6

Lorenzo jeta un coup d'œil suspicieux à Zoey. Elle faisait les cent pas dans la salle commune des Serdaigle, marmonnant des propos incohérents dont elle seule avait le secret. Le jeune homme se demandait si son amie ressassait cette histoire avec McLaggen et si elle comptait lui en dire plus mais il dut bien vite se rendre à l'évidence que ce n'était pas le Gryffondor qui préoccupait sa camarade.

– Tom sera là d'un instant à l'autre, fit-il remarquer en jetant un coup d'œil à la pendule astrologique qui trônait au-dessus de leur tête. Est-ce que tu vas me dire ce qu'il se passe ?

– Rien, je suis stressée, c'est tout, répliqua Zoey si rapidement qu'elle avala la moitié des mots. Tu penses que je risque de le croiser ?

Lorenzo avait fait fausse route. C'était bien Cormac qui provoquait chez la Serdaigle toutes ses émotions déplaisantes.

– Tu veux que je demande à Tom de te ramener ? s'inquiéta le jeune homme.

– Non, surtout pas ! soupira-t-elle avec horreur. J'ai déjà dû lui fournir un accès à la réserve. Qui sait ce qu'il me demanderait, ensuite.

– Bon point. Est-ce que tu veux que je te cherche, alors ? Tom devra forcément quitter la réserve pour sa ronde.

L'idée parut convenir à Zoey qui acquiesça vivement.

– Je serais devant la bibliothèque, alors, la rassura Lorenzo.

– Tu es un ange.

– Je ferais tout pour toi.

Et il y avait du vrai, dans ses paroles. Si Zoey avait demandé à Lorenzo de dépecer McLaggen, il l'aurait fait et aurait ensuite caché le corps sans une once d'hésitation. Elle était comme sa sœur, personne ne devait la toucher. Personne.

La pendule sonna dix-neuf heures trente. Zoey se raidit. Son rendez-vous avec Tom ne l'enchantait guère. Elle ne pensait pas qu'il insisterait – il n'avait pas eu besoin, en réalité – pour y aller dès ce soir. La jeune femme était épuisée, tout ce dont elle rêvait, c'était d'une nuit tranquille, sans cauchemar ou sueurs froides. Résignée, la Serdaigle se saisit tout de même de son sac, enfila la bandoulière et se dirigea vers la sortie non sans jeter un regard dramatique à son ami.

– Si j'avais été ta sœur, tu m'aurais laissé sortir comme ça avec Tom Riddle ?

Lorenzo grimaça. Elle le faisait exprès. Le Serdaigle n'avait jamais caché à Zoey son animosité lorsqu'elle parlait de garçon – et par Merlin, il aurait aimé être près d'elle cet été, qu'importe ce qu'il avait pu se passer.

– Si Tom n'avait pas sa réputation de véritable mur de prison, je ne t'aurais jamais laissée quitter cette salle commune.

Zoey grimaça, amusée, et lui tira la langue.

– Et ben voyons ! s'exclama-t-elle.

De nouvelles couleurs avaient animé son visage pâle et inquiet. L'espace d'un instant, Lorenzo reconnut l'amie qu'il avait quitté en juin et son cœur manqua un battement. Quoiqu'il lui soit arrivé, il voulait annihiler la personne qui l'avait rendu ainsi. Heureusement qu'elle est avec Tom, songea l'étudiant en passant une main fébrile dans ses cheveux. Avec lui, il ne peut rien lui arriver.

*

Si Lorenzo avait su, il n'aurait plus jamais cru une seule rumeur sur Tom Riddle.

Tout s'était passé très vite, même pour Zoey, qui d'ordinaire était une fine observatrice. Ils venaient juste d'entrer dans la bibliothèque quand Tom l'attrapa par les poignets et la poussa dans le premier rayon sur leur gauche. Elle se retrouva coincée entre une étagère et à distance raisonnable du garçon. Le préfet lui lâcha les mains, posa les siennes contre la bibliothèque où elle était adossée et, comme pour l'envelopper parfaitement, baissa légèrement la tête sur le côté. Elle avait tout bonnement disparu derrière la silhouette du garçon.

– Riddle, qu'est-ce que...

Le murmure de protestation de Zoey mourut quand elle l'entendit. Il était là. Un dimanche, en fin d'après-midi, à la bibliothèque.

– Ne bouge pas, ordonna Tom d'une voix tranchante.

Et, sans prévenir, son front se colla à sa tempe, comme s'il l'embrassait. Zoey, le cœur battant, les yeux clos, la respiration courte, se figea dans cette drôle d'étreinte qui n'en était pas une. Elle attendit, l'oreille aux aguets, consciente que Tom venait de la protéger. Il l'avait fait.

Elle fut happée par son odeur, mélange discret d'eau de Cologne et de vieux livres. Le souffle du Serpentard caressait sa joue et c'était presque aussi doux que la sensation du vent sur son visage quand elle lisait dans le parc. Elle huma l'air, envahie par toutes les sensations contraires que produisaient cette situation dans son être et se jura avoir entendu Tom ricaner.

La voix de Cormac se fit plus forte, chassant de cet instant volé toutes les bonnes choses. La Serdaigle entendit un groupe de garçon passer. L'un d'eux fit une remarque scabreuse à Tom, lui reprochant son attitude frivole dans un lieu si pudique que l'antre du savoir à Poudlard. Le préfet répondit en lui adressant son majeur. Puis la lourde porte de la bibliothèque se ferma et le Serpentard libéra enfin Zoey.

– J'ai promis à Lorenzo, expliqua-t-il simplement avant de tourner les talons. La réserve, maintenant.

La jeune femme dut se contenter de cette excuse, et, seule face à son trouble, elle se dirigea vers Madame Pince, à l'autre bout de la grande pièce.

Ils entrèrent ensemble dans la réserve. Madame Pince les prévint qu'elle viendrait les chercher dans une heure et qu'elle interviendrait au moindre geste suspect de leur part. Elle leur expliqua également que certains ouvrages étaient dangereux et elle leur recommanda d'éviter toute la section 7B en l'absence d'un adulte compétent à leur côté. Puis, sans demander son reste, tapota un sablier du bout de sa baguette et disparut dans les rayonnages.

La réserve était bien moins éclairée que le reste de la bibliothèque. Les ouvrages, tous reliés par de longues chaînes poussiéreuses, avaient l'air de venir d'une autre époque. Il sembla à Zoey, alors qu'elle passait ses doigts sur les couvertures, que certains étaient fait de peau – animale, souhaitait-elle au plus profond de son cœur.

Tom se dirigea sans hésiter vers la section 7B. Zoey ne le suivit pas, curieuse de découvrir la section réservée à l'Histoire de la magie. Elle trouva un ouvrage intéressant sur les dérives sectaires et les pratiques illégales à travers l'histoire et décida que ce serait celui-là qu'elle découvrirait en premier.

Elle s'installa donc à une table d'étude, posa le livre et l'ouvrit à la première page. Quelques minutes plus tard, Tom la rejoignait, une pile de grimoires conséquente dans les bras. Zoey lui avait promis de ne poser aucune question et se refusa à découvrir les titres qui intéressaient le jeune homme. Une vingtaine de minutes s'écoula sans que l'un d'eux ne brise le silence studieux qui régnait sur la réserve.

– Merci, au fait.

Elle avait lu trois fois la même phrase. L'ouvrage était passionnant mais les informations particulièrement âpres à déchiffrer et à comprendre.

– Je te l'ai dit, Walker. C'était le seul moyen pour que Lorenzo me lâche.

– Mais tu n'étais pas obligé.

Il releva la tête, un peu surpris. Quelque chose chez lui était différent. Pas sa froideur, ni même son allure arrogante. Zoey, pourtant, avait le sentiment de se trouver face à un garçon plus... banal... Peut-être était-ce parce qu'il était entouré de livres ?

– Qu'est-ce qu'il s'est passé, avec McLaggen ?

Zoey secoua la tête. Tom était bien la dernière personne avec qui elle avait envie d'en parler. Le garçon parut trouver cela logique. Il n'insista pas.

– Pour être honnête, reprit tout de même Tom, dix minutes plus tard, j'ai l'impression qu'il ne va pas te lâcher de sitôt. J'ai entendu qu'il t'avait cherché toute la journée.

Cette idée horrifia la Serdaigle. Elle fit son possible pour le cacher mais sut qu'elle avait échoué lamentablement. Tom souriait, comme s'il avait lu dans ses pensées.

– Tu essayes de me tourmenter ? grogna-t-elle, la voix tremblante. Tu ne crois pas que j'en ai déjà assez pour qu'il faille en plus que tu en rajoutes ?

– Non, ce n'était pas mon intention. J'y ai réfléchi, c'est tout.

Et grand bien lui fasse ! songea la jeune femme en rangeant une mèche de ses cheveux derrière son oreille. S'il pouvait retourner à ses études, maintenant, ce serait formidable.

– Tu ne me deman...

– Quoi, Riddle ? À quoi as-tu réfléchi ?

Le sourire de Tom s'élargit. Son regard calculateur parcourut le visage agacé, chamboulé, de son interlocutrice.

– Je crois que nous pourrions nous rendre service mutuellement.

Le silence persista. Zoey ne voyait pas où il voulait en venir. Et elle détestait l'idée que Tom puisse penser qu'elle avait besoin de son aide. Et qu'il pouvait tirer avantage de sa situation.

– J'ai besoin d'amadouer certains professeurs, avoua Tom. Et de changer ma réputation. Les ASPICs arrivent à la fin de l'année et je dois avoir les meilleures remarques pour mon orientation, tu comprends.

Tom ferma le livre qu'il était en train de lire. Zoey se sentit toute petite sous son regard inquisiteur et elle se maudit de trouver qu'à la lumière de la bougie, le visage du préfet était fascinant.

– Il se peut que mon numéro d'élève parfait ne soit pas au goût de tout le monde, poursuivit le garçon. Certains pensent que je ne suis pas adapté socialement. Que je ne fais aucun effort. Je vise un poste très précis, à la fin de mes études, tu sais ?

– Où veux-tu en venir, Riddle ? s'impatienta Zoey.

Les ténèbres de la réserve planaient autour d'eux comme un miasme de plus en plus épais. La Serdaigle ne put s'empêcher de se demander si ce n'était pas à cause du Serpentard que l'ambiance et la température se dégradaient brusquement.

– Je veux leur prouver qu'ils ont tort.

– Commence par sourire un peu. Un sourire, ça change tout.

Il l'impressionnait mais elle refusait de perdre le nord. McLaggen occupait déjà tout son être pour qu'elle craigne quelqu'un d'autres. Quelqu'un qui n'oserait jamais toucher à un de ses cheveux car cela annoncerait probablement un fratricide.

– Sors avec moi, Walker, proposa Tom, de but en blanc et la mâchoire de Zoey manqua de se décrocher. Au début, je ne pensais pas que tu me serais utile mais tu as obtenu ce droit d'entrée pour la réserve en moins de vingt-quatre heures. Si McLaggen pense que nous sommes en couple, il te laissera tranquille et moi, je pourrais bénéficier de ta bonne réputation auprès des professeurs pour amadoueur les plus récalcitrants... Nous avons tous les deux quelque chose à gagner.

Zoey le regarda comme s'il venait de perdre la raison. Tom Marvolo Riddle ne pouvait pas avoir prononcé ces mots en toute âme et conscience. C'était impossible.

– Tu peux avoir n'importe qui, Tom, souffla l'étudiante, hébétée. Des tas de filles se bousculeraient pour être à ton bras. Je ne serais pas ta pimbêche.

Elle aurait aimé lui faire avaler son sourire. Le culot. Voilà ce que c'était. Tom était l'arrogance incarnée. Il ignorait tout d'elle, ils n'avaient rien en commun. Personne ne se laisserait berner par ce genre de chose. Surtout pas un professeur.

– J'ai pesé le pour et le contre, crois-moi, se défendit le garçon. Ta popularité auprès des élèves n'est pas franchement extraordinaire, tu ne viens pas d'une famille de Sang-Pur et, surtout, tu es...

La fin de sa phrase mourut dans le claquement soudain de la main de Zoey sur la joue du Serpentard. Une ombre menaçante passa dans son regard, Tom frémit, mais il n'esquissa pas un geste. Il reçut le coup comme si ce n'était qu'une banale pichenette.

– Réfléchis-y, insista le préfet. Ma protection contre un peu de comédie. Ce n'est pas cher payé, si ?

– Tu me répugnes.

Zoey se redressa, ferma le livre qu'elle étudiait et tapota sur la chaîne du bout de sa baguette. Celle-ci s'activa, tira l'ouvrage jusqu'à sa place dans l'étagère. Puis, sans demander son reste, la jeune femme attrapa son sac, adressa un regard furieux au garçon et se dirigea d'un pas pressé vers la sortie de la réserve.

– Je pensais détester McLaggen, déclara Zoey, figée sur le seuil. Mais je crois que je te hais encore plus, Riddle.

Il lui répondit d'un sourire amusé.

– J'attendrais, Walker. Je sais que tu changeras d'avis.


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