Chapitre 15

Zoey et Tom n'échangèrent plus un seul mot suite à soliloque runique de l'étudiante et se contentèrent d'avancer chacun sur leurs devoirs respectifs. Dire qu'elle ne l'avait pas épié à la dérobée aurait été un mensonge. Zoey avait toujours trouvé le garçon plutôt agréable à regarder et elle préférait ses traits anguleux à ceux de son frère cadet dont le visage était plus rond. Elle n'y avait cependant jamais vraiment prêté attention car elle appréciait également le charme de Mattheo ou Lorenzo sans avoir pour autant l'envie pressante de les fréquenter intimement.

Lorsqu'elle eut fini son brouillon pour le devoir de Métamorphose, Zoey décida qu'il était temps pour elle de retrouver ses amis. Maintenant qu'elle était calme, l'étudiante était prête à leur parler plus sereinement de ce qu'il s'était passé au petit-déjeuner. Elle commença à rassembler ses affaires, ranger sa plume, remettre de l'ordre dans ses parchemins et chercher le chariot de dépôt des livres.

Tom, au début, n'y prêta pas particulièrement attention. Toutefois, quand il comprit qu'elle s'en allait, il se redressa brusquement et se saisit impulsivement de son poignet. Le Serpentard ne réalisa son erreur que trop tard car le corps entier de Zoey se tendit et elle tourna vers lui un regard alarmé. Le garçon retira précipitamment sa main et la rangea dans sa poche, nerveux. Il n'avait jamais eu ce genre de réactions.

– Où est-ce que tu vas ? demanda-t-il dissimulant son trouble derrière son expression impassible.

– Retrouver Lorenzo, Mattheo et Pansy.

Zoey ignorait pourquoi elle se donnait la peine de répondre mais c'était sorti presque naturellement.

– Je te raccompagne, décida Tom. Il est tard.

Il commença à rassembler ses affaires, l'air pressé. Ses boucles, si bien peignées, se mirent à remuer au rythme de ses gestes frénétiques.

– Riddle, tu n'as même pas fini tes devoirs, remarqua la Serdaigle. Et je n'ai pas...

– S'il te plaît.

Zoey le dévisagea. Tom Riddle venait de lui demander quelque chose. Poliment. Ça n'était encore jamais arrivé. Déstabilisée, l'étudiante hocha la tête et resta plantée comme une idiote à attendre qu'il ait fini de ranger ses affaires.

*

Tom tint parole et marcha près d'elle jusqu'à ce qu'ils arrivent devant la salle d'étude où Mattheo, Lorenzo et Pansy attendaient Zoey. Dans le couloir, les élèves s'écartaient pour les laisser passer, refusant de croiser le chemin du préfet-en-chef – on racontait qu'il avait enlevé un nombre dantesque de points, ce samedi.

De son côté, Zoey apprécia le silence confortable qui s'était installé entre eux. Loin d'être aussi pesant que celui de leur promenade, ce dernier semblait s'imposer comme la suite logique à leurs discussions, dans un coin de la bibliothèque. Peut-être, songea-t-elle, que fréquenter Tom ne sera pas aussi pénible que je ne me l'imaginais. Zoey coula un regard en biais au garçon qui la surprit. Ne sachant pourquoi ça l'intimidait, elle déporta ses yeux bleus sur la porte devant elle, les joues rouges.

– Nous y voilà, fit remarquer Zoey comme Tom ne semblait pas vouloir la quitter.

– Oui, j'ai cru comprendre. Tu t'es arrêtée devant cette porte.

– Formidable, Sherlock, tu...

– Sherlock ?

– De la littérature Moldue.

Il se renfrogna et Zoey leva les yeux au ciel. Bien sûr. Tom avait un sérieux problème avec les Moldus, encore plus les Nés-Moldus. Étrange, venu d'un type qui était Sang-Mêlé lui-même et dont le père était tout ce qu'il y avait de plus Moldu dans ce monde. L'une des nombreuses facettes inexplicables du garçon. Mattheo avait toujours évoqué sa relation à son paternel avec détachement. Il lui parlait peu, se contentait de vivre à ses côtés car cela faisait plaisir à sa mère. Il avait toutefois prévenu ses amis, une fois : Tom n'était pas aussi magnanime et il aimait répéter à qui voulait l'entendre qu'il était un Gaunt avant d'être un Riddle et que c'était cela, le plus important.

Bien décidée à ne pas finir statufier devant cette porte, Zoey posa la main sur la poignée. Tom esquissa un geste vers elle mais se ravisa. Son comportement ne lui échappa pas pour autant et la jeune femme croisa ses bras sur sa poitrine, incapable de lui cacher l'agacement qu'il provoquait naturellement chez elle.

– Qu'est-ce qu'il y a ?

Tom ferma les yeux, inspira profondément, les rouvrit. Zoey nota qu'il exprimait presque quelque chose, mais c'était dur à dire puisque ses lèvres bougeaient à peine et que son regard était simplement... froid. Intense. Brûlant, sur sa peau. Et si vide d'émotions.

– Walker, sortons ensemble, insista-t-il. Dès lundi. Je pense que le message est clair, non ?

– C'est une déclaration d'amour ? s'amusa la jeune femme.

– Non. C'est notre contrat.

Zoey ricana. C'était plus fort qu'elle et, honnêtement, la Serdaigle se moquait bien de vexer le garçon.

– Romantique, dis-donc.

Elle sentit qu'elle l'agaçait. C'était presque jouissif.

– D'accord, se rendit Zoey, plus doucement. Rédige-le, je relirai ton parchemin et nous n'aurons qu'à le signer.

Quelque chose s'alluma dans le regard de Tom. La victoire ? Le soulagement.

– Vraiment ?

– Vraiment.

Zoey actionna la poignée qu'elle n'avait pas lâchée, adressa un sourire au jeune homme et lui jeta un dernier coup d'œil.

– Lundi matin, j'entrerais dans la Grande Salle en te tenant la main.

Et elle disparut avant qu'il n'ait quelque chose à redire.

*

Lorenzo aurait pu trouver Zoey au beau milieu d'un labyrinthe parce qu'ils avaient cette connexion si particulière, aussi savait-il qu'elle allait entrer dans la salle d'étude bien avant que Mattheo ou Pansy ne remarquent sa présence.

Il observa tout de suite son visage : sa camarade de classe avait l'air sereine, quoique ses joues étaient roses et son regard, quelque peu hagard.

– Je pensais que tu ne viendrais pas ! s'exclama le Serdaigle en se levant, quittant son siège et ses cahiers pour s'approcher de sa meilleure amie.

Son geste attira l'attention de Mattheo qui posa un regard soulagé sur sa meilleure amie et qui, à son tour, se redressa. Pansy, plus réservée, attendit sagement à sa place, non sans adresser un sourire sincère à la jeune femme.

– Je suis désolée, pour ce matin, concéda Zoey en se frayant un chemin entre les tables désordonnées.

La jeune femme s'empressait de les rejoindre. Après avoir vécu cette journée avec un Tom toujours distant, la rouquine espérait trouver un peu de réconfort auprès de ses amis. Elle accepta volontiers l'étreinte de Lorenzo. Le contact la revigora plus que de raison et elle en oublia sa journée aux côtés du préfet.

– C'est nous, grogna Mattheo. Ne t'excuses pas.

– Personne n'a vraiment idée de ce que tu as vécu ou ressenti, ajouta Lorenzo en s'écartant pour affronter le regard clair de Zoey.

– Et, si ça se trouve, on se serait aussi muré dans le silence, marmonna Pansy.

C'était ce qu'elle voulait entendre. Des excuses sincères, réfléchies. Peut-être que ça leur avait fait du bien à tous de se tenir à distance le temps d'une journée.

– Je sais que c'est dur à comprendre, déclara l'étudiante. Je ne suis pas capable d'entrer dans les détails, j'ai...

Elle réfléchit. Se mordit la lèvre. Hésita. Et céda.

– J'ai honte de ce que vous pourriez penser de moi.

Mattheo secoua la tête, désolé.

– Je sais qu'on s'en fout de ce que je ressens, soupira le garçon en passant une main gênée dans ses cheveux. Je m'exprime avec mes mains, okay ? Quand je suis en colère, quand je suis triste. J'crois que parfois, je pourrais même taper quelqu'un parce que je suis heureux.

– Mon épaule s'en souvient, de ça, remarqua Lorenzo, l'air goguenard.

– C'est juste... j'aime pas te voir comme ça, Zoo. J'ai l'impression qu'on m'a volé une part de toi et que je suis pas capable de la retrouver. J'ai envie de le buter. Chaque fois que je le croise. Chaque fois que j'entends son prénom. Et tu sais quoi ? Je crois que ça ne me gênerait pas de le frapper sans même savoir pourquoi.

Zoey cilla, surprise de cet élan d'honnêteté. C'était le genre de discours que tenaient Lorenzo ou Pansy. Mattheo, plus réservé dans ses mots, plus direct dans ses gestes, était du genre à exprimer ses émotion sur le tard, dans ses accès de colère.

– Mais j'ai compris que tu voulais pas et parce que c'est toi, parce que tu es Zoo et que j'ai juré d'être ton ami dans ce putain de compartiment le jour de la rentrée, il est juste hors de question que je lève la main sur ce type.

Pansy se leva, posa une main encourageant sur l'épaule de Mattheo dont le regard était clairement balayé par la rage. Ses traits, toutefois, se paraient de l'impassibilité commune aux frères Riddle. C'était époustouflant comme, parfois, le visage de Tom s'immisçait sur celui de son cadet.

– On jouera selon tes règles, Zoo, expliqua Pansy.

– Et on sera là pour toi quand tu te sentiras prête à parler, conclut Lorenzo.

Elle en eut les larmes aux yeux mais les retint de justesse. Soulagée, elle se jeta dans les bras de Mattheo et enfouit son visage dans sa nuque. Il hésita avant de refermer ses bras autour du corps de sa meilleure amie et de la serrer tendrement contre lui.

– Merci.


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