17
Ce jour-là, personne ne put ignorer qu'il y avait un nouveau couple à Poudlard. Ni les professeurs qui écoutaient d'une oreille attentive toutes les rumeurs, ni les élèves, principaux colporteurs des ragots.
Zoey se sentit épiée une bonne partie de la matinée et, quand Tom la retrouva à midi et qu'il la prit naturellement par la main pour qu'ils aillent se promener ensemble au parc, elle eut la sensation d'être la principale attraction de la journée. Si cela n'envoyait pas un message clair à Cormac, alors elle ne saurait plus comment le tenir éloigné d'elle et cet arrangement n'aurait à ses yeux plus aucun sens.
Songeuse, elle se concentra sur la présence étrangement apaisante de Tom à ses côtés. À la lumière du zénith automnale, le visage noble du garçon était souligné d'un rayon discret, dessinant la courbe de son nez et de ses pommettes. Ses yeux, sombres et orageux, pétillaient d'une nouvelle lueur – timide reflet du soleil dans son regard de nuit sans lune.
Au bout de quelques secondes d'observations silencieuse, Tom tourna un regard interrogateur vers Zoey qui chercha immédiatement une excuse.
– Tu crois que ça va être comme ça tous les jours ? demanda l'étudiante au préfet.
Ils venaient de déboucher dans une courtine dont l'un des murs tombait en ruine. La végétation reprenait doucement du terrain sur la pierre, ses lianes enserrant ce qu'il restait de la fondation grisâtre et rocailleuse du château. Enfin seuls, Tom lui avait immédiatement lâché la main. Zoey ne s'en était pas formalisée, c'était même un soulagement pour elle.
– Non, les choses vont s'apaiser.
– Si ça se calme, est-ce que ça aura encore un intérêt de faire semblant ?
Il la jaugea d'un regard. Elle ne sut comment l'interpréter, surtout lorsqu'il lui adressa un sourire sardonique. Cela semblait sous-entendre que son intervention était pertinente.
– Ce n'est pas très bon qu'on ait autant attiré l'attention, admit le garçon après quelques secondes de réflexion.
– En même temps, tu es toi, Tom.
Le Serpentard leva les yeux au ciel. Il n'avait jamais compris qu'on l'idéalise autant. Oh, pour l'apprécier, ça... il embrassait chaque seconde d'attention qu'on lui accordait et se nourrissait, chaque jour, de son aura grandissante. S'il avait voulu dominer le monde de la Magie, il aurait pu par la seule force de son charisme et de son savoir. C'était peut-être ça qui effrayait tant ses professeurs. Et la possibilité qu'il avait de jeter sur le château un fléau mortel dont il aurait été le seul à pouvoir le contrôler. Mais qui était vraiment au courant, à part cette vieille fouine de directeur ?
– Bref, soupira Tom. Comme on a attiré l'attention, il faudra rester vigilant. D'ici quelques jours, peut-être une semaine ou deux, nous serons plus tranquilles. Après, il n'y aura plus qu'à tenir jusqu'à fin juin. McLaggen sera parti d'ici-là et tu pourras passer ta septième année sans t'inquiéter de sa présence. Entre temps, j'aurais eu ce que je veux.
La question chatouillait les lèvres de Zoey depuis qu'ils avaient abordé l'éventualité de se fréquenter pour de faux. Elle se laissa quelques secondes de réflexion – par peur de se glisser sur un terrain dont elle ne maîtrisait rien – et céda finalement à la curiosité.
– Qu'est-ce que tu veux vraiment Tom ? Je veux dire... c'est trop facile, ton excuse. Tu pourrais sortir avec n'importe quelle fille. Regarde Daphné et Millicent. Elles auraient dit oui sans hésiter. Tout ça pour quoi ? Pour te mettre dans la poche les quelques professeurs que tu n'as pas réussi à tromper avec ton sourire et tes résultats ?
Le ton n'était pas particulièrement insolent, cela déplut pourtant à Tom qui estimait qu'il n'avait pas à entrer dans les détails de sa vie personnelle. D'autant plus qu'il trouvait avoir déjà largement assez partagé d'informations avec la jeune femme.
– Je ne t'ai jamais demandé pourquoi tu fuyais McLaggen, si ?
Zoey secoua la tête, interdite.
– Non, c'est vrai.
– Alors ne me demandes pas d'entrer dans les détails, conclut Tom d'une voix sèche.
Ça avait considérablement refroidi l'atmosphère et Zoey se contenta de se remettre en route, ignorant le fait que Tom s'obstinait à se tenir à ses côtés. Puisqu'il ne voulait pas lui parler, elle ne s'ennuierait pas à faire la conversation.
Pour le préfet, qui aimait se promener en silence, surtout à cette période de l'année, ce n'était pas un problème. Puis, comme son interlocutrice semblait avoir fait vœu de silence et qu'ils revenaient vers l'école, le garçon commença à s'inquiéter. L'avait-il vexé ? Peut-être. Une part de lui s'en moquait. L'autre se souvint de ce moment qu'il lui avait volé à la bibliothèque. Et, étrangement, cela lui remua juste assez l'estomac pour l'obliger à desserrer les lèvres le premier.
– J'aurais pu choisir n'importe qui, marmonna-t-il à contre-cœur. C'est toi que je voulais, Walker. Quitte à devoir supporter quelqu'un, autant que ce soit une personne avec qui je pourrais apprécier le temps passé.
Zoey lui coula un regard perplexe que Tom soutint sans flancher.
– Je vais prendre ça comme un compliment.
– Tu peux.
Ils se sourirent, quelque chose de très peu romantique. Ce genre de mimique qu'on s'adresserait si on était amené à travailler avec quelqu'un qu'on tolère.
– On n'a jamais parlé du reste, s'aperçut Zoey alors qu'ils entraient dans le château.
Tom s'était proposé de l'accompagner jusqu'en Études des Moldus – l'une des rares classes qu'il n'avait jamais fréquenté durant ses années à Poudlard.
– Du reste ?
– Oui, de tout ce qui vas faire de nous un... couple.
Le garçon acquiesça. L'affirmation était judicieuse. Encore une fois, Zoey se montrait à la hauteur de sa réputation : perspicace, directe. Et soucieuse de leur contrat. Bien. Il avait bien choisi.
– Vu comment tu tressailles quand je te prends la main, je ne suis pas sûr que tu sois prête à ce qu'on s'embrasse devant tout le monde.
– Effectivement. De toute manière, je ne pense pas que les démonstrations intimes en public soient ton genre.
– Elles ne le sont pas. Mais, un couple qui se tient juste la main, ce n'est pas très crédible, si ?
C'était un baiser qui avait scellé son destin, cet été. Une main glissée dans la sienne contre son gré. Celle de McLaggen était moite et brûlante, comme des griffes autour des doigts de la jeune femme. Ce souvenir la mit mal à l'aise et, doucement, elle se libéra de l'étreinte du Serpentard qui lui avait repris la main alors qu'ils approchaient des autres élèves.
– Je pense que, pour toi et moi, ce sera suffisant, rétorqua Zoey. Je ne veux pas qu'on s'embrasse.
Ça avait au moins le mérite d'être clair.
– Je pense que ça peut le faire, songea le préfet.
– Très bien.
Ils s'arrêtèrent à quelques pas de la salle de classe de Zoey. Des élèves attendaient déjà devant que le professeur daigne les faire entrer mais il n'y avait, à priori, aucune oreille indiscrète. Par confort, Tom se pencha tout de même vers la jeune femme.
– En décembre, le professeur Slughorn organise son incontournable gala de Noël. Sois ma cavalière.
Zoey acquiesça sans réfléchir.
– Est-ce qu'il faut...
– Une robe ? Ce serait mieux. Il y aura des invités importants dont des amis de Slughorn qui travaillent au Ministère.
– Il va te présenter ?
Personne n'ignorait à Poudlard que le professeur Horace Slughorn aimait s'entourer de gens importants. Écrivains, politiciens, inventeurs, aristocrates. Il avait commencé par se faire des amis, puis, une fois nommé professeur, il conviait ses meilleurs éléments à des réunions nocturnes, des dîners et des galas comme celui que le maître des potions allait donner en décembre.
– Je pense, oui, répondit Tom.
Cela laissa Zoey songeuse. Elle n'aimait pas ces histoires de politiques, encore moins quand il s'agissait du professeur Slughorn. Comme l'étudiante n'était pas très bonne en potion, elle n'avait jamais eu l'occasion d'être invitée à la table du professeur. La place de sa mère au Ministère n'était pas non plus d'une grande aide puisqu'il était connu que Zéralda Walker, née McAllister, ne s'entendait pas particulièrement bien avec son ancien professeur.
– Autre chose ? s'enquit la Serdaigle en jetant un rapide coup d'œil à la montre qu'elle portait au poignet.
– Non, ça me semble déjà bien.
– Alors, je pense que je vais rejoindre mes camarades de classe.
– Et moi, les miens.
Comme ils se savaient surveillés, à présent qu'un peu plus de monde s'était amassé dans les couloirs, Tom rompit l'espace entre lui et Zoey et posa brièvement son front contre le sien.
– Qu'est-ce que tu fais ? chuchota l'étudiante, consciente qu'elle rougissait.
Ça aurait dû l'horripiler. Elle avait été prise par surprise et, pour être honnête, ce n'était pas désagréable. Le parfum de Tom avait quelque chose d'enivrant et le geste, bien qu'il eut été un peu particulier, était accompagné d'une tendre et furtive caresse sur sa main.
– Je te dis au revoir, Walker, murmura le garçon à son oreille. Tu crois que c'est crédible, ça ?
Il se recula et Zoey découvrit son visage impassible. Elle plongea ses yeux dans les siens, à la recherche d'un elle-ne-savait-quoi qui aurait pu trahir ses émotions. Pour l'instant, la jeune femme était encore incapable de lire en lui – et elle ignorait si elle y arriverait un jour. Elle se contenta donc de sourire, l'air d'être sous le charme.
– Je crois que c'est plus ton genre, Riddle. Inutilement solennel.
Ça lui arracha un bref sourire et le cœur de Zoey manqua un battement. Tom se recula, lui adressa un dernier signe de la main et tourna enfin les talons.
Zoey se sentit comme libérée d'un poids. Sa poitrine se souleva et elle souffla de soulagement. L'étudiante regarde son faux petit ami s'éloigner, rapetisser dans cet immense couloir et disparaître au coin. On ne s'en est pas trop mal sorti, pour un premier jour, songea la Serdaigle, enfin prête à se consacrer à ses cours. J'espère qu'on tiendra sur la longueur.
– Zoo !
Lorenzo surgissait à son tour, de l'autre bout du couloir. Mattheo, à ses côtés, avait le visage rouge. Son œil violacé, qui venait tout juste de se remettre de la bagarre précédente, était enflé. Les garçons avaient l'air mécontents et échangeaient avec les élèves qu'ils croisaient sur leur chemin des regards noirs. Zoey consulta sa montre. Elle avait encore le temps d'élucider ce mystère avant d'aller en classe. Aussi alla-t-elle aux devants de ses amis et pila net quand elle constata que celui qui avait le visage en sang, pour une fois, n'était pas Mattheo mais Lorenzo.
– Que s'est-il passé ? s'exclama-t-elle, attrapant les joues de son meilleur ami en coupe.
Elle avait l'air si inquiète que Lorenzo oublia un instant qu'il était en colère. Il lui suffisait d'un regard pour apaiser le cœur fou et enragé de Berkshire. Un simple regard pour le ramener sur terre et lui faire oublier sa douleur.
– On s'est battus, rétorqua Mattheo sur le ton de l'évidence.
– Merci Sherlock. Je n'aurais jamais deviné.
– Sherlock ?
– Un truc de Moldu, grogna Lorenzo.
Zoey poussa un soupir et sortit un mouchoir en tissu de sa poche. Elle avait pris l'habitude d'en avoir toujours un de propre depuis qu'elle traînait régulièrement avec le duo. Tendrement, l'étudiante posa le bout de coton sur la joue gauche de Lorenzo et essuya le sang qui avait coulé de la coupure, juste au-dessus de son sourcil. Il n'y en avait pas beaucoup mais c'était celui du garçon puisqu'elle découvrit sous la croûte déjà presque sèche la blessure qui avait causé le désastre.
– Alors ? s'impatienta Zoey.
– Tu ne vas pas être contente, Zoo, précisa Mattheo.
– On avait dit qu'on ne lui dirait pas, répliqua Lorenzo en fusillant son meilleur ami du regard.
– C'est trop tard ! Il ne fallait pas passer par ce couloir si tu ne voulais pas que je m'inquiète. Ni m'appeler, d'ailleurs. Tu fais un piètre cachotier.
Les deux garçons se toisèrent, l'air de se refiler la patate chaude. Aucun d'eux ne semblait prêt à passer à la casserole. Zoey jeta un rapide coup d'œil à sa montre. Elle n'avait plus qu'une petite paire de minutes avant que son cours ne commence.
– Accouchez ou je vous fais avaler du Véritaserum de force !
– C'est ce... cet enflure de Flinn-Fletchey ! craqua Lorenzo. Aïe, tu me fais mal, Zoo.
– Ce n'est pas ma faute, protesta la jeune femme. Il ne t'a pas raté. Une bague ?
– Deux. Ce connard avait deux bagues, précisa Mattheo.
– Et qu'a-t-il fait pour que vous lui tombiez tous les deux dessus ?
Ils traînaient à lui délivrer la vérité et Zoey soupira bruyamment.
– Dépêchez-vous !
– On déjeunait dans une salle d'étude, expliqua Lorenzo sans oser la regarder. Et Flinn-Fletchey était avec ses amis. Ils parlaient de... ils parlaient de toi. Et de Tom.
– Je leur ai dit de se mêler de leurs affaires, poursuivit Mattheo.
– Flinn-Fletchey a demandé à Mattheo s'il ne l'avait pas trop mauvaise que tu aies choisi Tom, conclut Lorenzo.
– Et toi, forcément, tu ne pouvais pas l'ignorer ? s'enquit Zoey.
– Je ne sais pas, j'ai pas réfléchi, je l'ai frappé, admit Mattheo. Mais j'aurais dû lui casser les dents. Ça aurait évité qu'il fasse le malin.
Elle inspira. Zoey n'avait pas très envie d'entendre la suite mais, emportée par le récit de ses amis, la question franchit ses lèvres sans qu'elle ne s'en rende compte.
– Il t'a insulté, répondit Lorenzo, évitant de répondre directement.
– Qu'est-ce qu'il a dit ?
– Je...
Mattheo se tendit, Lorenzo pâlit. Ce n'était visiblement pas un compliment. Zoey en eut des frissons. Le Serdaigle ne s'était jamais battu. En tout cas, jamais aussi gravement. Il s'interposait parfois entre Mattheo et son adversaire mais ne portait aucun coup à moins qu'il se soit senti menacé.
– Dis-le, ordonna-t-elle d'une voix blanche. Je veux savoir.
Le visage du jeune homme se décomposa. Il baissa les yeux, incapable de regarder sa meilleure amie.
– Il a dit que la rumeur courrait que tu avais déjà écarté les cuisses pour quelqu'un dans l'école. Il s'est proposé d'être le suivant, une fois que Tom aurait tiré son coup.
L'information percuta Zoey si violemment qu'elle en eut le souffle coupé. Ses yeux se brouillèrent de larmes, elle crut que son cœur allait lâcher et sa poitrine se contracta brusquement.
C'était ça, son pire cauchemar. Et il était en train de se réaliser.
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