île de glace. Ce n'était pas non plus l'itinéraire le plus long. Drämen voulait se donner le temps de réfléchir.
Après la discutions avec les jumelles, surtout avec Léanisse, il n'était plus aussi certain que se rendre à Hawel était la meilleure chose. Pour commencer, ils étaient des pirates, des hors-la-loi, des criminels et cette cité était le siège de l'inquisition alors, même si ses membres s'occupaient normalement des affaires de sorcellerie, ils ne rechigneraient certainement pas à condamner des forbans plus ordinaires, mais c'était surtout pour les jumelles qu'il doutait.
Ce qu'elles y avaient vécu était si dur et traumatisant. Léanisse en pleurait encore toutes les nuits. Si elles y retournaient, Drämen craignait de rouvrir des plaies encore peu cicatrisées et, qu'ensuite, plus jamais elles ne guériraient.
Il ne pouvait lui infliger cela. Rien que l'annonce de la destination avait rendu la jeune fille hystérique alors quelle serait sa réaction lorsqu'ils y seraient ?
Bien sûr, Drämen ne la forcerait jamais à l'accompagner jusqu'à la cité sainte, comme la surnommait les bons religieux, cité maudite pour ceux la connaissant sous un autre jour, mais le seul fait de s'en approcher l'éprouvait. Ce serait terrible pour elle, même si elle restait à Giléanne.
C'était moins dur pour Alowen. Elle avait subit moins de violence, grâce à sa sœur, et avait exorciser ses démons, contrairement à certains membres de l'équipage. Ce qui ne l'empêchait pas de souffrir elle aussi et de, surtout, s'inquiéter pour sa jumelle qu'elle se savait, à regret, incapable de protéger.
En énumérant tout cela dans son esprit, il n'était pas difficile pour Drämen de prendre une décision : faire demi-tour et mettre autant de distance que possible entre Hawel et eux mais, d'un autre côté, il ne pouvait moralement pas abandonner ces marins qu'ils avaient croisé dans la situation et le grand danger où ils se trouvaient.
Comment aurait-il pu dormir ensuite ?
Il avait déjà suffisamment de problèmes de sommeil sans en rajouter. Un pirate avec une éthique, cela pouvait sembler contradictoire, voir même invraisemblable, mais c'était son cas, il avait un code d'honneur qu'il respectait toujours. Sauf que, actuellement, sa ligne de conduite ne lui apportait aucune réponse et il était déchiré.
Que devait-il faire ? Quoi qu'il choisisse, cela pèserait sur sa conscience car, soit il trahissait l'amie qui comptait le plus à son œil, soit il condamnait des hommes innocents, se rendant complice du crime.
Il se passa une main sur le visage en soupirant. Ce choix était impossible à prendre, il ne pouvait tout simplement pas décider. Si il avait pu, il se serait empressé de trouver un compromis mais aucun n'était possible. C'était soit l'un, soit l'autre.
Il posa son regard ambré sur Léanisse, installée à l'autre bout du navire, aussi loin de lui que possible.
Cela faisait huit jours qu'il lui avait appris leur destination et autant qu'elle ne lui avait pas adressé la parole. Lorsque son regard croisait le sien, sa bouche se tordait en une moue de colère et elle baissait la tête avec un air déçu, vraiment déçu.
Elle lui avait accordé toute sa confiance presque instantanément, chose affreusement difficile après les épreuves qu'elle avait traversé, et il l'avait poignardé sans pitié. Elle ressentait les choses ainsi. Drämen le savait. Il aurait pu se justifier, lui expliquer ses raisons mais il continuait à se taire, refusant de lui faire partager le poids de ses connaissances, de ses souvenirs. Elle avait assez à faire des siens.
Si Léanisse l'évitait, Alowen faisait tout l'inverse. Dès qu'elle le pouvait, elle lui adressait des regards de reproches avec une expression de profond dédain.
Sentant le regard de son œil unique sur son dos, Léanisse se retourna vers Drämen qui s'empressa de regarder ailleurs. Ce n'était pas qu'il ne souhaitait pas qu'elle sache qu'il l'observait à la dérobée, elle devait forcément s'en douter. Il ne supportait tout simplement pas de la voir secouer négativement la tête une fois de plus.
La jeune fille se détourna en grinçant des dents, toujours aussi blessée par le choix de son capitaine sur qui elle comptait.
Drämen reporta son attention sur l'horizon, tentant de cesser de se torturer sans grand succès. Même en cherchant à se concentrer sur autre chose, ses pensées revenaient immanquablement sur cette décision déchirante qu'il avait à prendre.
Quel dilemme rongeant.
« Capitaine !
Cria l'homme au nid de pie. Drämen leva la tête, trouvant enfin quelque chose sur quoi focaliser son attention et ainsi oublier momentanément son dilemme.
Malgré sa contrariété, Léanisse se fit également attentive, toujours pleine de ses réflexes de seconde et prête à agir au besoin. Si il y avait un problème et que tout l'équipage était en danger, elle ne resterait pas les bras croisés à cause de la trahison de Drämen.
Le pirate qui guettait continua :
- Banc de brouillard droit devant !
- Du brouillard ? S'étonna Drämen. En pleine mer ? Mais c'est...
- Impossible.
Termina Léanisse à sa place d'une voix posée en croisant les bras sur sa poitrine et, durant un court instant de quelques secondes, Drämen eut l'impression qu'elle ne lui en voulait plus et que les choses seraient plus simples au final mais il revint rapidement à la réalité.
Se forçant à songer à autre chose, le capitaine s'approcha du bastingage, les sourcils froncés, pour essayer d'apercevoir ce brouillard qui flottait au-dessus des vagues mais il ne vit pas grand chose.
Alowen se hissa agilement dans les hauteurs du navire, bondissant d'une corde à l'autre dans des sauts risqués qu'une personne normalement constituée n'aurait pas songé à tenter, jusqu'au nid de pie. Le pirate en poste lui tendit la main pour l'aider mais la jeune fille l'ignora, fière, et resta debout sur la balustrade, une main en visière pour protéger ses rétines du soleil et examina l'océan.
Très surprise de ce qu'elle voyait, elle confirma :
- Il a raison ! Il y a du brouillard, juste sur notre cap !
- Comment du brouillard peut-il stagner au-dessus de l'eau ?
- Euh...il y a plus étrange, ajouta Alowen. Il se rapproche !
- Sans vent ? Mais qu'est-ce que ça veut dire ?
Léanisse courut jusque sur le gaillard d'avant et s'y pencha. Elle aperçut le brouillard à quelques kilomètres et il avançait droit sur eux en semblant se mouver par sa propre volonté. La jeune fille fronça les sourcils.
Qu'était donc ce maléfice ?
Elle s'obligea à ne pas s'emporter. Il ne devait pas s'agir d'autre chose que d'un simple caprice de la nature. On croyait que les meilleurs créateurs et inventeurs étaient les hommes mais la nature était bien plus douée et, surtout, elle ne détruisait pas.
Reprenant son rôle de seconde, elle ordonna :
- Ramenez les voiles et allumez les lanternes ! Jetez l'ancre aussi ! Pas la peine de risquer de heurter un récif en continuant à avancer à l'aveugle.
- Non ! S'opposa Drämen. Déployez toute la voilure ! On va faire demi-tour !
Léanisse se retourna vivement vers son capitaine, fortement surprise par les ordres qu'il venait de donner.
Pourquoi semblait-il vouloir s'éloigner ainsi ? À croire que ce brouillard l'effrayait mais pourquoi aurait-il peur d'un peu de brouillard ? Ce n'était jamais plus qu'un peu de vapeur d'eau humide et, même s'il était risqué de naviguer au cœur d'une grisaille épaisse, il suffisait d'immobiliser le navire en attendant que ça se lève.
Voulant comprendre, Léanisse laissa sa colère et sa rancœur de côté et rejoignit Drämen sur le gaillard d'arrière et lui demanda, les poings sur les hanches :
- Pourquoi t'opposes-tu à mes ordres ? C'est ce qu'il y a de mieux à faire dans ce cas.
- Je sais mais ce n'est pas un cas normal. Crois-moi, il ne faut surtout pas que nous entrions dans ce brouillard.
- Ce n'est que de l'eau, Drämen.
- Oh non. C'est de la sorcellerie.
Le visage de Léanisse pâlit immédiatement à ce mot qui faisait remonter de terribles souvenirs, comme la mention d'Hawel.
Elle se tourna vers le brouillard. Finalement, elle n'était pas très loin de la réalité en qualifiant ce brouillard de maléfice. Savoir qu'ils faisaient face à de la magie noire la rendait nerveuse. Lorsqu'on se retrouvait face à un sort, ce n'était jamais bon et on terminait souvent très mal.
Percevant sans peine sa crainte, Drämen lui posa une main sur l'épaule pour la rassurer mais la jeune fille se détacha brutalement avec un regard noir. Ce n'était pas car ils devaient affronter un grave problème qu'elle lui pardonnait son abjecte trahison. Drämen baissa la tête mais se reprit rapidement.
Le moment n'était celui de se préoccuper de ce soucis personnel. Ils devaient échapper à ce maléfice. D'un mouvement brutal, le capitaine du Fleuret fit violemment tourner le gouvernail au maximum et le navire effectua une brusque embardée en se retournant, déséquilibrant tout l'équipage.
Alowen, toujours perchée sur la balustrade du nid de pie, bascula en avant. Elle se rattrapa à une corde, freinant sa chute en tirant brutalement sur l'articulation de son épaule. La jeune fille éclata de rire. Elle n'avait pas eu peur une seconde. Au contraire, elle adorait se jeter dans le vide pour se rattraper au dernier au moment.
Elle se laissa glisser jusqu'au pont plus doucement et atterrit à côté de sa jumelle qui guettait le brouillard d'un air très grave.
- Que se passe t-il ? S'enquit-elle. Ce n'est que du brouillard.
- Oh non.
Assura Léanisse, tendue mais camouflant son angoisse.
Le vent se leva à contresens, les tirant en arrière alors que le brouillard semblait prendre de la vitesse, gagnant du terrain sur eux. Drämen jura. Le vent les ramenait vers le danger. Revenant sur ses ordres précédents, il fit ramener les voiles par les gabiers sauf une, pour offrir moins de prise au vent mais ce fut d'une complète inutilité. Drämen réfléchit mais il n'eut pas le temps d'appliquer une quelconque solution.
Le brouillard, effectivement trop blanc pour être naturel, les engloutit. Léanisse se figea, le cœur battant, et elle saisit la main d'Alowen qui ne comprenait toujours pas ce qu'il se passait. Personne ne lui avait expliqué. Les deux sœurs regardèrent autour d'elles.
Le brouillard était tellement épais qu'elles ne voyaient pas à plus de dix centimètres d'elles et elles se sentaient l'humidité sur leurs peaux et alourdir leurs vêtements mais rien de plus. Rien de différent par rapport à un brouillard banal.
Drämen aurait-il fait erreur ?
C'était possible. Depuis quelques temps, Léanisse doutait sincèrement de lui et de ses mots.
Libérant sa main de celle de sa jumelle, Alowen bondit sur le bastingage sur lequel elle se déplaça.
Léanisse la rappela :
- Alowen, reviens, c'est dangereux ! Dangereux !
- Je sais ! Sinon, j'aurais marché sur les mains !
Léanisse leva les yeux au ciel. Sa jumelle était vraiment intenable ! Comment allait-elle la surveiller au milieu de cette brume ?
Elle s'empressa de la suivre avant de la perdre totalement dans le brouillard. Alowen n'alla pas loin. Elle s'arrêta et s'assit à califourchon sur le bastingage pour récupérer une lampe à huile suspendue à un cordage. Elle l'alluma et la promena autour d'elles, cherchant à percer cette épaisse blancheur sans grand succès. Elles ne distinguèrent même pas les silhouettes des mats.
Alowen ouvrit la bouche pour demander à sa sœur, plus réfléchie, ce qu'elles pouvaient bien faire mais Léanisse la prit de vitesse. Elle siffla entre ses dents.
Le son sembla être étouffé par le brouillard mais elles obtinrent une réponse. Un second sifflement résonna. Attrapant à nouveau sa jumelle, qu'elle fit descendre du bastingage, Léanisse suivit l'appel qui recommença. S'en servant de guide, elles arrivèrent au gaillard d'arrière.
Certainement avaient-elles croisé les autres membres de l'équipage mais elles ne les avaient pas remarqué, impossible avec le brouillard qui enveloppait et dissimulait tout.
Devinant sans peine qui leur avait répondu, Léanisse cria :
- Drämen !
- Léanisse !
Le soulagement s'entendait clairement dans la voix du capitaine qui, malgré la visibilité fortement réduite, se précipita vers les jumelles, dévalant les quelques marches.
Les trouvant, notamment grâce à la faible lueur qui émanait de leur lanterne, il les rejoignit et s'enquit, inquiet :
- Vous allez bien ?
- Oui, répondit Léanisse. Ce ne devait pas être un maléfice, finalement.
- Un maléfice ? S'exclama Alowen d'une voix montant les aiguës.
- Nous nous poserons la question plus tard. Il faut réunir tout le monde (il éleva la voix :) Tous au pied du grand mat ! Si vous tombez sur quelqu'un, restez ensembles et allumez les lampes que vous trouverez !
Plusieurs exclamations d'approbation résonnèrent à plusieurs endroits du navire. Tous les membres de l'équipage semblaient vivants. Au moins, c'était déjà ça.
Drämen saisit Léanisse par le poignet pour éviter une dispersion dans le brouillard. La jeune fille se laissa faire sans protester, sachant mettre sa rancœur de côté en cas de force majeur. Elle tira Alowen, qu'elle tenait toujours par la main de l'autre côté, à sa suite. Ils se dirigèrent vers le grand mat, point de rassemblement donné par Drämen, à tâtons mais, connaissant parfaitement le navire, ils y parvinrent sans trop difficulté.
C'était surtout qu'ils se sentaient peu assurés par le fort manque de visibilité et par l'éventualité d'être au cœur d'un sortilège.
Les pirates se massaient au pied du grand mat, comme ordonné par leur capitaine. Il était impossible de distinguer les traits des visages présents, on ne discernaient que les silhouettes à moins d'être joue contre joue.
Drämen lâcha Léanisse et prit la lampe d'Alowen puis s'avança. Désirant s'assurer que tous ses hommes étaient là et qu'ils allaient bien, il les appela un à un. Tous répondirent à leurs noms, rassurant le capitaine qui tenta de prendre les choses en main, bien qu'il ignore comment se comporter et réagir dans cette situation actuelle. Bien que rien ne se soit produit lorsque la brume les avait emprisonné, il était certain qu'il s'agissait d'un acte de sorcellerie.
Il ordonna :
« Jetez l'ancre. Je ne veux pas que nous dérivions. Ensuite, nous ne pouvons qu'attendre. »
Pendant que quelques marins obéissaient, d'autres se chargèrent d'allumer les lanternes toujours éteintes.
Ne se souciant pas du fait qu'elle ne voyait absolument rien, Alowen courut à travers le pont jusqu'au bastingage, tentant de voir l'étendue ou la limite de la brume, une lampe tendue à bout de bras devant elle mais elle n'aperçut rien. À croire que tout avait disparu autour d'eux.
Léanisse la saisit par la ceinture et la ramena sur le pont de force. Si jamais elle tombait par-dessus bord, ils ne pourraient jamais la sauver avec ce brouillard. C'était son rôle de veiller sur sa grande sœur, même si, normalement, c'était l'inverse.
Alowen se tourna vers sa jumelle, ne sachant que penser de tout cela et espérant qu'elle pourrait le lui dire mais elle ne fit que hausser les épaules.
Elle se contenta de déclarer :
- C'est anormal un brouillard aussi blanc. Un brouillard sorti de nul part au-dessus de l'eau aussi, d'ailleurs.
Alowen acquiesça vigoureusement, tout à fait d'accord mais elle préférait croire à une fantaisie étrange de la nature plutôt qu'à de la sorcellerie. C'était bien plus simple de s'en sortir dans le premier cas.
Le vent se leva à nouveau, soulevant les cheveux d'Alowen et agitant ceux de Léanisse et, alors qu'elle était calme et plus lisse qu'une lame, la mer commença à remuer.
Le Fleuret tangua de gauche à droite. Les jumelles se rattrapèrent au bastingage pour ne pas s'étaler sur le pont. Des vagues de plus en plus violentes s'écrasèrent contre la coque, secouant le navire et son équipage.
Léanisse et Alowen s'accrochèrent l'une à l'autre.
- Ça non plus ce n'est pas normal ! S'écria Alowen, effrayée.
- Sorcellerie !
S'exclama Drämen depuis le gaillard d'arrière où il était retourné. Finalement, il avait eu parfaitement raison, malheureusement.
Les mains crispées sur le gouvernail, il tenta de stabiliser son navire de plus en plus secoué par la houle, qui se faisait encore plus brutale, tirant sur ses muscles mais, malgré ses efforts, le gouvernail lui échappa des mains et tourna furieusement. Le Fleuret pencha subitement à tribord.
Drämen se retint au gouvernail. Quant à Léanisse, elle eut le réflexe de s'accrocher à un cordage et de saisir Alowen de son autre main. Un cri puis un fort bruit d'éclaboussures indiquèrent à l'équipage que l'un d'entre eux n'avait pas eu la chance de trouver à quoi se retenir.
Le navire se remit droit avec un violent mouvement.
Les doigts de Léanisse glissèrent et elle chuta durement sur le pont, sonnée. Alowen l'aida à se relever puis, s'assurant qu'elle aurait de quoi se tenir au cas où le tangage s'intensifierait de nouveau, elle grimpa aux haubans malgré les risques que représentaient les mouvements brusques du navire.
Elle perdit l'équilibre et dégringola vers le bas. Ses doigts se refermèrent sur un nœud, stoppant sa chute comme quelques minutes auparavant. Elle grogna puis reprit son ascension.
Elle ne voyait ni le pont sous elle ni ses prises au-dessus de sa tête à cause du brouillard. Elle sauta souplement sur le nid de pie et elle se retrouva au-dessus de la nappe de brume qui ne faisait que quelques mètres de diamètres en les englobant. Ils étaient vraiment la cible de ce brouillard ensorcelé.
Comment y échapper ? On ne pouvait combattre la magie qu'avec la magie, pas autrement.
Elle se pressa de se laisser redescendre en se laissant glisser le long d'une corde. Dans sa descente, elle vit quelque chose qui la glaça.
Elle atterrit et et hurla :
- Un tourbillon se forme sous nous !
Elle entendit le juron de Drämen de l'endroit où elle se tenait.
Le capitaine tira à nouveau sur le gouvernail de toutes ses forces. Ils devaient s'extraire de ce piège à tout prix. Retrouvant ses esprits à l'annonce de sa jumelle, Léanisse bondit sur ses pieds, vacillante à cause de la houle, et elle courut rejoindre son capitaine en se heurtant au passage au cabestan à cause du brouillard toujours plus épais.
Elle vint joindre ses efforts à ceux de Drämen, poussant sur le gouvernail pendant qu'il le tirait vers lui de l'autre côté, mais le courant était plus étroit et continuait à les entraîner vers le centre du tourbillon.
- Je crois que c'est inutile. Grogna Léanisse sans pour autant cesser de s'épuiser.
- Ne dis pas ça.
L'encouragea Drämen, les dents serrées sous l'effort pourtant, la jeune fille avait raison. Ils aillaient être aspirés puis noyés et le navire broyé alors qu'ils ne pourraient rien voir, enfermés dans la brume.
Le gouvernail lui échappa à nouveau des mains, frappant Léanisse sous le menton. Drämen la rattrapa avant qu'elle ne chute sur les planches du gaillard. Il la redressa doucement alors qu'elle secouait la tête pour remettre ses pensées en place, légèrement étourdie. Elle chercha à se relever mais retomba car Drämen la tenait dans ses bras.
Le navire bascula vers la droite avant de pencher sur la gauche tout en se déplaçant de plus en plus rapidement, pris dans le tourbillon. Alowen s'agrippa de toutes ses forces à un cordage pendant sur le pont.
Inquiète car elle ne voyait pas sa sœur au milieu du brouillard maléfique, elle l'appela, ses cheveux volant et frappant ses joues :
- Léanisse !
- Elle est là, lui répondit Drämen en criant, elle va bien (il rajouta la suite à voix basse) pour le moment.
Une gerbe d'eau passa par-dessus le bastingage et se répandit sur le gaillard d'arrière à quelques mètres du capitaine et de sa seconde. Un craquement résonna dans les étages inférieurs de navire.
La coque céderait-elle avant que le tourbillon ne les aspire ?
Quoi qu'il en était et quelle que soit la manière dont l'océan les emporterait, ils n'en avaient plus pour très longtemps. Le triste côté des choses pour Drämen était qu'il n'aurait plus à se torturer pour son dilemme.
Puisque, de toute évidence, c'était la fin pour eux tous, la fin d'une histoire trop courte et trop sombre, autant cesser de se taire.
Drämen prit une grande inspiration et commença, son œil valide rivé sur sa seconde dont les traits étaient floutés par la brume ambiante :
- Léanisse...
Il ne continua pas sa phrase. Il en fut empêché car tout s'arrêta brutalement.
La mer redevint lisse et le brouillard se leva. Tous se regardèrent, stupéfait et encore agrippés à des prises de fortune pour éviter de finir dans les flots.
Que s'était-il passé ? Pourquoi la tourmente avait-elle si subitement disparu alors qu'ils étaient sur le point de chavirer ?
Léanisse se redressa, se dégageant des bras de Drämen. Aussi incrédule que tous les autres, elle s'approcha du bastingage pour observer les alentours. Pas un nuage de brouillard et à peine une vague.
C'était donc bien de la sorcellerie dont ils avaient été victimes mais pourquoi avaient-ils été épargnés au dernier instant ? C'était incompréhensible !
Tous les pirates se penchèrent vers l'océan, heureux de s'en être sortis, mais également surpris pour la même raison.
- Pourquoi le sortilège est-il retombé ? Demanda Alowen en montant sur le gaillard d'arrière.
- Peut-être que le but n'était pas de nous faire faire naufrage. Supposa Drämen.
- Pourtant, ça y ressemblait beaucoup. Le contredit Alowen.
- Non, c'était un avertissement. Déclara Léanisse.
- Vous voulez dire que l'un d'entre nous aurait mis une sorcière en colère ? S'étonna Alowen.
- À moins que je ne sois pas la seule à être contre l'idée de se rendre à Hawel. »
Conclut Léanisse, grinçante, avant de faire volte-face pour descendre du gaillard d'arrière pour aller s'enfermer dans sa cabine.
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