26 février 2020

— Donc, je reprends. La première étape de notre liste, c'est demander à ses autres amis si ils savaient quelque chose.

Ma chambre est devenue une sorte de Quartier Général. On se retrouve tous les soirs, et on réfléchit à notre plan d'attaque.

— Alors, je sais qu'il était ami avec Maya, Clarisse, Eddy, Martin et Gaspard, j'énumère. Et toi, dis-je en m'adressant à Lino. Tu connais d'autre de ses amis que je n'ai pas cité ?

Lino secoue négativement de la tête. Je soupire.

— On commence par qui ?
— Clarisse ! S'exclame Mona.

Je l'interroge du regard sur son choix.

— C'est l'ordre alphabétique, se justifie-y-elle.

***
— Clarisse est amie avec ma sœur. Elles sont dans la même classe. Elle finit à quinze heure trente, déclare Lino pendant que nous nous avançons dans les couloirs.

— Donc, on sèche ? Questionne la rousse. Mes parents vont me défoncer... mais l'idée me plaît.

Sentant nos regards de travers, Mona s'empresse de se justifier :

— C'est l'idée de sécher qui me plaît hein, pas celle de me faire dégommer par mes parents ! Je sais qu'on pourrait me croire suicidaire parfois, mais quand même !

J'éclate de rire, et je surprends Lino à sourire, même s'il reprend quasi immédiatement contenance. Nous échangeons un regard avant de tous nous adosser comme un seul homme contre le mur jouxtant la classe de musique en attendant que Clarisse sorte.

Blonde et grande, elle sort avec une immense pochette à dessins coincée sous le bras et mâchonnant un crayon à papier.

— Euh, excuse-moi, l'aborde l'autre fille du trio, car c'est la plus extravertie d'entre nous.
— Oui ?
— On voudrait te parler vite fait dehors, si tu n'y voit pas d'inconvénients.

Clarisse hoche la tête.

— Je vous suis.

Avec Mona et Lino, nous nous débrouillons pour sortir en nous fondant parmi les première six, le garçon de la bande saluant sa sœur Margot au passage.

— Donc, de quoi vouliez vous me parler ?
— Hm, je me lance, est-ce que tu étais amie avec Nasa Nozmenrre ? Je demande.

Son expression se referme tout à coup.

— Oui, pourquoi ?

— On cherche a savoir ce qui lui est arrivé. Est-ce que tu as déjà remarqué quelque chose de bizarre avec lui ?
— Pourquoi est-ce que vous ne prenez pas simplement la théorie dans laquelle un kidnappeur d'enfants l'aurait kidnappé ?

Nous y avions déjà réfléchi.

— On est dans une ville paumée, il n'y a jamais de kidnapping ici. Et quand bien même... c'était dans un lieu public, ça se serait forcément fait remarquer avec le nombre de personnes, il y aurait eu des témoins. Ce qui signifie que Nasa n'est pas allé la où il m'avait dit aller. Conclusion : il y a une couille quelque part.

Clarisse évite désormais notre regard

— Je suis désolée, on était pas vraiment proches, (elle se tourne vers moi) mais je pense que ceci te revient.

Elle farfouille dans la pochette de dessin dans ses bras et en sort le portrait d'un garçon en haut d'un arbre. Je prends à peine quelques secondes avant de reconnaître mon meilleur ami. J'ai l'impression de revoir Nasa, qu'il est à nouveau à côté de moi, et les larmes me montent aux yeux.

Lino scrute la peinture comme si elle était la réponse à tous ses maux. Je le comprends tellement. Nous échangeons un regard significatif.

— Bon, on passe à Eddy.

***

Eddy, c'est ce gars populaire qui fait du foot, à des muscles presque pire que ceux des mecs dans Free!, et sort avec une cheerleader (c'est le copain de Mélina, pour être plus précise). Malgré tout, pour une raison inconnue, il réussissait à bien s'entendre avec mon meilleur ami.

On est allés le voir au stade à la fin de son entraînement. Ça ne nous a pas réellement avancé dans quoi que ce soit. Il disait mal le connaître, et ne jamais avoir remarqué quoi que ce soit d'étrange chez lui. Donc, nous sommes directement passés à Gaspard, le frère de Clarisse.

Nous sommes allés sonner chez lui (merci les contacts de Mona) et il nous a gentiment proposé de discuter dans sa chambre.

— Est-ce que tu as déjà remarqué un comportement étrange chez Nasa ? Questionne Lino, pour prendre la relève.

— En fait, pour tout vous avouer ... (nous sommes pendus à se lèvres) parfois, il embarquait certains soirs, sans prévenir, et venait dormir avec moi. Il pleurait parfois, mais ne me disait jamais rien.

Je reste perplexe. Nasa savait très bien que s'il avait besoin de quelque chose, il pouvait venir chez moi.

— Voilà, c'est tout ce que je sais. Il ne disait jamais pourquoi. Mais c'était plutôt évident que s'il venait chez nous, c'était pour ne pas inquiéter Atena.

— Qui est-ce qui pouvait être assez grave pour qu'il juge préférable de ne pas nous en parler ? Se demande Lino a voix haute.

Ce qui est étrange, c'est que j'ai toujours pensé que Nasa n'avait que moi comme vraie amie. Ça peut paraître prétentieux, mais je ne l'avais jamais réellement vu avec quelqu'un d'autre.

Mais je découvre que contrairement à moi, je n'étais pas la seule dans sa vie. Notamment, Lino m'intrigue. Je savais qu'ils se parlaient mais je ne pensais pas qu'ils dépassaient le stade de connaissance. Visiblement, je m'étais sacrément trompée.

Il ne nous reste plus qu'à aller voir Maya et Martin. Nous les avons cherché dans les abonnements de Nasa (même si c'est glauque, l'insta d'un disparu). Le lendemain du jour où il avait disparu, j'étais allée sur son compte, connaissant son mot de passe. J'avais supprimé sa photo de profil, archivé ses publications , supprimé ses stories à la une, écris « memorium » dans sa bio.

J'avais buggé quelques secondes sur la phrase dans sa bio qui m'avait paru si anodine jusque là. « Dont be surprised if one day I just disappear »
J'avais frissonné, et créé une Story, redirigeant vers mon propre compte. Quelque chose comme :

« Salut tout le monde ! C'est Atena (@atenaaa1811). Je suis la meilleure amie de Nasa. Je suis désolée de vous apprendre que ce dernier a subitement disparu dans la nuit du 3 novembre, sans rien laisser derrière lui. Ce compte est transformé en memorium. »

J'avais fais un post répétant la même chose. Ça me faisait du mal de faire ça, mais si je ne le faisais pas, qui le ferait ? Certain ne m'ont pas crue. J'ai envoyé ma voix et des articles. Ils méritaient de savoir.

Nous sommes allés voir Maya, qui en savait moins que nous, et nous nous dirigeons vers chez Martin.

— On a presque rien trouvé d'intéressant, soupire Lino.
— Il ne faut pas se décourager ! S'exclame Mona. Si ça tombe, Martin sait quelque chose !

L'enthousiasme de Mona se prend une douche froide quand Martin refuse même de nous ouvrir. Nous soupirons de concert sur le manque d'informations que nous avons récolté. Je me décide donc à poser la question qui me brûle la langue.

— Vous ne pensez pas qu'il nous manque quelqu'un ?
— Ah bon ? Questionne Mona.
— Ouais. Et cette personne, c'est Lino.
— Quoi ? S'exclame le principal concerné.
— Bah oui. On sait que tu étais — probablement — bien plus qu'une simple connaissance pour Nasa. Ça se voit à la douleur dans ta voix, ta figure, tout. Alors, on a le droit de savoir, surtout moi.

Je met mes mains sur mes hanches et darde un regard perçant sur Lino, qui ne dit plus rien, interdit.

— Lino Ovane, pour le bien de Nasa, quel est ton secret ?