10

Vendredi passa sans que Tom ne fasse son apparition dans le paysage de Zoey. L'étudiante n'aperçut même pas sa silhouette au détour d'un couloir et fut encore plus étonnée de ne pas le croiser au moins une fois à la bibliothèque alors qu'elle y était allée plusieurs fois dans la même journée.

C'était tant mieux car elle avait d'autres chats à fouetter.

Lorenzo, par on ne savait quel coup du sort, avait eu vent de la rencontre fortuite entre son amie et McLaggen, en début de semaine. Furieux, c'était pourtant Mattheo qu'on avait dû retenir par les épaules et par tout un tas d'arguments plus fallacieux les uns que les autres. La bagarre éviter, on informa Theodore Nott de la situation et il se proposa d'accompagner Zoey aux cours de Défense contre les Forces du Mal qu'ils avaient en commun.

Le quotidien s'organisa donc dans le seul et unique but que la jeune femme ne soit jamais véritablement seule ou qu'on l'ait, d'une manière ou d'une autre, toujours à l'œil. Même si elle appréciait ces attentions et l'ardeur avec laquelle ses amis cherchaient à la protéger, Zoey se sentit écrasée par tant de surveillance et ne souffla véritablement que lorsqu'elle fut enfin en tête à tête avec Pansy, le dimanche.

Les deux jeunes femmes avaient pris pour habitude de se rendre ensemble à la volière tous les dimanches soir. Pansy y déposait une lettre à l'intention de ses parents, les tenant méticuleusement au courant de ses résultats scolaires et des appréciations de ses professeurs. Les Parkinson ne faisaient pas partis des grandes lignées de Sang-Pur bien que Pansy ait eu une tante éloignée du côté des Goyle. Ses parents avaient espoir qu'elle ferait un bon mariage et qu'elle permettrait à sa famille d'entrer dans la haute aristocratie sorcière. Ce n'était pas dans les intentions de l'élève de sixième année mais celle-ci se gardait bien de le leur dire. Elle jouait son rôle à la perfection, persuadée que ses parents finiraient bien par reconnaître un jour sa vraie valeur.

Zoey, quant à elle, écrivait à son père. L'étudiante n'avait jamais été particulièrement proche de sa mère. Le contenu de ses lettres n'était pas bien différent de celui de Pansy bien que Zoey pensait toujours à y ajouter quelques anecdotes sur ce qu'elle avait appris de ses lectures. Si Jeremiah Walker était un Moldu, il partageait avec sa fille une passion dévorante pour l'Histoire. Ensemble, ils échangeaient sur leurs mondes respectifs et c'était ce lien qui les unissaient malgré la distance qui les séparaient.

Ce petit rituel postal était pour les deux jeunes étudiantes un des rares moments où elles n'étaient pas entourées des garçons. Bercées par la brise, le chant des chouettes et des hiboux, Pansy et Zoey se laissaient aller à des confidences qu'on ne murmure pas au détour d'un couloir.

– Un peu de paix, c'est agréable aussi, remarqua Pansy en enroulant soigneusement son courrier autour de la patte d'une chouette.

– Tu dis ça parce qu'il n'y a ni Lorenzo, ni Mattheo, ni Draco pour te hurler dans les oreilles ?

Pansy acquiesça, un large sourire aux lèvres.

– Je te jure ! Il faut toujours qu'ils crient au lieu de parler... alors qu'on est juste à côté.

– Avec le temps, je me suis habituée, confia Zoey qui décidait encore entre deux oiseaux pour faire livrer sa lettre.

– Un joli mot pour dire que tu es...

Quelqu'un entra dans la volière et d'un pas rapide, gravit les marches jusqu'aux niches où se reposaient les Strigiformes. C'était Tom, les cheveux décoiffés, légèrement essoufflé. C'en étonna Pansy qui n'avait encore jamais vu le préfet des Serpentard se rendre à la volière – et pour cause, il n'écrivait à personne. Il se planta devant la Serdaigle, droit comme un piquet, et repassa d'une main nerveuse le pli sur sa cape de sorcier.

– Walker.

– Riddle.

– Parkinson, marmonna Pansy, l'air revêche, bien décidée à ne pas jouer la cinquième roue du carrosse dans cet échange impromptu.

Le Serpentard lui jeta un coup d'œil peu cordial. Elle le soutint, loin d'être intimidée. Et il reporta son attention sur Zoey.

– Qu'est-ce qu'il y a, Tom ? s'enquit-elle, troublée par le silence qui s'étirait entre eux.

Un sourire narquois habilla les lèvres du jeune homme et son regard s'adoucit. Ça n'aurait laissé personne dupe mais c'était Tom Riddle et Pansy en tomba des nues. Son regard venait de s'adoucir.

– Rien, répondit-il, laissant ce simple mot voler dans l'atmosphère de la volière. Je voulais simplement te voir.

– Me voir ?

– Oui, te voir.

Zoey aurait dû flairer le piège. C'était évident que Tom ne venait pas pour la voir. Il avait toutefois quelque chose dans son sourire qui la laissa sans voix. Tom Riddle lui offrait une palette de couleurs dans le paysage de ses sentiments secrets. Et, même s'il se jouait d'elle, l'étudiante trouva que sourire lui allait tout de même mieux que le reste.

– Quelqu'un peut m'expliquer ce qu'il se passe ? intervint Pansy, qui n'en menait pas vraiment large.

– Je voudrais inviter Zoey à sortir avec moi, expliqua Tom, le plus naturellement du monde.

– Tu vas quoi ?

Le piège s'était refermé sur la pauvre Serdaigle qui subissait à présent le regard inquisiteur – et bien trop silencieux – de son amie.

Zoey comprit assez rapidement ce que Tom était en train de faire. Malin qu'il était, le Serpentard avait « déclaré » ses intentions devant l'élève qui aimait les ragots plus qu'une bonne tarte à la mélasse le soir d'Halloween. Pire encore ! Pansy aurait pu vivre de racontars et d'eau fraîche si son corps n'avait pas réclamé les nutriments de base pour survivre. En moins d'une journée, même si la jeune femme le jurait sur ses études, sa baguette et son crapaud, l'information aurait fait le tour de l'école et tout le monde – sans exception – serait au courant que Tom courtisait Zoey. Et elle allait le rejeter. Une pierre, deux coups : Zoey passait pour la jeune femme inaccessible et Tom, l'amoureux éconduit.

– C'est hors de question, grogna Zoey pour sa défense. Ça sort de nulle part. Et ce n'est absolument pas romantique.

Tom haussa les épaules, tirant la moue. Romantique n'était pas dans son vocabulaire et il ne s'en excuserait jamais.

– C'est tout à fait étonnant, nota Pansy, déjà conquise cette histoire. Mais Tom Riddle... intéressé par le badinage ? Non, ça, ça me laisse perplexe. Tu aimes trop tes études et tes livres pour t'intéresser aux autres.

– Une blague, insista la Serdaigle. Une mauvaise blague.

– Il fallait bien que ça arrive un jour, souffla le garçon, s'approchant de Zoey d'un pas discret.

L'étudiante leva les yeux au ciel. Qu'il pouvait être agaçant ! Elle ne lui avait pas demandé la lune, ce matin. Simplement un peu de bon sens ! Sans flirt, personne n'aurait cru à leur couple. Il suffisait à Tom de lui accorder un peu d'attention, une ou deux discussion par jour... pas une déclaration de guerre ouverte devant la seule et unique Pansy Parkinson.

– Reconsidère la question, je t'en prie.

Zoey déglutit.

– Non, Tom. Je ne change pas d'avis comme je change de... (elle ne pouvait décemment pas finir sa phrase sans se ridiculiser, aussi se pinça-t-elle l'arête du nez). Tu as passé cinq ans à prétendre que je n'existais pas alors que j'étais amie avec ton petit frère. Tu ne penses quand même pas que je vais te tomber dans les bras si facilement ?

– Un point pour Serdaigle, précisa Pansy en se tournant vers le garçon, les bras croisés.

C'était le meilleur moment de sa vie. La Serpentard avait, en exclusivité, la possibilité de découvrir une nouvelle facette de Tom. Lui qui n'avait eu qu'une seule relation – et encore, le bruit courrait que rien n'avait été véritablement officiel – voilà qu'il approchait nul autre que Zoey Walker et jetait son dévolu sur la meilleure amie de son frère. Encore plus excitant que la rubrique « au secours, ma baguette a encore fait des siennes » de la Gazette du Sorcier.

– Est-ce que tu accepterais au moins de m'accompagner à Pré-au-Lard, samedi prochain ? s'enquit Tom. Ils ont reçu à la librairie une collection de grimoire sur les origines des premiers villages sorciers.

Zoey se mordit la lèvre. Cet imbécile l'avait cernée. La simple mention de ses livres qui l'attendaient sur les étagères d'une librairie suffisait à émoustiller son esprit. Bien sûr qu'elle accepterait ce genre de proposition de débauche culturel. Cela fait partie de son plan, soupira-t-elle.

– Oui, ça, c'est d'accord.

– Tu vois, Walker, ce n'était pas si compliqué.

– Ouvre-la encore et je reviens sur ma décision.

– Un rencard, réalisa Pansy. Tom Riddle a un rencard avec Zoey Walker.

Le sourire de l'intéressé dévasta le peu de doutes qu'avait encore Pansy à l'égard de cet échange irréel. Zoey secoua la tête, ne sachant si elle devait être triste ou amusée. Elle avait envie que Tom s'en aille, maintenant qu'il avait réussi à semer la graine de la discorde dans l'esprit de son amie – et dans l'ensemble de l'école.

Il se pencha toutefois vers elle. Juste assez pour que son odeur l'enveloppe et que son souffle lui chatouille le visage. Suffisamment loin pour que l'étudiante n'est pas la sensation qu'on s'introduise dans son espace vital.

– Nous scellerons notre accorde à ce moment-là, Walker, lâcha-t-il, comme une menace.

Elle ne releva pas et Tom, considérant qu'il avait fait le tour de la question, les salua d'un bref signe de tête et quitta la volière comme il y était entré : dans un coup de vent.

Pansy la laissa envoyer sa lettre sans rien ajouter. Elle était étrangement silencieuse, ce qui inquiétait grandement Zoey. La Serdaigle laissa toutefois son amie à ses réflexions, réglant avec le hibou sur lequel elle avait jeté son dévolu les questions inhérentes à son courrier. L'oiseau prit son envol et les deux étudiantes rebroussèrent le chemin jusqu'au château.

– Je suis sans voix, lâcha brusquement Pansy alors qu'elles remontaient l'allée de terre vers les grandes routes pavées du parc.

– J'avais remarqué.

Pansy lui coula un regard consterné et un sourire amusé étira les lèvres de Zoey. Tout le monde ne goutait pas à son humour raffiné.

– Qui aurait cru que Tom en pincerait pour toi ?

– C'est si difficile que ça de penser qu'on puisse s'intéresser à moi ? se vexa la Serdaigle.

– Non, Zoo. Bien sûr que non ! Si j'étais Lorenzo ou Mattheo, je t'aurais séduite depuis longtemps. Tu es la femme parfaite.

– Trop de compliments. Je vais rougir. Arrête.

Non, son humour n'était pas raffiné. Il était bien plus que ça. Cynique. Narquois. Délicieux. Exquis. Et la liste était encore longue.

– Tom, par contre...

Zoey considéra la question, que Pansy, à n'en pas douter, laissait volontairement en suspens.

– Il n'est pas mal, pour son genre, avoua la Serdaigle en ayant l'air la plus détachée possible.

– Pas mal ? Tom est carrément canon, comme mec.

– Oui, si tu veux.

Il aurait même pu être charmant s'il n'avait pas toujours cet air mesquin sur les lèvres et ce regard froid...

– Tu vas sortir avec lui, alors ? s'enquit Pansy alors qu'elle venait de passer les lourdes portes du château.

La question semblait sincère, dépassant la simple curiosité maladive dont était éprise la Serpentard en temps normal. Pour la forme, Zoey haussa les épaules.

– Peut-être que ça m'aidera à passer à autre chose.

C'était un demi-mensonge. Il y avait un fond de vérité : Zoey aiderait Tom à... elle n'avait vraiment saisi ce qu'il tirait de cette situation, cependant, elle serait gagnante quoiqu'il arrive. Aux côtés du garçon, McLaggen finirait forcément par abandonner et la laisser tranquille.

– Il sait pour...

La Serdaigle secoua la tête. Tom devait se douter qu'il se passait... qu'il s'était passé quelque chose. Et elle comptait bien s'engager dans cette histoire de faux couple sans jamais révéler au préfet la raison pour laquelle elle s'était effondrée dans la Tour d'Astronomie.

– Je n'arrive pas à en parler, pour le moment, soupira Zoey, défaitiste. Et j'aimerais ne pas y penser chaque jour que Merlin fait.

– J'aimerais te promettre que ça va aller, grogna Pansy, sur le même ton. Mais, pour être honnête, je sais que ça ne veut rien dire, surtout pour toi.

Elles s'arrêtèrent sur le seuil de la Grande Salle. Leurs regards se croisèrent et elles échangèrent un sourire las. Pansy fit alors quelque chose qu'elle n'avait pas pour habitude de faire. Dans un élan d'amour, elle tira Zoey dans ses bras et la serra contre elle, s'accrochant à la jeune femme comme on s'agrippe à une rampe quand on craint de tomber.

– Tu n'est plus seule, Zoo. Peut-être que cet été, tu l'étais. Plus maintenant. Quand tu seras prête... si tu souhaites l'être... tu nous ouvriras le portail de ton jardin secret et tu nous y feras une place. Alors on avisera.

Des larmes. Ce fut la seule réponse que Pansy obtint. Des larmes et une étreinte timide, maladroite. Le besoin de sentir un peu de chaleur humaine, de recevoir cette affection, de l'imprimer sur sa peau, dans son être, au plus profond de son esprit.

Non, Zoey n'était plus seule. Elle le savait.

Comment, alors, s'empêcher de penser qu'on lui tournerait le dos, quand elle révèlerait toute la vérité ?


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