Le soir suivant, sans scepticisme, Charles installa sur le sol un drap sur lequel il mit six petites bougies. Sous le regard cynique d'Aloïs, il arrachait les posters et autres décorations des murs.
-Tu fais quoi ? Lui demande ce dernier.
-Je nous enlève toutes sortes de distractions, cette nuit, on va parler à mon arrière, arrière, arrière, arrière... euh, enfin, mon ancêtre...
-T'y crois ?
-Pas vraiment, mais écoute ; en 1852, Victor Hugo, après avoir été chassé de France par le coup d'Etat de Louis-Napoléon Bonaparte, le troisième Napoléon si tu préfères, Hugo est partit se réfugier en Belgique, puis à Jersey, il rejoint alors des gens de sa famille. Ou de la notre... Il loua ensuite une maison isolée dans une vallée sinistre où s'engouffrent les tempêtes de la Manche. Dans son ouvrage Victor Hugo et le spiritisme, le docteur Jean de Mutigny décrit cette demeure prédestinée à abriter bientôt des scènes étranges ; attends deux secondes que je te lise ce que j'ai vu : « Pour tout paysage, la mer, les ruchers dantesques, un dolmen et un cimetière voisin pour égayer le tout. D'ailleurs la plage, si l'on fait foi aux habitants du pays, est hantée. On peut y voir, pendant les nuits de pleine lune, un décapité qui erre inlassablement à la recherche du repos éternel, il y a aussi la Dame blanche, jeune femme infanticide qui apparaît de temps en temps sur les rochers, une Dame noire, ancienne druidesse qui aurait immolé son père sur un dolmen au cours d'une cérémonie et une certaine Dame grise, dont on ignore les antécédents ».
Aloïs mit sa musique en pause avant de répondre.
-Oui, mais ce sont bien des superstitions, ça n'a pas tant grand-chose à voir avec ce que tu t'apprêtes à faire.
-Ce que NOUS nous apprêtons à faire. Après petite une pause, Charles reprit. En fait si, car Hugo s'essaya au spiritisme, et convaincu d'avoir réussi à contacter sa fille morte noyé dans la scène, il passa plus de deux ans à faire ça dans cette maison. Presque tous les jours. C'est peut-être la personne qu'il nous fallait pour nous prouver que tout cela est possible.
-Plus aptes parmi les morts, je vois pas mieux, c'est vrai ; mais parmi les vivants, tu es bien placé vis-à-vis de lui aussi, ça pourrait marcher.
-Ravis que tu changes d'avis, même aussi soudainement. Couchons-nous, on va attendre minuit.
Une heure plus tard, Charles sorti de son lit et monta sur une chaise posée sur un bureau de la chambre. Il enveloppa d'un sac plastique le détecteur de fumée, et pu enfin allumer les bougies.
-C'est obligé les bougies ? Questionna Aloïs.
-C'est mieux, répondit Charles qui mettait alors une musique de Victore Hugo avec son mp3 avant de s'expliquer. Il s'agit de "Demain dès l'aube", Hugo a écrit les paroles en pensant à sa fille. Je l'ais étudié l'année dernière."
-Je vois, je vois. Répondit Aloïs avec une fausse intonation. Et là, on arrive au moment où on coupe nos portable, c'est ça ?
-Exactement, je te remercie. Charles lui adressa un sourire plein d'excitation. Ça va bientôt être l'heure ! Je vais chercher un verre d'eau !
A son retour, Charles posa le verre d'eau rempli à ras-bord au milieu des bougies. Les deux amis s'essayèrent par-terre face à face, et se regardèrent avec un regard sans émotion. Les bougies dégageaient sur eux une douce chaleur, et une odeur de cire agréable. Un instant Charles ferma les yeux. Le silence était parfait ; il rouvrit les yeux et se racla la gorge avant de prendre la parole.
- Monsieur Victor Hugo, nous sommes rassemblés ce soir dans l'espoir de recevoir un signe de ta présence. Sois le bienvenue dans notre cercle et rejoins-nous lorsque tu te sens prêt.
Sans réelle surprise, rien ne se produisit. Charles persévère.
-Monsieur Victor Hugo, il est probable que nous partagions le même sang. J'ai mis à votre disposition un verre d'eau ; servez-vous en pour manifester votre présence.
Quelques secondes passèrent, mais toujours rien. Lassé et déçu Charles s'apprêtait à se lever, quand un bruit résonna comme une goutte d'eau dans un évier. Les bougies elles-mêmes furent surprises, tant elles se mirent à vaciller. Leur lueur blafarde et instable animait les deux visages qui se regardèrent avec stupéfaction. Le bruit venait du verre d'eau semblait-il, mais aucun débordement n'a pu être constaté. Charles reprit :
-Vous nous manifestez votre présence ? Vous acceptez d'entrer en contact avec nous ?
Le bruit se répéta sans que rien ne bouge. Charles en eu le souffle coupé. Aloïs récita le poème reconstitué avant de poser à son tour une question :
-Ce poème est de vous, n'est-ce pas ?
En même pas l'espace d'une seconde le bruit de goutte d'eau résonna. Charles dit tout-de-go :
-Et je suis de votre ligné ! Vous le confirmez ?
Un silence pesant s'installa.
-Donc... non ? Nous ne partageons pas le même sang ? Demanda tristement Charles.
Mais encore une fois, seul le silence était perceptible.
-Il est peut-être parti. Dit Aloïs.
Mais Charles ne renonça pas et attrapa une feuille, sur laquelle il écrivit chacune des lettres de l'alphabet proche des bords de celle-ci, de manière à obtenir une forme elliptique. Il plaça en son centre une pièce de cinq centimes.
-C'est une sorte de table de Ouija, Au cas où il ne puisse pas répondre par oui ou par non, il le fera en nous épelant des mots.
Tout deux posèrent leur index sur la pièce, et celle-ci se mit immédiatement à bouger.
-Aloïs ! Arrête ça tout de suite, sois sérieux ! Gronda Charles
-Mais ce n'est pas moi, je fais rien ! Regarde !
S ; la pièce marqua un très court temps d'arrêt avant de repartir. A ; N ; G.
-Sang !? C'est-à-dire !?
Charles paniquait en criant cela. Mais la pièce repartit. E ; A ; U.
-De l'eau ! Du sang dans l'eau ? Proposa Aloïs.
Silence. La goutte d'eau résonna.
-Aloïs, passe-moi ton couteau !
-Sérieusement ?
-Passe-le moi !
Charles alla le chercher de lui-même avant d'en chauffer la lame avec un briquet. Il s'agenouilla devant le verre, et se coupa le creux de la main au-dessus. Le sang se déversa dans le verre et se dispersa comme un nuage d'ancre rouge.
-Arrête tout ! c'était une blague ! Aloïs enleva les bougies et retira le drap. Regarde, j'ai placé une enceinte bluetooth à côté du verre, c'était moi depuis le début !
Sous le regard furieux de Charles, Aloïs lui présenta son téléphone, sur lequel il appuyait pour produire le son de goutte d'eau en riant à pleine voix. Les bruits de gouttes d'eaux se répétaient encore et encore sous les martèlements de son doigt. Charles ne supportait plus les ricanement incessants de son ami. Et soudainement, le sourire d'Aloïs s'effaça. Les rires cessèrent, mais les gouttes d'eaux redoublaient de nombre. Aloïs veut éteindre son téléphone, mais celui-ci n'en fit qu'à sa tête et redoubla de vitesse, le bruit mitrailla à travers l'enceinte. Aloïs enleva la batterie de son téléphone, mais l'écran restait toujours allumé, le son saturait. Tout deux n'en pouvait plus, Charles hurla.
-STOOOOP !
Tout s'arrêta net. Le regard livide, et le ventre creux, les deux se dévisagèrent sans rien pouvoir se dire tant leurs gorges étaient nouées.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top