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Tom ne s'était pas trompé : les Serdaigle avaient gagné le match même si c'était Draco, attrapeur des Serpentard, qui avait saisi le vif d'or dans une manœuvre vertigineuse. Le stade entier avait retenu son souffle et ce n'était qu'à la dernière seconde, quand le blondinet eut brandi la balle ensorcelée, qu'une liesse exutoire se déchaîna.
À la plus grande surprise de Zoey, elle avait passé un excellent moment aux côtés de Tom. Il n'y était pas pour grand-chose – c'était à peine s'il avait desserré les lèvres ou réagi au match – mais sa présence avait, d'une manière ou d'une autre, rassuré la jeune femme. Elle n'en avait pas oublié Cormac mais son angoisse s'était peu à peu apaisée. Elle avait même ri quand Tom avait manqué de se faire atteindre par un Cognard. Les jérémiades qui avaient ponctuées la fin de la rencontre furent calmées par quelques sucreries glissées dans la main du garçon, espérant qu'il finirait par arrêter de râler.
Aussi, il était déjà seize heures quand le match prit fin et Tom abandonna Zoey devant les vestiaires, en compagnie d'une Pansy qui attendait avec impatience les perdants du jour.
Les deux jeunes femmes étaient assises sur un banc et regardaient, non sans curiosité, les élèves descendre dans le parc. Le flot était continu, tout l'école était venue assister à cette rencontre. Pansy profita du brouhaha pour se pencher vers Zoey.
– Tu étais avec Tom ?
– Oui, admit la Serdaigle qui savait qu'elle n'avait aucun intérêt à mentir à la Serpentard.
– Pourquoi ?
– Pourquoi quoi ?
– Pourquoi étais-tu avec lui ? Il ne vient presque jamais aux matchs de Quidditch.
Zoey haussa les épaules.
– On s'est croisé en bas des gradins, expliqua-t-elle, omettant l'épisode avec McLaggen. Tu le connais, il faisait son travail de préfet.
– Ce qui ne m'explique pas comment vous en êtes arrivés à regarder le match ensemble.
– C'est une excellente question, remarqua Zoey. Je n'en ai moi-même pas la réponse.
La discussion ne put être approfondie. Les joueurs des deux équipes sortaient des vestiaires. Lorenzo, victorieux, fut le premier à leur hauteur. Il sentait la transpiration et la pluie fraîche qui était tombée sur le terrain pendant le match. Son sourire était radieux, ses yeux pétillants de joie.
– J'espère que vous n'avez raté aucune miette, les filles ! s'exclama-t-il en se frappant le torse. Ça m'a refait !
– Tu ne m'as pas entendu crier ton nom ? s'amusa Zoey qui pouvait – enfin – réellement se détendre.
– Peut-être que notre cher Lorenzo, non... remarqua Pansy, l'air perfide. Mais Tom, à côté de qui Zoey était assise, l'a sûrement capté, lui.
– Qui était assis avec mon frère ?
Mattheo sortait à son tour des vestiaires. Il était bien moins joyeux que son meilleur ami mais puait tout autant. Un hématome de plus décorait sa joue, là où il s'était pris la batte d'un des batteurs de l'équipe bleue et bronze.
– Zoey, apparemment ! murmura Lorenzo, les yeux écarquillés d'étonnement, un sourire amusé aux lèvres.
– Qu'est-ce que tu foutais avec lui, par Merlin ?
Mattheo vérifia d'abord la température de son amie. Celle-ci était tout à fait normal. Alors il testa les réflexes de la jeune femme. Mais tout fonctionnait correctement. Il l'inspecta sous toutes les coutures, lui demandant de lui rappeler son prénom, son âge et la couleur de ses chaussettes préférées. Dans l'ensemble, Zoey trouva chaque bonne réponse.
– Tu n'es pas devenue folle pendant la nuit, j'espère ? s'enquit le cadet des Riddle.
Zoey, hilare, secoua la tête.
– C'est un concours de circonstances, le rassura-t-elle. Tu peux me lâcher, maintenant ?
Mattheo acquiesça, méfiant, et laissa enfin la Serdaigle respirer.
Ils attendirent encore Draco et Blaise puis, une fois que la troupe était au grand complet, empruntèrent le chemin vers la sortie du stade. La route sinueuse qui partait du terrain pour remonter vers le château était noire de monde, aussi prirent-ils leur temps pour remonter l'allée, s'arrêtant pour regarder, de temps à autres, les joueurs encore échauffés par la rencontre, mettre en scène ce qui étaient pour eux les meilleurs moments du match.
Ce fut en pleine reconstitution de la dernière action de Draco qu'un raclement guttural les interrompit. Zoey, qui jusque-là avait tout fait pour oublier son existence, se raidit. Bon sang. Il revenait à la charge.
– Qu'est-ce que tu veux, McLaggen ? demanda Blaise, de ce ton qu'il réservait habituellement aux élèves de la maison rouge et or.
Le groupe se retourna pour faire face au Gryffondor. Il était tout seul, un sourire doux aux lèvres, les yeux posés sur l'étudiante. Une question brûla les lèvres de Pansy, mais elle la retint de justesse.
– J'aimerais parler à Zoey, si c'est possible, expliqua-t-il le plus normalement du monde.
Heureusement que la Serdaigle n'était pas au premier rang. Sinon, elle se serait liquéfiée, peut-être même aurait-elle cédé. Blaise et Pansy devant elle, encadrée par Mattheo et Lorenzo et Draco derrière le groupe, perché sur une pierre, Zoey se sentait en sécurité.
– Zoo ? s'inquiéta Pansy cherchant chez la Serdaigle la moindre trace d'approbation.
Elle se trouva enfantine de secouer la tête. Ce n'était pas son genre de perdre la face. Surtout pas devant quelqu'un comme McLaggen.
– Oh, allez, Zoey, c'est juste une petite discussion ! l'encouragea Cormac. On ne s'est pas vu depuis la rentrée.
D'instinct, la main de l'étudiante alla chercher celle de Lorenzo. Elle la serra dans un geste désespéré de lui faire comprendre qu'elle ne voulait pas de cet échange. L'absence de réponse de sa part laissait le reste de la bande dubitatif. Quelque chose clochait.
– Je ne... veux... pas, articula-t-elle avec difficulté, refusant de regarder le garçon en face.
– Allons, Zoo...
– Tu l'as entendu, McLaggen ? le coupa sèchement Mattheo. Zoey a dit qu'elle ne voulait pas te parler.
Les deux garçons se jaugèrent du regard. Autour de sa main, la poigne de Lorenzo se referma et son pouce se mit à décrire des cercles rassurants sur sa peau gelée. Elle voulait qu'il parte, mais ne parvenait pas à le formuler.
L'angoisse, la panique, la peur. Tout était revenue d'un coup. Les images de cet été, les instants passés à ses côtés. La douleur, la honte. C'était oppressant, invivable. Sur le moment, l'idée de se jeter de la tour d'astronomie traversa l'esprit de la jeune femme. Tout pour ne plus jamais entendre mon prénom dans sa bouche.
– Qu'est-ce que tu fais encore planter là ? s'enquit Draco, d'une voix sèche. Retourne dans ta tour, McLaggen.
Le Gryffondor soupira bruyamment. Il recula d'un pas, comme pour montrer qu'il avait compris, levant les mains en l'air.
– Tu sais qu'il faut qu'on parle, Zoey, prévint-il sans la moindre animosité. J'ai assez attendu, je veux que tu reviennes.
Et il tourna les talons.
Cette fois, Zoey se sentit incapable de se calmer. Ce n'était pas comme avec Tom, où le contact avait été évité. Il était venu la chercher devant tous ses amis. Il l'avait approché malgré tout. Et elle n'avait dû son salut qu'à la présence du groupe. Sa respiration, erratique, était bloquée dans sa gorge et elle avait le cœur aux bords des lèvres. Elle s'obstinait à garder la main de Lorenzo dans la sienne tandis que ses camarades s'échangeaient des regards inquiets.
– On part devant avec Draco, signala Blaise. On va s'assurer que McLaggen n'ait pas envie de faire demi-tour.
– Je vais avec eux, décida Mattheo. Je veux être le premier à le cogner si c'est le cas.
Il serra délicatement l'épaule de Zoey, réajusta l'écharpe aux couleurs de son équipe de Quidditch autour du cou de la jeune femme et se pencha vers elle.
– Tu me raconteras tout quand tu seras prête, ajouta-t-il uniquement pour elle.
Les garçons les quittèrent en silence, laissant face à Zoey un Lorenzo bouillonnant et une Pansy perplexe. Ils attendirent que les derniers élèves les dépassent pour aider la Serdaigle à s'asseoir sur la pierre où, quelques instants plutôt, Draco se tenait encore debout.
Zoey resta mutine une dizaine de minutes, le temps pour elle d'évacuer en pleurs silencieux toute la tension accumulée. Elle n'arrivait pas à croire qu'il ait osé deux fois. Pas une. Deux fois. Pansy s'accroupit à ses côtés, Lorenzo se tint près d'elle, comme un pilier contre lequel l'étudiante pourrait s'appuyer
– Qu'est-ce qu'il s'est passé, cet été ? s'inquiéta la première d'une voix douce, presque chevrotante.
Zoey secoua la tête. Elle avait trop honte. Qu'allaient dire ses amis s'ils l'apprenaient ? Les souvenirs allaient et venaient par bribes, des restes de ce qu'elle avait vu et ressenti durant ce mois d'août au bord de la mer. J'aimais tellement ce paysage. Maintenant, elle associait le roulis des vagues sur le bord de la plage à des sensations étranges et une sorte de cauchemar nébuleux dont elle ne distinguait plus vraiment les frontières entre le rêve et la réalité.
– Est-ce que Cormac t'a fait du mal ? demanda Lorenzo.
À ça, elle pouvait répondre. L'étudiante hocha vaguement la tête et les larmes se remirent à couler. On entendait seulement son hoquet, parfois un reniflement humide, mais aucune phrase intelligible ne franchissait la barrière de ses lèvres.
– Je vais le tuer ! s'emporta Lorenzo. Lui faire avaler son sourire.
Mais Zoey tira sur sa main, l'air paniqué.
– Non, marmonna-t-elle. S'il te plaît !
– Zoo, il ne peut pas te faire de mal et s'en tirer comme ça !
Pansy soupira. Elle se redressa et posa un regard sévère sur le Serdaigle.
– Elle a raison, Lorenzo. Tu ne peux pas frapper Cormac gratuitement.
– Ce ne sera pas gratuit, s'agaça le garçon. Il y a visiblement une raison derrière tout ça.
– Mais tu ne la connais pas ! s'exclama Zoey.
Il y eut un vague silence, légèrement tendu. La Serdaigle était à bout de force. Tout ce qu'elle voulait, c'était un peu de chaleur humaine et des amis compréhensifs à ses côtés.
– Je ne suis pas prête à en parler, parvint-elle enfin à révéler. Pas maintenant.
– On attendra, rétorqua Pansy avant que Lorenzo ne s'emporte à nouveau. Prends ton temps.
Le Serdaigle était contrarié mais il finit par accepter son sort.
– Qu'est-ce qu'on fait, alors ? s'enquit le garçon. Je veux dire... si on ne lui casse pas la gueule.
– Ne le laissez pas m'approcher, supplia Zoey. Gardez-le à distance.
– C'est dans mes cordes, acquiesça Pansy.
Elle regardait son amie sans parvenir à saisir tout à fait les enjeux. Zoey semblait profondément choquée. Différente de l'étudiante qu'elle avait quitté en juin sur les quais de King's Cross. Cela expliquait toutefois ce qu'il s'était passé le week-end dernier et sa fuite de toute contact. Elle se garda bien de faire la remarque devant Lorenzo mais se promit qu'en temps et en heure, elle aborderait à nouveau le sujet avec son amie. La fête n'avait probablement rien arrangé à ses angoisses, d'autant plus que Cormac était connu pour fréquenter nombres des soirées organisées à Poudlard.
– Tu es sûre que ça va aller, Zoo ? s'enquit le Serdaigle.
Pour toute réponse, Zoey haussa les épaules.
– Tu me ramène au dortoir ? demanda-t-elle sans parvenir à le regarder.
Lorenzo hocha la tête, passa un bras autour de ses épaules et l'aida à se relever. Dans ses bras, son amie paraissait plus fragile encore qu'une poupée de son, plus légère qu'une plume. C'était la première fois qu'il la voyait dans un tel état et se sentait complètement dépourvu. Quoiqu'elle avait vécu, son silence en disait long sur la gravité des actes et bien qu'il ait promis d'attendre qu'elle se livre à eux, son esprit ne pouvait s'empêcher d'imaginer les pires scénarii.
Il resta un instant interdit, fermé, en colère. Puis il croisa le regard inquiet de Pansy et serra un peu plus Zoey contre lui.
Quoiqu'il ait fait, il ne donnait pas cher de la peau de Cormac McLaggen une fois que la vérité aurait éclaté au grand jour.
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